Il faut se projeter dans cette situation : être fan de stoner, doom et assimilés dans la région de Pau, c’est se satisfaire d’avoir, à moins de 50 bornes, deux concerts maximum par décennie dans des genres approchants. Le précédent, c’était Mars Red Sky en 2017. Pour le reste, c’est minimum 4h de route aller-retour. Alors découvrir que Messa fait escale à Jurançon, village de l’agglomération paloise, ce samedi soir, nous aura vite convaincu que l’occasion ne pouvait décemment pas être ratée. Apparemment nous fumes plusieurs à prendre la même décision, car la très belle salle est très décemment remplie, pour une date aussi improbable (au pifomètre entre 100 et 200 personnes).
La première partie est proposée par un combo basque, Orbel. Le quatuor développe un univers musical minimaliste, ambiant, une sorte de dark-synth… Imaginez un groupe de trip-hop anglais du siècle dernier passé à la sauce post-rock. Avec une (ou deux) voix très en avant, chantant en basque par ailleurs, l’identité du groupe est marquante – mais le genre musical est un peu loin de nos sphères de prédilection. Notons un très bon accueil du public.
Place aux têtes d’affiches du soir, Messa. Les italiens n’ont pas fini de capitaliser sur leur concert du Roadburn 2022, où ils ont eu l’opportunité de proposer un set aménagé, avec quelques musiciens supplémentaires. Convaincus du potentiel du concept, le groupe a non seulement sorti l’enregistrement sur disque, mais s’est embarqué sur une tournée spéciale, “extended line-up”, qui le voit prendre la scène chaque soir avec trois musiciens complémentaires…
Le “cas” Messa est complexe : portés par une fanbase transie, il est difficile depuis quelques années d’envisager un regard nuancé (voire distancié) sur leur musique. Ce soir en tout cas, s’il nous en fallait encore une illustration, les amateurs des quelques rares sonorités vaguement doom du quatuor transalpin ne seront pas à la fête. Les atours résolument folk apportés par les musiciens (et pas vraiment ethniques ni tribaux comme on entend dire ici ou là) transforment les chansons du dernier album (“Orphalese”, “0=2”,…) sans pour autant les révolutionner. Elles gagnent en densité instrumentale ce qu’elles perdent en (relative) puissance. Harmonies, soli, parenthèses acoustiques… Les arrangements apportés par ces instruments complémentaires sont discrets mais nombreux : claviers, mandolines, guitares, flute traversière, saxophone, etc….
Scéniquement, il ne se passe pas grand chose (encore moins que d’habitude) : on se retrouve pendant plus de 30 minutes devant une brochette de 6 musiciens alignés en rang d’oignons (Rocco le batteur est derrière), très statiques, parfois assis, en mode joueurs introvertis (“immergés dans la musique” lit-on parfois chez nos plus lyriques collègues). Le public écoute avec le sourire et semble passer une bonne soirée.
Un peu plus tard, la carte “intimiste” est jouée, avec quelques musiciens qui quittent la scène pour n’en laisser que trois puis quatre en mode acoustique, assis. Deux titres sont joués dans cette configuration (dont le vieux “Confess”), pour virer sur des accents country sur la fin…
Avant de conclure, on dit au revoir aux musiciens “extended” pour proposer une poignée de titres en configuration Messa “classique”. Encore une fois, il ne faut pas être fan des plus anciennes productions du groupe, étant donné que ne seront joués que des titres du dernier album sous cette incarnation. Difficile de rentrer dedans en revanche : après nous avoir gentiment bercé pendant quarante minutes, “Dark Horse” fait un peu de bien, mais le pataud “Suspended” ne paraît pas le meilleur choix pour remuer un peu les corps et les esprits. Le quatuor revient sur scène pour un (prévisible) rappel sur “Rubedo”, qui fonctionne pas mal, mais qui peine à nous extirper de notre état mi-cotonneux mi-comateux.
Une heure et puis s’en va. Le public (une minorité d’amateurs du groupe, une majorité de curieux) a apprécié la soirée. Pour notre part, l’ennui a prédominé : peu d’énergie, pas de transfiguration des chansons… Les hordes de fans habituels du groupe auraient sans nul doute trouvé ce tour de chant remarquable, ce ne fut pas le cas de votre serviteur qui a trouvé tout celà plutôt dispensable ; un dispositif à la valeur ajoutée discutable.
Effectivement, cette date était une surprise locale et j’étais ravi, moi aussi, de ne pas avoir à faire des heures de route. Belle découverte avec Orbel que je qualifie gentiment d’ovni car je ne connais pas d’équivalent. Pour Messa, c’est vrai que le doom était loin mais j’ai été happé par cette ambiance intimiste ; de plus j’aime beaucoup le virage pris sur leur dernier album. Très bon concert pour moi.