Pas de citation de l’illustre André Gide pour entamer cette chronique du dernier jour de festivités du dernier événement de la franchise Desertfest se déroulant cette année. Pas non plus de citation des illustres poètes belges que sont François Damiens ou Jean-Philippe Smet, mais une pensée émue à l’adresse du Roi du désert : Monsieur Mario Lalli qui apprit le décès de son père en posant, à Prague, les pieds sur le Vieux-Continent et décida tout de même de mener à terme la tournée européenne pas encore entamée. Nous lui adressons nos meilleurs messages et tenons à le remercier de nous avoir offert cette prestation Anvers et contre tout.
A part ça, une partie de l’équipe a guinché nuitamment après les derniers riffs dispensés la veille et l’autre partie (en charge des vidéos qui vont bien et des photos qui pètent) est partie sagement se coucher (enfin on s’entend, vus les horaires de la manifestation) afin de s’adonner quelque peu au tourisme durant cette seconde matinée dévolue à la culture (sans son gros cul). Ainsi, la suite de la Vieille Ville, les rives du fleuve, les quartiers où pullulent les hipsters et autres bobos, les vitrines réputées de certaines ruelles ainsi que les devantures des bars chassant à la mi-journée les derniers assoiffés à la démarche peu assurée constituèrent la partie culturelle. Outre les bipèdes titubants, les touristes et les nombreux scouts, nous eûmes même la chance d’assister à une représentation musicale qui n’aura pas échappé aux esprits affûtés qui ont regardé notre compte-rendu vidéo. Bref c’était le dernier jour et l’affiche était carrément bandante ; en route pour le Trix !
BLACK-BONE
Pour se remettre dans le bain en ce (déjà) troisième jour, c’est (encore) un trio à qui revient l’honneur de décrasser la très bonne et très forte sono de la Vulture Stage. Et on peut dire qu’il le fera avec brio, même si niveau originalité on repassera… Au moins la musique de ces jeunes néerlandais transpire la sincérité et le hard rock de nos chers précurseurs. C’est l’implication toute particulière du guitariste/chanteur qui aidera à faire se mouvoir à nouveau nos cous endoloris, communicant bien avec le public et bien appuyé par une basse solide ainsi qu’un batteur qui cogne fort à cette heure de digestion. Une sympathique mise en bouche.
CRYSTAL HEAD
Alors que le show du trio d’Eindhoven bat son plein dans la plus petite salle du festival, le trio londonien fait parler la poudre à l’étage. C’est malheureusement devant un public assez peu impliqué que les Britanniques vont exercer leur art dans un Canyon assez mort. Ce troisième jour de foire aux riffs paraît être une épreuve assez douloureuse pour certains (que la pudeur m’interdit de citer ici car j’ai une putain d’éthique !). Malgré le manque d’enthousiasme assez marqué au pied de la scène, c’est une autre limonade sur la scène. Les Anglais sont à fond dans leur stoner rock heavy lorgnant sur l’indé. C’est énergique quand il le faut et ces garçons savent lever le pied juste ce qu’il faut quand il le faut. Le chanteur, dont le charisme est remis en question par certains pâles types, assure bien son rôle de pièce centrale malgré la convergence des regards vers l’impressionnant batteur tatoué qui tape sur son instrument avec la précision chirurgicale d’un bombardier supersonique rétablissant la paix dans des terres éloignées. L’exercice est mené à bien à l’anglaise et ces garçons loin du brouillard de la Tamise auront réussi à extirper quelques têtes des arrière-trains où elles s’étaient foutus à force de consommer les cervoises locales. On quitte rapidement la salle pour aller supporter nos potes qui fourbissent leurs armes à l’étage inférieur.
GLOWSUN
Quel plaisir de retrouver Glowsun en ouverture du dimanche de la Desert Stage. Armés d’un « Beyond the Wall Of Time » fort goutu et d’une tournée conséquente, nos Ch’tis vont prouver qu’ils méritent (enfin) une certaine reconnaissance et faire honneur à leur rang. Le mix terrible fera partie des meilleurs du week end, tout comme les effets en fond de scène, travaillés essentiellement à partir des pochettes élaborées par Johan, guitariste et chanteur à ses heures perdues. Le set passe très vite : les morceaux, quasi-instrumentaux, mélangent stoner psyché à des passages plus doom, toujours de haute volée. En quarante minutes, le trio interprètera une poignée de titres issus de son dernier album (à l’image du très efficace “Behind The Moon”) mais aussi plus anciens, comme les classiques live que sont devenus “Dragon Witch” et “Death’s Face” de Eternal Season. Parfait pour recueillir les suffrages du public présent, assez nombreux proportionnellement à cette heure de la journée. Une réussite en tous points qui confirme si besoin était encore l’étendue du talent du trio du Nord, chapeau.
FEVER DOG
On savait que la journée serait lardée de choix draconiens, et donc de frustrations. La première sera la conséquence de notre souhait de ne pas rater la fin du set de Glowsun, ce qui nous contraint à manquer le début de Fever Dog qui prend la petite scène Vulture avant que les nordistes n’aient terminé leur prestation. Autre effet de bord de cette situation, la salle n’est pas très remplie devant le trio californien, qui fait partie des bagages de Fatso Jetson sur leur petite tournée européenne. Dès qu’on ouvre la porte de la petite salle, les volutes psyche nous absorbent avec une belle efficacité, reconnaissons-le. Petit à petit, on se laisse capter par les subtilités bluesy et les nappes rythmiques planantes dressées par « Thunder Child »(!), le bassiste – une basse un peu trop sur-mixée, disons-le, ce qui laisse trop peu d’espace aux plages psyche portées par « Golden Dove » (!!) le guitariste. Le trio, scéniquement un peu monotone (le genre musical ne se prête pas à la gaudriole ou au headbanging-le-pied-sur-le-retour, reconnaissons-le) fonctionne très bien, et la dynamique instrumentale s’en ressent, avec des passages propices à quelques jams bien senties. On aime bien, mais le planning trop tendu (coincé entre deux groupes) rend l’expérience trop stressante pour parfaitement apprécier ce set. A revoir.
TANGLED HORNS
Les régionaux de l’étape – comme on dit dans l’enfer du nord – débutaient leur set à l’étage alors que les clébards avaient encore des poussées de fièvre sur la petite scène. Étrange placement pour ce groupe qui, je dois l’avouer, ne bénéficie pas d’une aura très impressionnante en dehors de leurs plates contrées : ils sont sur la scène médiane à une heure où le festival est plutôt bien fréquenté. Je ne vais pas m’éterniser sur ces quelques considérations et décide de ne pas perdre une miette de la prestation de ces gens qui sont pour moi de parfaits inconnus. Je suis quelque peu déconcerté quand je vois un des quidams en place sur scène arborer un shirt de Lulu Reed – comme on dit chez Hetfield – mais, ne sachant pas à quoi m’attendre, me prépare à tout ! Bien joué – comme on dit chez Saint-André – car les Belges attaquent en force. Ça vocifère sévère derrière le micro et le responsable de tout ça va assurer une sacré prestation qui s’avérera une excellente mise en jambe – comme on dit dans les travées du Bosuilstadion – pour la performance énergique de Valient Thorr qui les suivra au rez-de-chaussée. Le sludge, aux accents stoner, de ces bipèdes dépote sacrément et leur chanteur bousculant les retours, se suspendant à peu près partout et se projetant presque de la scène pour hurler sera un élément central, voire le premier contributeur, à la réussite de cette performance même si ce type a plus de don pour foutre le feu – comme on dit chez les Smet – que pour délivrer des performances de haute technicité vocale. On s’en tamponne carrément car ça a été foutrement bon de se cogner une prestation jouée pied au plancher par des esprits barrés qui ont envoyé toutes leurs forces dans cette bataille. Le bilan de cette bataille ne supportera aucun protêt – comme on dit en Ecosse – tant ce groupe a marqué des points en envoyant un set nettement plus couillu que ce qu’il délivre sur disque. Un chaos organisé qui transpirait l’urgence par tout les pores un peu dans la tradition des grands courants alternatifs – comme on dit dans la fratrie Young – pas nécessairement empreints de virtuosité, mais foutrement efficaces : ça fait résolument du bien par où ça passe.
VALIENT THORR
Un petit moment sacrément rock ‘n roll en cette fin d’après midi ? Avec grand plaisir, mais alors avec une bonne de de heavy metal SVP ! Servi par un groupe en pleine forme physique, Valient Thorr va rapidement réussir à faire bouger sévèrement les têtes et les popotins des festivaliers présents devant la grande scène. Le son est assez brouillon mais sied finalement pas mal au style pratiqué, hautement corrosif. On bat les records de tempos des trois jours avec des accents quasi punk et le chanteur Valient Himself va accaparer l’attention de l’audience avec ses incessantes déambulations, ses discours « engagés », ses vocaux enragés et sa barbe. Derrière, ça bastonne du fût, ça solote comme dans les années 80, ça bouge comme il se doit. Le concours officieux du plus grand nombre de sourires au mètre carré a un vainqueur potentiel. Les cinq z’amis ricains auront prouvé que le nombre assez important de t-shirts à leur effigie dans le public n’est pas usurpé.
MAUDLIN
Chaud devant ! Ne connaissant les belges ni des lèvres ni des dents, je m’infiltre discrètement jusqu’à devant la scène après la prestation énergique – et empreinte de politique – des Ricains. Je découvre un pédalier impressionnant devant moi et quand un t-shirt de Minsk se radine sur scène je ne peux retenir un large sourire : on va s’en prendre plein la chetron ! Nickel bleu ciel, je suis aux anges, les cinq belges envoient d’entrée de jeu des samples qui me rappellent les Dieux Isis. S’enchaînent ensuite des plans limites doom qui donnent un rendu très proche du défunt combo US cité précédemment, voire des premiers efforts de Cult Of Luna (j’ai pu le placer !). Sous leurs airs d’hipsters gentillets, les types d’Ostende ne tirent pas au stand pour gagner des alouettes ; ils allument Anvers avec un déluge sonique bidouillé par une flopée d’effets que leur vocaliste manie (tout comme la cymbale de son camarade du fond de la scène en fin de set). Je me déplace quelques instants au premier étage pour me plonger dans une autre ambiance puis dévale les escaliers quatre par quatre pour assister à la fin de ce concert orgasmique en compagnie des épicuriens qui partagent mon – bon – goût : c’est clairsemé certes, mais bien fréquenté. On en a pris plein les oreilles et c’est clairement une des découvertes de ce festoche pour moi.
PAPIR
La journée est propice en atmosphères psyche-planantes, et les peu-connus Papir tiennent haut l’étendard musical du genre. Il suffit par ailleurs de se rendre dans les premiers rangs de la Canyon Stage (difficilement : la salle est bien remplie) pour s’immerger dans l’ambiance musicale (et pas que, les volutes herbiacées étant prégnantes…). Le trio instrumental danois ne brille pas par le charisme dévorant de ses protagonistes, ni par leur jeu de scène outrancier : calés en face à face derrière leurs rangées de pédales d’effets respectives, le bassiste et le guitariste du trio échangent groove de basse pour le premier contre soli quasi-continus pour l’autre, ordonnés par le batteur, véritable arbitre musical, qui sanctionne les échanges par des breaks bien sentis. Complètement immersive, la musique du trio fait mouche devant un public qui ondule, l’œil mi-clos et le sourire aux lèvres. Il en faut peu parfois : on a beau ne pas être ébahi par la performance intrinsèque dispensée sur scène, force est de constater que c’est d’une efficacité redoutable…
UFOMAMMUT
Histoire d’enfoncer encore plus un clou déjà bien profond, Ufomammut pose ses (gros) amplis verts sur la Desert Stage et s’apprête à faire honneur à son nom, qu’il porte si bien. Quel son ! Le trio transalpin va s’employer à transcender et hypnotiser l’assistance à grands coups d’un doom gorgé d’effets, sonores et visuels (signés Malleus bien entendu). Les deux aspects se complètent à merveille, le glauque des images appuie parfaitement l’épaisseur musicale ininterrompue pendant une heure de grande classe grasse. Le batteur Vita semble avoir le regard vaguement perdu mais n’en met pas une à côté et Poia, concentré à tout faire bien sonner avec sa guitare, arbore un sourire qui en dit long sur la satisfaction de la puissance déployée. Les regards vont régulièrement se tourner vers Urlo, bassiste/chanteur plus extraverti dans son attitude et probablement habité par quelque chose ou quelqu’un, rappelant même en cela un certain Mike Scheidt… Bigre, qu’il va être difficile de se remettre d’une des plus grosses bûches du week-end !
3rd EAR EXPERIENCE
On quitte les projections, les riffs martiaux et le grand espace pour changer carrément d’ambiance en rejoignant la Vulture Stage afin d’assister au set de ces Ricains que Mario – un épicurien – a amené avec lui pour tourner en Europe. C’est dans un tout autre univers musical que leurs prédécesseurs que ces types vont s’illustrer avec brio. Pas d’artifices, pas de débauche de décibels, mais une excellente maîtrise musicale et une énergie savamment dispensée durant un set bref, mais remarqué. Remarqué parce que ces hippies – vieux me souffle-t-on dans l’oreillette droite – ont un putain de talent pour interpréter leurs compos très jams qui laissent pas mal d’espaces aux démonstrations de style. Ça joue – pieds nus- dans un registre psychédélique tirant sur l’acid, et le claviériste (qui pourrait être le gamin de n’importe lequel de ses acolytes aux crins blanchissant) juché sur un tabouret de bar fait un bon spectacle en gesticulant dans tous les sens. Le bassiste, qui occupe une position centrale sur scène, se fait plus discret quand son collègue à la six-cordes envoie ses soli d’un autre temps et, malgré un énième chevauchement entre la Vulture et le Canyon, ce groupe arrive à conserver un public nombreux dans le lieu exigu qui est en plein karma avec ses prouesses techniques de haut vol.
SIENA ROOT
On a quand même l’impression de se faire un peu enfumer par le « concept » Siena Root : derrière une pseudo-philosophie revendiquée de groupe à géométrie variable, de concept multi-instrumentiste, etc… à chaque fois qu’on les voit c’est les mêmes musiciens ! Donc c’est dans cette optique qu’il faut aborder le groupe. A une nuance près : le chanteur a (encore) changé ! Bienvenue à Samuel Björö, qui apparemment rejoint désormais les trippants suédois. Le jeune vocaliste chante bien mais fait montre d’un charisme proche de celui de son pied de micro. D’ailleurs plus personne ne se le cache : le chanteur, de par son rôle dans le spectre musical dispensé par le groupe, est en quelque sorte la cinquième roue du carosse… Symptomatique : dès que le combo s’embarque dans l’une des sections full-instrumental dont il a le secret, le chanteur s’éclipse discrètement finir sa partie de Candy Crush derrière les amplis. Pour autant, il n’y a pas mensonge sur la marchandise, et le public, qui encore une fois remplit bien la Canyon Stage, goûte chaque minute de ce set efficace. Peu de groupes sont aussi performants dans le genre musical, et les amoureux transis de pattes d’eph’ et de hard rock 60’s sont aux anges. La performance du jour ne surprend pas les afficionados du groupe, mais c’est un peu la garantie sans risque, et on n’est pas déçus.
BONGZILLA
La surprise du chef ce dimanche se nomme Bongzilla. Annoncés parmi les derniers sur l’affiche du Desertfest, pouvoir voir ces gars du Wisconsin, trop rares en Europe, dégouliner sur la Desert Stage ressemble un peu à la cerise sur le gâteau, un gâteau très spécial… L’ambiance très fumeuse et la crasse musicale développée ici sera purement jouissive, portée par la voix d’écorché vif de Mike Makela, casquette vissée et sourire en coin. La façade se règlera très vite pour se faire proprement crade à souhaits. Jeff “Spanky” Schultz, le deuxième guitariste semble se cantonner étonnamment à son coin de scène tandis que le bassiste ne fait qu’un avec son compère de couvre-chef. Et que dire de cette complicité avec ce batteur hallucinant, Mike “Magma” Henry, portant les riffs assassins de ces pionniers du sludge avec son jeu technique et nuancé ? En une heure aux allures de best-of (« Greenthumb » et un énorme « Grim Reefer » en tête), Bongzilla va juste nous rappeler qu’il est l’un des patrons de ce style, en somme un rock ‘n roll bluesy ultra dégueulasse qui en laissera plus d’un sur le carreau (de chemise).
CHILD
Le trio des antipodes a le vent en poupe ; il n’était donc pas démérité de les voir sur scène lors des trois événements majeurs du mois d’octobre : le Up In Smoke, le Desertfest Belgium et le Keep It Low. Ce qui était un peu moins compréhensible c’est leur placement sur l’affiche. Je m’explique : ces lascars plaisent à un grand nombre d’aficionados du style que nous chérissons par ici, et, bonne chose, ils jouent au moment de la pub durant le premier film (ou la joute culinaire ça dépend), ce qui est plutôt cohérent avec leur statut. Par contre, ils jouent alors que tout le monde va se tirer un verre de quelque chose après la fort attendue prestation tout en vert des chantres du chanvre et sentiront, du haut de leur scène, les escaliers trembler au beau milieu de leur show tandis que le plus grand nombre rejoint le Canyon pour admirer Fatso Jetson. Dommage je dis ! Rageant même, car leur prestation bluesy et psychédélique, avec ce qu’il faut de plans heavy pour corser le tout, était du meilleur effet. Gonflant parce que sur la petite scène le trio s’en sortait à merveille et avait réussi à convertir un public quelque peu sonné par les accords abrutissants de Bongzilla (à moins que ce soit par les cigarettes vertes fumées sous les encouragements des Etasuniens). Et putain qu’est-ce que j’étais content d’avoir assisté à toute leur prestation bâloise la semaine précédente quand j’ai dû moi aussi entamer ma transhumance au Canyon avant la fin de leur set aujourd’hui, afin d’être bien placé et fin prêt à filmer (et photographier aussi un peu) la prestation de Mario et de ses acolytes. C’est chiant d’avoir écourté ma présence alors qu’un véritable collectif hyper prometteur – et très au point techniquement – envoyait du blues distordu avec la manière. C’est nul, mais c’est ainsi : personne ne pouvait m’empêcher d’assister à la performance du King Lalli. Je peux par contre témoigner, sans commettre de parjure, que les Australiens aux chemises à carreaux ont délivré une première partie de set qui envoûta bien au-delà du cercle d’amateurs de plans apaisés avec ses plans bluesy suintant la testostérone.
FATSO JETSON
Mario Lalli monte sur scène quelques minutes avant l’horaire prévu (pour notre plus grand plaisir) et salue le « Belgium Fest… euh Desertfest, pardon ». Un peu déstabilisé le Mario ? Il ne perd pas plus de temps et jette en pâture au public « Magma », l’un des classiques du combo emblématique du desert-rock originel (et original). Le grand guitariste est évidemment accompagné de l’indéboulonnable et remarquable Tony Tornay derrière les fûts, ainsi que d’un bassiste inconnu (mais excellent). Le trio ne tarde pas à (é)prouver ses compétences musicales en terminant le titre par une section jammée de plusieurs minutes. Et les titres suivants s’enchaînent de manière un peu déstabilisante, car dans la même tendance chargée en sections instru quasi-improvisées. Déstabilisant, car on est habitués avec Fatso à des titres charpentés, très structurés, aux mélodies complexes et intriquées. Des set lists bariolées, chargées de compos bien distinctes, or là, les morceaux se fondent quasiment les uns aux autres, les structures s’étiolent, et l’ambiance en devient vraiment particulière, atypique en tout cas. Il est bon de préciser (ou rappeler) que le talent des musiciens permet à cet exercice de ne jamais tomber à plat et le trio est complètement en phase sur scène. On se délecte de la poignée de classiques composant cette set list évidemment impeccable brassant toute sa carrière (« Light yourself on fire », « Salt Chunk Mary’s », un ou deux inédits, …), bien qu’interprétée de manière un peu particulière.
(sans s’appesantir on notera le courage de Mario qui se trouvait sur scène avec le sourire et le respect de son public, alors qu’il était confronté à un décès dans sa famille qui pour 99% des musiciens aurait suffi à annuler la tournée).
GOATSNAKE
Point d’orgue du festival pour beaucoup (pas forcément la majorité d’ailleurs, la salle principale n’apparaissant pas forcément aussi remplie que la veille par exemple), Goatsnake n’aura besoin que de quelques secondes pour mettre tout le monde d’accord : l’enchaînement old school des imparables « Slippin’ The Stealth » et « Flower Of Disease », associés au lourd et gras « The Orphan » terrassent la fosse. Le son qui sort des amplis de Greg Anderson n’a tout simplement aucun équivalent à l’heure actuelle : colossal, rond, agressif, il caresse l’oreille et laboure le cerveau (à moins que ça ne soit l’inverse). Chaque riff est un nouveau boulet rouge, et il tient quasiment seul les fondations instrumentales de l’édifice. Il serait injuste pour autant de passer sous silence la section rythmique (même si Anderson contribue aussi en rythmique autant qu’en lead), avec en particulier un Scott Renner à la basse lui aussi doté d’un son énorme, tellurique. Les instrumentistes ne sont pas uniquement en place sur un plan musical : la scène leur appartient, ils y évoluent avec aisance en pleine conscience de leur force de frappe. Mais difficile de concurrencer le charisme Pete Stahl, qui ne mettra qu’une dizaines de minutes à être complètement habité par sa performance. A vrai dire, on ne le tient plus, il capte tous les regards notamment grâce à son comportement habité : il évolue dans chaque recoin de la scène, va sans arrêt au contact des premiers rangs pour chanter avec le public, s’empare de ses instruments d’appoint (harmonica, tambourin…), joue avec son micro, se contorsionne… Hanté. Inutile probablement de mentionner la qualité de sa prestation vocale : même si certaines notes furent difficiles à atteindre, l’émotion et la puissance véhiculées n’auront jamais failli. Niveau set list, que du tout bon. On notera en particulier un superbe « House of the Moon » (où le chauve chanteur nous rappellera que c’est une allusion pas vraiment dissimulée à un certain ranch-studio du haut-désert californien au nom hispanisant où il a eu ses habitudes…) et une conclusion sur « Elevated Man », qui verra Mario Lalli venir taquiner la guitare avec ses potes, dans une ambiance de camaraderie qui représentera un sommet de ces trois jours de festival. Poum.
WHEEL OF SMOKE
Il paraît que tout a une fin. La fin de ces trois jours d’excès et de musique est marquée par la prestation d’une formation belge a qui il appartiendra la lourde tâche de mettre un terme à un excellent festival. Tandis que ça se trémousse à l’étage, que ça erre dans les couloirs du complexe anversois et que ça démonte tout le bazar – les stands de bouffe sont fermés et il ne reste que trois pauvres LPs de Goatsnake là où quelques heures plus tôt s’étalait le merch des formations de la journée sur plusieurs panneaux -, le quatuor envoie un set de quarante-cinq minutes devant un parterre concis, mais content. Leur stoner rock flirtant avec des plans post rock, voire alternatif, trouve son public. Pour être très franc – et c’est le style de la maison – c’est pas le délire non plus devant l’estrade surélevée et ça pue la fin de la fête, mais le groupe assure jusqu’au bout son job. C’est bien dans le ton du festival, même si un peu dissonant et la construction du set est fort cohérente : ça ne verse pas dans le pathos du genre “c’est la fin” ; ça tient bien la route et nous passons d’agréables minutes alors que les Belges alignent leurs compos brèves qui me font penser à certains de leurs compatriotes pour ce qui est du subtil mélange de retenue et de débauche d’énergie articulant des titres construits avec l’intelligence des grands de la pop (oui je parle ici de dEUS pour ceux que ça intéresse). Au terme de leur prestation les musiciens sont en osmose avec leur public : ils sont ravis et c’est un excellent point final pour ce festival avant d’aller rejoindre le dancefloor où sont englouties les dernières boissons achetées avec les token grattés aux fonds des poches.
Le bilan de cette dernière journée est donc excellent. Il est en parfaite adéquation avec l’impression générale que nous laissa ce festival avec ce petit plus, en ce dimanche, qu’ont constituées la présence de Goatsnake (qui a conditionné la venue de certains), de nos amis de Glowsun et de quelques formations majeures (Bongzilla, Fatso Jetson, Ufomammut, etc.). Comme on dit par ici : dank u wel à tout ceux qui ont contribué à cette réussite : l’organisation sympathique et efficace, les agitateurs de la scène stoner européenne qu’on croise un peu partout et qui bougent leurs culs pour ce style sans vendre leurs âmes aux démons ainsi que le public vraiment très cool au sein duquel nous avons à nouveau fait des connaissances pour notre plus grand plaisir. Sortez vos agendas les enfants : il faudra être à Anvers du 14 au 16 octobre l’an prochain !
Par Chris, Laurent & Patapl
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Le video-report du Jour 3 du Desertfest filmé par Desert-Rock :