HELLFEST 2018 – Jour 3 (Kadavar, Amenra, Baroness, Nebula, Zeal & Ardor,…) – 23/06/2018 – Clisson

« Les meilleures choses ont une fin »… « Jamais deux sans trois »… Difficile de trouver une proverbiale introduction adaptée au sentiment que l’on ressent invariablement chaque année, en foulant pour la troisième fois consécutive la verdoyante pelouse du Hellfest. Fatigue, excitation, nostalgie déjà, tout se mêle… Heureusement, on n’aura pas trop le temps de réfléchir et de nous apitoyer aujourd’hui : l’affiche du jour est encore riche en gros calibres sous la Valley ! Et certains pourront même faire quelques sprints pour aller capter quelques sets de fort bon cru du côté de la warzone… Bref, on est finalement remontés comme des coucous en ce milieu de matinée… Haut les coeurs !

 

 

DUST LOVERS

On commence la journée par les enfants du pays, enfin les enfants du même pays car les Dust Lovers (qu’on appelait encore The Texas Chainsaw Dust Lovers il y a quelques semaines) proviennent plus des environs de la Seine que des Côtes de l’Atlantique. Ces accoutumés des scènes hexagonales ne se priveront d’ailleurs pas de rappeler leur provenance et leur joie de jouer au Hellfest en adaptant – en français – les textes de leur premier titre, rallongé de quelques longueurs loin d’être inutiles pour attaquer ce dernier jour de festivités. Avec leurs dégaines qui ne dépareilleraient pas sur la pellicule de Tarantino et une attitude de rockers confirmés, les Français ont fait bien plus que représenter la scène francophone : ils ont balancé un set impeccable durant la demi-heure qui leur était accordée et se sont même tapé un beau délire avec leur saxophoniste qui, lui, dépareillait dans cette Valley où cet instrument est plutôt rare. La performance de ces représentants d’une scène français très active a placé la barre très haut car ces gars-là ne se sont pas déplacés pour faire de la figuration.

Set list : California Sur Marne/Camouflage/Car Crash/Martyr With A Plan/Summer Spleen/Born Bad

 

 

LUCIFER

Étrange placement pour les Suédois qui sortent au mois de juillet leur deuxième opus sobrement intitulé « II ». Ils sont coincés entre un groupe peu connu sur la scène internationale et des vielles gloires sur le retour qui mériteront toute notre attention. Déjà vu à Berlin quelques semaines auparavant, nettement plus haut sur l’affiche, Lucifer nous propose aujourd’hui un concert réduit à 30 minutes et fera donc une sélection des morceaux les plus abordables de leur concise discographie. Il faut dire aussi que leur batteur (Nicke Anderson pour ceux qui ne suivent pas) sera derrière son micro et sa guitare en fin de journée sur la scène Warzone à une heure de forte affluence en compagnie des mythiques Hellacopters. Le doom de la jeune formation, qui réunit des vétérans, fera bien le job pour un show avant l’heure de l’apéro, mais malgré l’engagement de la frontwoman Johanna Sadonis (en habits de lumière), nous devrons nous rendre à l’évidence en fin de set que Lucifer n’aura pas déchaîné les passions malheureusement, malgré une prestation fort correcte. Peut-être que le symptôme « veille du retour à la réalité » pour les spectateurs n’y était pas totalement étranger.

Set list : Anubis/Abracadabra/California Son/Dreamer/Phoenix/Faux Pharaoh

 

WARNING

Fondé en 1994 et mené par Patrick Walker (qui créera par la suite un autre groupe, 40 Watt Sun), Warning est surtout réputé pour son deuxième album sorti en 2006, Watching From A Distance, pur bijou de doom anglais de cinq longs morceaux où la mélancolie se mêle au désespoir. Ça tombe bien, car le groupe a décidé de nous le jouer dans sa quasi-intégralité, l’amputant de son dernier titre, « Echoes », pour des raisons de temps de jeu. Visuellement, les quatre membres de Warning sont plus proches du professeur de SVT en collège que du punk rockeur. Ils ne payent pas de mine, et la sobriété est de rigueur. Pour autant, l’interprétation est précise et d’une grande classe. Entre les morceaux, Patrick Walker se fait des rapides shots de miel afin de garder sa voix dispo : comme ses compositions, son chant clair s’étire souvent assez longuement, comme la complainte d’un homme abattu. En ce début de journée, les morceaux de Watching From A Distance plongent une Valley bien peu remplie dans un état de spleen total.

Set list : Watching From A Distance/Faces/Briges/Footprints

 

GRAVE PLEASURES

On l’aura compris sur cette édition 2018, la programmation de la Valley a largement franchi les barrières du stoner/doom, et Grave Pleasures en est une preuve parmi d’autres. Formé en 2010 sous le nom de Beastmilk puis rebaptisé Grave Pleasures suite à un changement de line up, le groupe de post-punk finlandais fait partie de ceux qui ont réussi à s’immiscer dans la sphère metal et à en séduire le public par l’imagerie et les thèmes qu’ils véhiculent, bien qu’ils en soient musicalement assez éloignés. L’ambiance est sombre et les paroles le sont tout autant, les morceaux sont froids et métronomiques, rapides et efficaces, entêtants et presque dansants. Une découverte agréable qui apporte un vent nouveau sous la Valley.

 

NEBULA

Mal servis par un son pas à la hauteur de leur légende, on était ressortis de la prestation berlinoise du trio U.S. un peu frustrés, et ce set au Hellfest tombe à pic. Grand bien jous a pris d’en chercher une nouvelle rasade : après quelques semaines sur la route, les automatismes se sont ré-installés, le power trio fonctionne en quasi-osmose, et le nouveau batteur Mike Amster a trouvé sa place dans le groupe (ce qui n’est pas une mince affaire dans un combo aussi orienté jam). Décidés à ne laisser rien au hasard, nos lascars balancent un set de grande classe, composé essentiellement de classiques mais aussi de petites perles parfois oubliées (« Aphrodite »). Ils varient avec talent les titres les plus punchy (la doublette « Full Throttle » / « Giant » aura mis pas mal de monde sur les genoux en début de set) aux mid-tempo efficaces (« Anything from you », le trippant « Out of your head », le bluesy et torride « Smokin’ Woman »…), injectant un break ici ou là, coupant tel ou tel morceau, sculptant des transitions qui n’existaient pas sur disque… Pour ne rien gâcher, le son puissant et clair est exactement ce qui convient à Nebula. Sur scène, Eddie Glass assure, le gars est en forme et fait le job : vocaux impeccables mais surtout leads de guitare jouissifs, le frêle frontman enchaîne les soli à grands renforts de fuzz et effets divers qui nous atomisent invariablement dans les hautes altitudes du meilleur space rock. Tom Davies n’est pas plus extravagant sur scène, mais son rôle dans le son du trio est massif, le bassiste tient la baraque. Ils se font plaisir et le public adhère ! Alors que l’heure de fin est déjà passée, ils lancent un terrible « Sonic Titan » pour finir en beauté. On ne cache pas notre satisfaction de retrouver ces gars aussi dynamiques, efficaces, et toujours aussi doués… Le stoner a retrouvé l’une de ses têtes de file, et avec des prestations de ce niveau, gageons que les gars vont vite retrouver la place qui leur revient. Un set impeccable d’un grand groupe.

Set list : Sun Creature/Full Throttle/Giant/Clearlight/Anything From You/Down The Highway/Aphrodite/Out Of Your Head/Fall Of Icarus/To The Center/Smokin Woman/Sonic Titan

 

ZEAL & ARDOR

Il y a deux écoles dès lors qu’on se frotte à Zeal & Ardor : ceux qui crient au génie et ceux qui crient à l’escroquerie. On est un peu entre les deux, dans l’équipe (et oui, on a le droit de ne pas prendre position : on compte un suisse dans nos rangs, la neutralité ça nous connaît !). Est-ce que le concert d’aujourd’hui nous aura fait pencher d’un côté de la balance ? Pas vraiment. Le côté « artificiel » du groupe est prépondérant, à tous niveaux. La mise en son déjà : les gars jouent tous avec des écouteurs dans les oreilles pour leurs retours (pas de moniteurs sur scène), dans leur monde, sans entendre le public donc. La scénographie ensuite, avec par exemple cette assez ridicule petite chorégraphie qui leur fait retirer leurs capuches en même temps sur le premier morceau, ces fringues entre tuniques moniacales et costards futuristes, ce light show froid… Ces deux choristes inexistants quand ils n’ont rien à chanter (c’est la plupart du temps) qui gesticulent, comme habités, génèrent plutôt du malaise. Musicalement, le père Gagneux est sur un concept bien à lui, rendons à César ce qui est à César. Sauf qu’on s’est déjà aperçus sur son récent second album, que le concept était déjà rebattu, rendu quasi stérile faute de renouvellement. Pour autant, le groupe suscite assurément passions diverses et intérêt réel (voir l’aréopage de tous bords constitué de profils disparates rassemblé en bord de scène pour observer le phénomène… la hype, on vous dit !), et le public est au rendez-vous. Le groupe n’est pas nuisible et sa musique loin d’être mauvaise. Pour autant, on ne peut s’empêcher de sourire face aux béats qui crient au génie et au renouveau du groove dans le rock… Le concert en aura marqué plus d’un, mais nous a laissé dubitatifs.

Set list : Sacrilegium I/In Ashes/Servants/Come On Down/Blood In The River/Fire Of Motions/Waste/We Can’t Be Found/Gravedigger’s Chant/Row Row/Devil Is Fine/Don’t You Dare/Baphomet

 

BARONESS

Parfois, le hasard fait bien les choses. John Baizley et Gina Gleason sont assis tous les deux sur le devant de la scène, chacun une guitare acoustique à la main. La nouvelle est tombée dans la journée, le batteur Sebastian Thomson a dû repartir en urgence aux Etats-Unis suite à un impératif familial. Plutôt que d’annuler le concert, Baroness a décidé de jouer 100% acoustique. « Nous avons bossé comme des fous depuis 13h aujourd’hui pour préparer ce concert, nous ne sommes absolument pas prêts et nous sommes très stressés » affirme le leader John Baizley. On veut bien le croire. Mais dès le premier morceau, « March To The Sea », tous les doutes vont s’envoler. L’interprétation est grandiose, bluffante, déconcertante, d’une justesse incroyable et du niveau des meilleurs groupes de folk actuels. Les acclamations de la foule font trembler la Valley, et Gina jette un regard complice à John, signifiant « waou, ce qu’il se passe est incroyable », avant que tous les deux ne soient émus aux larmes. Les morceaux s’enchainent et l’émotion gagne tout le monde, on a la gorge serrée et on retient nos larmes, quand, à côté de nous, d’autres aux joues mouillées ont eu raison de ne pas faire cet effort. Un pur moment de grâce. Cela faisait un moment que plus grand monde n’attendait grand chose de Baroness. Ce soir, il nous a fait vivre à tous un moment inoubliable et rare. Merci infiniment.

Set list : March To The Sea/Chlorine & Wine/If I Have To Wake Up/ Green Theme/ Eula

 

KADAVAR

Toujours actifs sur scènes, il serait mensonger de dire que Kadavar nous a manqué ces derniers mois. Pour autant, leur montée en puissance de ces dernières années n’a pas fini de nous estomaquer, et c’est avec toujours autant d’envie qu’on aborde le set de ce soir. Anciennement l’un des premiers groupes de la vague retro-rock (désormais complètement saturée), s’appuyant essentiellement sur le jeu vivifiant et passionné du jeune « Lupus » Lindemann, le trio s’est progressivement solidifié avec le recrutement il y a quelques années du français Simon Bouteloup, mais a surtout vu les deux partenaires de Lupus prendre une place plus importante dans le groupe. Ainsi Tiger à la batterie est devenu petit à petit , non seulement un batteur remarquablement adapté à la musique du trio, mais surtout une bête scénique plus proche d’Animal du Muppets Show que d’un batteur de kermesse. N’ayons pas peur des mots : le gars est devenu l’attraction principale du groupe en live, ses grimaces et son jeu expressif derrière son kit transparent, posé en bord de scène, étant devenus un must. En complément ces denières années c’est Bouteloup à la basse qui a pris une assurance remarquable, gérant sa moitié de scène d’une main de maître, sans jamais négliger son jeu de basse, essentiel pour la base rythmique du groupe, et en particulier pour permettre à Lupus de s’éclater sur ses soli. Et le frontman ne s’en prive pas : ses interventions sont toujours empreintes de feeling et de passion, à travers des soli fiévreux qui décloisonnent des titres qui n’en finissent pas de tourner (ce « Purple Sage », énorme), devant un public ecstatique. On peut aimer ou pas la musique de Kadavar (nous on aime), en tout cas on se doit de reconnaître la puissance délivrée par le trio en live. Ce set imparable ne fit pas exception. Une leçon, tout simplement.

Set list : Creature of the Demon/Pale Blue Eyes/Skeleton Blues/Doomsday Machine/All Our Thoughts/Into the Wormhole/Die Baby Die/Forgotten Past/Purple Sage/Thousand Miles Away from Home/Come Back Life

 

AMENRA

Dernier concert sous la Valley pour ce Hellfest 2018. Il est tard, il fait nuit, tout le monde attend de finir le festival en beauté. C’est à Amenra que revient cette épreuve, et on leur fait plutôt confiance pour faire honneur à leur mission. Le logo du groupe projeté au fond de la scène, une minute ou deux se passent dans un silence abyssal, avant que les flamands n’arrivent sur scène accompagnés de légers applaudissements. Dans la même lignée que Neurosis, Amenra n’est pas là pour séduire les spectateurs mais pour livrer un show sincère et à vif. Des images noir et blanc défilent en fond, et les lumières sont pâles. Depuis toujours, l’esthétique tient une grande place dans l’identité du groupe, et les voir en concert est avant tout une claque visuelle. Torse nu et souvent dos au public, Colin H. Van Eeckhout régurgite sur scène les souffrances qu’il semble avoir absorbé de toute l’audience, entièrement captivée par la prestation du groupe. Un final au clair de lune, où l’on plonge dans les ténèbres du genre humain.

Set list : Razoreater/Plus Près de Toi/Thurifer/Diaken/Nowena 9.10/Am Kreuz/Silver Needle / Golden Nail

 

L’instant tant redouté est donc venu de dire au revoir à la Valley, aux potes, à Clisson, aux décibels saturés, au soleil… La fatigue nous aide heureusement à extraire nos lourds et vieux corps du site, avec les oreilles qui sifflent et des moments de grâce (et de graisse) pleins les yeux et la tête. Encore une fois, Hellfest, tu ne nous auras toujours pas déçu, même si la programmation de cette année nous aura fait froncer les sourcils, tu étais bien là au rendez-vous. On pense donc être là nous aussi l’an prochain. On y pense déjà… Bien à toi.

 

Par Caïn, Chris & Laurent

(Photos Laurent)

 

*********** Notre live report vidéo de la journée : **************

 

1 commentaire
  • Etienne

    En fait Clément et moi avons grandi à cinq bornes du Hellfest et sommes allés à Clisson au collège. Donc C’était un petit retour aux sources.

    Etienne, bassiste des Dust Lovers

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