L’initiative remarquable qui a présidé à la naissance de ce disque se doit d’être saluée comme elle le mérite : elle vise à mettre la lumière sur la qualité remarquable de cette bouillonnante (mais encore trop discrète) scène stoner française. Il serait contre-productif en revanche de l’adouber de “référentielle” (ce qu’elle ne prétend pas être dans tous les cas) ou même de parfaite. Son écoute réserve des moments de plaisir, de surprises, mais aussi ici ou là de déception, ne nous le cachons pas.
Difficile d’aborder le cas de la compilation “catalogue” sans procéder à un “track by track”. Passage obligé en quelque sorte, dont acte.
Le premier titre déboîte pas mal, l’oeuvre de Dispenser The Dispenser. Si c’est de stoner qu’il s’agit, il faut le rapprocher des tendances les plus metal issues notamment de la scène scandinave. Mais en version très metal, pour un morceau droit à l’essentiel, un peu répétitif néanmoins.
Kubota prend la suite avec un morceau de bonne tenue, du gros stoner bien fichu, signe d’une maturité que le groupe, on espère, saura mettre à profit d’un album complet.
Difficile de dire quoi que ce soit sur le titre anecdotique et peu représentatif de The Enterprise : 1min30 d’un titre lancinant et répétitif, peu aidé par un mixage assez approximatif. Le groupe ne se met pas en valeur ainsi de la meilleure des manières.
Le niveau remonte bien avec Los Disidentes Del Sucio Motel, même si le morceau retenu, issu de leur dernier album, n’est pas leur plus intéressant dans un contexte de “vitrine” (même s’il est l’un de leur plus audacieux).
Mudweiser garde la barre bien haut, avec un titre de stoner aux relents sludge, accrocheur et bien exécuté. L’une des bonnes surprises de cette compile.
Le titre de Rescue Rangers qui prend la suite est bien foutu et fonctionne bien. Le chant clair associé aux guitares ultra saturées donne toutefois un sentiment mitigé, mais donne envie d’en entendre plus ; objectif atteint, donc.
Loading Data déboule ensuite avec un morceau sympa, qui, niveau son, paraît provenir directement de l’infuence de QOTSA il y a 10 ans, passé à la moulinette de Masters Of Reality. On a vu pires références, mais le morceau laisse sur sa faim. Je le dis avec une telle franchise que je suis par ailleurs un grand amateur des productions du groupe. Encore une fois, le côté “promo” de la compile ne jouera peut-être pas à plein avec ce choix.
Stony Broke enchaîne avec un titre qui a du mal à trouver sa place sur ce disque, avec un morceau de gros hard rock rapide qui n’a pas grand chose de représentatif de stoner. Soit le choix du morceau n’est pas le meilleur, soit le groupe est un peu décalé ici.
Même commentaire pour Café Flesh, qui propose une sorte de noise screamo-bidule qui apparaît totalement déplacé ici.
ÖfÖ Am, qui est un peu le grand ordonnateur de cette compile, se réserve une bonne place avec un titre sympa sous directe influence Karma To Burn (pas uniquement pour le format trio instrumental) même si, à l’image de leur mini album de l’an dernier, ils s’appliquent plus à “tourner autour” d’un riff principal, avec des compos moins alambiquées que leurs homologues ricains.
Granit 665, avec son gros metal très lent, a lui aussi du mal à rentrer le canevas “stoner” du disque, on a du mal à trouver la logique de leur sélection ici.
Le titre d’Alcohsonic ensuite déçoit un peu au regard de son potentiel : le groupe propose ici l’un des titres les plus audacieux de la compil, un mid-tempo remarquablement produit (de très bienvenues incursions de slide et d’harmonica), malheureusement aux relents southern rock / hard rock FM “tendance cow boy” assez peu excitants, et au chant que ne renierait pas un Whit Crane. Le groupe est à mon goût meilleur dans un registre plus “direct”, quand il fait sérieusement parler la poudre et sent bon le sable chaud. Ici, ses tendances stoner sont totalement transparentes ; le quidam moyen se demandera alors, à l’image d’autres groupes ici présents, ce que peut bien faire le groupe sur cette compil.
Contrairement à ce que dit le track listing, c’est les Junkyard Birds qui occupent la plage 13 de la compile, qui par la même revient à un propos plus teinté stoner. Pas mal du tout, même si le morceau retenu est un peu trop court. Un titre à l’esprit punk, mais à la basse ronde et bondissante et au son de gratte gras comme on l’aime.
Superbeatnik propose ensuite un morceau de gros rock crasseux aux “subtiles” (terme mal choisi pour un morceau aussi “brut de décoffrage”) tendances stoner. Sympa et donne envie d’en entendre plus.
Le morceau suivant est si atypique qu’on se demande si le label ne se serait pas trompé au moment du mastering en incluant par erreur un titre destiné à une compil d’extrême metal quelconque : le titre proposé pour Dismo, un morceau de thrash technique aux vocaux hurlés, est complètement à côté de la plaque. Profond problème de casting.
Deuxième trio instrumental de l’album, Voxson propose lui aussi un titre très intéressant, mais porté par une production à deux francs cinquante : manifestement enregistré dans le vestiaire d’une équipe de foot amateur, leur titre qui se repose sur un bon riff de base (une constante chez eux) mériterait un meilleur écrin. Mais encore une fois, objectif atteint : ça donne envie d’en entendre plus !Idem pour le dernier titre, de Mars Red Sky, un titre de stoner doom enlevé, très bien troussé. Très bon niveau, un groupe à suivre de près.
Les trois derniers titres sont des morceaux connus, issus des derniers albums de Karma To Burn, Year Long Disaster et d’un titre du groupe de Will Mecum, Treasure Cat.
Le moment du bilan approche donc, un bilan que l’on aimerait totalement enthousiaste, et qui l’est néanmoins majoritairement, car le positif l’emporte sur les petits défauts de ce disque.- Points négatifs : le choix de certains groupes est très contestable dans certains cas (et ne permettent pas de retrouver des groupes qui auraient eu bien plus leur place sur cette compile : au hasard, des groupes comme 7 Weeks, Zoe, Bud Spencer’s Clout, Hangman’s Chair, mais surtout Glowsun ou Bukowski), la production et le mastering ne sont pas de niveau professionnel (son approximatif de certains morceaux, mini-coupure, transition hasardeuse…).- Points positifs : la compilation montre une poignée de groupes très intéressants, à suivre de près dans les prochains mois. Pour un prix très modique, c’est donc un disque à acquérir sans hésitation, d’autant plus que son magnifique design est l’oeuvre de Johan Jaccob.Dans tous les cas, seuls les imbéciles attendaient un album parfait. En l’état, l’initiative est à soutenir sans réserve, elle le mérite.
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