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Sheavy – The Best of Sheavy – A Misleading Collection

Avec la régularité d’un métronome un peu fatigué (mais volontariste et fondamentalement optimiste), et en tous les cas avec la motivation inaltérable qui les maintient depuis plus de vingt ans maintenant, les canadiens de Sheavy ont trouvé logique de sortir un “best of” ; enfin la compilation tant attendue de leurs meilleurs titres. Sauf que non. Ces abrutis ont en fait produit la private joke la plus anti-commerciale jamais créée dans le music business, à savoir : faire un nouvel album, avec des compos toutes neuves et tout le tintouin, mais faire croire qu’il s’agit d’un “best of” ! Rendus à un stade de leur carrière où la plus grosse part de leur succès vient uniquement de leur fidèle fanbase, qui détient tous leurs albums, on comprend très vite l’absurdité de la démarche : votre serviteur par exemple a attendu plusieurs mois avant de se procurer la galette, ne voyant pas pourquoi acheter un disque contenant des titres qu’il avait déjà… Quelle bande d’imbéciles, ces canadiens. Surtout qu’il est bon, ce disque ! Et vous savez quoi, on va même devoir zapper l’exercice traditionnel des bons et mauvais titres car… il n’y a pas de titres de chansons ! Il y a bien dix pistes sur le CD, mais elles n’ont ni titre, ni crédit, rien…

Partagé entre frustration et excitation, on se plonge donc dans ce disque, un maelstrom Sheavy-esque somme toute assez prévisible… mais un bon cru (encore). Ca commence par une intro très très très metal (superbe montée en harmonie, très old school), puis avec un très très très gros riff qui donne le ton. Evan Chalker à la gratte sur cette galette abat un boulot de pur bûcheron canadien et ne semble pondre que de très gros riffs. Oui, les riffs tombent à la pelle sur cette galette, qu’ils soient finement hachés ou bien massifs et heavy comme de gros rondins, le résultat est le même : roboratif. Et les soli ne sont pas en reste (je ne peux pas résister à citer celui de la plage 6, sobre et efficace…). La production DIY ne dessert pas le combo, qui s’en sort bien niveau sonore (allez, on vous l’accorde, ces claviers space rock “Hawkwind des temps modernes” sur la plage 4 sont quand même un peu too much…). Niveau compos même si les passages presque prog n’ont pas disparu, on retrouve une version de Sheavy particulièrement incisive et robuste : carrés, efficaces, heavy… la plupart des titres sont plutôt péchus, même si on peut trouver ici ou là quelques mid-tempo bien sentis (la piste 7 et son riff rampant limite doom, la très accrocheuse piste 10, ou l’intro presque pop de la plage 8… qui mène à un titre bien plus percutant et diversifié). L’inspiration ne les a heureusement pas quittés, clairement.

Au final, on leur pardonne aisément leur humour déplorable : ce faux “best of” porte en son sein toute l’ambiguïté de ce groupe, entre humour potache, naïveté confondante et je-m’en-foutisme vicéral. Passé le premier degré, le second degré de la situation n’est pas inintéressant : ce disque n’est pas le meilleur de Sheavy, mais s’en rapproche pourtant pas mal. Mais qui aura ce niveau de lecture ? Personne a priori, et c’est pour cette raison que le groupe a décidé de s’en foutre, et de faire, en gros, ce qu’il veut. Bref, Sheavy n’est pas là pour enfiler des perles, même si au final il en produit quelques fort beaux spécimens. Allez comprendre.

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