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Kadavar + Slomosa + O.R.B. – 15/10/2025 – Bordeaux (Rock School Barbey)

Le plateau proposé ce soir voit Kadavar accompagné de deux groupes, dont Slomosa, sillonner le vieux continent, avec notamment plusieurs dates en France. Un peu sortie des radars des tournées les plus intéressantes ces dernières années, la capitale girondine fera néanmoins honneur à cette belle proposition, avec un théâtre Barbey qui affiche sold out pour l’occasion. On aurait été déçu à moins…

O.R.B.

Pour l’heure, c’est O.R.B. (Organic Rock Band) qui ouvre les hostilités. En montant sur scène, quelques minutes après avoir agité ses brins d’encens autour de leurs instruments, Zak Olsen, le Guitariste de la formation, salue le public et annonce “on va commencer par une petite jam”… et c’est en gros exactement ce qu’ils ont fait pendant tout leur concert, ou presque. Le trio australien propose un rock psyche instrumental absolument prévisible dans le style, mais parfaitement exécuté, ce qui rend ce concert tout à fait agréable. Les titres s’enchaînent sans rupture au début (un peu plus structurés sur la fin), liés par des séquences plus ou moins improvisées. Évidemment, condition nécessaire au regard du style pratiqué, les musiciens sont en quasi symbiose, avec une section rythmique impeccable et un guitariste qui apporte tout le relief nécessaire (notamment par un usage judicieux des pédales d’effets). Au bout de 30 minutes, rideau ! Aussi court, le set n’a jamais ennuyé, c’est donc un bon choix.


 

Au vu de son ascension qui ne semble pas ralentir, on pense très fort que Slomosa aurait probablement pu faire cette tournée en tête d’affiche… mais les norvégiens n’ont pas encore fait jusqu’ici de mauvais choix de carrière, jamais prétentieux, toujours en position de se challenger par rapport à une saine concurrence. On peut donc leur faire confiance, et cette tournée en première partie de Kadavar, superbe machine live s’il en est, semble sur le papier une excellente idée… d’autant plus pour nous, le public ! Ça commence vite et fort : enchaînant les tournées depuis des mois (années ?) le quatuor norvégien (oui, quatuor car le troisième guitariste inutile n’est pas de la partie sur cette tournée) est parfaitement rodé et n’a pas perdu le rythme. Ils enquillent donc direct en quelques secondes sur le mode « efficacité optimum », dans un véritable exercice de démonstration pure : interprétation sans faille, chant impeccable, activité scénique perpétuelle (on commence même à retrouver des petits gimmicks et signatures comportementales propres au groupe…).

Inconvénient du format « première partie », la set list est resserrée, pour un set de trois quarts d’heure environ. Du coup, peu de surprises de ce côté-là, les classiques sont enquillés, malgré le faux espoir de Ben qui nous fait miroiter de l’inédit avant de lancer le très old school « There Is Nothing New Under The Sun ». C’est d’ailleurs à peu près le moment-charnière où tout est parti en vrille côté public, avec déclenchement de toutes parts de moshpits, slam, stage diving… Cette trilogie finale (le titre susmentionné + « Kevin » + « Horses »), qui fait désormais partie du « package Slomosa live », est le vecteur d’un mouvement de folie furieuse dans le public, amenant un sourire jusqu’aux oreilles aux musiciens. Le concert se termine ainsi, court mais parfaitement mené, et tellement intense que l’on se prend à s’interroger sur la capacité de n’importe quel groupe à « passer derrière ça »…


 

La barre est donc haute… Est-ce que Kadavar a été piqué au vif par cette (saine, rappelons-le) concurrence ? En tous les cas, la formation berlinoise affiche très vite son ambition, via un débordement d’énergie scénique ! Tant et si bien que dès le second morceau, « Doomsday Machine », Lupus se jette dans la fosse pour jouer les premières mesures de guitare dans le public ! Le ton est donné, et le niveau ne faiblira pas vraiment sur les titres suivants. La set list du jour est ample dans tous les sens du terme : le groupe va piocher dans toute sa discographie, en mettant en valeur à la fois le très ancien (cinq chansons issues des deux premiers albums) et le très récent (deux extraits du dernier album un peu controversé et… les deux singles déjà sortis du prochain album !), sans oublier le reste ! De quoi satisfaire les fans old school, au même titre qu’afficher un fort taux de confiance dans sa récente production – d’autant plus que ces titres récents fonctionnent bien en live ! Qu’il s’agisse du concert lancé sur « Lies » (audacieux), du furieux dernier single « Total Annihilation » (où les musiciens apparaissent moins expansifs car plus concentrés sur ce morceau rapide et exigeant) ou bien des deux titres de leur album précédent cette année (le morceau-titre ainsi que « Regeneration » évidemment, qui s’intègrent tous deux parfaitement en concert), aucune baisse de régime n’est à signaler et l’on peut gager qu’il s’agit là de futurs standards.

Scéniquement, Simon « Dragon » occupe le vaste centre de la scène, qu’il arpente de long en large, le bassiste longiligne interagissant visuellement sans arrêt avec le public (aucun micro, alors que quelques mots en français auraient pu être appréciés). Lupus n’est pas en reste : même s’il est un peu obligé de rester derrière son pied de micro pour assurer ses lignes de chant, ou pour user de son rack de pédales pour ses divers fiévreux soli, il saisit chaque occasion de venir au contact du premier rang pour créer une connexion avec le public. Et pendant ce temps, « Tiger » derrière son kit de batterie bastonne ses futs avec de grands mouvements expansifs, sans jamais en mettre une de côté, tout en grimaçant outrancièrement, souriant aux premiers rangs, cherchant l’interaction visuelle… on ne s’ennuie jamais à le regarder derrière sa batterie ! Le nouveau guitariste n’a pas la même assurance scénique (pour la blague, il rappelle un peu la section rythmique d’AC/DC : il se rapproche du micro dès qu’il y a des chœurs à assurer, et revient près de son ampli le reste du temps…) mais il assure efficacement son rôle.

Le concert souffre toutefois d’un petit « ventre mou », non seulement musicalement (on le situera autour de « Long Forgotten Song » / « Intro the Whormhole », pas les titres les plus furieux de leur répertoire…) mais aussi en termes d’énergie, avec un groupe qui semble inconsciemment un peu lever le pied, déjà depuis quelques minutes plus tôt… Mais c’est vite oublié, au même moment où Lupus annonce « finies les chansons lentes », annonçant un parcours final qui s’avèrera solide, culminant avec notamment un superbe « Creature of the Demon » et un final prévisible sur « All Our Thoughts ».

On prend alors la mesure que le groupe aura joué environ 1h30 (une vraie rareté dont les groupes de cette catégorie ne sont pas coutumiers !), signe parmi d’autres que Kadavar est un groupe ambitieux, qui n’hésite pas à proposer « plus » et « mieux » que la concurrence des confrères dans son style (on mettra Slomosa dans une autre catégorie stylistique). Une sorte de « coup d’avance » qui le prépare vers le plus haut niveau, un statut auquel il est tout à fait en droit de prétendre. En tout cas, ce fut une superbe soirée.