DOPETHRONE (avril 2015)


C’est après leur prestation au Desertfest de Berlin, qui demeurera l’une de nos préférées de l’édition 2015, que nous avons tapé la causette avec le trio nord-américain. Boosté par une imagerie sombre, agressive et tourmentée, ces Canadiens s’avèrent être des garçons aussi sympathiques que talentueux. Ne nous leurrons pas, Dopethrone mieux que personne est une valeur sûre qui incarne le renouveau de la scène stoner internationale et pas uniquement francophone. Nous remercions Vince, Vyk et Carl pour leur génie, leur énergie ainsi que leur amabilité.

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Salut Dopethrone, comment se passe cette tournée européenne ?

Nous avons fait Lyon et Strasbourg avec Eyehategod et hier nous étions au Desertfest de Londres. C’est notre quatrième date aujourd’hui en fait. Ici c’est gros, avec une grande scène : c’est étrange au niveau du feeling. Il s’agit de notre plus gros show avec le Roadburn.

 

Quel effet cela vous a fait de vous retrouver sur une grande scène aujourd’hui ?

Comme une petite érection (rires). Nous préférons les petites scènes un peu plus intimes car nous sommes un peu punk et ces grosses scènes avec une barrière et le drumriser nous font un peu bizarre.

 

Vous étiez néanmoins bien groupés en avant sur la scène…

…c’est exactement ce que nous désirions. Nous aimons bien l’ambiance petit bar même si nous avons bien aimé ce concert et aussi l’organisation de ce festival.

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Vous n’avez, en plus, bientôt plus de t-shirts pour le merch…

…il a fallu repaquer. C’est important pour nous car ,comme nous le disons, et comme nous l’avons tatoué pour certains d’entre nous, D.I.Y. Fais-le toi-même : nous faisons tout nous-même y compris le merch. Si vous désirez nous revoir l’année prochaine il faut acheter du merch car il nous faut de l’argent pour tourner.

 

Quand vous parlez de tout réaliser, vous faites aussi le design ?

Nous dirigeons à la manière d’un directeur artistique en engageant un gars et en lui indiquant ce que nous voulons à peu près et après il y va. Nous sommes le cœur et l’âme de l’artwork, mais nous utilisons d’autres gens pour transformer notre vision sur papier après.

 

Musicalement vous avez aussi cette démarche D.I.Y. en enregistrant vous-même ?

Ce sont des amis qui s’en chargent. C’est comme ça que ça a commencé avec le batteur du début et ça a continué ensuite avec Dark Foil et III quand Carl est arrivé . C’est un peu une famille. Nous avons finalement dû changer pour des raisons de fiabilité et travailler avec JB, un Français établi à Montréal, pour Hochelaga qui sonne pour nous extrêmement bien. Nous avons d’ailleurs envie de continuer avec lui pour le prochain album.

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Votre nouvel album Hochelaga n’était pas tout à fait sorti au début de la tournée, était-ce handicapant pour vous ?

Nous avions le LP au tout début de la tournée, mais le CD n’était pas sorti à temps et nous avions la version virtuelle disponible : ça vend beaucoup et c’est parfait. Il est à $6.66 sur Bandcamp, nous nous demandons bien pourquoi (rires).

 

Pour quelqu’un qui ne vous connaitrait pas, comment décrieriez-vous cette nouvelle production ?

Nous sommes des punks qui jouons du blues. Tu mélanges ça avec une voix black metal, de l’occulte et du heavy après ; imagine un mammouth qui se noie dans du goudron mélangé avec du blues…

 

On vous dit assez proche du sludge, vous sentez-vous proche de cette scène ?

Nous essayons de trouver notre propre son. Comme pour une bonne recette, nous tentons de l’améliorer en ne la changeant pas trop. C’est un peu comme pour les riffs de Muddy Waters : quand tu écoutes un album tu sais que c’est Muddy Waters, mais toute une équipe participe à la construction du son et pas une seule personne. Nous n’essayons pas de réinventer la roue ; nous essayons d’être nous-mêmes et de jouer la musique qui nous plaît ; celle qui nous fait nous sentir bien.

 

Votre son est assez proche d’un certain son issu de la scène de La Nouvelle-Orléans – vous avez par ailleurs joué avec Eyehategod commevous le disiez –  est-ce que vous vous sentez proche de cette scène en raison de la colonisation de cette ville par des Canadiens ?

Cette ville a un petit côté francophone c’est certain. Vince y est resté un bout de temps après Katrina en 2008 quelques années après l’ouragan afin de jouer de la musique ; dans le ghetto là où les armes à feu étaient très présentes. Certaines maisons étaient à moitié démolies et les enfants de quartiers jouaient dedans ce qui était assez dangereux. Il a donc travaillé là-bas avec des prisonniers et des personnes qui acceptaient de très faibles rémunérations.

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Quelles sont les évolutions majeures que vous percevez entre Hochelaga et III ?

En nous fiant aux reviews, il semble que III était la continuation de Dark Foil, mais que Hochelaga c’était Dopethrone. Les fans nous ont trouvé : c’est ce que nous sommes. JB nous a aidé à trouver notre son à nous. Nous avons composé en jammant durant des barbecues, nous improvisons et jouons plutôt que nous échanger des riffs à distance. Vyk se chargeait de tout enregistrer avec son téléphone afin que nous n’oubliions pas ensuite ce que nous avions joué la veille. Nous ne sommes pas du tout technologiques et nous pensons avoir perdu de nombreux titres en n’enregistrant pas nos jams vu que nous le faisons surtout en fin de semaine en faisant la fête. Nous sommes très productifs en travaillant ainsi en acoustique. Nous avons un mode d’écriture instinctif ; nous le faisons au feeling uniquement et n’arrivons pas à nous poser dans un local pour nous focaliser sur le processus d’écriture. Ce processus est naturel comme dans le blues : si ça la fait c’est OK et sinon tant pis. Les riffs les plus aboutis sont ceux qui ont été composés quand ça allait mal et quand nous étions déconnectés. Impossible pour nous de composer après une séance de fitness et un petit jogging ; c’est pas la « Balade des gens heureux ».

 

Vous n’avez pas l’air malheureux pour autant !

Après dix-huit heures de route et quelques bières : ça va bien !

 

Vous vous déclarez pas technologiques, mais quand on voit le nombreux public qui est venu assister à votre prestation, on pense aussi que votre présence sur les réseaux sociaux n’y est pas étrangère.

Nous sommes arrivés après que Myspace se soit crashé et que Facebook débarque en force avec l’appui de Youtube. Ca nous a permis de toucher du monde et par exemple, ce soir un fan est venu d’Israël pour nous voir. Il nous a d’ailleurs dit qu’une scène stoner y existait. Ce type est venu d’Israël que pour nous et même si cinq-cents personnes ont assisté au concert, juste cette personne-là nous rend heureux. Il y a aussi un de nos fans qui s’est fait tatouer notre logo et qui bouge à chaque fois que nous jouons à trois heures de route de chez lui. Il nous voit cinq ou six fois par tournée et ça nous fait aussi nous rendre heureux.

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Vous avez réalisé un visuel très agressif pour cet album et le clip de « Scum Fuck Blues » hyper violent…

C’est des amis à nous qui l’ont réalisé. Ils avaient fait un film en utilisant un de nos titres et on les a contactés pour qu’ils fassent ce clip. Ils travaillent sur VHS avec beaucoup de grain ce qui matche bien avec notre style.

 

… je pense que ça a contribué au fait que les gens viennent vous voir…

Oui, nous avions donné comme guideline : 1970, 1980, abus de substances, bikers, meurtres et drogues. C’est tout… et ça a marché !

 

Pourquoi avoir baptisé cette nouvelle production du nom de là où vous vivez ?

« Hochelaga » : c’est parce que c’est là que l’album est né tout simplement. C’est comme une ville dans une autre ville ; dans Montréal. Hochelaga est un quarter très québécois dans Montréal ; il s’est beaucoup appauvri quoique ça s’est amélioré un peu ces dernières années. Au début, il y avait des putes aux coins des rues, des bastons, des meurtres et des feus partout, mais là, ça diminue. Ce qui est positif avec ça c’est que nous ne pouvons pas nous faire arrêter car il y a toujours quelqu’un de pire que nous. Toujours quelqu’un de plus thrash. Nous faisons des feux et nous jammons, mais personne n’appelle la police. Les gens nous reconnaissent et nous respectent parce que nous n’avons rien à voir avec la vente de crack et les bandes de junkies. Nous sommes respectés au niveau communautaire car nous partageons.

 

Comment expliquez-vous l’omniprésence de la France autour de vous : label et tourneur en premier lieu ?

Parce que les Français sont partout, tabernacle (rires) ! Ca s’est développé naturellement ainsi. Quand nous avons joué au Roadburn, Walter nous avait mis dans la même loge que les groupes français. Nous avons donc rencontré Huata, Nico [de Dead Pig Entertainment], etc. Le plan est parti comme ça. Nous avons plus tard rencontré JB : c’est des coïncidences, mais ce style ne marche pas très bien à part au Sud des USA et un peu sur la Côte-Est, alors qu’en Europe, et en France en particulier, nous avons nettement plus de fans. Pour jouer aux Etats-Unis : c’est très très très compliqué. Nous jouons presque gratuitement en raison des visas et autres formalités ce qui contraint les groupes à jouer soit de manière illégale – sans pouvoir vendre de merch par exemple – soit de ne pas gagner d’argent.

 

Et qu’en est-il au sujet de Montréal ?

La scène commence à se développer. Il n’y a pas de scène stoner au Canada, même si d’autres que nous sont déjà venus en Europe, comme Show Of Bedlam. Il ne s’agit pas d’une grosse scène ; rien à voir avec l’Europe. Alors que le grind et d’autres styles extrêmes sont bien établis.

 

Pour finir, comme vous avez sorti quatre albums en sept ans : où en êtes-vous du processus d’écriture du prochain ?

Nous en sommes à zéro ! Nous avons des vies en dehors de Dopethrone car nous ne vivons pas du tout de notre musique donc il faut aussi que la vie continue. Nous nous concentrons pour l’heure sur la sortie de cet album et sur la tournée actuelle. Nous nous concentrerons après sur la suite d’autant plus que Carl, notre batteur, a déménagé et on se retrouve tous à cinq minutes les uns des autres, ce qui nous permettra de composer plus rapidement le cinquième album qui va déchirer des culs !

 

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