La discographie de Thou s’apparente à un véritable chaos. Alors qu’on les attendait au tournant, la bave aux lèvres, depuis le redoutable Heathen, ils débarquent en 2018 avec… une fournée de EP disparates (compos, reprises, expérimentations, réinterprétations…) censés paver le chemin vers ce nouveau long format, Magus. Plutôt que de nous y préparer, ces EP ont tout fait pour nous perdre en route ! Ou plutôt, de manière plus réaliste, ils ont eu la vertu de nous rappeler que Thou n’est ni prévisible, ni conformiste. Le trouble étant semé, on ne savait pas trop à quoi s’attendre quand enfin Magus a débarqué.
Le sextette louisianais met très, très vite les pendules à l’heure en plaçant le colossal “Inward” en ouverture des hostilités. Ce morceau-fleuve suintant de plus de dix minutes vient illustrer tout ce qui fait Thou : une base musicale riche, des compos audacieuses, et un chant puissant – Bryan Funck growle avec une efficacité toujours aussi bluffante. Musicalement, les riffs s’enchaînent, les breaks défilent, structurant des plans aux rythmiques variées, lourdes comme des charpentes de plomb ou plus aériennes. Le final du titre, parfaitement arrangé, bien loin du sludge “traditionnel”, nous rappelle que l’on n’a pas affaire à n’importe quel groupe. C’est le cas un peu plus loin du superbe “The Changeling Prince”, petit bijou de torpeur doom sludgy dont la base instrumentale peut même rappeler les heures les plus mélodiques de groupes comme Yob. Dans certains cas, le manque de mélodicité du growl peut en revanche un peu desservir certains morceaux, à l’image de “In the Kingdom of Meaning”, où le refrain très peu modulé par Funck vient un peu aplatir un riff très bien construit (il est d’ailleurs accompagné sur ce titre par leur vocaliste-amie Emily McWilliams, qui joue parfaitement son rôle de “contre-point”). Mais plus globalement, reconnaissons au chanteur de sortir comme souvent MVP de la production du groupe, son trait le plus caractéristique et l’un de ses plus gros vecteurs de puissance.
Comme il nous y avait préparé avec Heathen, Magus est long. Riche, dense, massif et… long. Plus de 75 minutes, c’est colossal de nos jours – mais est-il utile de rappeler que Thou est dans le conformisme de la production vinylique comme un pitbull dans un jeu de quilles ? Tout comme Heathen (encore !), le combo larde son album de quelques petits intermèdes de quelques minutes, des pastilles sans beaucoup plus d’intérêt que celui d’aider à digérer ces monceaux d’immondices évoluant plus souvent autour des 10 minutes par têtes de pipes. L’album est donc difficile à avaler d’une traite, et à écouter en boucle. Il faut longtemps pour l’assimiler, mais l’effort est largement récompensé au final.
Décidément, les comparaisons avec son prédécesseur sont nombreuses. La question qui mord les lèvres est donc de savoir si Magus est encore meilleur que Heathen ? Probablement pas. Il est tout aussi intéressant en revanche, mais il n’amène pas le groupe à un autre niveau. Ses compos plus étayées et riches, sa prod colossale et ses arrangements superbes emmènent Thou sur des séquences très intéressantes, ce qui devrait suffire à convaincre les amateurs du groupe louisiannais de se pencher dessus, ainsi qu’un public plus large désormais. Est-ce que Magus sera l’album de l’explosion pour Thou ? Les mois suivants nous auront montré que la réponse est plus nuancée, le groupe n’ayant pas encore pu exploser auprès d’un public bien plus large. Probablement l’étape suivante.
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