Le trio breton nous avait bien bluffé avec son superbe Into the fog… and the filthy air. Un album riche, ambitieux sans être prétentieux, mais qui ouvrait de nouveaux horizons au groupe. Perspectives confirmées sur les trop rares dates live effectuées par le combo, dont un concert au Hellfest qui aura confirmé tout le bien que l’on pensait d’eux. A son rythme, à sa manière aussi, les Stonebirds nous reviennent en 2017, discrètement, modestement, mais avec sous le bras une nouvelle rondelle qui nous fait déjà saliver et que l’on s’empresse d’écouter…
… et d’écouter, et d’écouter encore. On pourrait déjà sauter à la conclusion du disque et mettre en avant ce facteur : dire que Time est un album riche est un profond euphémisme. Time est vaste, complexe, l’album recèle son lot de nouveautés à chaque nouvelle écoute. Time est si copieux qu’il donne le vertige. Après des dizaines d’écoutes, l’œuvre apparaît toujours hors de prise, impossible à cerner complètement. Il faut dire que consciemment ou pas, le groupe a changé son fusil d’épaule dans son travail de composition. Là où Into the Fog… proposait cinq grosses pièces massives et évolutives, Time se compose de pas moins de huit titres, plus dynamique et “instable” dans leur structure, comme autant de pièces musicales protéiformes et roboratives (dont plusieurs au dessus de huit minutes). Autant prévenir tout de suite : les amateurs du combo “couplet-refrain-couplet-refrain-break-couplet-refrain” vont être à la peine ici. Tous les repères traditionnels volent en éclat, les séquences musicales s’enchaînent au sein de la même chanson, s’affranchissant de tout bon sens commun – voir par exemple le très beau “Blackened Sky”, littéralement tronçonné en deux morceaux différents, ou encore “Sacrifice”, dix minutes au garrot, et à peu près huit grosses séquences instrumentales consécutives, dont de gros breaks, avec des rythmes différents, des vocaux différents, des sons différents… Et le tout ne retombe jamais vraiment sur ses pieds, reste en équilibre instable tout du long, le trio développe un triumvirat vertueux : Efficacité, musicalité et atmosphère avant tout. Plus difficile à digérer, moins immédiat, mais symptôme d’une vraie richesse musicale, à l’image des entêtants “Shutter part II” ou “Only Time”.
Musicalement, d’ailleurs, l’évolution intrinsèque de Stonebirds ne saute pas aux oreilles en première approche : le groupe pousse encore plus loin l’axe expérimental de sa musique (dans la recherche du son, des ambiances surtout) mais globalement, on y retrouve nos petits. Si ce n’est une aisance plus marquante, la plupart du spectre sonore de Into the Fog… se retrouve dans Time, enregistré dans les mêmes conditions que son prédécesseur. Même si le groupe ne se revendique d’aucune influence franche et directe, on entend du Pelican sur ce disque (les plans grandiloquents, le travail rthmique), du Yob (les attaques de guitare crescendo…), du Dredg toujours (début de carrière avant les années 2000), mais aussi de manière plus distante des plans quasi Tool-iens… Mais au final le groupe ne propose rien moins que du Stonebirds, désormais reconnaissable en tant que tel. Il faut dire que l’interprétation impeccable du trio en impose. C’est le cas en particulier de la part de Fañch , l’élément le plus “visible” du combo : apportant un éventail notable d’options vocales supplémentaires (du chant clair au growl pur en passant par les plans gueulards, tout y passe), le gaillard frontman se fend surtout de murs de grattes massifs et de sons variés. A noter par ailleurs qu’au vu du gabarit structurel des morceaux, même si elle est moins “in your face”, la rythmique Sylvain / Antoine ne chôme pas et fait plus que le taf.
Stonebirds a clairement trouvé sa voie : il n’enfonce pas Into the Fog… mais en propose la suite logique, plus mature, plus profonde, plus audacieuse, plus riche. De fait, vous l’aurez compris, le groupe s’éloigne du stoner de ses débuts. Mais sa proposition musicale constitue une alternative intéressante. A réserver aux esthètes les plus audacieux, Time nous présente un groupe démontrant qu’il a trouvé sa voie, sans jamais s’engoncer dans un style musical unique. Une belle pièce.
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