DESERTFEST Berlin 2019 – jour 2 (Fu Manchu, Kikagaku Moyo, Greenleaf, Nick Oliveri,…) – 04/05/2019 – Allemagne

C’est excités comme des petites puces que l’on revient aujourd’hui à l’Arena : hier nous avons pu vérifier que les promesses de l’orga avaient été tenues, en particulier du côté de la sonorisation de l’événement – et accessoirement on s’est tapés un paquet de super concerts. Or l’affiche d’aujourd’hui est au moins aussi bonne que celle du 1er jour, ce qui promet à vos serviteurs-chroniqueurs de l’extrême une journée riche et bien rythmée – probablement plus chargée en taurine qu’en houblon… Tous les moyens sont bons !

 

Avant la chronique, voici notre video report express avec des extraits de tous les concerts :


MIRROR QUEEN

Afin d’éviter certains chevauchements, les shows auraient pu commencer un peu plus tôt en ce deuxième jour de festival et premier jour du week-end, mais il n’en fût rien. C’est donc à 15 heures que le gang de New York a envoyé du son sur la Main Stage profitant ainsi de l’acoustique que nous vous avons déjà tant vantée. Avec un frontman aux allures de Brian May, un bassiste qui joue avec le pied sur le retour et un guitariste soliste muni d’une Flying V, ces souverains du riff appartiennent très clairement à la catégorie de formations ayant le potentiel de rassembler les bourrins, les hippies et les autres tribus de festivaliers pour lesquels le son vintage n’est pas rédhibitoire. C’est con parce qu’à part les acharnés (dont nous sommes), le public est plutôt clairsemé au moment où les Ricains envoient un set qui n’est pas sans nous rappeler agréablement ces bons vieux Black Sabbath. Cette performance a tout de suite placé la barre assez haute pour ce samedi soir qui s’annonçait fiévreux en débutant avec « Poignard » issu de « Verdigris » sorti il y a quelques années sur Tee Pee Records, qui n’est pas la boîte la plus inintéressantes pour propager du bon son.


R.I.P.

Il est encore sans doute un peu tôt pour certains car le public n’est pas encore au complet dans l’enceinte du fest : la journée d’hier a décidément laissé des traces et les corps furent probablement difficiles à bouger en cette heure avancée de… euh… l’après-midi. Ça n’empêche pas plusieurs centaines de personnes de se masser dans la cour du Biergarten de l’Arena pour assister au set très attendu des américains, sur le pont du Hoppetosse. Dès le soundcheck, l’ambiance n’est pas à la prise de tête, avec des essais micro et batterie sur « Enter Sandman », une chanson de White Zombie…  On aurait certes apprécié de voir le groupe en configuration plus traditionnelle type « club » (lights, grosse sono, etc…) mais l’expérience de voir l’un de nos groupes favoris dans ce contexte barré nous met en joie. Fuzz, le frontman du groupe, monte sur scène avec une cagoule blanches et une véritable faux en guise de pied de micro – un objet fort contondant qui a dû rendre dubitatif le chargé de bagages à l’aéroport de Berlin… Les gaillards rentrent dans leur set avec une belle énergie et leur proto-doom old school fait mouche très vite – si l’on en juge par les mines béates du public. Fuzz mène la danse, toujours sur la corde entre 1er degré ironique et second degré, est à fond dans son trip, comme lorsqu’il introduit « Brave the Grave » avec un « Quelle belle journée, tandis que le soleil brille… et que vous contemplez un cadavre déchiqueté… ». Les meilleurs titres du quintette défilent et provoquent d’aimables headbang dans l’assistance en bas du Hoppetosse : « Black Leather », un gros « Tremble », « Smoke and Lightning » en final… N’en jetez plus ! Court, mais gros gros set de R.I.P.


LUCIDVOX

Séance découverte sur la main stage avec Lucidvox, un quintette 100% féminin (à noter : les musiciennes étaient très bien représentées sur cette édition du Desertfest), russe, qui ne joue hors de son pays que pour la deuxième fois aujourd’hui ! Dire que ça se voit serait aussi faux que malhonnête : même si le soundcheck semble un peu lent (d’où un démarrage en retard)dès que le set commence la mise en place s’avère bien carrée musicalement. En revanche, côté aisance scénique, tout est plutôt timide. Le niveau d’anglais juste correct d’Alina, la chanteuse/clavier/percussionniste, ainsi qu’une timidité apparente, n’aident pas. Musicalement, on est dans un psych-rock pas déagréable, qui baigne le public dans une torpeur ouatée pas désagréable, avec quelques passages plus costauds et bien trippants. Pas le concert du siècle, mais une petite découverte sympathique d’un groupe à surveiller.


ZIG ZAGS

Nous quittons le monde enchanteur de la mélopée et les quatre donzelles pour aller se prendre une branlée par un trio de couillus qui envoie du gros bois à l’extérieur. Ces diablotins originaires de la Cité des Anges pratiquent un rock des plus énergiques fortement influencé par la musique qui a pris son essor à quelques centaines de miles au nord de leur mégapole dans la fameuse Bay Area. Le thrash d’antan de Metallica constitue une des influences majeures de ces agités qui déroulent un set sorti du passé alors qu’une partie du public lui fait front allongée dans le confort cosy de la terrasse surplombant les tables des bars. Si tout le monde n’est pas adepte de ce genre de rock très hard alliant l’urgence des faux-frangins Ramones et la puissance du bombardier de Lemmy, nous observons les nuques bouger sur le quai, le temps de rallier l’obscurité abritant la scène principale afin d’assister à l’unique performance qui verra un héros vêtu d’une cape monter sur les planches.


HÄLLAS

Encore un groupe très attendu aujourd’hui, car trop rare en live, les suédois de Hällas prennent la scène d’assaut avec toute l’excentricité que l’on n’osait imaginer : collants, pattes d’eph’, maquillage, capes (oui, capes !), maquillage… La totale. Reste au groupe à démontrer qu’il n’est pas que decorum et effets de manche… ce qu’il fait, haut la main. Le quintette tient impeccablement la scène et ses titres font un carton auprès d’un public conquis dès les premières notes de l’intro sur le sautillant « Astral Seer ». Évidemment c’est son dernier opus qui est mis en valeur ce soir, avec des titres comme « Repentance » ou « The Golden City of Semyra » qui font bien vite monter la température. Les plans un peu grandiloquents sur disque passent parfaitement l’épreuve de la scène, avec des arrangements bienvenus, des rythmiques adaptées (voir l’excellent « Star Riders » un peu accéléré et encore plus chargé en groove que l’original)… Le chant de Tommy Alexandersson, impeccable de bout en bout, est l’un des points distinctifs de la musique du groupe scandinave, et apporte au heavy rock vintage du groupe ce petit plus qui le rend si intéressant. Les cavalcades de guitares, les claviers… tout est en place et les 45 minutes défilent sans que l’on ne voit passer le temps…


The SHRINE

Le trio qui a récemment embauché celle qui fut l’une des plus belles femmes de la planète rock à moustache se radine devant la foule sans avoir pioncé (selon leur frontman Josh Landau) depuis leur performance londonienne : ça promet ! Nous avions déjà assisté à quelques performances de la bande originaire de Californie et étions assez excité à l’idée de voir Corey Parks envoyer du lourd à la basse avec ces deux camarades de jeu qui lui arrivent sous les aisselles. Question débauche sur scène, The Shrine et leur nouvelle recrue sont clairement très très forts !  A l’issue de ce set mémorable – qui vit la bassiste jouer contre le public massé à la barrière, et son leader se balancer dans le public lors d’un titre – notre seule déception sera de constater les ravages que la dame du groupe s’était infligé (la vie est dure). Inarrêtable sur scène malgré le manque de sommeil, les Étasuniens ont explosé leur temps de jeu pour le plus grand plaisir de ses inconditionnels à fond dans ce show d’excellente facture. Landau, avec ses airs de petit loubard des années quatre-vingt, est un performer hors-pairs et ses acolytes déploient une rythmique imparable ; l’exercice est clairement réussi et même les compos récentes comme « Destroyers » passent impeccablement l’examen du live, malgré le créneau horaire particulièrement haut sur l’affiche durant lequel The Shrine a dû envoyer devant le backdrop à son effigie. Une mention spéciale pour ce trio qui a su occuper tout l’espace physique à sa disposition afin de nous en foutre plein les mirettes.


NAXATRAS

Le retard pris depuis le début de l’après-midi ne dérape pas, mais ne se rattrape pas non plus. On assiste donc à la fin du soundcheck du trio grec pendant de longues minutes avant que le concert ne commence… et pour un début raté, on fait difficilement plus mal : John Vagenas demande à arrêter le titre au bout de 30 secondes ! Malgré un soundcheck à rallonge, sa basse n’est même pas accordée ! Le concert recommence donc, et l’on se rend compte que côté énergie, il est difficile de suivre The Shrine qui a bien chamboulé le public. L’intro pourtant assez dynamique du set ne suffit pas à renverser l’ambiance. Il faudra, comme souvent avec eux, que le groupe lance son classique « On the Silver Line » pour commencer à se mettre le public dans la poche – et à partir de là, il joue sur du velours. Sans surprise, John Delias reste statique sur quasiment tout le set, regardant alternativement ses collègues, son pédalier ou son instrument, mais ne s’adresse jamais au public. Heureusement, l’autre John, Vagenas, est de plus en plus à l’aise dans son rôle de chanteur / frontman et contribue un peu plus à l’interaction avec le public. Mais c’est la musique qui remporte le pompon, et de ce côté, le trio de Thessalonique ne manque pas de répondant. Même si ce n’est pas le concert le plus marquant du groupe, que l’on a beaucoup vu l’an dernier notamment, il reste l’un des meilleurs dans son genre, et ce set impeccable en est une nouvelle fois l’illustration.


GREENLEAF

Greenleaf à l’affiche d’un événement de ce type, c’est le niveau zéro de la prise de risque. Fondée alors que Dozer était encore en activité, cette formation insère les riffs imparables du quatuor des temps anciens venu de Borlänge à des compositions de heavy rock plutôt très abordables. Composé de zicos fort rompus à l’exercice scénique pour un line-up désormais bien stabilisé, le groupe mène, depuis la deuxième décennie de ce millénaire, une carrière exemplaire qui les voit se produire un peu partout sur le globe pour le plus grand bonheur de ses – très – nombreux inconditionnels. Nous sommes fans, les Allemands sont fans et toute la population présente à ce festival est définitivement fan. L’exercice semble gagné d’avance devant un parterre conquis, mais quid de l’exécution ? Ca débute très fort avec « Sweet Is The Sound » issu du petit dernier « Hear The Rivers » qui est un brûlot impeccable propice à l’étalage des hautes compétences de Tommi, à la guitare (qui arbore fièrement un t-shirt de ses compatriotes de The Hellacopters), des prouesses vocales d’Arvid (une bête de scène) ainsi que de la robustesse de la section rythmique (Hans à la basse et Sebastian à la batterie). Même si nous avons assisté par le passé à moults shows de Greenleaf, nous ne bouderons pas notre plaisir durant l’heure que le quatuor avait à disposition pour nous enchanter. Extrayant le meilleur de ses productions récentes avec les tueries live que sont « Ocean Deep » (sur « Trails And Passes »), « Pilgrims » (sur « Rise Above The Meadow ») ou « Oh My Bones » (sur le petit dernier), Greenleaf a conquis Berlin idéalement placé à l’heure du journal du soir, après nous avoir fait le coup de « vous-en-voulez-une-autre ? » grâce à une exécution sans faille et un sens de la mélodie admirablement retranscrit en live. Décidément cette deuxième journée se situe à un très haut niveau !


NICK OLIVERI

Un peu comme Wino la veille, la perspective de voir Nick Oliveri en extérieur, en acoustique, à la tombée de la nuit, sur le pont du Hoppetosse, s’annonce comme l’un des points d’orgue de la journée. On se pose donc tranquille dans le Biergarten pour voir le grand barbu enchaîner seul sur scène des morceaux issus des différents pans de sa carrière ou de ses groupes préférés, le tout arrangé… à sa sauce ! Chansons raccourcies, accélérées, chant souvent beuglé… on est habitués ! On voit ainsi défiler des morceaux de Kyuss (« Green Machine », comme hier avec Mondo Generator), beaucoup de QOTSA (« Gonna Leave You », « Another Love Song », « (…) Millionaire », « Auto Pilot », et une version de « Feel Good Hit of the Summer » où il laisse le public chanter le refrain…), des reprises (« Bloody Hammer » de Roky Erickson qu’il reprend souvent, « Back to Dungaree High » des Turbonegro, « Endless Vacation » des Ramones…), mais aussi des compos (« Invisible like the sky », mais aussi de l’inédit…). Un peu désorienté par le manque de public à proximité immédiate, il demande aux spectateurs venus le voir de près en haut sur le pont de s’assoir sur le banc devant lui pour la fin du concert, créant une ambiance un peu plus « cosy » – si l’on peut dire… Le gaillard posera sa guitare pour un final de quelques secondes qui consistera à hurler une version complètement déjantée de « Six Shooter » de QOTSA en guise de au revoir ! Ne faisant décidément rien comme les autres, Olivieri aujourd’hui a encore remporté quelques suffrages…


KIKAGAKU MOYO

Nous voulons bien concéder que c’est un peu honteux pour des types comme nous (qui nous pensions omniscients jusqu’à ce jour de mai), mais nous n’étions pas très au fait de l’art pratiqué par le groupe nippon et pas mauvais du tout. Leur placement sur l’affiche annonçait un peu la couleur et en grands amateurs de jeux de société que nous sommes, nous nous réjouissons à l’idée de les voir rentrer dans le dictionnaire afin de pouvoir briller au Scrabble. Alors que Nick Oliveri termine son set acoustique à l’air libre, nous nous pressons à l’heure pour capter quelques clichés, mais malheureusement le show ne démarre pas rapidement (ça nous permet de discuter un peu avec nos homologues et de constater qu’avec les années, cette manifestation ratisse de plus en plus large question couverture presse). Le retard de 10 minutes accumulé depuis quelques groupes déjà n’est toujours pas résorbé et, pire encore, il va augmenter avec la formation de Tokyo, active depuis quelques années déjà puisqu’elle va débuter avec une vingtaine de minutes de décalage avec le running order, après un dernier soundcheck peu énergique (ils avaient un sushi de son). Les réglages effectués, c’est groupés à l’avant de la scène (sympa le pit photo du coup) un peu comme des babas cools autour d’un feu de camp (la cithare soulignant l’aspect Woodstock revival de ce set), qu’ils envoient un set brillant et magnifiquement mis en valeur par un son nickel ainsi que des lights donnant au public un rendu de clapotis marins. La foule a ondulé d’un bout à l’autre de la salle et du début à la fin du set en parfaite osmose avec les musiciens plutôt orientés sur l’instrumental, avec ça où là des incursions de voix. Au final, les Japonais ont fait partie des groupes qui ont compté lors de cette édition avec leur style très planant lorgnant vers le psychédélique : les gens avec qui nous avons pu échanger par la suite en reparleront avec des étoiles plein les yeux.


FU MANCHU

Dire que l’ambiance est électrique lors de la montée sur scène de Fu Manchu est loin de la vérité. Venus exprès de Californie pour les 2 concerts des Desertfest, le groupe est très attendu ce soir. Pile à l’heure (en bon professionnels, ils ont rattrapé le retard cumulé cet après-midi) , le quatuor monte sur scène et ressort symboliquement une bonne vieille pépite au riff imparable, « Squash that Fly », sous les meilleurs augures. Scott Hill est déchaîné, headbanguant à la moindre. Et le reste défile ensuite, comme une démonstration. Les hits sont là et bien là (des versions énormes de « Evil Eye », « Mongoose », « King of the Road »… on ne peut pas toutes les citer !) et quelques raretés sont déterrées à l’image du punky « I Can’t Hear You » ou du vieux « Push Button Magic ». Complètement étranger au principe de démarche promotionnelle, Fu Manchu ne fait même pas l’effort de sur-représenter sa dernière production (pas plus de un ou deux extraits de « Clone of the Universe ») ni même la récente réédition de son « Eatin’ Dust » (deux pauvres extraits seulement). Ils sont là pour foutre le feu, pas pour vendre des disques ! Les californiens sont à l’aise sur scène, Scott Hill occupe tout l’espace qui lui est laissé disponible et abat à la chaîne les gros riffs que l’on attend tous, tandis que Bob Balch dispense ses lead et soli avec classe et talent. Et côté rythmique, vous connaissez la musique… Le set est massif, la set list est impeccable (des classiques, des titres plus rares, une alternance de titres plus ou moins nerveux,… il y en a pour tout le monde), l’interprétation est sans faille… Franchement, on sort de ce set non pas surpris (on les a vus ces dernières années, on ne s’attendait pas vraiment à être déçus) mais avec la confirmation que Fu Manchu est devenu un gros groupe de scène, d’une efficacité imparable. Ce soir encore, ils étaient au top.

 

L’affiche de cette seconde journée était énorme, et elle a tenu toutes ses promesses. On finit heureux, mais sur les rotules. Il va falloir choper quelques heures de sommeil pour pouvoir être d’attaque pour la dernière journée… Il est temps de rejoindre notre spartiate demeure temporaire, des étoiles plein les yeux et le sourire au bord des lèvres…

 

[A SUIVRE…]

 

Chris & Laurent

 

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