MUDWEISER (Janv. 2018)

Les Sudistes de l’hexagone nous gratifient d’une excellente nouvelle plaque : « So Said The Snake » qui transpire par tous les pores les influences des bayous d’un autre sud. La pièce est proposée, tout comme leurs précédentes productions, par Head Records qui se bouge les fesses pour agiter la scène régionale au sens large. Nous avons profité de cette occasion pour faire le point avec deux membres de ce quatuor qui est dans le circuit depuis des lustres : Jay (basse) et Reuno (voix) ; enjoy et courrez chez votre épicier préféré pour récupérer la rondelle !

 

 

« So Said The Snake » sort 5 ans après « Angel Lust ». Pourquoi avoir attendu si longtemps pour remettre le couvert ?

Jay : On a fait pas mal de dates en 2013 suite à la sortie de « Angel Lust ». Ensuite j’ai eu pas mal  de temps de pris avec mon arrivée dans Verdun et la préparation du premier album ainsi que mes débuts dans Doctor Livingstone, mais on ne s’est jamais arrêté de composer pendant ce temps-là. On avait vraiment l’envie de se prendre le choux sur chaque partie de chaque morceau et que tout sonne parfaitement.

 

Quelle est la priorité que vous accordez à Mudweiser par rapport à vos carrières respectives ?

J : Je prends chaque groupe dans lequel je joue avec la même envie de créer et jouer dans le plus d’endroits possibles, et par rapport à ma carrière professionnelle, je sers des bières dans un bar rock, donc ça va dans la même direction on dira.

Reuno : Pour ma part, d’un point de vue planning, c’est Lofofora qui me prend le plus de temps et qui représente la part la plus « professionnelle » de ma passion. Jusqu’à maintenant, on arrive à jongler pas trop mal. Ça veut dire qu’à plusieurs reprises, lorsque les Lofos étaient en repos, de mon côté j’étais en tournée avec Mudweiser.

 

Mudweiser, à l’origine, est un groupe un peu à côté de vos carrières respectives. L’engouement du public ne vous a t-il jamais donné envie de vous y investir plus ?

R : Depuis toujours ce qui importe c’est le plaisir que l’on prend à jouer ensemble et que l’on peut donner. On n’a aucun plan de carrière. L’engouement du public ne nous a que rarement permis d’aller jouer ailleurs que dans des clubs, donc c’est difficile de se rendre compte de ce qui pourrait nous arriver si on prenait l’avenir du groupe plus au sérieux. Je ne connais pas non plus de groupe dans ce style en France qui vive de sa passion ou qui fasse 50 dates par an…

 

Avec des projets artistiques menés en parallèle et assez peu de concerts annoncés, comment allez-vous propager votre nouvelle production auprès des gens qui ne vous connaissent pas encore ?

R : En faisant de super interviews sur des blogs de ouf ! Mudweiser n’a pas d’autre structure que Head Records pour tourner ou la promo. Tout cela se fait de manière assez artisanale et ça nous va bien comme ça. Ne vous inquiétez pas, on quand même 18 dates de prévues entre fin janvier et fin mars et de nouvelles salves de dates devraient s’organiser prochainement.

 

 

Vous être clairement une valeur sûre de la scène stoner hexagonale qui n’est pas le pays le plus rock qui soit. Quelles sont vos envies en ce qui concerne le fait d’exporter votre son dans les grands rendez-vous stoner européens où il aurait sa place ? Tournées européennes, festivals type Desertfest, Up in Smoke…

R : Nous n’avons peut-être pas assez de connexions avec la scène européenne… En même temps nous ne sommes pas programmés sur les festivals français non plus…

 

Comment considérez-vous vos engagements dans des formations très en vue (Verdun ou Lofofora) et leurs impacts sur Mudweiser : atout pour trouver des plans, ou handicap car déjà très impliqués voire étiquetés ?

J : Le fait de jouer dans Verdun n’a que des avantages à tous les niveaux à mon sens. Il y a pas mal d’endroits où l’on va jouer avec l’un qui permet d’avoir des contacts pour l’autre. Ce sont deux scènes différentes, mais pas tant que ça au final, le public est sensiblement le même… ou peut l’être, pour ne pas offenser les puristes, hein ! Et même le fait de jouer avec Doctor Livingstone a ses avantages malgré la différence de style [ndlr : on est plutôt sur du metal tendance black] . Le seul problème pourrait être au niveau du temps libre pour tourner mais en s’y prenant tôt cela se gère sans problème… pour l’instant du moins.

R : Je pense qu’il y a plus d’avantages que d’inconvénients, malgré ça certains ne prendront peut-être même pas la peine d’écouter parce qu’ils n’aiment pas Lofo, par exemple, et ben tant pis pour eux.

 

Le titre de ce nouvel album provient des paroles de la dernière plage de l’album, « The Snake » ; est-ce une référence à une éventuelle éducation religieuse ? un règlement de compte ? Autre ?

R : Non rien de personnel ; cette expression c’est une façon assez « déresponsabilisée » de parler de la petite voix intérieure qui peut venir foutre la merde quand elle te dit : « Allez ! Un petit dernier, tu te coucheras plus tôt demain » ou encore « Mais colle-lui un coup de boule à ce tocard ! ».  La petite voix symbolisée par un diable sur l’épaule dans les BDs, celle qui fait toujours prendre la décision la moins sage…

 

 

Le dernier titre : « The Snake » est le seul à aller flirter au-delà des 6 minutes et l’exercice est particulièrement réussi tout comme « Useless Prick » dans le même style qui se cantonne lui à 5 minutes. Quelles sont les limites que vous vous fixez en ce qui concerne le processus de composition ?

J : On ne se fixe aucune limite au moment du processus de composition, chaque morceau grandit comme on le sent sur le moment. Sur le précédent c’était plutôt l’inverse, on avait tendance à faire partir les ambiances assez souvent, là on avait envie de choses plus directes mais rien n’a été planifié.

 

Les paroles de Mudweiser ainsi que les extraits de dialogues insérés sur les titres sont en anglais. Pour quelle raison avez-vous opté pour cette langue alors que votre frontman est particulièrement à l’aise tant pour le chant que pour l’écriture dans votre langue maternelle ?

R : Comme pour le reste, il n’y a pas eu de préméditation. Ça allait de soi pour moi de chanter en anglais dans ce projet. Peut être aussi dans les soucis de faire quelque chose de complètement différent de ce que j’avais l’habitude de faire…

 

Reuno, tu as toujours eu une sensibilité politique affirmée. Pourquoi n’as-tu pas été tenté de la prolonger dans Mudweiser (si ce n’est à travers quelques discrets plans, comme l’intro de « 7am Zombie ») ?

R : Même chose que ce que je te disais à l’instant : le groupe ne s’y prête pas forcément. Et puis je ne suis pas porte-parole patenté des chanteurs anarcho-enervés. Sinon, sur l’intro de « 7am Zombie », c’est Charles Manson qui parle. Alors comme personnage engagé, c’est pas non plus le sous-commandant Marcos !

 

Votre proximité avec le sable et la mer aurait pu vous amener à développer un son proche des formations californiennes. Comment le son des bayous de Louisiane a-t’il réussi à vous séduire à ce point ?

J : On préfère boire des bières que d’aller surfer voilà tout ! hahaha

R : Autour de Montpellier il y a plein de marais et de moustiques, tu sais, mais pas de surfer !

 

Vous citez Kyuss et Nashville Pussy dans votre bio actuelle qui sont des groupes au rendu assez propret par rapport au son boueux que vous déployez. Quelles sont les formations qui vous ont guidé dans ce style gras plutôt redneck ?

R : Ces noms sont cités depuis la première bio – faudrait qu’on la remette à jour, haha… C’est surtout à l’image de ces groupes que l’on se réfère. Le côté trippé psyché de Kyuss hérité de Black Sabbath, et l’aspect teigneux, mal dégrossi de Nashville nous ressemblent encore pas mal. Par rapport au chant, ceux qui m’influencent le plus pour Mudweiser sont John Fogerty, Ian Astbury, John Garcia, …

J : Avec Ole (guitare), on est assez friands des groupes 70’s tels que Lynyrd Skynyrd et Allmans Brothers, et la vague COC, Crowbar , Acid Bath et autres Down qui reprennent ce côté bluesy et crade que l’on aime tant.

 

Vous traînez vos guêtres depuis un certain temps dans la scène stoner française. Quel est votre regard sur cette scène, sachant que vous connaissez d’autres scènes musicales dans l’Hexagone , avec leurs publics, leurs acteurs ?

R : Cela reste une étiquette un peu générique qui regroupe plusieurs mouvances plus ou moins metal, psychédéliques, expérimentales, etc… Mais qui intéressent tout de même un public assez limité dans le nombre. Comme d’autres scènes confidentielles, cela se renouvelle pas mal, parce qu’il faut garder la foi pour faire des groupes plus pour le fun que pour le succès, et ça c’est pas évident pour tout le monde…

 

Constatez-vous comme nous que la scène stoner/sludge/doom de Montpellier (à laquelle vous êtes liés) est actuellement en grande forme avec des formations comme Mudweiser, Verdun ou The Mistaken Sons of Alabama ? Savez-vous l’expliquer ?

J : Je ne saurais l’expliquer, on joue la musique qu’on aime avec nos tripes… et on aime bien les gens du nord quand même ! Hahaha

R : Montpellier est historiquement une ville assez rock n’roll où les groupes ont toujours été plus graisseux qu’ailleurs… Alors ce style lui va à merveille je suppose…

 

 

On sent bien que tout le trip « américain, chapeau et pochettes d’un autre temps » est un second degré assumé, malheureusement certaines personnes dans le public ne le perçoivent pas forcement. Comment composez-vous avec cette situation ?

R : C’est surement des cons alors. On est loin de se sentir prisonnier de ça, et d’ailleurs on n’en fait pas des caisses non plus. Mais surtout, on n’est pas là pour plaire aux coincés du bulbe, quel que soit leur bord. On aime le bourbon, le son des V8, Elvis, Johnny Cash, des centaines de trucs, de films et de groupes américains, et aussi ce rapport ambigu, que nous, Français, entretenons avec ce pays. S’il fallait faire en fonction des susceptibilités et des limites de chacun, on serait rentré en religion ou on ferait de la pub.

 

Le cinéma d’horreur semble vous inspirer graphiquement (en particulier vos deux dernières pochettes) et musicalement (insertion de speeches entre les titres). Quelle est votre principale source d’inspiration en ce qui concerne Mudweiser ?

R : Pour les visuels comme pour les textes, ce sont toutes les histoires sordides, les losers magnifiques, dans la vraie vie comme dans les textes de blues, ou le roman noir des années 50/60, qui attisent mon imagination. Et évidement aussi le cinema de Roger Corman et la série B voire Z des années 60 et 80. Sur « So Said The Snake » une chanson est inspirée par « Midnight Cowboy » [ndlr : “Macadam Cowboy” en anglais, le classique de John Schlesinger sorti en 1969 et multi-oscarisé] et une autre par « Basket Case » [ndlr : un slasher des années 80, réalisé par Frank Henenlotter, retitré en français “Frêre de sang”], par exemple.

 

Pour bien se finir, votre label – Head Records – présente Mudweiser de la façon suivante: « Mudweiser c’est le nom que l’on donne à un pick-up boueux ou à une chiasse de lendemain de cuite. ».
A
lors, plutôt tout-terrain ou plutôt chiasse ?

R : Chiasse tout-terrain !

 

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