Tiens, un nouveau groupe de stoner doom… Les plus avertis auront en réalité suivi les circonvolutions de ce projet étrange depuis quelques années, initié dans une démarche expérimentale et dénuée de toute ambition, en termes de carrière en tout cas. Derrière cette hydre à trois têtes (!) se cache surtout l’initiative d’un grand activiste de la scène rock underground protéiforme de Los Angeles, Collyn McCoy (ex-bassiste associé à la démarche solo de Ed Mundell, bassiste actuel de Unida, initiateur de nombreux projets, bassiste/contrebassiste renommé). Choisissant de s’emparer de la guitare (et du micro), il s’associe notamment à son amie Mariana Fiel, par ailleurs bassiste de High Priestess. Le résultat ? Probablement la rondelle de stoner doom la plus enthousiasmante depuis fort longtemps.
La démarche est complètement débridée, ne s’embarrasse pas d’une vision trop rigoriste et castratrice du carcan trop conventionnel de ce genre musical (les codes, le respect, la tradition, l’héritage…), tout en s’inscrivant dans un faisceau d’influence complètement assumé, rigoureusement appliqué. Dans une démarche tout à la fois premier et second degrés, le groupe reprend à son compte tous les marqueurs du genre, les exagère, les digère et les recrache sur vinyl : le nom de groupe (« le sorcier de la vape »…), les surnoms/alter ego des musiciens (le compte, la duchesse, le baron), les inserts sonores de bruits de bong (et autres samples d’incantations ou vocaux très… inspirants), les titres de chansons (« Satan’s Succubus », « Meth Slave », « Bongmaster General »…), le titre du disque (traduisible par « … et je fabriquerai mon bong à partir de son crâne »), etc… Tous les ingrédients sont là (et encore, ils vous ont épargné le glorieux artwork initialement prévu…).
Dès les premiers tours de piste de ce sinistre objet, le premier sentiment est celui qui devrait naturellement émaner de tous les bons disques de stoner doom : le dégoût, évidemment. Le son est honteusement sale, la prod est rudimentaire (on dirait une vilaine démo, et le mastering n’aide pas), le chant est glaireux, la guitare et la basse s’emmêlent la plupart du temps de manière indistincte dans les mêmes riffs baveux… Bref, du bonheur en rondelle. Ça joue lent, très lent, les titres sont longs et se traînent de manière indécente (cinq titres / 42 minutes, on est bien), ça fait tourner les riffs jusqu’à l’absurde…
Les riffs, puisqu’on en parle, ne sont pas en reste : le trio s’inscrivant bien dans l’école du stoner doom traditionnel (un riff = une chanson), il a soigné ce point, proposant de belles pièces à briser des nuques. Côté compos, donc, on est assez loin de l’indigence : même si parler de « soin » apporté à l’écriture peut apparaître un peu abscons (au vu de la teneur bien foutraque de l’objet), on ne peut s’empêcher de noter de véritables petits trésors d’écriture stoner doom, avec des riffs absolument dévastateurs, donc, mais aussi des plans plus audacieux, qui rendent l’ensemble jamais ennuyeux. On mentionnera aussi quelques artifices de production, comme l’incorporation de passages en chant clair (le refrain étrange de “Bongmaster General”), de plans de synthétiseurs complètement saugrenus (l’intro du morceau-titre, doublée par une sorte de kazoo électronique ridicule… qui s’intègre parfaitement !), etc…
Dans tous les cas, étayer plus avant la démonstration est vain : ce disque est fait pour les profonds amateurs de stoner doom, capables d’appréhender l’intégrité et le respect du style, mais qui savent aussi apprécier un état d’esprit plus léger, voire potache. L’humour se mêle en continu à ce stoner doom âpre et sordide, pour un mélange aussi inédit que délectable. Un bonheur pour amateurs éclairés, une horreur pour le grand public.
(Pour donner votre note,
cliquez sur le nombre de cactus voulus)
Laisser un commentaire