Le trio de Denver nous revient avec leur troisième album, fidèles à leur maison Relapse. Caustic avait (im)posé les bases musicales de la troupe de Ethan Lee McCarthy, proposant une telle violence dans le sordide musical, qu’on avait du mal à imaginer sa suite. Ils nous reviennent donc avec ce Immersion très bien nommé, et autant le dire maintenant : musicalement, la révolution n’a pas lieu. En tous les cas, les lois de la physique ne s’appliquent manifestement pas à la musique du trio : l’album est court (35 min – moins de la moitié de son prédécesseur Caustic) mais il est lourd comme un char d’assaut. Pas sûr qu’on aurait pu en digérer plus toutefois, la galette est bien assez dense et riche, et son écoute est déjà bien éprouvante de bout en bout.
Musicalement, le lourd combo développe toujours un sludge lent et lourd, froid et glauque à la fois, avec des gros penchants doom très lents, aux portes du funeral doom – la dimension “occulte” en moins. On retrouve la marque de fabrique des américains, avec une instrumentation massive, étouffante, avec notamment une prépondérance des lignes vocales… mais une rareté de paroles ! Des paroles, ou plutôt des mots et bouts de phrases scandés et growlés, quasiment inintelligibles, où Mc Carthy développe des thèmes plutôt primesautiers (fatalisme, désillusion, spirale négative, dépression, oppression de la société de consommation, etc…). Les vocaux sont un véritable 4ème instrument pour étoffer le spectre sonore étouffant de Primitive Man. Sur des titres comme “Consumption”, Mc Carthy s’emballe parfois derrière son micro sur des embardées moins contrôlées qui le rapprochent du death metal dont le groupe se revendique parfois, même si ce lien n’est pas évident au global. Nos gaillards occupent tout le spectre sonore avec finalement un minimalisme d’instruments, mais avec toujours l’objectif de ne pas laisser le champs à la distraction : impossible d’écouter Immersion en fond sonore, sans s’y dédier totalement. Enfin dans tous les cas, on ne peut pas dire que l’ambiance musicale soit distrayante et se prête à un environnement sonore sympathique et léger…
Niveau compos, là aussi le groupe se concentre sur l’essentiel de ce qu’il sait faire, avec un petit échantillon réduit à l’essentiel : cinq morceaux (plus un court instru) qui déroulent et prennent leur place… et leur temps ! Paradoxalement pour un album aussi court, le groupe ne densifie pas ses titres et ses structures, et prend quand même le temps d’installer des ambiances, de faire tourner des séquences bruitistes sur plusieurs minutes. Bref, ils font ce qu’ils ont à faire, sans contrainte. On retiendra en particulier “The Lifer” en intro, et son riff lentissime et lancinant, qui déroule sur presque 8min, ne construisant ses variations que sur les modulations vocales du massif vocaliste, de discrets leads de guitare dissonants lointains, ou des subtils changements dans la frappe de mule de Joe Linden. Ce dernier apporte tout du long sa touche de relief à l’album, évoluant entre des frappes rares et maîtrisées et des salves de blast beats dévastateurs, comme sur l’excellent “Menacing”.
Faire la synthèse de ce véritable déferlement sensoriel n’est donc pas tâche aisée, et il s’avère un peu vain de le comparer à Caustic par exemple. Immersion est un très bon cru de Primitive Man, même s’il n’est pas parfait (on sent le trio se frotter un peu aux limite de leur démarche musicale, comme sur “Foul” par exemple, dont les 7 minutes s’avèrent un peu trop répétitives). Mais ça ne les empêche pas de lâcher une nouvelle belle série de déflagrations, et, en terme d’efficacité, de proposer encore une belle démonstration, encore plus mature. Du fort bel ouvrage. A déconseiller aux dépressifs.
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