Thrones – Day Late, Dollar Short


Thrones - Day Late, Dollar Short

Vicieux, cet album l’est autant que son géniteur, Joe Preston. Que dire du dernier effort « solo » (sauf quand c’est spécifié, l’animal est le seul maître à bord, et il joue de tous les instruments), si ce n’est qu’il est insidieux, malsain, tordu… Voilà, comme Preston, en fait. Ze Preston, celui de High On Fire, Sunno))), les Melvins. Un mec qui s’y connaît en chanson d’enfant et en flute de pan. Tiens, d’ailleurs c’est son pote O’Malley de Sunno))) qui a assuré le design du livret, simple mais original.

En tous les cas cet album n’est certainement pas à mettre entre toutes les esgourdes ! Par exemple, très rapidement on tombe sur un morceau comme »Algol », une contine-rengaine accompagnée de chants d’enfants qui vire aux lamentations quasi animales, en même temps que la guitare acoustique se fond dans une bouillie de clavecin, qui lui-même s’apaisera au profit de quelques vagues de gratte hyper saturée, pesante, le tout à deux à l’heure, of course « Silvery Colorado » un peu plus tard nous propose une chanson « traditionnelle » (je miserai pas 10 kopecs là-dessus quand même, vu comme Preston est farceur) violemment dissonante, à la mélodie rébarbative, maladivement lancinante, qui, doublée du chant avec résonance à fond et bruit blanc, donne un ensemble littéralement glauque, maladif. Mais vraiment maladif ! Et puis l’air de rien, un blast beat plus loin, on tombe sur un « Coal Sack » limite death-doom, devenant totalement accrocheur sur sa seconde partie, presque épique dans sa montée en puissance, pour mieux retomber ensuite dans l’abyme doomesque d’où il était parti. Et puis même, au détour d’un « Young Savage », on tombe même sur une chanson construite comme… comme une chanson ! Si si !

Le reste ? On retrouve des morceaux de tous styles et de toutes époques (issus de sessions datant de 1996 à nos jours, inédits ou sortis sur d’obscures compils, singles) et puis aussi bon nombre de reprises, du Rush, du Blue Oyster Cult, du Who. Et un bon point à qui retrouve la structure des originaux ! Plus que de reprises, on dirait plutôt le fruit du « Baron Frankenstein du doom » : il dissèque des chansons qui ne lui appartiennent pas, et les remodèle à sa guise. Du coup, comme le monstre de Frankenstein, elles sont boîteuses ensuite, elles sont moches, pleines de cicatrices, et elles font peur. Ben voilà, c’est ça qu’il fait Preston, et pas seulement sur ses reprises. Il prend des trucs qu’on connaît (des nappes de synthé, des breaks de batterie, de la gratte), et il fabrique avec tout ça une musique qui fait peur. Quelque chose de solennel, une recherche (qui peut paraître stérile) de l’ultime, où chaque accord de gratte sur-saturée et hypra-grave trouve sa place comme le dernier soubresaut de vie insufflé dans une chanson qu’on croyait mourante, où chaque note devient un baroud d’honneur.

Et c’est comme ça tout du long. Dix-neuf plages. Des trucs tout à fait insondables, ça part dans tous les sens, et parfois c’est même bien foutu ! Et oui, le gars est quand même un vrai musicos. Du genre passionné. Et les moments où c’est pas « bien foutu », me demandez-vous ? Ben c’est étrange, barré, impossible à pénétrer. L’ensemble est vraiment disparate, mais l’impression qui s’en dégage est étrangement bonne. Parce qu’au final, c’est quand même le produit d’un mec connu pour son intégrité inébranlable. Et quand on y pense, même les morceaux les plus anti-conventionnels de l’album sont quand même très viscéraux. Ils vous touchent, en bien ou en mal, ils ne laissent pas indifférents. Et la musique, finalement, c’est quand même ça : trouver le bon son, la bonne note de musique, le bon arrangement qui va susciter une réaction, physique parfois, mentale la plupart du temps. Et ça, Preston le réussit admirablement : si on ne réfléchit pas, en écoutant cet album, on s’aperçoit qu’on en est « victime », qu’on se laisse emmener, bercer ou maltraiter.

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