En 2017, Electric Wizard sortait son déstabilisant (et assez médiocre) dernier album, Wizard Bloody Wizard, et s’en allait logiquement le défendre sur scène, toutes voiles dehors. Bon, c’est Electric Wizard, pas le Grateful Dead, donc une grosse tournée pour le quatuor de doomsters, c’est entre 15 et 20 dates par an – mais pour eux, c’est massif. Ça dure trois ans et – on vous laisse faire le calcul… – Bim ! Le COVID frappe ! Dans l’incertitude du devenir du groupe dans ce contexte pandémique obscur, mais néanmoins porté par ce vent favorable et un très bon feeling sur les planches, Electric Wizard prend son petit enregistreur 16 pistes, descend quelques heures dans son local de répèt’, et s’en va s’enregistrer, comme ça, à l’arrache, sans plan particulier autre que capturer son état de forme du moment. Depuis, le groupe a quitté sa caverne pour une poignée de dates ces dernières années, mais bien loin du rythme qu’ils s’était imposé avant le COVID.
« It’s raw as fuck », nous prévient Jus Oborn, en fin et subtil analyste musical qu’il est. Il a raison, en l’occurrence, et c’est vraiment le fil rouge de ce disque : la production est rudimentaire, ça pue le live, et c’est produit (littéralement) dans une cave. Le matériel, basique, permet néanmoins d’atteindre un son garage bien supérieur à une modeste démo, suffisant pour retranscrire à la fois la puissance de la machine Wizard, tous amplis dehors, tout autant que la saleté du son qui vient embellir ses riffs emblématiques. Avouons-le : après la production bien trop clinquante et fluette de Wizard Bloody Wizard, ce retour à quelque chose de parfaitement glauque est salvateur, et ce son vient nous caresser et rafraîchir les cages à miel, comme un subtil vent froid et humide qui viendrait balayer les plaines austères de la campagne anglaise. Deux guitares, une batterie (et pour les experts acousticiens, une basse quelque part, paraît-il), tout est là ! Comme en live, quelques samples viennent égayer le tout, en intro ou outro, et comme en live aussi, les morceaux sont joués un peu plus aigus que sur disque. Bref, écouteurs posés sur les oreilles, on s’y croirait.
C’est ce bon vieux « Dopethrone » qui nous met dans le ton, avec son riffing monolithique, dans sa version live, « courte » de moins de 10 minutes, et donc emmené par ce son rudimentaire mais puissant. La set list, on en prend la mesure assez vite, apporte peu de surprises : si le groupe se sentait bien sur ses prestations live, c’est aussi parce qu’il était dans sa zone de confort. On enquille donc les classiques (avec peut-être un peu de fraîcheur pour le plus rare « Scorpio Curse » qui vient se nicher au milieu), d’où émergent quelques glorieux moments. On pense aux excellents siamois « The Chosen few » (très bien en version longue) et « Witchcult Today » (et leurs riffs « escaliers » respectifs, qui se répondent comme « en miroir »), ou encore à cette très bonne version de « Funeralopolis » et son final à rallonge, chargé en groove psych bien lourd et jams saignantes. Point d’orgue du disque, « Black Mass », bien ralenti par rapport à son pendant studio, permet surtout à Oborn de vomir ses tripes sur chaque nouveau refrain petit à petit au fil du morceau, dans un vivifiant et oppressant excès de colère.
Alors, un live COVID, qui sort quatre ans après son enregistrement, pour un groupe dont le dernier album date de plus de sept ans maintenant, ça nous dit quoi sur Electric Wizard aujourd’hui ? Ben pas grand-chose, malheureusement, et toute extrapolation serait probablement vaine. Depuis bien longtemps on n’a plus espoir de voir se dessiner un semblant de parcours de carrière classique, voire linéaire, pour le duo/quatuor anglais, qui décidément, ne fait rien comme les autres. Bien sûr qu’on aurait préféré un nouvel album… Mais est-on content du plaisir auditif proposé par cette pièce ? Evidemment. Donc on fait avec ce qu’on nous donne, et c’est déjà pas si mal. Et au vu du marché du disque actuellement, leur intention n’est vraisemblablement pas celle de se garnir les poches… Si ce disque ne nous dit rien sur la santé et l’inspiration des doomsters anglais, il nous rappelle qu’ils sont toujours là et bien là, et que même s’ils se font mordiller les mollets par des pelletées de rejetons ces dernières années, rares sont ceux qui peuvent prétendre à ce talent et cette efficacité-là.
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