Il y a longtemps le Diable a pris une apparence de guitare et régulièrement tombant entre les mains d’un pauvre hère sur les routes du monde, l’oblige à jouer avec sensualité pour perdre un auditoire toujours plus nombreux. La légende pourrait vouloir que ce soit là l’origine du groupe The Devil & The Almighty Blues. Et comme la modernité est fille du Malin, elle a permis au démon d’enregistrer ses notes aguicheuses pour la troisième fois. L’opus diaboli s’intitule Tre, son suppôt Blues for The Red Sun Records.
Le quintette norvégien m’a pris dans sa transe voilà quelques années et ce dernier album ne déçoit pas l’image que je m’étais faite du groupe. Leur blues sudiste porte l’auditeur de bout en bout avec calme sur un mid-tempo généreux. On pourrait se demander d’ailleurs ce qu’un groupe de blues vient foutre dans ces pages. C’est bien tout le truc de TDATAB, réussir à proposer des morceaux purement blues en les jouant avec amplification et suffisamment d’énergie rock pour qu’on les localise dans la galaxie Stoner grâce aussi à une certaine capacité à siphonner la moelle du genre.
L’économie de notes fait la moitié du job puis on en revient à des solos plus touffus et plus Heavy qui portent la seconde moitié du boulot. L’application des deux guitares à se soutenir donne une force de chœur où la basse et la batterie finissent de relever les titres. Tre est un album qui puise ses inspirations dans un style blues américain sudiste comme je l’ai dit mais les cordes font traverser l’atlantique et nous ramènent au Rock Anglais avec une touche proche de celle de Keith Richard par instants (je t’invite à t’en laisser convaincre notamment sur le solo de “One For Sorrow”) et parfois de façon ténue renvoie à un certain Monsieur Iommi. A force d’universalité on en oublierait que ce quintette est Norvégien.
Avec Tre, The Devil & The Almighty Blues poursuit un chemin entamé dès le premier album avec le titre “Root to Root” ou “North Road” et “Low” sur le second. Une route mid-tempo et foncièrement mélodique. Ici cette écriture a englobé tout l’album et la galette s’écoute détendu et posé. On ne surprend que rarement l’excès d’énergie et si excès il y a, c’est au travers des mélodies qui disposent d’une puissance évocatrice plutôt que d’une force liée à l’amplification et au jeu à proprement parler. On sent d’ailleurs bien que côté chant il y a pas mal de celà, une voix rauque qui ne pousse jamais hors de ses limites et assied le tout avec de ponctuels rehauts de chœurs féminins pour la touche de finesse.
Je t’invite, lecteur, à t’arrêter sur des titres comme “Salt The Earth” qui te bercera avec brio et te portera tout au long de ses 12,31 minutes , “Hearth of The Montain” et l’histoire qu’il raconte avec un chant scandé et des gimmicks pleins de conviction ou encore sur “Time Ruins Everything” et son engagement vocal sur jeu basse et puissant. Si après cela tu n’as pas cédé aux vices de cet album, c’est que ta chapelle se trouve aux antipodes de ce qui se passe ici et je te rends à ta sainteté.
Tre est un album de Rock’n’roll plutôt calme, il fait à vitesse réduite ce que beaucoup n’arrivent pas à faire en accélérant le pas. The Devil And The Almighty Blues emmène son auditoire avec lui et subtilement s’insinue en lui pour mieux conquérir son âme, te relançant sans cesse pour une nouvelle écoute sans aucune lassitude. Si tu as l’occasion d’aller assister à un de leurs sabbats live, je te le recommande, ce groupe est séduisant en diable et confirme sa position montante sur la scène actuelle avec cette galette toute en rondeur et en émotion.
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