Nous nous étions terminés avec les légendaires Saint Vitus l’an dernier en ces lieux et piaffions d’impatience d’y retourner pour une nouvelle – et généreuse – ration de riffs saturés. Ceux-là même que nous chérissons tant depuis belle lurette en ces pages virtuelles. Nous n’allions pas être déçu par cette – déjà – sixième édition d’un festival que nous n’avons jamais loupé et dont nous sommes de fervents supporters depuis ses débuts (voire même avant lorsque le concept Up In Smoke ne se déclinait qu’en version itinérante) ! On ne change pas une équipe qui gagne et c’est un peu comme les gens qui foutent leurs caravanes sur le même emplacement dans le même camping tous les 15 juillet que nous nous sommes radinés dans la place.
SIX MONTHS OF SUN
Alors que les rayons de l’astre solaire baignaient encore la banlieue bâloise, la formation suisse ouvrait brillamment les hostilités peu après l’ouverture des portes. Ils ont d’entrée de jeu positionné la manifestation à un niveau élevé, ont profité de l’occasion pour capter de nouveaux fans et ont foutu une bonne branlée à un public fort nombreux à l’heure de l’apéro. Le groupe de Genève représentait le volet local de la programmation même si son lac est à plusieurs centaines de bornes de la zone industrielle de Pratteln. Nous avions déjà eu le plaisir de voir le batteur du trio en ces lieux lors d’une édition précédente avec l’incroyable groupe Intercostal (qui s’est malheureusement terminé tragiquement). Ce véritable métronome, flanqué de ses acolytes à la basse ainsi qu’à la guitare, a envoyé du bois durant 40 minutes intenses qui virent la foule se presser devant la nouvelle structure extérieure du festival (et délaisser les bars d’ordinaire fort courus à ces heures voire même tout du long de l’événement). Au passage, nous notons avec satisfaction que la plus petite des deux scènes a été brillamment réorientée et rehaussée afin de pouvoir permettre à une audience plus nombreuse d’assister confortablement aux shows (le seul bémol sera la hauteur de la scène pour certains photographes de petite taille). Pour en revenir à Six Months Of Sun : ces garçons actifs dans un registre instrumental pas si éloigné que ça des Karma To Burn des temps jadis ont aligné leurs titres avec vigueur. Quelques samples de dialogues du cinéma pour épicuriens (mention spéciale aux chips), leur ont permis de reprendre leur souffle entre chacun des morceaux. Nous avons pris un putain de plaisir d’entrée de festival et vous incitons fortement à aller poser vos oreilles sur les deux LP commis par ces helvètes (dont le fantastique « Below The Eternal Sky » sorti l’an dernier).
GIANT SLEEP
Après la première mandale du week-end, place à une multinationale mi-suisse mi-allemande qui prend place sur la Side Stage le temps d’un petit changement de scène bienvenu pour aller se rassasier, s’abreuver ou magasiner au stand de merch du fest (sur lequel on trouvera durant les deux jours le matos des groupes au fil de leurs arrivées respectives en ces lieux). Actif dans un registre heavy rock ou glam un peu daté (ça dépend des références), Giant Sleep a assimilé ce que les porteurs de permanentes pratiquaient il y a une trentaine d’année et le recrache à sa sauce. Ce n’est pas franchement la révolution, mais ça fonctionne sur le public branché par le rock, voire le stoner, très traditionnel (les autres profitent d’aller s’hydrater parce qu’on ne badine pas par ces chaleurs automnales). Le vocaliste de la bande a un peu réveillé un public ondulant lorsqu’il a interagi avec lui en l’encourageant à répéter « Hey » (ça marche toujours dans ces contrées) ou quand il a changé de registre pour grogner efficacement dans son micro. Très efficace, à l’image de son guitariste chauve – arborant fièrement son t-shirt de Pentagram – et se distinguant dans le rayon soli, le groupe binational a assuré le job même si les amateurs de sensations plus épicées ont été contraints de ronger leur frein jusqu’à la performance suivante.
WHORES
En tournée sur le Vieux Continent, le groupe d’Atlanta a fait halte au Up In Smoke sans Heads. qui assurait la première partie des dates de cette campagne hors certains festivals dont celui-ci. Avec leurs tronches de premier de la classe, les quidams n’ayant aucune idée du marigot musical dans lequel le trio se plait à évoluer se sont pris une belle mornifle en pleine poire. A mi-chemin entre le sludge et le crust, ce putain de groupe déploie une rare sauvagerie sur scène : c’est la grande classe à l’américaine ! Trépidante et corrosive, la musique déployée par les Américains fait mouche auprès des Lourds de l’assistance qui dégustent, en fin connaisseurs qu’ils sont, des standards imparables comme le délicieux « Fake Life » (tout un programme). La formation avait déjà fait halte en terres helvétiques avec Big Business (qui sont des garçons polis si des fois vous vous posiez la question) et son hurleur a pris le temps de faire un éloge fort sarcastique du pays qui l’accueillait ce jour-là. Nous nous sommes bien fait ramoner les turbines à cérumen durant les quarante-cinq minutes de set qui étaient accordées sur la Mains Stage à la formation la plus ravageuse (et ravagée peut-être) de la journée. Les bourrins dans la place mouillaient leurs petites culottes (surtout ceux qui ont des affinités marquées avec The Melvins qui nous avaient gratifié de leur présence lors d’une édition antérieure) alors qu’un nombreux public se retrouvait à l’extérieur pour épargner ses chastes oreilles ou picoler voire les deux à la fois. Faut dire qu’il était déjà l’heure du journal du soir et que nous n’avions pas encore assisté à la moitié des concerts du jour.
FARFLUNG
La nuit est jeune désormais tandis que l’on ressort de la salle pour assister au set de Farflung, pile sous la voie lactée (bon, OK, sous la tente on voit assez peu les étoiles). La troupe de Tommy Grenas prend la scène dans une pénombre veloutée propice à l’immersion et le claviériste (et vocaliste occasionnel) lance ses premières boucles devant un public nombreux et attentif. Les premières minutes passent sans émotion particulière, mais assez vite – et c’est sans doute dû au talent et à l’expérience des américains – la sauce prend, et le space rock du quintette s’installe pour trois gros quarts d’heure qui ne présenteront pas un seul point faible. Sorte de Hawkwind plus dense et plus concentré, les californiens s’appuient exclusivement sur leur interprétation et un light show lent et hypnotique pour plonger le public en immersion (et heureusement, car ce n’est pas le dynamisme des musiciens qui apporte quoi que ce soit au set…). Les titres s’enchaînent sans quasiment aucune communication avec le public, mais on ne le déplore pas, tant il serait malheureux de rompre l’ambiance. Et on peut penser que les musiciens sont aussi bien dans le trip que le public, puisqu’ils débordent de l’horaire prévu de 10 bonnes minutes (sans aucun impact sur la suite, bravo l’orga). Farflung confirme son statut d’un des meilleurs groupes de space rock du moment.
V.I.C. (Villagers of Ioannina City)
On se présente en soirée devant la main stage avec l’idée d’observer l’intrus de la soirée : comment un groupe aussi discret que V.I.C. se retrouve aussi haut sur l’affiche, au vu de la qualité de ceux qui l’ont précédé ? Il ne faut pas plus de quelques minutes pour comprendre qu’on n’a pas affaire à des perdreaux de l’année. Musicalement, le quintette repose sur une structure instrumentale en trio classique, déroulant un heavy rock fuzzé solide et nerveux, chargé de plans psyche qui ne tombent jamais dans le trip lourdaud et lancinant. Spécificité du combo, les deux autres musiciens proposent des plans d’instruments plus atypiques (clarinette, didjeridoo, cornemuse…) qui apportent des arrangements franchement inédits et rafraîchissants. La dynamique globale du set est excellente, bien emmenée par le charismatique mais jamais exubérant frontman Alex, et le public, qui remplit bien la grande salle, prend son pied. Il faut croire que la Grèce devient l’un des meilleurs fournisseurs de groupes qualitatifs d’Europe.
SASQUATCH
Ca faisait longtemps que l’on n’avait pas eu l’opportunité de voir ce vétéran du stoner US fouler les planches, on ne s’est donc pas fait prier pour gagner le premier rang de la seconde scène dès les derniers accords de VIC terminés. Agréable constat : on n’est pas les seuls dans ce cas, la notoriété du groupe étant supérieure à ce que l’on imaginait, et donc leur place si haut sur l’affiche largement légitimée. Restait à transformer l’essai sur scène ; ce fut fait… et avec la manière s’il vous plaît ! Très très vite, le public entre dans le jeu et le pit est tout simplement en feu pendant l’heure de set du trio américain. En commençant par l’excellent “More than you’ll ever be” issu de leur dernière galette, ils donnent une tonalité heavy à la soirée, confirmée par l’enchaînement avec le terrible “The Message” (seul extrait du pourtant excellent IV), un brise-nuques particulièrement dévastateur dans un public où se mèlent volutes enfumées, vapeurs houblonnées et plus généralement bonne humeur et envie de s’amuser. En piochant très largement (trop, selon les puristes) dans son dernier très bon album, Maneuvers, nos lascars enchaîneront des mid-tempo propices au headbang comme ils en ont le secret (“Just couldn’t stand the weather”, le classique “Cracks in the pavement”) à des brulots nerveux (“Rational Woman”, le vieux “Chemical Lady”…) qui finiront de rassasier un public ravi (le groupe débordera même de 10 minutes sur son horaire de faim – il nous en reste un peu, on vous le met ?!). le tout est emballé scéniquement par un Keith Gibbs charismatique mais sans exhubérance, et un Casanova à la basse lui aussi impeccable vecteur d’énergie. Une véritable machine de guerre ! On est ravis de voir le groupe (que d’aucuns pensaient usé par le temps) dans cet état de forme, capable de générer ce qui fut probablement le pit le plus déchaîné des deux jours de festival. Quel pied !
KADAVAR
John Garcia était initialement prévu pour cette fiesta baloise et sa présence avait été teasée par l’orga il ya quelques mois. La légende californienne (ou le crooner en vogue qui n’a rien sorti de potable depuis un bail, c’est selon vos affinités) ayant annulé sa tournée n’était finalement pas de la partie, et les promoteurs de la manifestation n’étant pas des gens ingrats, ils se sont tournés vers le trio allemand pour assurer (et assumer facile les doigts dans le pif) le rôle de headliner du premier jour. La bande berlinoise s’est pointée sur scène en terres conquises, a devisé en allemand avec le public et surtout a foutu un énorme boulet dans le Z7 ! Même si nous les avions déjà vus cette année et même si Kadavar en live c’est un peu l’expérience que tout le monde a déjà vécue, c’est avec un sacré plaisir que nous avons pointé nos miches devant la scène pour assister cette performance. La disposition des Allemands sur la scène a à nouveau contribué à notre bonheur : batteur centré en bords de scène officiant comme pièce centrale de l’orchestre, gratteur-chanteur côté jardin protégé par ses retours et bassiste francophone qui investit le côté cour avec vigueur en y baladant son impressionnante stature (le niveau est haut dans tous les sens du terme).
Côté son : « Forgotten Past » en version super fat pour les sections heavy du titre a spécialement emballé l’un de vos serviteurs, mais pour être honnête, avec des titres désormais légendaires comme « Purple Sage » (que nous avions capté au Hellfest l’été précédent si ça vous intéresse), « Doomsday Machine » ou « Living In Your Head », Kadavar a carrément emballé la totalité des festivaliers dans la place, se payant même le luxe de déclencher des crowd surfing.
Les sourires niais qui ont embelli nos sympathiques minois durant ce set n’avaient toujours pas disparu quelques heures après la fin du concert, tandis que nous montions le résumé en image de cette belle journée (disponible en cliquant ci-dessous) dans le confort spartiate d’un hôtel plus fonctionnel que charmant, avant de profiter de quelques heures de repos pour affronter une deuxième journée qui vendait du rêve sur le papelard !
*** NOTRE VIDEO REPORT DE LA JOURNEE DE FESTIVAL : ***
[A SUIVRE…]
Chris & Laurent
(Photos Laurent)
Laisser un commentaire