ORQUESTA DEL DESIERTO – septembre 2003


Dandy Brown respire la joie de vivre. A la tête de projets qui provoquent des rêves humides de la part du microcosme « stoner » (qui s’élargit de plus en plus) dans le monde entier avec Hermano et Orquesta Del Desierto, il commence à voir le fruit de son travail récompensé par un véritable succès critique, et surtout (enfin), public. Alors que son nouvel album « Dos », somptueux, s’apprête à sortir en Europe, il nous raconte par le menu sa création et autres anecdotes exclusives…

 

Que s’est-il passé pour Orquesta Del Desierto depuis la dernière fois que l’on s’est vus, après la sortie de l’album ? Avez-vous envisagé de faire une tournée ensemble, ou bien êtes-vous tous repartis travailler sur d’autres projets, chacun de son côté ?

Dandy Brown: Lorsque l’on est dans Orquesta, il y a toujours des discussions et des opportunités de faire des concerts, car on adore jouer et jammer ensemble… Mais c’est encore une situation frustrante – comme avec Hermano – où l’on a des gens venant d’un peu partout dans le projet, et chacun a des emplois du temps différents et des groupes différents. Lorsque je me suis lancé dans ce genre de projets, j’avais un point de vue bien plus « romantique », je me disais qu’il serait facile de faire jouer ces mecs ensemble régulièrement. Mais dès que l’on commence à se plonger dedans, chacun a sa vie, son parcours à mener, et cela les éloigne les uns des autres, ça rend les choses de plus en plus difficiles à mettre en place. Des tourneurs américains et européens m’ont déjà contacté en me proposant de mettre en place des tournées, et tous les membres du groupe, en entendant ce type de propositions, ont vraiment envie de le faire, mais très vite ils déchantent en regardant leur emploi du temps, et là ça devient un enfer… On adorerait aller faire des concerts, on en parle sans arrêt, mais aujourd’hui je ne sais pas dire quand cela pourra se faire…

Pour cet album tu n’as pas écrit toutes les chansons dans le désert (certaines ont été écrites en Floride durant la période où tu y vivais). Penses-tu que le thème principal du projet reste le désert, dans ces conditions ? Penses-tu que le simple fait d’avoir enregistré l’ensemble de l’album dans le désert californien a permis d’y rajouter ce « parfum » de désert que l’on retrouvait sur le premier album ?

Je pense que les fans du premier album, en entendant le nouvel album, vont être surpris à nouveau, car je pense qu’il y a une évolution, une direction différente, sans pour autant se débarrasser des racines du projet. Ouais, il y a quelques influences de la Floride sur cet album, des influences de mes expériences et du temps que j’ai passé là-bas. Mais nous avons tenté d’apporter un réel effort de travail en collaboration cette fois, ce qui représente en soi une évolution dans le mode de composition. De nouveaux compositeurs sont intervenus sur l’album et ont apporté leur état d’esprit (ils étaient dans le désert depuis le début, même pendant que moi j’étais encore en Floride). Donc ce « parfum » de désert y est bel et bien, mais il y a aussi une réelle évolution.

 

Tu parles d’un effort de collaboration plus approfondi sur cet album, et en particulier de nouveaux compositeurs qui prennent une place importante. Parle-nous justement de Mike Riley et Country Mark Engel qui ont été des acteurs importants de cet album.

Je connais Country Mark Engel depuis 18 ans ! La première fois que je l’ai vu jouer, il avait seize ans, il jouait dans une sorte de concours local du meilleur groupe, et moi aussi. Il m’a sidéré… Pendant cinq ans j’ai ensuite essayé de le faire jouer dans un de mes groupes, mais il était trop occupé, et ça n’a jamais pu se faire. Finalement, j’ai commencé à jouer dans ce groupe, Dock Ellis, au début des années 90, et nous sommes devenus en quelque sorte des partenaires compositeurs. Lorsque j’ai déménagé dans le désert, il était encore à Cincinnati, et en avait vraiment marre de cette ville, il voulait en partir et essayer quelque chose de nouveau. Je lui ai alors proposé de venir s’installer chez moi dans le désert, et c’est comme ça qu’a commencé ma collaboration avec Mark sur ce projet. En ce qui concerne Mike Riley, nous nous sommes rencontrés lorsque je suis venu pour la première fois dans le désert. Mike Riley est le mec qui a toujours été derrière tout ce qui se passe dans le désert ! C’est vraiment bizarre, tout le monde là-bas, Brant Bjork, Josh Homme, John Garcia, Mario Lalli, Alfredo Hernandez… d’une manière ou d’une autre ils ont tous un rapport avec Mike Riley ! Il a été ingénieur du son pour certains, a produit ou organisé des concerts ou des fêtes pour d’autres, ou encore a enregistré en studio avec d’autres encore. C’est un vrai vétéran du désert, il n’y a pas d’autres mots pour le qualifier ! J’ai eu la chance que l’on nous présente lorsque je suis arrivé dans le désert, et nous sommes devenus de très bons amis : nous avons des centres d’intérêts communs, la même attitude… tu sais, tout ce qui constitue une vraie amitié. Lorsque tu rencontres quelqu’un comme lui, tu ne peux pas ne pas le faire participer à un tel projet.

Qu’en est-il de Rancho De La Luna ? C’est un studio mythique pour les fans de stoner « underground », mais il n’est pas très célèbre, peux-tu nous le présenter, nous dire ce qu’il a de si spécial, à commencer par les artistes qui y ont a déjà enregistré ?

Tu as déjà Kyuss qui y a enregistré certains de leurs derniers morceaux. Les Queens Of The Stone Age aussi, Nebula, Fu Manchu, Mark Lanegan… Masters Of Reality y a travaillé, ainsi que la plupart des groupes initié set produits par Chriss Goss. Il n’y a pas réellement de « qualification » nécessaire pour enregistrer là-bas, tous les styles peuvent y être représentés… Lucinda Williams, par exemple (ndlr : artiste folk-blues-country américaine) vient d’y enregistrer son album. Les artistes vont et viennent…

 

As-tu déjà rencontré Fred Drake ? (ndlr : le légendaire créateur de ce studio, récemment disparu)

Non, je n’ai pas eu cette chance, il est décédé avant que j’arrive dans le désert. La localisation de ce studio, l’environnement dans lequel tu te retrouves plongé, sont vraiment incroyables… Lorsque tu rentres habituellement dans un studio, tu sens que c’est très « stérile », tu sais que tu rentres là pour enregistrer ton album, un point c’est tout. Tandis que lorsque tu rentres dans Rancho De La Luna pour la première fois, déjà tu rentres par la cuisine ! Puis tu passes dans le salon, tu enregistres les parties de guitare dans les chambres à coucher, etc… Tu vois le genre… Lorsque tu y passes la nuit, tu te réveilles et tu prends ton petit déjeuner en regardant la beauté du désert qui se présente face à toi… Je n’ai jamais ressenti une telle liberté de toute ma vie.

On retrouve quatre guitaristes différents dans Orquesta Del Desierto, ce n’est pas très courant ! Comment gères-tu ce genre de line-up en terme de production ?

Lorsque je pense à Orquesta, je pense à cette énorme production par laquelle j’essaye de représenter la beauté du désert. Il y a tant de diversité et de variations dans le désert, et je suis convaincu que tous les musiciens qui font partie du groupe ajoutent tous une part différente au projet. Par contre, lorsque l’on en arrive à mixer un album de Orquesta, cela devient un processus vraiment éprouvant, car tu dois gérer parfois jusqu’à 36 ou 37 pistes de musique différentes (batterie, percussions, claviers, cuivres, guitares, basse…). Ca devient une masse de choses, une sorte de monstre que tu essayes de contrôler et présenter de façon à faire ressentir aux gens quelle est ta vision du désert… C’est de cette manière que nous essayons de représenter le désert par l’intermédiaire de la production de Orquesta, et je pense que les participations de chacun des musiciens jouent un rôle important là-dedans. C’est vrai que ça devient un cauchemar dès que tu dois mixer le tout, mais chacun apporte quelque chose de différent, et je ne veux en aucun cas être un producteur qui dit à ses musiciens : « tiens, voici tes partitions, tu n’as qu’à jouer ça ». Par exemple, j’adore ce que fait Mario Lalli, j’adore les sons qu’il crée, j’adore le côté « avant-gardiste » de son jeu, et c’est ce qu’il apporte à l’album ! J’adore Country Mark Engel parce qu’il est si « ancré » dans la terre, si brut… Ils apportent tous quelque chose qui rend Orquesta si spécial. Sans l’un de ces éléments, je ne pense pas que les autres puissent fonctionner – et ce même si certains des éléments d’origine se sont perdus en chemin, que les gens ont évolué…

 

J’ai entendu dire que tu avais des problèmes avec Tee Pee Records, le label sur lequel tu as sorti l’album de ton autre groupe, Hermano. Je trouve intéressant d’avoir un témoignage qui montre que contrairement à ce que l’on croit, les petits labels indépendants ne sont pas forcément plus honnêtes… Peux-tu nous en parler ?

Bien sûr ! Tu sais, lorsque j’ai rencontré Tony, de Tee Pee, la première fois, il m’a vraiment semblé être un mec honnête. Nous avons signé un contrat réglo, nous n’avons aucun problème à ce sujet, le contrat est clair. Mais au bout d’un moment, Tee Pee nous a demandé si nous voulions enregistrer un second album avec eux. On a alors dit : « OK, on a tous plus de trente ans, on a tous un métier, alors voici notre budget pour enregistrer cet album, c’est à dire la somme que cela nous coûte d’arrêter de travailler le temps d’enregistrer ». C’était un marché honnête, mais à partir de ce moment, tout s’est dégradé ! Ce n’était pourtant pas un budget de grosse maison de disque, c’était vraiment le minimum, seulement pour le principe de faire Hermano pour le plaisir, mais ils trouvaient que c’était trop. A partir de là, tout a commencé à déconner, ils ont arrêté de communiquer avec nous, car ils se sont aperçus que l’album ne sortirait pas chez eux. Ils ont commencé à nous envoyer des rapports falsifiés, des factures où ils comptaient tout en double, etc… Ils pensaient sans doute que notre management ne le remarquerait pas ! Ils ont choisi d’adopter ce type de comportement, ils pensent s’en tirer comme ça, mais tu sais quoi ? Ils vont avoir une mauvaise nouvelle, car on va pas les laisser faire ! Et pourtant on a toujours été à cheval sur le principe de bien lire tous les contrats, mais à partir du moment où l’on ne respecte plus le contrat, que te reste-t-il ? Tu te retrouves obligé d’attaquer, et tout l’argent que ça va coûter va aller dans les poches d’avocats, d’experts, tout ça parce que Tee Pee a décidé d’agir comme des trous du cul. Tu sais le pire dans cette histoire ? Frank Kozic, le fondateur du mythique label Man’s Ruin, a eu les couilles de donner à Hermano assez d’argent pour enregistrer notre album, alors qu’il savait très bien qu’il ne pourrait pas le sortir à cause d’American Records…

Il le savait à l’avance ?

Oui, il le savait, il m’a appelé au studio quand on commençait l’enregistrement et m’a dit que l’album ne pourrait pas sortir comme prévu, et il m’a malgré tout donné l’argent nécessaire. J’ai promis à Frank que je lui rendrai tout son argent et on a fait mettre une clause dans le contrat avec Tee Pee pour qu’ils ne donnent pas le moindre centime à Hermano sur les royalties tant que toute la dette à Frank Kozic n’était pas remboursée… Enfin, tu vois le genre, c’est dire à quel point les mecs de Tee Pee sont des salauds…

 

Parlons maintenant de l’avenir : quels sont tes plans pour l’avenir, une fois l’album sorti, avec tous tes projets ?

Et bien l’album de Orquesta sort donc fin octobre en Europe, et en Décembre ou Janvier aux Etats-Unis. Nous prévoyons toujours de rentre en studio en décembre avec Hermano pour enregistrer le nouvel album. Il est écrit, il faut simplement maintenant trouver le temps de le faire, et décembre semble être le meilleur moment pour ça. On essaiera aussi de faire quelques concerts avec Orquesta en Californie très prochainement, puis avec un peu de chance, on pourra revenir en Europe avec Hermano au printemps pour s’éclater, et en même temps jouer quelques concerts en parallèle ici ou là avec Orquesta, pourquoi pas ? Bref, s’éclater.

Et si tu nous parlais un peu de ton projet secret avec John Garcia ? (ndlr : le légendaire chanteur de Kyuss, Unida…)

John et moi écrivons des chansons ensemble depuis maintenant cinq ou six ans, des chansons plutôt « douces », acoustiques. On en est arrivé à accumuler un énorme tas de chansons, et on se dit sans arrêt qu’il va être temps d’en faire quelque chose un jour ou l’autre, et je crois que l’on en est arrivés au point limite où l’on s’est dit : « OK, maintenant on a tant de chansons, il faut absolument que l’on en fasse quelque chose avant d’aller trop loin ». Alors on va rentrer en studio pour enregistrer ça. Je pense qu’on le fera dans les trois ou quatre mois qui viennent, et peut-être sortir ça environ au même moment que le prochain album d’Hermano. Ce sera un projet très personnel, c’est vraiment simplement John et moi. Par rapport à Orquesta, où il y a parfois 37 pistes sonores à mixer, là il y a à mon avis au maximum une piste de chant et deux pistes de guitare ! C’est très minimaliste, j’ai vraiment envie de m’impliquer maintenant dans des projets pour lesquels le mixage ne nécessite que de tourner trois boutons différents sur la table de mixage ; c’est vraiment comme ça que je ressens les choses aujourd’hui !

septembre 2003 par Laurent.

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