Clutch, Orange Goblin, Truckfighters, 15 juin 2013, Kristonfest, Bilbao, Espagne

Deux ans après une première édition plutôt « sludge / doom », on a ouvert grand les yeux quand on a appris que le Kristonfest n’était pas mort, et encore mieux qu’il proposait une affiche aussi mortelle ! Quatre groupes de cette trempe, à 1h30 de la frontière française, il faudrait être stupide pour manquer ça. L’annulation de Karma To Burn (un problème d’organisation les a fait annuler leur première semaine de tournée européenne), quelques jours avant le mini-festival, n’a apparemment pas refroidi les ardeurs du public espagnol (et français, la proximité de la frontière n’étant pas étrangère à la forte représentation francophone ce soir), tant le public est déjà bien présent dès l’ouverture des portes.


A l’heure exacte prévue, le trio scandinave de TRUCKFIGHTERS foule les planches et tourne tous les potards des grattes, ce qui suffit à déloger les centaines de personnes accoudées aux immenses bars pour se rapprocher de la scène. De manière très traditionnelle mais toujours aussi efficace, le combo entame son set par « Desert Cruiser », son grand classique. Effet garanti. Il faut comprendre pour mieux appréhender ce concert que le public du Sud de l’Europe (Sud de la France, Espagne, etc…) n’est pas vraiment coutumier de Truckfighters, le groupe n’ayant pas beaucoup mis les pieds dans ces contrées, contrairement aux régions plus nordiques, qui ont déjà été déflorées par notre fier trio suédois. Lorsque pendant ce déferlement de fuzz, le public voit Dango effectuer son premier saut de cabri, les yeux s’écarquillent forcément : il y a un monde entre la lourdeur sonore du groupe et son énergie scénique, et les premiers rangs ne tardent pas à le constater. En enquillant avec le superbe « Monte Gargano », Truckfighters clôture son sans-faute introductif. Derrière l’exubérance de Dango, Ozo se la donne sans retenue, et n’hésite pas à jouer son rôle de second frontman en venant occasionnellement haranguer le public, sans jamais négliger ni ses vocaux ni ses lignes de basse essentielles. Le groupe joue deux titres qui me paraîtront « étrangers », dont l’un au moins est annoncé comme nouveau (rappel : leur nouvel album est supposé sortir en 2013). Difficile après une écoute de se projeter sur la qualité de l’album après cette simple écoute, mais on peut dire sans problème qu’il s’intègre impeccablement à la set list de ce soir. Le groupe finit son long set (l’un des seuls bénéfices de l’annulation de KTB !) par une série de titres issus surtout de son premier album avant de conclure sur l’impeccable « Chameleon ». Même si le public de ce soir est connaisseur, gageons que le groupe s’est fait quelques fans dans la salle !


Quand les anglais de ORANGE GOBLIN montent sur scène, on réalise très vite qu’après avoir sorti son énorme dernier album « Eulogy for the Damned », le quatuor a pris une dimension inédite. En introduisant son concert comme il a introduit son album, par « Red Tide Rising », les britons font comprendre qu’ils ont la situation sous contrôle : ils prennent le public par la gorge et ne pensent pas le lâcher pendant presque 1h30. Même si la quantité de postures et de mimiques « bestiales » de l’immense Ben Ward sont limitées, le bonhomme ne manque pas d’énergie pour enfoncer le moindre de ses morceaux au fond de la gorge d’un public en joie qui n’en demandait pas tant. Ses collègues sont certes moins « extravagants », ça ne les empêche pas de débiter les rondins sans interruption et sans faux pas durant toute la soirée. Manifestement le groupe est bien conscient du pouvoir percussif de son dernier rejeton, étant donné qu’ils en jouent la moitié ce soir, à chaque fois avec une efficacité indéniable. Seul le superbe « The Fog » se trouve peut-être à mon goût un peu amoindri dans l’exercice – probablement au regard de sa qualité sur album. La qualité du son au Santana 27 est généralement au rendez-vous, ce qui est le cas pour OG, même s’ils ont choisi d’opter pour un mix lourd, crasseux, voire un peu foutraque parfois… Ca fait partie du charme de ce beau bébé ! Le reste du set est composé de titres pris dans tous leurs albums sans exception, avec des ponctions plus rares dans leurs plus vieux classiques (« Time traveling… » ou « Frequencies… »), constat logique au regard de l’évolution musicale du combo, désormais plus rentre-dedans que space rock ! Ca n’empêchera pas un beau succès de l’éponyme « Time travelling blues » (durant lequel Ben Ward descendra de scène pour aller à la rencontre directe du public ). On notera aussi l’incorporation dans le set du très bon « Made of rats », qui sur album accueillait des vocaux de John Garcia. Après une dédicace bien sentie pour Jeff Hanneman, le quartette quitte la scène après la paire de classiques que l’on attendait : « Quincy the pig boy » et surtout le toujours impeccable « Scorpionica ». Une grosse mandale !


A peine le temps de se faire couler une bière au bar pour se remettre de nos émotions, les techos s’affairent sur la scène, et les balances sont rapides… Si bien que le public est pris par surprise : tout est prêt dix minutes avant l’horaire normal, CLUTCH ne va pas se faire prier pour grappiller quelques minutes supplémentaires sur scène. C’est un peu le rush pour le public qui remplit en quelques minutes toute la salle principale (une salle de taille assez imposante). Ce flux d’excitation rend ce début de set complètement électrique. Le choix du groupe de commencer par le plus furieux extrait de « Earth Rocker », en l’occurrence le terrible « Crucial Velocity », aura terrassé les premiers rangs en moins de deux minutes. Il faut voir le père Neal complètement déchaîné, les veines du cou prêtes à éclater, serrant le poing à se le faire saigner lorsqu’il éructe le refrain de ce brûlot ! Les quatre titres suivants ne laisseront pas une seule seconde de répit au public, en transe : « Cyborg Bette », « Mr Freedom », « Book, Saddle & Go » et le dévastateur « The Mob Goes Wild » feront de sévères dégâts et laisseront quelques flaques de bave au sol… Faut dire que les américains sont malins : dans le cadre d’un festival de cette tenue, avec une teneur en testostérone au taquet, il fallait taper fort, et ce dès le début. Pari gagné, à ce stade. La suite ne s’éloigne pas trop d’un best of de la carrière du groupe (disons la dernière décennie, les titres les plus anciens joués ce soir datant de « Robot Hive… »), dont on retiendra particulièrement un très bon « Mice & Gods » et « The Regulator » toujours efficace. Sur la fin du set, les techniciens amènent deux guitares acoustiques pour Neil et Tim et l’on voit Jean-Paul se saisir de ses balais de batterie, signe que les choses vont se calmer pour quelques minutes. Les lumières s’effacent alors progressivement alors que Jean-Paul amène progressivement le somptueux « Gone cold », parfaitement servi par un groupe en osmose, un public hypnotisé, et des lumières subtiles. La grande classe. Mais la parenthèse est vite oubliée avec le heavy/groovy « The face » puis le furieux « Electric worry » qui finira de mettre le public sur les genoux. Même si le groupe se retire de la scène, personne n’est dupe : impossible en toute décence de laisser le public dans cet état sans un rappel. Et là, phénomène assez incroyable, le groupe dégaine deux cartouches étonnantes, en l’occurrence « Oh, Isabella » et « The wolf man… ». Etonnantes car lorsque l’on fait le compte… le groupe aura joué ce soir l’intégralité de « Earth Rocker » sur scène ! Spectaculaire performance pour un set impeccable, dont n’ont pas été oubliés la plupart des classiques, et qui aura prouvé, si le doute était encore permis, quel excellent album est « Earth Rocker », dont la retranscription scénique ne souffre d’aucune faiblesse.
Quelle belle soirée que ce Kristonfest en tout cas, on espère que l’organisation n’attendra pas deux ans pour remettre ça !

Laurent

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