FATSO JETSON (Oct. 2016)

 On rencontre rarement des musiciens aussi intègres et passionnés que les mecs de Fatso Jetson, en particulier leur paternaliste leader Mario Lalli. Alors qu’ils viennent de sortir un très réussi nouvel album, “Idle Hands”, on a sauté sur l’occasion de s’entretenir avec le groupe californien, fondateur du véritable “desert rock”. Conversation avec Mario, son fils Dino, et Tony Tornay, inébranlable batteur de la formation.

 

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Avant tout – je ne m’étais jamais posé la question auparavant – pouvez-vous nous dire d’où vient le nom « Fatso Jetson » ?

Tony : C’est le personnage que joue Ernest Borgnine dans le film « From Here To Eternity » [ndlr : « Tant qu’il y aura des hommes », de Fred Zinnemann, 1953 – en réalité, le surnom du personnage est Fatso, mais son nom est Judson].

 

Et pourquoi avoir choisi ce nom pour le groupe ?

Et bien on avait un concert prévu, or personne n’avait d’idée de nom pour notre groupe. Je me souviens parfaitement du jour où Mario a débarqué et a simplement demandé « Que pensez-vous de Fatso Jetson ? », et on a simplement dit « OK », car personne n’avait de meilleure idée… Et on a continué avec.

 

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J’aimerais parler un peu de votre nouvel album, Idle Hands. Avant tout, pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour le sortir ? Six ans s’étant écoulés depuis le précédent…

Mario : Je ne sais pas vraiment, je pense simplement que c’est globalement dû à notre mode de vie, et surtout le contexte dans lequel nous avons vécu ces dernières années, dans notre vie privée. Nous n’étions pas dans un environnement et un état d’esprit très propices à la création. Nous avons chacun eu à gérer beaucoup de choses : le boulot, la création d’un commerce, s’occuper de nos familles… Globalement ce fut une période difficile pour nous tous : mon fils a terminé le lycée, Tony et son épouse ont créé une nouvelle affaire à Los Angeles, moi-même j’ai dû tenter de sauver mon restaurant dont la situation s’aggravait… Nous n’avons néanmoins jamais arrêté de jouer de la musique durant tout ce temps et ne sommes jamais restés inactifs : nous avons composé, produit de la musique (splits, EP…), collaboré avec des musiciens sur différents projets, fait des tournées… Mais durant cette période on ne s’est jamais véritablement posés ensemble pour composer assez de chansons pour faire un album, on n’a jamais eu une période de temps suffisante pour cela.

Tony : Parfois la vie personnelle vient prendre le pas sur les choses que tu aimerais faire, et t’empêchent de mener toutes tes activités comme tu l’entends.

 

Quel a été le déclencheur qui vous a finalement décidé à vous mettre à composer ce disque ?

Mario : L’année dernière, nous nous étions fixé comme objectif d’y parvenir en 2016. Nos vies avaient certes changé dans l’intervalle, mais nous nous étions quelque peu stabilisés dans le courant de l’année dernière, et d’une certaine manière « alignés » entre nous. Nous étions aussi les uns et les autres plus impliqués dans notre environnement musical, dans tous nos projets, ensemble ou pas… Et nous sommes arrivés à un point où nous avons pu dégager du temps pour faire un nouvel album. Par ailleurs, le timing était parfait, étant donné que la présente tournée avait pris forme depuis. Mon fils avait écrit plein de musique, moi aussi, ainsi que Tony et mon cousin [ndlr : Larry Lalli], et nous avions progressivement ajouté quelques nouveaux titres à nos sets live… Tous ces facteurs font que le timing semblait juste logique et naturel pour s’atteler à un nouvel album.

 

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Une question volontairement un peu polémique : je me demandais pourquoi finalement vous preniez toujours la peine d’enregistrer des nouveaux albums ? La vente d’albums n’est plus très lucrative pour un groupe, qui gagne la plupart de ses revenus désormais des concerts et des retombées associées… Dans ce contexte, créer de nouveaux albums vous apparaît quand même opportun ?

Tony : Je comprends tout à fait, c’est une réflexion intéressante… Je pense que notre état d’esprit, et surtout la façon dont nous nous sommes construits musicalement depuis toutes ces années, font que nous voulons donner un « corps » à notre musique, sortir quelque chose de neuf, que l’on trouve excitant de créer, et qu’avec un peu de chance les gens ont envie d’entendre. Je comprends que certains groupes n’y trouvent pas le même intérêt, et ne sortent que des singles ou autres… Mais, à titre personnel en tout cas, j’aime trop l’idée d’incarner et de proposer un ensemble complet que l’on a créé. J’aime travailler comme ça, je n’aimerais pas sortir uniquement des petits trucs ici ou là. Je trouve que c’est important pour un groupe, pour documenter sa carrière en quelque sorte : « voici une image de ce groupe dans cette période de temps ».

 

Alors comment vous y êtes-vous pris pour composer cet album ? Est-ce que vous avez uniquement utilisé des morceaux composés préalablement, comme ceux dont vous parliez tout à l’heure ? Les chansons de l’album sont très différentes les unes des autres, est-ce un indice sur le mode d’écriture ?

Mario : Complètement. En fait nous avons aussi composé certaines chansons directement en studio pendant l’enregistrement. Je pense qu’à l’écoute tu peux quasiment ressentir que certaines ont été écrites en studio : les arrangements sont plus simples – pas forcément au niveau des licks de guitare d’ailleurs. Mon fils Dino compose depuis quasiment un an maintenant certains licks de guitare, on ne peut pas dire qu’ils aient été bâclés, tu vois. En revanche la façon dont les compos ont été créées en studio est comparable à une sorte d’explosion naturelle un peu brutale. C’est quasiment comme si on les avait violemment « régurgitées » en une seule fois, tu vois… Tout est sorti d’un coup, et on a modelé tout ça ensuite. Parfois c’est super, les choses sortent ainsi spontanément, c’est une énergie créatrice prodigieuse. Mais d’autres fois il faut s’y atteler de manière plus besogneuse : travailler, travailler, remodeler, re-travailler encore, jusqu’à ce que ça devienne quelque chose. En conséquence, ce disque est le résultat d’un mélange entre beaucoup de travail d’une part, et d’autre part « BANG », une sorte d’énergie spontanée.

Prends par exemple la chanson « Portuguese Dream » : elle est basée sur un lick de guitare composé par mon fils Dino. Il jouait sans arrêt dans sa chambre et un jour en rentrant à la maison après le boulot j’ai entendu cet air [il chante « di didi din, didi didi diiiin »] et je lui ai dit « cool mec, il faudra qu’on réutilise ce plan un jour ». Puis le temps a passé et quand nous nous sommes retrouvés en studio, et nous avons enregistré ces deux mouvements, juste ces deux passages. Je suis alors allé voir mon pote Sean [ndlr : Sean Wheeler, figure emblématique au sein des musiciens du haut désert californien], il s’est installé dans son salon, a mis son casque sur les oreilles, et à la première écoute il a gribouillé quelques trucs sur un bout de papier : il a écrit autour d’un vrai rêve qu’il avait fait – un truc vraiment trippant qui lui rappelait quelque chose de très intime, d’ailleurs, lié à la naissance de son fils et une expérience un peu « fantomatique ». Bref, il a donc mis ses écouteurs, branché le micro et  a chanté « Bwaaaarglll ». PREMIERE PRISE ! « Portuguese Dream », franchement, « PIM PAM POUM », c’était génial, que du fun, c’était facile et spontané du début à la fin. Et pour que tu réalises bien la différence entre ces deux facettes de l’album : sur une autre chanson sur laquelle Sean a chanté [ndlr : “48 Hours”], on a dû travailler plus de quatre heures, et on n’y arrivait toujours pas. C’était frustrant pour tout le monde… Sur certaines chansons, c’est vraiment du travail… Du travail… Écrire, écrire, écrire… « Non, c’est mauvais, je dois continuer ». Écrire, écrire… « Non, c’est encore de la merde ». Écrire, écrire, écrire encore… Jusqu’à 5h du matin parfois. Idle Hands est vraiment comme tu le disais un mélange de tout ça.

 

Il y a une sorte de paradoxe quelque part : j’ai lu une interview où tu disais qu’avec l’âge, tu devenais plus exigeant, et qu’il te fallait plus de temps pour évaluer une composition, valider qu’elle était suffisamment bonne pour figurer sur un album, tandis que plus jeune c’était une intuition plus rapide. Comment dans ce cas parviens-tu à composer certains titres dans une telle urgence et savoir que sa qualité lui permet de figurer sur ton nouveau disque ?

Mmmh, je ne sais pas trop… Bien vu… Je vais répondre indirectement. Ça me rappelle une question que l’on m’a posée, à savoir si j’étais nerveux de savoir si les gens allaient l’aimer ou pas, à l’approche de la sortie de l’album. La réponse est non. J’ai envie que les gens l’aiment. Mais si je sors une chanson, tu peux être sûr que j’en suis déjà fier. J’estime qu’elle est bonne, elle représente un travail que nous avons accompli. Ce que les gens en pensent m’importe peu. Mais est-ce que ça signifie que je sais à l’avance si une chanson est bonne, dans l’absolu ? Je dirais qu’a priori non. Et tu sais pourquoi ? D’une certaine manière nous sommes très indulgents avec nous-mêmes, on a toujours fonctionné ainsi : on fait ce que NOUS aimons avant tout. On n’est pas du genre à travailler avec des producteurs qui nous expliquent comment composer des chansons stéréotypées de trois minutes, avec un joli refrain et un bon pont bien puissant sur la fin… Nous on bidouille à notre manière, et si le résultat nous plaît, on a atteint notre objectif.

 

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Une question plutôt destinée à vous deux, Mario et Dino : le phénomène est tellement rare que l’on ne peut pas s’empêcher de se demander ce que ça fait, pour un père et son fils, de jouer ensemble…

Dino : Évidemment je suis conscient que je joue dans le même groupe que mon père, mais parfois je m’y habitue presque et je me surprends à oublier cet état de fait, oublier à quel point c’est étonnant, spécial et si cool. Je lui suis très reconnaissant de m’avoir impliqué dans son groupe, même si j’ai encore parfois du mal à réaliser que je fais partie du groupe. Mais on en est arrivés lui et moi à un point où, pour chacun de nos projets respectifs, on implique l’autre quasi systématiquement, c’est devenu quelque chose de très naturel. Au quotidien je n’ai pas l’impression que ça soit quelque chose de spécial, car c’est dans notre mode de vie, je m’y suis tellement habitué. Mais c’est génial. Dans tous les cas, il y a vraiment une alchimie particulière qui s’est construite, qui va au-delà du simple jeu de guitare : on est vraiment tout le temps en phase, musicalement, sur le moindre jam, sur notre jeu de guitare, on n’a pas besoin de se parler… On n’a pas toujours les mêmes idées en revanche [rires]. Dans tous les cas, c’est quelque chose de très utile en tant que groupe, cette entente inégalable que l’on a, ce n’est pas comme quand tu as deux musiciens qui ont des modes d’expression différents, qui ne parviennent pas à s’entendre. Par ailleurs, je pense qu’une large part du nouvel album tourne autour de notre famille [Mario acquiesce avec le sourire]… une famille à la fois cool et bizarre [rires]. Or je ne pense pas que ça ait été le cas si je m’étais moins impliqué dans le groupe. Mais voilà, pour résumer c’est vraiment cool, et c’est encore plus cool d’être en tournée avec mes deux parents [ndlr : la femme de Mario les accompagne sur ce segment de la tournée], c’est comme des vacances en famille… et Tony a toujours été considéré comme un membre de la famille aussi [rires].

 

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Une question plus terre-à-terre : pourquoi y a-t-il plus de chansons sur la version CD de l’album, par rapport au vinyl ?

Tony : Le temps ! Sur une face de vinyl tu peux mettre, je ne sais plus, genre 18 minutes…

Mario : En fait, plus tu veux mettre de musique sur un vinyl, moins la qualité sonore est bonne. C’est physique : plus tu bourres de musique, plus les sillons deviennent fins, et on ne peut pas y graver autant d’information, la finesse de la gravure ne le permet pas. On a vraiment touché les limites du format : on a essayé de remplir chaque face au maximum, sans pour autant nuire ni à la profondeur des basses, ni à la délicatesse et la précision des aigus issus du travail de cymbales de Tony [rires]. On a dû prendre des décisions difficiles, car on voulait vraiment y mettre les onze chansons, mais ça n’était pas possible. Il fallait aussi penser à l’enchaînement des chansons : on ne pouvait pas par exemple mettre toutes les chansons les plus bizarres ensemble, ni les plus violentes ensemble… C’était très difficile. Shneebie [ndlr : leur pote producteur et multi-instrumentiste Mathias Shneeberger] a assemblé ça comme un casse-tête chinois, c’est comme ça qu’on appelait cet exercice. C’est comme… [ndlr : il s’adresse aux autres : « comment ça s’appelle ce jeu vidéo avec les cubes, que tu dois empiler… » – « Tetris »] Voilà : Tetris ! C’était exactement ça ! Un enfer…

 

Vous habitez tous désormais à Los Angeles, une ville bien connue pour sa densité de musiciens, producteurs, studios d’enregistrement… et pourtant vous avez encore été enregistrer cet album dans le désert, au Rancho de la Luna… Pourquoi ? Il y a plein de super studios à L.A….

Mario [dédaigneux] : Naan, pfff…

Tony : Il y a plein de raisons qui expliquent notre choix. Rancho de la Luna est seul dans sa catégorie, pour être honnête. De plus, Mario et moi avons grandi dans le désert, c’est notre maison. Le Rancho de la Luna est un endroit génial, les propriétaires sont des potes. Je peux te dire que j’ai vu certains des plus beaux studios de L.A., et il n’y a aucune chance qu’un jour je puisse les préférer au Rancho de la Luna.

Mario : Ouais, il n’y a rien de comparable…

Tony : C’est un peu paumé, loin de tout, quand tu y vas, tu y vas pour travailler et passer du temps tous ensemble, manger et profiter des soirées… Tout le temps que tu passes là-bas tu es content d’y être… Tout le contraire de « OK, je vais aller dans cette zone industrielle paumée, me faire chier dans ce complexe toute la journée en n’ayant qu’une hâte : celle de partir et rentrer chez moi chaque soir ».

Mario : Exactement, l’idée c’est que quand tu vas là-bas, tu es dans une MAISON, une « casita », pas un studio. La table de mixage est dans le salon. Donc je me retrouve dans le canapé à jouer de la guitare, Mathias est derrière la console, mon cousin est dans un coin en train de faire griller du poulet pour le repas, Dino est à côté en train d’essayer des pédales d’effets, en pyjama car il vient de se réveiller [rires]. On est à la maison ! Il n’y a aucun équivalent à ça à L.A…

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On a vu le groupe assurer plusieurs tournées sur le vieux continent ces dernières années, on s’en réjouit, mais à y regarder de plus près vous ne semblez pas faire la moindre tournée dans votre propre pays…

Mario [il interrompt la phrase, en fronçant les sourcils] : Aucune.

 

Comment expliquez-vous cela ?

Mario [grommelant] : Tu peux répondre, Tony ?

Tony : l’Amérique est un secteur difficile où percer pour un groupe indépendant, ça coûte très cher. De plus, les contraintes de nos vies privées respectives, font que nous n’avons jamais vraiment eu le temps de nous atteler à cette tâche. Lorsque nous venons ici (en Europe), ça marche bien. Or en Amérique, on n’a toujours pas trouvé de quelle manière on pourrait s’y attaquer pour que ça puisse fonctionner pour nous. Pour y parvenir, il faudrait que nous puissions prendre au moins un mois complet dans nos vies pour y travailler et organiser ça.

 

Vous ne restez pourtant pas inactif dans cette perspective…

Mario : On essaye de trouver un « booking agent » en fait. C’est le sujet principal : d’abord, comme dit Tony, on n’a jamais essayé de le faire nous-mêmes. Tous les groupes indépendants que je connais et qui sont parvenus à monter une tournée – des groupes plus jeunes que nous – ont commencé en le faisant eux-mêmes, et certains seulement ont ensuite été pris en charge par une agence. Or pour nous les opportunités sont venues d’Europe, via l’agence Sound of Liberation, et ça rend les choses infiniment simples lorsque quelqu’un te contacte simplement en te demandant : « hey, vous voulez venir jouer quelques concerts ? » – « Bien sûr, quand ? Février ? OK ! » – « Parfait je vous envoie les dates ». C’est génial, tout ce qu’il nous reste à faire c’est monter dans l’avion ! Alors qu’organiser ça soi-même, c’est une tâche énorme, ça signifie passer ses journées derrière son ordinateur et au téléphone pour trouver les dates. On essaye en ce moment de trouver un agent aux États-Unis. Comme je te disais, on a une piste pour un agent qui pourrait aussi travailler pour Greenleaf, nos partenaires sur cette tournée, ainsi que d’autres groupes issus de cette « scène ». Mais jusqu’ici on n’a jamais eu un agent qui croyait en nous et qui nous a proposé une quelconque opportunité du genre. La dernière fois que nous avons joué sur un semblant de tournée, c’était en première partie de Kyuss dans le Sud-Ouest des U.S.A. – je te laisse calculer le nombre d’années que ça fait… Donc pour résumer, la seule réponse objective à ta question est : on n’a jamais essayé !

 

Ça semble difficile, mais est-ce que comme nous tu observes quelques frémissements encourageants dans cette perspective, aux U.S.A., comme quelques petits festivals, ou même le gros Psycho Las Vegas qui s’est déroulé cet été, auquel tu as participé ?

Mario : Absolument ! On espère que ça se développera…

 

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Dernière question : vous avez participé à un projet un peu spécial avec les français de Hifiklub, pouvez-vous nous en dire plus sur votre participation ?

Tony : Ça s’est déroulé dans un studio d’enregistrement près de Nice. En gros, il s’agit de deux groupes complets qui jouent ensemble, de manière spontanée ou presque. Il y a quelques idées de base, musicalement, des esquisses de compositions en quelque sorte, mais dès qu’ils appuient sur « Enregistrement », c’est parti ! On a tous été super fiers du résultat quand on l’a entendu, surtout quand on considère qu’on n’avait jamais rencontré ces mecs auparavant. C’est le genre de situation dans laquelle tu ne sais pas à quoi t’attendre avant, et le résultat dépasse toutes tes attentes.

Mario : Il s’agit à la base de quatre compositions assez simples, avec des arrangements grossiers, principalement proposées par les mecs de Hifiklub, et notre contribution a essentiellement consisté à improviser dessus, dans cette structure assez simple. Et en complément, il y a des morceaux où nous avons complètement improvisé, pour construire des séquences qui feront une sorte de liant entre ces quatre compositions de base. Il y a donc en gros huit morceaux au final. Le concept vient d’une sorte de série qu’ils ont lancée appelée “Double Quartet Serie”. C’était vraiment une expérience incroyable. Ils nous ont amené dans un studio appelé “Coxinhell” [rires – ndlr : par politesse, on ne vous traduira pas ce jeu de mot accessible aux anglophones], c’était superbe…

Tony : Tu te retrouves comme assis au bord d’une falaise qui donne sur la méditerranée, c’était superbe.

 

Et ça sonne comme quoi ?

Euh… ça sonne comme… mmmh…. C’est… [visiblement embarrassé – Mario lui vient en aide]

Mario : C’est expérimental, c’est heavy…

Tony : C’est comme un rêve, c’est… c’est vraiment un mélange de toutes ces choses.

 

YAWNING MAN (février 2015)

C’est lors de la tournée « Legends of the Desert II» de passage aux Stoned Gatherings que Gary Arce, fondateur et guitariste de Yawning Man, a bien voulu répondre à quelques questions sur le passé, le présent et le futur de ses projet musicaux ainsi que de ses potes et du désert bien évidemment. Un entretien qui commença par l’ouverture d’une bière comme le veut la coutume…

 

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Tu évolues depuis toujours dans de nombreuses formations (Yawning Man, Fatso Jetson, Yawning Son, The Sort Of Quartet, …). Parmi elles, pourrais-tu nous dire lesquelles sont encore en activité et celles qui sont susceptibles de passer à l’échelle supérieure (comme envisager des tournées, faire des disques, etc.) 

Et bien mon principal projet reste Yawning Man avec lequel je suis en train de prévoir un nouvel album. Maintenant mon second projet principal est ZUN. Globalement, c’est moi seul en studio avec une batterie, une guitare et des paquets de boucles. John Garcia chante sur trois morceaux et mon amie Sera Timms [Black Math Horseman] sur trois autres ! Les deux albums devraient sortir dans quelques mois et on parle de tourner en Europe cette année avec ZUN.

A travers ces formations tu es souvent aux cotés de Mario Lalli, quels sont les liens qui vous unissent ?

Oh nous sommes simplement meilleurs amis. On a toujours joué ensemble. Impossible pour nous de ne pas jouer ensemble pendant 6 mois et de ne pas monter sur scène pour 5 heures de Jam. Nous avons une vraie relation musicale. Nous savons tous les deux comment joue l’autre mais tu sais, malgré cela, lors des Jam, on est toujours surpris.

Alfredo Hernandez, avec qui tu as formé le groupe, n’est pas sur la tournée. Est-ce à dire que YM est maintenant votre projet à toi et Mario ?

Burt a remplacé Alfredo mais la musique reste la même. C’est un très bon batteur et c’est juste beaucoup plus facile. C’est malheureux tu sais… J’aime Alfredo comme un frère mais parfois certaines choses arrivent, tu vois…

Depuis 1986, vous avez été plutôt avares en disques avec principalement « Rock formations » en 2005 et « Nomadic Pursuits » en 2009. La dernière sortie est un split avec Fatso Jetson en 2013. Pourquoi nous donner si peu de matière ?

Parce qu’avec YM rien ne presse, ça arrive quand ça arrive, en fait. En plus je vis dans le désert et Mario à Los Angeles. Mais après cette tournée, on va être plus actif car on a de nombreux nouveaux morceaux que l’on va enregistrer quand on sera de retour à la maison. Nous allons sûrement jouer deux nouveaux morceaux ce soir d’ailleurs !

 

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Vous avez eu recours à un procédé de « Crowdfunding» pour enregistrer un album. Qu’avez-vous retiré de cette expérience et pensez-vous de nouveau l’utiliser ?

Yeah on s’est lancés là-dedans pour sortir un nouvel album. L’argent est toujours là mais nous n’avons pas encore eu le temps de le faire. Chacun a sa vie, ses enfants, son boulot… C’est aussi l’intérêt de ces soirées où l’on joue live car au fil des Jam, les morceaux viennent et c’est à partir de ces morceaux que l’album va être fait quand on va rentrer. Mais je ne pense pas que nous réutiliserons ce procédé.

Parlons un peu de « Catamaran » [repris et popularisé par Kyuss, Ndlr]. La seule trace de ce morceau est une vielle demo-tape sortie récemment. Est-il prévu de l’enregistrer pour une future sortie ?

On en a parlé et ça dépend, peut-être sur le nouvel album… Mais en tout cas on la joue en live avec Mario [au chant, Ndlr]. C’est l’un des premiers morceaux que j’ai écrits à la guitare avant de le montrer à Mario.

Je crois que vous n’avez commencé à la jouer que très récemment en live. Au vu de la popularité du morceau, pourquoi un tel traitement ? Surtout quand on sait qu’en live le succès est assuré !

Parce que je ne pensais pas que le public la connaissait. Enfin, peut être que pour certains si, s’ils étaient assez fous. Un jour, une nana est venue nous voir en nous demandant de la jouer pour elle car c’était son morceau préféré donc oui, tu as peut être raison, mais on était surpris. Je n’ai jamais vraiment réalisé que c’était une chanson si populaire !

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La tournée de l’été 2014 a été abruptement stoppée sans réelles explications. Que s’est-il passé ?

Oh j’ai eu un problème médical mais on ne peut pas en parler…

Ces dernières années vous tournez bien plus souvent en Europe qu’aux Amériques. Comment expliques-tu cela ?

C’est juste que c’est difficile de tourner aux Etats-Unis. Dans beaucoup de villes, les clubs veulent que tu payes pour jouer, or YM n’est pas un groupe qui joue là-dedans mais plutôt dehors comme dans les « Generators Partys ». Donc pour nous, jouer dans les clubs aux Etats-Unis, c’est un peu aller à l’encontre de ce que l’on est et de notre façon de voir la musique. Et puis le désert, la scène musicale et même les gens ont beaucoup changé là-bas. J’ai l’impression au fond de moi qu’une partie de ces personnes essayent de tirer profit de ce que Across The River, Yawning Man et Kyuss ont été ou sont encore. Tout ça me rend malade. Je ne vais pas voir les groupes de cette nouvelle scène à laquelle je n’adhère pas et avec laquelle je n’ai rien à voir. En fait je ne veux même pas en parler.

FATSO JETSON – avril 2013

Quand on rencontre Mario Lalli, on se frotte au mythique guitariste qui a inspiré les plus grands de nos groupes favoris, Kyuss en tête. Le bonhomme a croisé le fer avec certains des artistes les plus intéressants de la scène stoner, et continue d’influencer des tonnes de groupes et de musiciens. Pour autant, passés les premiers échanges, le gars fait redescendre immédiatement la pression : gentil, à l’écoute, affable, intéressant, honnête, accessible… “Boomer” est tout ça à la fois, et est surtout un passionné de musique, tout simplement, et ça transparaît dans tous ses propos.

 

On t’a retrouvé sur scène ce soir à jouer dans deux groupes différents au cours du même concert, comment t’es venue cette idée ?

Je joue avec Yawning Man depuis environ trente ans, ce sont des amis d’enfance, on a joué ensemble si longtemps… Et avec Fatso Jetson, ça fait presque vingt ans… Maintenant mon fils nous a rejoint à la guitare, il a grandi autour de tous ces mecs, qui sont mes meilleurs amis, il nous voyait à la maison jouer plein de trucs ensemble. Et pour revenir à ta question, Matte[Note : de Sound Of Liberation, tourneur de Fatso Jetson et accessoirement organisateur du Desertfest Berlin] est venu nous voir lors du festival Stoned From The Underground et nous a parlé de venir jouer au Desertfest avec Fatso Jetson. Je me suis immédiatement dit Wow, quelle incroyable opportunité de faire venir tout ce monde avec moi pour jouer. Mon cousin qui est bassiste au sein de Fatso Jetson [Larry Lalli] a été un membre de Yawning Man, il connaît tous les morceaux à la basse ou à la guitare, et mon fils aussi connaît la plupart des chansons… Donc mon idée à l’origine était de créer cette sorte de jam sans fin, avec des musiciens qui rentraient et sortaient durant le set. Mais quand on a commencé à confronter cette idée avec les contraintes propres à un festival, la gestion du backline et autres, on a un peu changé notre vision des choses. On est donc revenus à notre idée de faire cette super expérience avec tous nos amis, et voilà comment on en est arrivés là.

Comment s’est passé le concert, finalement, ainsi que celui à Londres hier dans la même configuration ?

Incroyable. Hier c’était super, on a eu notre première séance de dédicaces de toute notre vie, au magasin Vans : on s’est installés derrière une table et on a signé des trucs (rires). Et puis ils avaient installé une mini-scène avec des instruments, on a donc joué quelques morceaux. Ensuite on a juste traversé la rue, il y avait ce groupe anglais Yawning Sons, qui est en quelque sorte inspiré par Yawning Man : Gary Arce a monté ce projet avec ce groupe [Sons Of Alpha Centauri], et moi-même j’y ai contribué sur une chanson de leur album. J’ai donc été jouer sur cette chanson avec eux. Après ça, j’ai joué de la basse avec Yawning Man, puis de la guitare avec Fatso Jetson… Donc si tu comptes, entre le show au magasin Vans et la fin du Desertfest, j’ai joué quasiment cinq heures non stop ! (rires) Mais musicalement c’était super. Quant à ce soir c’était tout aussi bien, car évidemment je m’entends bien avec tous les musiciens avec qui je joue, et par ailleurs je connais tous les gens à la production, notamment Matte dont je te parlais tout à l’heure, et toute l’équipe. On était vraiment très très excités à la perspective de ces concerts, je te promets, on en tremblait presque, je suis sérieux, on était comme des piles ! On est super heureux, vraiment.

 

On ne vous avait quasiment jamais vus durant la dernière décennie en Europe, or vous enchaînez la seconde tournée de Fatso Jetson chez nous en moins d’un an ! Qu’est-ce qui est à l’origine de cet heureux changement ?

En fait j’avais un restaurant / night club à Los Angeles. Or quand tu gères ta propre boîte, en particulier un night club, c’est complètement impossible de partir en tournée, et le simple fait de jouer de la musique est très difficile. C’était genre à chaque fois qu’on nous bookait un concert, c’était forcément à Los Angeles, et je devais toujours répondre : “J’adorerai faire ce concert, mais je dois fermer mon bar avant, et on ne peut aps commencer à jouer avant minuit, voire une heure du matin au mieux” (rires). Ca ne le faisait pas du tout… Mais maintenant c’est fini, le restaurant c’est fini, et d’ailleurs, quel jour sommes-nous ? Le 27 ? Et bien dans deux jours, ça fera exactement un an que l’on a arrêté le restaurant. Et la dernière tournée que nous avons faite ici l’an dernier, c’était à peine deux semaines après que l’on ait arrêté. Donc à partir de maintenant, j’espère qu’on jouera de plus en plus. J’ai cinquante ans maintenant, je ne sais pas pour combien de temps – enfin je sais que je n’arrêterai jamais… Et puis j’ai mon fils maintenant, il n’a que seize ans, donc si jamais je deviens trop fatigué, il aura la force de continuer, alors je me fais fort de lui faire partager toutes ces expériences.

Tu as été impliqué à différents degrés dans de très nombreux groupes ou projets. Considères-tu néanmoins toujours Fatso Jetson comme ton groupe principal ?

Oui, je le pense. C’est ma famille, tu sais, avec mon cousin, mon fils… Yawning Man est tout aussi important pour moi. Le seul petit problème… Non, c’est un gros problème, en fait, c’est que nous vivons à deux heures de route avec les mecs de Yawning Man. Or pour moi, faire partie d’un groupe, c’est jouer tout le temps. Pas toujours jouer des concerts, mais surtout aller dans le garage, et jouer, jammer, se laisser aller à faire de la musique ensemble. Ca doit faire partie de ma vie, de manière continue, régulière. Avec Fatso Jetson c’est comme ça que ça se passe, c’est ce qui le rend spécial à mes yeux. En plus, je compose activement, c’est moi qui organise tout autour du groupe… Donc oui, je dirai que c’est mon groupe principal, même si je ne me pose jamais trop la question en ces termes…

Puisque tu parles de famille, peux-tu nous en dire plus sur le projet Auto Modown ?

Ouais, et pour tout te dire, j’espérais presser des CD pour les emmener avec moi sur cette tournée, afin d’en donner un peu à tout le monde, mais j’ai dû dépenser tant d’argent pour faire des tee-shirts pour cette tournée, et emmener nos propres CD, que je n’ai pas pu le faire. Mais je pense qu’on a peut-être suscité l’intérêt d’un label italien pour sortir le disque [Note : enregistré chez son pote Scott Reeder l’an dernier] , une version vinyl et une en téléchargement. C’est un super disque, on en est très fiers. C’est 100% instrumental, du hard rock instrumental. Ca ne ressemble en rien à Yawning Man, c’est très heavy. Ca serait vraiment super pour le Desertfest, ce serait le groupe parfait !

 

OK on va faire passer le mot !

Ouais, fais ça !(rires) L’autre léger problème avec Auto Modown, c’est que le batteur lui aussi n’a que seize ans, alors je devrai partir en tournée avec deux gamins ! (rires) Déjà que j’ai dû sortir mon fils du lycée pendant deux semaines, je dois lui faire faire ses devoirs dans le van, tu imagines le genre de plans ! Mais plus sérieusement, le truc important c’est que c’est moi qui joue dans le groupe de mon fils, et non l’inverse.

Quelles vont être les prochaines sorties d’albums que l’on peut attendre de ta part ?

Un album de Fatso Jetson, puis un album de Yawning Man, on est en train de composer… On a sorti un split pour cette tournée qui donne un avant-goût de ce que l’on peut attendre du prochain Fatso Jetson. Mais on va faire un vrai album bientôt. On va aussi tenter une nouvelle expérience en faisant quelques clips vidéos avec un artiste de Los Angeles : c’est un truc que l’on n’a jamais fait. Tu sais, toutes les vidéos que tu vois de nous sur Youtube, ce sont des mecs qui font ça chez eux dans leur coin, on n’en est jamais à l’initiative, donc ça sera un réel changement, c’est très excitant. Et concernant Yawning Man, on va enregistrer un nouvel album pour Tee Pee Records.

27 avril 2013 par Laurent

 

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