Face à l’affluence devant le Divan du Monde à pourtant une heure du début du concert, le constat s’impose : le Up In Smoke 6 était très attendu. Un an après la dernière édition, le festival revient dans la même salle parisienne avec à l’affiche Mammoth Mammoth, Greenleaf et My Sleeping Karma. Dans la longue file d’attente, on s’interroge sur cette soirée à guichet fermé. Un regain d’intérêt pour le stoner en France ? Une folle envie de déguster une onéreuse mais néanmoins désaltérante (c’est bien sa seule qualité) bière brassée à l’eau ? Ou tout simplement la présence d’un groupe finalement assez rare dans l’Hexagone et pourtant très apprécié, j’ai nommé My Sleeping Karma ? Ouais, cette dernière proposition semble quand même la plus probable.
Veste en jean, bière et Jack dans les mains, le chanteur de Mammoth Mammoth fait son entrée sur scène entouré de ses musiciens, un bassiste masqué par un bandana tête de mort, un batteur aux gros bras qui tient ses baguettes à l’envers pour mieux maltraiter sa caisse claire, et un guitariste avec une Flying V et une veste en peau… de mammouth, on suppose.
Le spectacle ne laisse pas vraiment de place au doute : aucun interprétation de la symphonie en mi bémol de Stravinsky n’est au programme. Uniquement du gros hard qui tâche comme savent si bien le faire les australiens. Tiens, d’ailleurs, c’est de là que vient le groupe. Power chords simples et entêtants, morceaux concis et rapides, voix criarde, saturation au poil… tout y est. Il manque juste le port du short d’écolier. Et l’originalité. En tout cas, le groupe déborde d’énergie et les ébats du chanteur descendu dans la fosse font plaisir à voir et suffisent pour chauffer le public comme il faut, surtout après la reprise du célèbre « Kick Out The Jams » du MC5 qui vient clôturer le concert.
Alors qu’il vient de pondre un album tout chaud, Greenleaf choisit d’ouvrir avec le titre éponyme de leur précédent album, « Trails & Passes ». Un choix qui peut paraître bizarre mais qui à vrai dire n’a pas trop d’importance puisque le titre joue parfaitement son rôle de « coucou-c’est-nous-Greenleaf-on-vient-vous-botter-les-fesses ». Greenleaf, c’est le savoir-faire ancestral du riff par un maître du genre, Tommi Holappa (guitariste de Dozer, excusez du peu), rehaussé par la voix lisse et propre d’Arvid Jonsson, pour emmener le tout dans un registre rock heavy qui remue les esgourdes. On a donc droit à des moments où Arvid a toute sa place pour nous démontrer ses capacités de vocaliste, ce qu’il fait admirablement bien, mais aussi à des moments plus instrumentaux qui déchainent la foule. La communion entre ses membres semble parfaite, et c’est probant sur le very bluesy « Stray Bullet Woman », qui donne lieu à une petite improvisation démontrant toute l’aisance du groupe. Les titres du nouvel album, finalement peu nombreux ce soir, se prêtent à merveille au condition du live et viennent agrandir la liste des tubes du groupe, comme « A Million Fireflies » ou « The Golden Throne ». Né à l’origine comme side project de Dozer, Greenleaf nous donne décidément l’impression d’être maintenant un groupe à part entière tant il fonctionne bien.
Accompagné d’images vidéos projetées sur une toile au fond de la scène, My Sleeping Karma nous met directement dans l’ambiance avec les premières notes de son magnifique « Ahimsa », qui résume à lui seul l’étendue sonore du groupe : ambiances méditatives et relaxantes noyées dans la reverb et le delay et passages plus pêchus avec toujours un fil mélodique bien distinct. Le tonnerre d’applaudissement et les véritables ovations entre chaque morceau confirment nos suppositions : le public est ravi de voir les allemands ce soir et en profite pour leur faire savoir. Du genre « putain, ça faisait longtemps qu’on attendait ça, merci ». Matte, le bassiste, répond à l’appel et hurle un « putain de merde bonsoir Paris ! », et balance le pied de micro à plusieurs reprises, que Seppi, le guitariste, ramassera calmement. Certaines personnes ont aussi commencé à prendre l’intitulé du festival au pied de la lettre et quelques effluences cannabiques se font sentir. La magie opère et tout le monde est emporté dans l’univers envoutant du groupe. Moins perceptible sur album, la virtuosité du batteur est flagrante en live. Son jeu est fin, subtil, intelligent, et dynamise énormément la musique du groupe. Les bombes « Tamas » ou encore « Ephedra » s’enchainent, jusqu’au rappel sur « Hymn72 », avant lequel le public souhaitera en choeur un joyeux anniversaire à Matte, qui semble très ému de l’attention.
My Sleeping Karma est un groupe authentique, qui reste sincère même face à 500 personnes et qui en aucun cas ne joue de sa notoriété, pourtant bien plus importante que d’autres aux pieds ne touchant plus le sol. C’est peut être une des raisons pour lesquelles il fédère un si large public, et que l’on ne croisait pas que des gros barbus en veste à patch ce soir au Divan du Monde.
De bons groupes et un public très réceptif, super soirée et belle reprise pour le Up In Smoke, qui remet le couvert le 4 mars avec Mars Red Sky, Stoned Jesus et Belzebong. On y sera aussi !
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