Il y a quelque chose d’anormal, voire d’injuste dans le manque de couverture dont bénéficie The Machine. On devrait tous s’en sentir un peu coupables, tant ce groupe, album après album, prestation scénique impeccable après prestation scénique remarquable, enchaîne les réussites, tout en restant sous les radars. Cette séquence de profond dépit est le fruit direct de l’écoute prolongée de ce disque, encore un excellent LP à rattacher à leur déjà intéressante discographie. Détachés de Elektrohash Records depuis leur album précédent (après avoir y passé quelques années un peu dans l’ombre de Colour Haze), Wave Cannon est hébergé chez Majestic Mountain records, un label suédois discret et peu productif, mais nous ayant souvent démontré un goût certain dans la sélection de son roster.
Si vous n’avez jamais eu la chance de faire la connaissance de The Machine, sur scène ou sur disque, Wave Cannon représente une excellente synthèse de leur carrière jusqu’ici : ayant déja exploré sur leurs diverses productions plusieurs nuances musicales plus ou moins prononcées, le trio en retranscrit ici un parfait amalgame, un équilibre réussi où chaque ingrédient occupe la juste place, et produit le juste effet. Stoner, heavy rock, cold wave, psyche, kraut, space rock… les étiquettes défilent, virevoltent, sans que jamais l’on ne lève un sourcil réprobateur ni dubitatif. Le travail mélodique est toutefois prépondérant, et à ce titre, on pourra envisager la musique du trio comme une sorte de grunge psych rock (!!), à l’image de ce “Glider” au riff de bucheron gentiment fuzzé, chant discret, pour un mid-tempo qui hante longtemps les cages à miel. Ce qui n’empêche pas l’audace, avec des titres comme “Wave Cannon”, qui convoque à la fois les mélodies pop-rock et les relents cold wave, posés sur un lit de saturation et de rythmiques quasi-kraut.
Désormais seul membre originel du groupe, David Eering ne fait pas que mener la barque, il éclabousse littéralement chaque titre de son talent de guitariste (riffs remarquables, soli étourdissants…) et de son inspiration / talent de compositeur. Même ses lignes de chant, discrètes (et même parfois “gommées” par des choix de production), viennent sporadiquement apporter un peu de variété et de relief à des titres par ailleurs sinon largement instrumentaux. A l’image des prestations live du groupe, la musique repose sur une construction à trois, mais inexorablement Eering prend les choses en main à coups d’envolées guitaristiques surgies de nulle part, pour amener chaque titre dans des sphères lointaines. Ecoutez par exemple “Genau or Never”, où le guitariste prend place discrètement sur une rythmique basse-batterie rondouillarde, d’abord avec quelques discrètes harmonies, l’installation d’un riff, quelques leads space rock un peu lointaines, pour progressivement mettre en place un véritable déferlement sonique à grands renforts de pédales d’effets. Mais ne laissons pas passer l’impression d’un one-man band : une écoute de ce prodigieux “Return to Sphere (Kneiter II)”, brillant brulot psych-prog jammesque vertigineux de plus de 10 minutes, joué le pied enfoncé sur l’accélérateur (évoquant parfois certaines belles pièces de Earthless), devrait suffire à confirmer la pertinence de ce line-up et l’osmose musicale qui le caractérise – chacun y connaît sa place, sa force, et sert le morceau au plus juste.
Wave Cannon vous l’aurez compris est non seulement l’un des meilleurs (le meilleur selon votre serviteur) disque de The Machine, mais il constitue surtout un excellent point d’entrée pour le découvrir si vous êtes dans cette situation. Maintenant faudrait voir à pas rater le coche encore une fois…
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