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Westill Fest 2025 – Jour 2 (Orange Goblin, Elder, Castle Rat, DVNE…) – 01/11/2025 – Vallet (44)

Le retour au Westill sent la fatigue. Ce week-end de Toussaint, avec son ciel bas et ses premiers frimas, aurait-il affaibli les organismes généreux du public ici rassemblé ? Que nenni ! Tout est à mettre sur le compte d’une première journée de première bourre, et il y a fort à parier que ce second jour nous remettra vite sur les rails.


REDSTONE

Et quoi de mieux pour se réveiller qu’un peu de stoner teinté de hardcore ? Redstone en connaît les codes. Les Angevins apportent un souffle bon enfant et bagarreur dans la salle, qui se remplit plus rapidement que la veille, tout en restant raisonnable. Entre deux harangues bienveillantes du chanteur, le set fait office de parfaite entrée en matière pour que Starmonger puisse venir se réchauffer sur les planches déjà brûlantes de la scène.


STARMONGER


Bénéficiant d’une bonne balance, et même si le set n’est pas exempt d’inexactitudes, le trio démontre sa progression scénique tout en occupant pleinement la scène. Côté public, même si à cette heure-là la foule n’est pas encore compacte, on dénote une concentration satisfaite, quel que soit le point de la salle où l’on se situe, ce qui donnera à une part des auditeurs une juste première impression de ce que peut donner le groupe sur scène.

 


IAH

Il est temps de laisser l’intro de côté : IAH vient foutre une branlée monumentale au Westill tout entier. Beaucoup découvrent ce soir les Argentins au son quasi Russian Circles, mais les plus avisés savent que depuis près de dix ans ce groupe instrumental sert un son psychédélique aussi lourd que jouissif. Introduisant sa prestation avec le mal nommé “El Silencio del Agua”, le trio assène les mélodies impeccables et puissantes de “Pri”. Ajoutez à cela les saillies de la basse et de la batterie en regard des riffs ravageurs de la gratte sur “Sentado En El Borde De Una Pregunta”, et bien des présents diront que c’était le groupe de la journée. Merci à eux de clôturer ainsi ce début de journée, ainsi que leur tournée, avec nous sur “Eclipsum”.

 


WYTCH HAZEL

IAH aura beau jeu de dérober la place de meilleur groupe de la mi-journée, car en comparaison, Wytch Hazel aura du mal à convaincre aussi profondément. Le groupe entre sur scène avec “Sonata” et cherche à réinventer une époque sans la singer pour autant. Leur heavy 80’s, boosté au doom old school, est fait d’une imagerie kitsch mais sérieuse, comme le prouvent les interprétations de “Archangel” ou “The Devil is Here”. On y voit un quartette tout en bottes, collants blancs immaculés et capes scintillantes comme des couvertures de survie. Le public, en connaisseur du genre, encourage toutes cornes dehors un set mené d’une main de maître, sans prendre le temps de souffler jusqu’à la dernière note de “Healing Power”.

 


CASTLE RAT

Tant qu’à faire dans le décorum kitsch, laissons la place à Castle Rat, qui entre sur scène comme on entame un rituel aux dieux anciens. C’est un univers en soi : théâtral, inquiétant et sensuel. Peut-être un peu trop d’ailleurs, pour certains qui se demandent pourquoi ces femmes sont à demi nues devant un parterre de mâles bavant d’envie par toutes les pores de leur masculinité ? Ayant assisté à leurs shows à plusieurs reprises cette dernière année, nous captons sans surprise les guitares épiques et le chant puissant de la Reine Rat. La mise en scène heroic fantasy du groupe, où les combats à l’épée et les danses étranges d’un rat-lyche, offre au public un souffle mystique porté par une énergie viscérale qui s’empare de lui. En l’espace d’une heure, les New-Yorkais ont convaincu la fosse tant par leur musique que par leur mise en scène millimétrée.

 


DVNE

Les émotions, ça creuse, et une fois de plus l’appel du ventre va nous faire préférer une tartiflette à Dvne, qui, de loin, démontre que les Écossais ne se contentent pas de jouer : ils construisent des mondes. Leur son s’élève dense et maîtrisé jusqu’au fond de la salle de restauration. Au croisement de nos camarades de concert, à l’issue, peu de ceux qui étaient là n’ont pas trouvé leur compte, et tous nous relatent combien ce groupe est intense et massif. On aura perçu en peu de temps qu’ils ne se trompent pas : le post-metal psychédélique avait de quoi terrasser la foule entre nappes de mélodies et frappes infernales du batteur. Nous avons eu le loisir malgré tout de comprendre que ce set était le dernier de la tournée 2025 du groupe, et qu’ils étaient ravis de la communion avec le public.

 


ELDER

La fin de soirée s’amorce, et on entre en terre de légendes. Elder prend sa part, et les transfuges américains à moitié installés en Allemagne viennent dérouler leur set d’un classique éprouvé, où retentissent “Compendium”, “In Procession” et le final “Gemini”. Le groupe, comme à son habitude, rentre dans sa musique, s’y abandonne et disparaît totalement au profit de celle-ci. Pas grand-chose à voir sur scène, mais tant à ressentir dans le public. Si la salle, au fil de l’eau, se vide d’un quart, c’est que la densité des mélodies est sans doute trop imposante pour le festivalier moyen. Ajouté à cela que le mix n’est sans doute pas des meilleurs, mais l’énergie et l’intention sont là du début à la fin, sans faiblir. Elder y introduit même quelques morceaux de son dernier opus, “Catastatis” et “Merged in Dreams – Ne Plus Ultra”. Le public, malgré tout compact, gratifie le groupe de ses bravos : il ne saurait en être autrement. Elder reste Elder, et même si l’on n’en est pas les plus grands fans, on ne peut que s’incliner devant la sagesse des anciens.


ORANGE GOBLIN

C’est donc à genoux que nous cueille la diffusion désormais classique de “It’s a Long Way to the Top” d’AC/DC, annonciatrice de l’arrivée d’Orange Goblin. Il ne faut que peu de temps pour que la salle soit comble, prête à accueillir dans la plus intense des émotions le set d’adieu à la France de ce monstre sacré du rock. Alors que le groupe prend sa place, Ben, une dernière fois, fait son entrée, et alors plus rien n’existe autour : on est là pour dire adieu dans un ultime show fait de sueurs et de larmes.

Le groupe londonien fait son dernier tour de piste avec la certitude des vieux routiers : pas besoin d’en faire trop, tout est déjà là. Pourtant, on craignait, au vu de nos récentes expériences, de retrouver un Goblin amoindri – il n’en est rien. Ils se sont foutu des coups de pied au cul pour tirer une révérence impeccable. Dans la fosse, les blousons édités pour l’occasion imposent leur lustre, pendant que le Gob’ démonte la fosse. Ben Ward se lèche les lèvres, prêt à croquer du fan : “Solarisphere”, “Scorpionica”, “Saruman’s Wish”… c’est un voyage dans le temps et dans les vieilles plaques que nous offre le quartette.

Évidemment, “The Filthy and the Few” déchaîne le pit en cercles furieux et pogos à tout-va. Le plus récent “(Not) Rocket Science”, suivi de “Made of Rats”, ne calme en rien la furie, et “Blue Snow” vient se rappeler à nous et faire monter les pensées déjà les plus nostalgiques de ce qui bientôt ne sera plus Orange Goblin. Un tour de “Devil’s Whip”, et les plus courageux prennent d’assaut la scène pour un stage diving assez rare dans les sets que nous couvrons, que pour être relevé.

Le reste du set passe en un éclair : encore trois titres, annonce Ben. Quelques grimaces à l’adresse des photographes de la part de Harry Armstrong, qui finira dans la fosse, porté en triomphe, et c’est le final “Red Tide Rising”. Les fûts de Chris Turner se taisent. Sourires aux lèvres, pouces levés, le groupe affiche sa satisfaction d’avoir détruit une dernière fois un public français. Joe Hoare débranche sa guitare et vient serrer une dernière fois les mains des fans qui ne veulent pas quitter le devant de la scène. Une page se tourne avec classe, rarement on n’aura vu un groupe aussi reconnaissant à son public et lui dire combien il en était un membre à part entière, une composante essentielle à son existence.

C’est le corps meurtri, l’âme entre extase et en peine, que nous trébuchons sur les cadavres de gobelets dans la fosse qui a vécu. Merci pour ces 31 années de putain d’Orange Goblin.


On s’étreint entre potes pour sceller ce moment. Il y a, pour veiller les derniers instants du festival, encore pas mal d’habitués adossés à la scène, où Nick Di Salvo discute avec quelques techs. Cette année, le Westill aura dépassé tout ce qu’il avait déjà fait, et inscrit son nom comme festival où tout stonerhead qui se respecte se doit de venir poser les pieds un jour.