On va pas se mentir : l’album précédent de Worshipper (son premier), lui aussi sorti chez Tee Pee, ne nous avait pas forcément transcendé. On a par ailleurs eu l’opportunité de voir le quatuor bostonien sur scène (il a assuré la première partie européenne de The Skull en 2019), en particulier au Desertfest Berlin, où il nous a… laissés de marbre. C’est donc avec un enthousiasme très modéré (notez bien le sens de la litote de votre serviteur) que nous avons accueilli leur second album.
Le premier constat qui vaille est que le groupe, encore jeune, s’est manifestement bien aguerri, grâce à la scène notamment, et propose avec Light In The Wire, une galette meilleure que son prédécesseur à tous points de vue. En revanche, il ne propose pas de virage stylistique remarquable, et l’on retrouve ce gros heavy rock traditionnel déroulé à l’envi sur trois quarts d’heure, empruntant aux grosses références du doom rock US. On pense très souvent aux vieux Trouble, ou même plus précisément à sa résurgence The Skull, qui s’inscrit directement dans cette tendance musicale précise (à travers des titres comme « Who Holds The Light ? » aux riff et soli bien caractéristiques), ou encore à Pentagram (« Arise » et son riff principal par exemple). On note aussi quelques résurgences NWOBHM ici ou là (les rythmiques en cavalcade et les plans de gratte harmonisés de « Wither On The Vine »), et donc plus globalement un spectre d’influences ratissant entre les mid-70s et les mid-80s.
Qualitativement, ce disque est inattaquable : il propose un ensemble de compos solides et efficaces, une prod impeccable (jamais trop ronflante, mais jamais cheap non plus, exactement à l’image des influences musicales susmentionnées) et une interprétation jamais prise à défaut (cf un jeu de guitares omniprésent et protéiforme, toujours au rendez-vous). Il n’est pourtant pas à recommander à tout un chacun, à savoir que le genre musical couvert ici est devenu très « daté », et il est fort probable que certains plans vous fassent lever les sourcils, a fortiori si vous êtes plus familiers des production du siècle en cours. Les guitares lead par exemple sont prépondérantes, avec sur chaque titre une large portion qui leur est dédiée : de généreuses séquences de soli, souvent enchaînés les uns après les autres, voient les guitares de Necochea et Brookhouse se passer le témoin pendant de longues minutes… mais ces plages, parfaitement menées, sont redoutables d’efficacité si on sait les apprécier ! Après, on reste dans le monde de l’americana, à savoir une propension au mid-tempo aux limites du raisonnable (seuls deux ou trois titres sur l’album appuient un peu sur l’accélérateur…) et quelques jaillissements quasi-FM parfois (« Nobody Else », encore un mid-tempo dont le riff aiguisé et le refrain semblent taillés sur mesure pour un public amateur de hard rock un peu plus lisse). Le travail sur les voix peut parfois, lui aussi, laisser un peu… sans voix (désolé, elle était facile). Les refrains – et même certains couplets – sont très souvent doublés ou chantés en harmonie (« Visions from Beyond », « Comin Through »…), parfois chargés d’écho (« Arise »…), symptomatiques en tout cas d’un travail sur les lignes vocales partagé entre Brookhouse (lead) et Maloney (backing, très présent), travail auquel encore une fois on n’est plus habitué dans les productions des dernières décennies…
Les compos sont redoutables d’efficacité, les riffs bien sentis, tout ça a été travaillé et éprouvé avant d’être enregistré, on ne se moque pas de nous. On notera le faux-pas que constitue l’indolent « Light In The Wires », une fluette balade électro-acoustique sans relief, dont le modeste crédit est balayé d’un geste dès que retentit ce hideux Bontempi au son peudo-spatial qu’un producteur probablement atteint d’un trouble ORL ce jour-là aura laissé négligemment passer. Mais c’est bien le seul écueil de ce disque par ailleurs solide.
Si vous aimez ce style de musique et de compos, vous trouverez chez Worshipper un des rares groupes jeunes et récents à s’emparer de ce flambeau et à pousser ce genre musical un peu suranné dans ses retranchements. L’album ne révolutionnera donc rien, mais propose en particulier à ceux qui ont usé les vinyls de certains groupes cités plus haut de quoi apporter un peu de sang frais à leur discographie ; un plaisir en soi.
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