La version 2025 avait sur le papier tout pour être une très belle édition. En effet, la liste des groupes pioche dans tout ce dont on a besoin pour passer un bon week-end : son lot de groupes inconnus qui ne demandent qu’à être découverts, les combos qui commencent à se faire un nom et qui doivent confirmer, les groupes qui font le buzz ces derniers temps, les vieux de la vieille qui ont déjà tout prouvé mais qu’on a hâte de retrouver, et même les tournées d’adieux. 45 groupes programmés pour 3 jours de riffs non-stop.
Petit point sur l’organisation qui n’est qu’une redite des chroniques précédentes puisque, mis à part l’arrivée du cashless (fini les jetons), la version belge du DesertFest ne change pas ses habitudes et le tout fonctionne à merveille. On y trouve des stands présents les 3 jours avec T-shirts, posters, CD et vinyles etc. dont les prix sont dans la norme. Et chaque jour, les groupes à l’affiche ont leur propre merchandising à proposer, là aussi avec des tarifs très corrects.
Niveau nourriture et boisson, on retrouve à peu de choses près les mêmes offres que les années précédentes mais avec le seul vrai coup de gueule à formuler, des tarifs délirants. Comment peut on proposer le verre de 25 cl d’eau à 3,20 € ? Le paquet de frites à 7 ou 11€ ? la pizza avec trois fois rien dessus à 14€ ? Bref, le Desertfest a testé l’élasticité des prix et j’espère que ça leur a pété à la gueule.
Heureusement, le reste n’est que positif et le week-end fut une nouvelle fois riche en concerts de qualité, en émotion et plaisir.
JOUR 1
Cette année changement d’approche : plutôt que d’essayer de voir un maximum de groupes, je vais tenter de voir le plus possible de concerts entiers (qui a dit que mon dos de 50 piges ne supporte plus les marathons musicaux ?)
Evidemment j’arrive à la bourre avec plus d’une heure pour parcourir les 15 derniers kilomètres qui me séparent de la salle, un calvaire. Je ne vois donc qu’un petit bout d’un groupe que j’avais pourtant mis sur la liste, les Français de Witchorious. Ça craint d’autant plus que le peu que j’entends sonne carrément bien. Occasion manquée donc mais j’espère bien me rattraper.
Entre leur passage de 2023 et celui-ci, The Obsessed nous a sorti un album. Mais c’est en puisant copieusement dans The Church Within que le quatuor construit son set. Pas de surprise avec une prestation convaincante mais sans originalité. On vient, on fait le taff et on repart. Parfois on n’en demande pas plus et c’est suffisant, c’est le cas pour Wino et sa bande. L’accueil est chaleureux, le public se prend une première grosse dose de son sur la mainstage. Le week-end est véritablement lancé.
Petit détour par la Vulture Stage pour profiter quelques minutes des Belges de Huracan qui dépotent vraiment bien et assurent totalement avant de retourner sur la Desert Stage pour voir un peu Oranssi Pazuzu. Leur Black Metal Psychédélique (pas moi qui le dit, c’est leur bio) n’est pas ma tasse de thé mais le groupe a largement la carrure d’une mainstage. La setlist est très majoritairement construite autour du dernier album du groupe Muuntautuja joué presqu’en intégralité. Le public se régale et le groupe gagne surement par la même occasion quelques nouveaux fans, but premier quand on vient en festival.
Je quitte un peu avant la fin, histoire de bien se placer pour Psychlona. La Canyon Stage si vous voulez être devant, mieux vaut se pointer un bon moment avant le début des sets. Psychlona, je les ai cochés sur ma liste car c’est le genre de groupe qui fait un stoner heavy des plus traditionnels mais très efficace. Et je ne suis pas déçu. Le groupe privilégie leur dernier album mais pioche également dans les trois premiers pour un set excellent. Que ce soit “Let’s Go” qui entame le show en mode on vient vous montrer ce dont on est capable ou “Blast Off” qui déchire tout, le groupe assure et se met le public dans la poche. Prestation attendue et convaincante d’un groupe qu’il faut absolument voir live pour apprécier le plein potentiel. Psychlona fait honneur à la Canyon réputée pour ses concerts de groupes pas forcément très connus mais qui fédèrent le temps d’un concert par leur énergie et leur talent.
Il n’aura fallu attendre que trois ans depuis depuis la dernière venue de Bongripper au Desertfest d’Anvers, en 2022. Une heure de show, trois titres. “Worship”, “Reefer Sutherland” et “Nothing”. Certains n’étaient venus presque que pour eux ce vendredi et ont eu droit à ce qu’ils attendaient. Aucune concession, du Bongripper pur jus. La salle vibrait à l’unisson avec les coups de basse de Ronald Petzke (la basse sonne toujours très fort dans cette salle) tandis que Dennis Pleckham et Nick Dellacroce riffaient en lourdeur presqu’insoutenable. Du grand Bongripper qui se fait bien trop rare en concert, les fans espèrent déjà un retour rapide même si le groupe n’est pas réputé pour ses longues tournées.
Dernier concert de la soirée avec un ancien de la scène, Nick Oliveri et son Mondo Generator. On a beau dire on a beau faire, ce mec assure toujours autant et même s’il a ses détracteurs, il a aussi ses fans qui se sont régalés du début à la fin. Le bougre sait y faire en articulant son set sur des titres en mode best of tout en plaçant des reprises des groupes qui l’ont rendu célèbre à savoir Kyuss (“Supa Scoopa”, “Green Machine”) et QOTSA (“Millionaire”). Dans la liste infinie des guitaristes qui ont fait partie du groupe, Mike Pygmie s’y tient avec 13 années consécutive de présence dans le groupe, signe d’une entente parfaite avec Nick, et sur scène la complicité est évidente. Côté batterie, les plus attentifs auront reconnu Jon O Garrett (Mos Generator, Weedeater, Turbid North etc.) qui est loin d’être un manchot et fait plus que le job en apportant une énergie supplémentaire. Puissant et rageur, un set qui clôture admirablement cette première journée avec un public qui chante et se secoue, balaçant les derniers soupçons de force qui leur restent.
JOUR 2
Après une très courte nuit, voilà que le plat de résistance arrive déjà avec un samedi exceptionnel. Pour une fois, je vais passer ma journée sur la Main Stage avec un programme qui s’annonce à la fois très varié dans le style et n’alignant que des groupes brillants.
On commence avec un projet fou qui avait tout pour être la tête d’affiche. Mars Red Sky, Monkey3 et le mix des deux Monkeys On Mars. Je ne peux que reprendre tout le bien que vous avez déjà pu lire/entendre sur ce projet et en rajouter une couche. Deuxième date de la tournée, les groupes ont encore quelques petites choses à régler selon leurs dires mais côté public, on ne s’aperçoit de rien et on est déjà proche de la perfection. Mars Red Sky commence avec 4 titres issus de 4 albums différents. C’est à la fois planant et prenant avec un public qui se laisse prendre dès les premières notes. Sur “Strong Reflection”, Monkey3 rejoint le groupe et termine le morceau avant d’enchainer avec leur propre set principalement articulé autour du formidable Welcome to the Machine. Qu’est ce qui n’a pas encore été dit sur la perfection de ce groupe en concert ? Une fois de plus la formation helvète fait preuve d’une maitrise absolue et reçoit des applaudissements plus que nourris et mérités. Sur “Through the Desert”, retour sur scène des membres de Mar Red Sky pour que l’ensemble se transforme en Monkeys on Mars. Le groupe interprète alors les deux titres du EP et on vit un moment d’exception. Ce projet avait sur le papier tout pour devenir exceptionnel, et exceptionnel il est devenu. C’est une chance d’assister à ce genre de moment et le public ne s’y trompe pas, l’ovation est unanime. Brillant.
Mission quasi impossible après cela pour Acid King d’attirer mon attention. J’ai un rapport avec ce groupe un peu bizarre puisque je n’ai jamais véritablement accroché. Mais je sais qu’il ne faut pas laisser passer une opportunité de se laisser surprendre surtout avec un groupe dont l’aura est si grande. Et bim, 50 minutes plus tard je suis encore dans la salle pour applaudir le groupe qui a délivré une très bonne performance. La setlist pioche dans presque tous les albums sauf Middle of Nowhere et Center of Everywhere (qui sera joué en intégralité le lendemain car oui, Acid King est là pour deux concerts). Vue la claque prise, j’ose à peine imaginer le plaisir ressenti par les vrais fans du groupe venus en nombre et l’ovation en fin de concert est énorme.
Huit années que je n’ai plus vu Colour Haze. C’est une énigme insoluble tant j’aime ce groupe. Je compte donc bien me rattraper et mes attentes sont énormes. Et elles seront plus que comblées grâce à Stefan Koglek et sa bande dont la performance est d’un niveau stratosphérique. Pour peu que vous trouviez ce groupe un peu mou sur album, je ne peux que vous conseiller d’aller les voir en live. C’est une autre dimension, c’est autre chose. La setlist balaye une grande partie de la carrière du groupe, c’est un régal. Un groupe au sommet de son art qui régale son public avec une performance puissante. Mention spéciale pour les CD à 6 € et les double Cd à 9 € au merch. J’ai raflé tout ce que je n’avais pas!
Comment profiter du reste des concerts après ce qu’on vient de vivre ? Comment passer après tout ça ? C’est une mission impossible.
Et dans ce cas, on appelle Mike Scheidt et YOB.
Le groupe arrive après trois performances exceptionnelles et défonce tout avec à mon humble avis, la meilleure performance du festival. Mike Scheidt est intenable et joue avec le public autant qu’avec sa guitare. Deux titres de Atma et deux de Clearing the Path to Ascend, le public est plus que conquis d’autant que le groupe était attendu puisque large vainqueur du nombre de tshirts à l’effigie du groupe aperçus durant la journée. La performance est en plus servie par un excellent son, très bien équilibré et qui permet d’apprécier la performance que chaque musicien. Pas une réserve à émettre, aucun bémol, c’était excellent de bout en bout. Difficile de trouver un mot qualifiant la performance, c’était Yobesque, tout simplement.
Et dire que j’étais là en priorité là pour le dernier groupe de la journée. Je viens d’assister à des concerts très différents les uns des autres, tous uniques et le groupe au top de ma liste doit seulement monter sur scène.
C’est toujours un mix d’émotions que d’assister à la tournée d’adieu d’un groupe que vous adorez et qui vous a accompagné aussi longtemps. Orange Goblin fait partie de ces combos qui étaient là avant que je ne tombe dans le stoner et qui a donc été une des premières découvertes. Ils ont été l’un des groupes fondateurs qui m’ont mené vers ce genre de musique. C’est donc avec une immense tristesse que j’apprends l’arrêt prochain du groupe. Mais c’est aussi avec une fierté infinie que je les vois finir avec une tournée en étant en pleine possession de leurs moyens, prêts à montrer à tous qu’ils vont partir la tête haute, au sommet. The Wolf Bites Back mise à part (sauf erreur de ma part), le groupe pioche dans sa discographie complète. Les fans reconnaissent les riffs à la première note, le groupe est à fond, le son est bon, on coche tout pour un show magnifique. On sent l’émotion du groupe pour son dernier show en Belgique. Mais on sent surtout le plaisir d’être sur scène. Orange Goblin dans son ultime tournée donne tout comme ils l’auront toujours fait. Un concert qui restera gravé dans les annales du festival. D’ailleurs c’est la journée complète du 18 octobre 2025 qui s’inscrit dans la légende du Desert Fest.
JOUR 3
La journée de dimanche s’annonce moins intensive mais non sans surprise. La première est mauvaise car Masters of Reality a annoncé la veille l’annulation de son show. Dans la série tournée d’adieu qui ne dit pas son nom, je voulais vraiment avoir une dernière fois la chance de voir Chris Goss. Pas sûr que le groupe ne revienne en Europe, j’ai vraiment l’impression d’avoir manqué mes adieux. Messa prend donc la place de Lowrider qui se voit placé sur l’horaire de Masters.
Je commence en picorant un peu des shows de Blue Heron et Alber Jupiter (très bon duo basse/batterie, à découvrir !). Mon premier vrai concert est contre toutes attentes Acid King. Le show de la veille m’a tellement plu que je suis sur le pont pour le deuxième set. Middle of Nowhere, Center of Everywhere célèbre ses dix ans et le groupe a donc décidé de le jouer en intégralité lors de ce deuxième set. Comme pour le concert précédent, la salle est comble, le son est excellent et le groupe en pleine maîtrise de son œuvre. Excellente initiative du groupe que ce double set. Acid King se fait rare sur scène, les voir deux fois en deux jours sur deux sets sans aucun titre en commun, est une chance que les fans ont appréciée.
Beaucoup a été écrit et dit sur le retour du groupe qui s’apprête à entrer sur la Main Stage. La décision fut courageuse et difficile mais l’accueil du public depuis ce retour a dû les conforter. My Sleeping Karma s’approche donc du centre de la scène pour communier ensemble avant de délivrer une performance d’une qualité unique. La maîtrise est totale, les titres sont joués à la perfection. Le public est en symbiose et apprécie pleinement la performance magistrale qui s’offre à lui. Si on conclue hâtivement on pourrait dire que rien n’a changé mais justement si, tout a changé et le groupe a su surmonter l’épreuve la plus difficile qui soit et revenir au sommet. Bravo à eux et long vie à My Sleeping Karma.
Abordons maintenant le cas Castle Rat. A l’image de Ghost il y a quelques années, le groupe divise. Je résume rapidement, le groupe s’approprie tous les clichés musicaux et visuels possibles en fantasy/médieval/vampire etc. Certains adorent, d’autres détestent, un grand classique. Je vais donc les voir par curiosité car je n’ai jamais entendu la moindre chanson et juste aperçu quelques photos sur des chroniques. Alors oui, je confirme. Tout est cliché dans ce groupe mais qu’est ce que je me suis régalé ! Qu’on aime ou pas les compos, impossible de nier que le groupe joue très bien. Le guitariste soliste est très bon avec quelques envolées très bien senties. Les compos sont catchies à souhait et difficile de ne pas headbanguer. Musicalement, ce n’est donc pas une révolution mais c’est du heavy épicé doom à l’ancienne qui fait plaisir. Sur scène, on nous raconte une histoire avec des interludes. C’est sympa, c’est oldschool total. Les rageux peuvent rentrer chez eux, de toute façon la salle est remplie au-delà du max et le public prend son pied devant ce spectacle. A la fin du set, j’entends quelqu’un dire « ça sent pas la tête d’affiche dans quelques années ça ? » et je suis parfaitement d’accord. Je suis ressorti avec l’envie de monter une équipe pour capturer un donjon. Épique.
Vite, direction la Main Stage pour ne pas rater le début de Lowrider. Le groupe profite de l’annulation de Masters of Reality pour avoir un slot mieux placé et aura d’ailleurs quelques mots de soutien pour Chris Goss. Lowrider fait partie de ces nombreux groupes actifs autour de 2000 mais qui ont fortement ralenti leurs activités ensuite. Un split (avec Nebula) et deux albums depuis 1999, pas le groupe le plus prolifique mais le combo a toujours bénéficié d’une réputation spéciale dans le milieu stoner. Un public de connaisseurs autant que de curieux accueille donc le groupe qui va donner un très bon concert. Le groupe s’applique et balance avec conviction leurs meilleures compos. Jadd Shickler de Blue Heron et Jack Townley de Elephant Tree se joignent à la fête pour un set qui ravira les plus exigeants. Excellente performance des Suédois.
Très surpris de voir Graveyard en tête d’affiche Main Stage du dernier jour mais pourquoi pas. Si j’en crois les différentes affiches des festivals, Graveyard a pris du galon ces dernières années là où j’avais un peu lâché l’affaire. Le groupe construit son set majoritairement en s’appuyant sur Hisingen Blues et Peace. Complétement vidé, je suis le concert en mode automatique sans pleinement en profiter. Le public répond présent lui avec une salle remplie jusqu’à la fin et généreuse en applaudissements.
DesertFest Anvers version 2025, c’est fini. Une très belle édition qui a tenu ses promesses. Le line up était très bon et personne n’a déçu.
Dans une excellente ambiance, les trois jours filent comme un éclair et même si on finit épuisé, on a forcément envie de revivre ça. Envie de recroiser les membres des groupes qui viennent se mêler à la foule et se prêtent volontiers au désormais selfie de rigueur, envie de flâner sur le site, de fouiller les bacs de disques, de manger de très bonnes frites hors de prix et surtout l’envie de croiser des fans, de faire de nouvelles connaissances et parler musique. Rendez vous est déjà pris pour les 16, 17 et 18 octobre 2026.