Après une superbe journée de printemps, quel plaisir de longer la Garonne dans la ville rose pour se rendre au Rex, superbe salle toulousaine, qui accueille ce soir une affiche aux petits oignons : organisée par l’asso Noiser qui sévit à Toulouse depuis longtemps maintenant, ce mini-festival sur 3 jours voit sa 1ère journée largement dédiée aux groupes familiers de notre lectorat. On ne pouvait pas décemment manquer cette date.
YOUR HIGHNESS
Entrée en matière solide pour la soirée : les belges de Your Highness montent sur scène et il ne leur faudra pas plus de 2 ou 3 titres pour convaincre un public qui commence tranquillement à remplir la salle (le début de soirée est probablement un peu trop agréable en buvant des mousses en terrasse…). Solide, carré musicalement, le quintette balance son sludge puissant sur une audience bien trop contente de prendre sa claque en bonne et due forme. Dynamique sur scène, lourd dans le riff, puissant dans les vocaux, Your Highness se distingue du “tout venant sludge” par une attitude scénique qui emprunte un peu au hardcore, et par une musique où riffs punchy se mixent à des plans mélodiques et des structures efficaces et bien mémorables. Alliant puissance et compos qualitatives, le groupe en a encore sous la pédale. A suivre…
CHURCH OF MISERY
Mise en place rapide, pas très formelle (quelques ajustements de dernière minute), on sent que les Church of Misery sont peinards, sûr d’eux. Il faut dire que ça fait maintenant deux semaines que les japonais sont sur la route et leurs prestations ont laissé des traces (cf notre propre expérience à Berlin il y a quelques jours). Donc on s’attend à une claque. Et on la prend… en tendant la deuxième joue, s’il vous plaît ! Un très bon “El Padrino” introduit le set du jour qui procède à un crescendo remarquable : coup d’accélérateur au premier quart d’heure, premiers pogo ensuite (un “Born to Raise Hell” très très chaud avec des pogos rudes dans le public), puis slams à gogo avant l’apothéose ! “I Motherfucker” emporte le ponpon du plus gros mosh pit de leur set. Même Takano, leur vocaliste azimuté, se lance lui-même dans une paire de slams pour finir le set avec le sourire et un feeling hors norme.Très très gros set des japonais, qui confirment leur statut de valeur très sûre du stoner/doom international désormais. Jumelés à un public à la fois bon enfant et connaisseur, l’équation est impeccable.
HIGH ON FIRE
Dernier gros client de la journée, c’est au tour de High On Fire de faire crier les amplis. Après avoir été très déçus par les conditions du concert de Berlin (allez voir la chronique, mais pour résumer le son ne rendait pas service au groupe), on a vraiment voulu aller à cette date pour voir le groupe dans un autre contexte. Quel grand bien nous a pris ! L’intro fut la même, à savoir ce « Sons of Thunder » et son tonnerre de grosse caisse sur lit de gratte, qui fait bien le job en annonciateur de la tempête à venir. Et tempête il y eut, avec un déferlement en début qui ne laissera personne de marbre (« The Black Plot »/ « Carcosa » / « Fertile Green », rien que ça), et une suite de set en forme de best of de la carrière du trio. L’ambiance est certes plus pesante et sérieuse que pour Church of Misery (la musique est un peu moins « fun » d’une certaine manière), mais dans le pit, c’est la guerre dès les premiers accords. Le son est impeccable : puissant, juste assez gras et graisseux pour retranscrire l’effet bulldozer attendu, et juste assez clair pour sentir le poids respectif des riffs coup-de-poing de Matt Pike, ainsi que des rythmiques de Jeff Matz dès lors que Pike daigne nous gratifier d’un de ces soli perçants dont il a le secret. Bon, les vocaux de ce dernier manquent un peu de relief (toujours un peu le même style hein, dans un champ tonal qui éveille des parfums de bitume chaud, de tessons de bouteille et de houblon un peu frelaté, le tout en mode beuglage…) mais pas de mauvaise surprise pour les aficionados en tous les cas.
Matz a beau œuvrer avec efficacité et dynamisme, c’est Matt Pike qui attire tous les regards, le gaillard est charismatique, et en grand ordonnateur du dieu metal (soyons honnête, High On Fire est plus proche du thrash que du doom…), il convertit les ouailles présentes comme le ferait un gourou hargneux, usant de sa guitare comme d’un artifice d’hypnotisation de masse… Le public ne résiste pas ! Les toulousains sont sortis ce soir pour s’amuser, et les flux incessants de slammers en attestent, tout comme la vigueur intarissable du pogo qui sévit dans le pit. Et ce n’est pas Hiroyuki Takano qui nous contredira : tout sourire, le chanteur de Church of Misery s’élancera depuis le bord de scène pour un slam de plusieurs minutes afin de profiter lui aussi de l’ambiance de la soirée !
Le set est dense et se termine avec l’habituel “Snakes for the Divine”… Un peu tôt ? La question ne se pose pas vraiment, en fait : la charge fut tellement rude qu’il n’aurait pas été forcément bienvenu d’en reprendre une louche ! On ressort donc rincés, usés, mais satisfaits de cette fort bonne soirée, dans cette fort bonne salle, avec un fort bon public. Toulouse, réveille-toi, tu as du potentiel !