Incroyable histoire que celle de Zeal & Ardor, l’EP de 23 minutes passé d’anecdote sur bandcamp à sensation metal de 2016 par le truchement d’un emballement médiatique tout sauf banal. A l’ère de la musique dématérialisée, noyée dans la masse et les niches, Manuel Gagneux, touche-à-tout suisse exilé à New York (et revenu depuis), jusque là (re)connu pour son électro pop chiadée avec Birdmask, a décidé de mixer black metal et negro spiritual et de voir où tout cela le mène. En moins d’un an, celui qui a tout enregistré, et programmé des sons de batteries pour faire l’affaire, se retrouve père d’un projet unique et innovant. Il a depuis monté un (vrai) groupe, va faire le Roadburn, de nombreux autres festivals et une jolie tournée européenne autour. Sa musique servira même prochainement de bande son à une série TV traitant de l’esclavage.
Et dire que tout ça part d’un tweet de Kim Kelly, journaliste chez noisey. De là découlent des articles chez Rolling Stone, Noisey/Vice puis un focus sur Tracks, l’émission d’Arte. Success story. Il faut dire que les 23 minutes de Devil Is Fine frôlent la perfection. Partant du constat que le black metal partage avec les musiques d’esclaves noirs américains l’idée d’un christianisme subi, Gagneux mixe leurs caractéristiques sonores, le tout sur fond de cultures religieuses (diverses) revisitées dans un esprit entre explorations théologiques et interrogations du blasphème. Entre son triptyque « Sacrilegium » (Le premier modifiant un appel à la prière coranique, ce qui est un sacrilège, le second jouant sur le traitement des intervalles, considéré comme un sacrilège par l’église catholique au moyen âge et le troisième, ritournelle électro enfantine est un sacrilège sur… un album de metal) et les saillies black metal dans les chants de coton (« Devil is Fine », « In Ashes », « Children’s Summon »), Zeal & Ardor pousse plus loin encore l’idée des cross-over musicaux et présage de nombreuses mutations futures. Rajoutons à cela les deux grandes réussites de l’opus : l’indéfinissable « Come On Down » et le magistral « Blood In The River », deux pépites qui vont, indubitablement, dans leur traitement moderne et esthétisant du metal et leur mariage parfait avec des traditions sonores d’un autre temps, changer durablement l’avenir du metal extrême.
L’un des albums les plus importants de la décennie, simplement.
Point Vinyle :
Publié chez Reflections Records dans un premier temps, l’EP Devil Is Fine est pressé en 650 vinyles black, 150 transparent green et 150 white. Un label Mvka semble avoir été mis en place depuis par Gagneux lui même pour gérer la demande. Un Picture Disc a été produit et gageons que de nombreuses nouvelles éditions vont suivre.
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