Sept ans depuis le dernier album de Loading Data, ça peut paraître long. Trop peut-être même ? Toujours est-il que ce n’est pas sous cette étiquette que Loïk, le tenace et intègre leader du plus ricain des groupes français, sort sa nouvelle production. Ne soyons pas dupes, les musiciens ont défilé au sein de Loading Data avec les années, autour du charismatique et fidèle frontman, si bien qu’on n’aurait pas vu grande différence si le disque nous avait été présenté en tant que Loading Data. La maturité aidant, le temps est peut-être venu aussi d’assumer pour Lo le rôle de moteur exclusif de la formation ? Aucun malaise là-dedans, le guitariste-vocaliste a toujours été à l’origine de toute la musique du groupe. Et puis avec un blase comme “Patrón” pour son projet, il ne faut pas longtemps pour comprendre qui tient la barre…
Pour entériner cette “continuité” avec sa formation précédente, Lo s’est encore attaché les services de l’esthète du son Alain Johannes (déjà producteur du dernier Loading Data) pour enregistrer son disque, mis en boîte il y a… presque quatre ans ! Notre parisien a pris sa guitare et son pote Aurélien Barbolosi dans ses bagages direction Los Angeles, et a appelé quelques musiciens locaux jamais éloignés de la sphère “Josh Homme” (Nick Oliveri, Joy Castillo, Barrett Martin, Alain Johannes ici à la basse…) pour lui prêter main forte… Mais faites fi du name dropping (qui remplira bien son office pour aider à remplir les chroniques du disque par bon nombre de nos confrères), car si comme nous vous avez religieusement suivi l’évolution de Loading Data (et même depuis Four Track Junction) depuis une bonne vingtaine d’années, la filiation musicale ne fera aucun doute : même si, via ce prestigieux casting, Lo donne à son album les moyens de ses ambitions, et un certain vernis sonore incontestable, c’est SA musique.
De quoi parle-t-on d’ailleurs, musicalement ? Rien en tout cas qui ne choquera celles et ceux qui aiment Loading Data, on retrouve immédiatement ce style familier mêlant robot-rock / desert-rock et chant crooner ultra grave. Cette tessiture vocale entre le baryton et la basse est la marque de fabrique de Lo et de ses projets – qu’on aime ou pas, on n’entend pas ça tous les jours ! Concernant la partie musicale/instrumentale, là aussi, on retrouve les échos auxquels on est habitués, ces sonorités tellement proches du QOTSA des années 2000-2005. Il faut se faire une raison toutefois : plutôt que de crier au manque d’inspiration, voire au plagiat, prenons conscience que le faisceau d’influence de Lo est manifestement très proche de celui de Josh Homme, et surtout, reconnaissons la ténacité et l’intégrité musicale du frontman, qui a toujours évolué dans cette tendance musicale depuis une vingtaine d’années, sans jamais retourner sa veste ni jouer d’opportunisme. Il y a quelques moments plus pertinents que d’autres concernant ce travail de mise en son en particulier (les choeurs en fond sur la fin de “Seventeen” pourraient avoir été piochés dans Lullabies to Paralyze, de même que les arrangements de guitare de l’intégralité de “Hold me Tight”…) mais globalement tout est bien approprié.
L’essentielle qualité de l’album se trouve dans ses compositions : onze titres à l’écriture soignée, bien enjolivés en studio, pour autant de mélodies accrocheuses. Reconnaissons à Lo un véritable talent d’écriture, une capacité remarquable à imbriquer et entremêler ses mélodies vocales entêtantes à des riffs et licks de guitare super catchy. Autre facteur différenciant de sa musique, le groove n’est jamais loin (“Who do you dance for”, “Very bad Boy”, “Around my Neck”…). Par dessus, se greffent une multitude d’arrangements et de choix instrumentaux atypiques, parfaitement adaptés à chaque chanson (difficile d’y distinguer la vision initiale du chanteur-guitariste de l’apport réel de Johannes à la production), qui rendent l’écoute du disque addictive et jamais ennuyeuse : qu’il s’agisse d’une production a minima (la mise en son basique de “Seventeen” ou “The Maker”) ou d’arrangements plus pompeux (le final de chansons comme “Room with a View” avec ses superpositions de guitares ou plus encore de “Jump in the Fire” avec ses choeurs et ses couches instrumentales qui l’emmènent sur les plate bandes du Faith No More de “Just a Man”), on se retrouve avec une galette variée, riche de sons et de mélodies. Le point culminant est atteint avec le remarquable “How to Land”, qui propose une sorte de best of de l’album condensé sur un titre, avec une particularité : un refrain où le chant de Lo, moins grave, gagne de manière significative en puissance et en efficacité… Un enseignement pour l’avenir ?
Cet album, vous l’aurez compris, plaira en premier lieu à celles et ceux qui revendiquent leur amour pour les ramifications les plus mélodiques du desert rock référentiel, celui incarné par le QOTSA du début du siècle, Masters of Reality, les earthlings?, etc… Assumant pleinement un vaste faisceau d’influences (en gros : une cinquantaine d’années de rock californien), Lo les agglomère dans son projet solo, proposant un disque bien écrit et bien produit, atypique et charmeur. Forcément, il ne conviendra pas aux amoureux exclusifs de doom ténébreux et de sludge crasseux, donc à réserver à un public d’amateurs avertis.
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