En passant sur les bords de Seine on découvre que le Batofar est de nouveau à flot, mais là n’est pas le sujet car le lieu que nous allons investir ce soir se trouve à quelques encablures de là, il s’agit du Petit Bain. Une Péniche dans la cale de laquelle se pressent nombre de soirées et où il n’est pas rare d’entendre résonner rythmes et sonorités Desert Rock. L’affiche en lettre blanche annonce rien de moins que The Devil & The Almighty Blues ouvrant pour Colour Haze grâce aux efforts de l’asso Garmonbozia. Vous l’aurez compris, notre visite en ce début de soirée n’est clairement pas due au hasard.
La salle est encore très accessible alors qu’un negro spiritual, joué sur bande, annonce l’extinction des lumières et l’entrée sur scène de The Devil & The Almighty Blues. C’est l’œil hagard et les traits tirés que le quintet prend possession des planches, bière à la main. On sent que le trajet depuis les Desertfest Berlin et Londres n’a pas dû être de tout repos.
Lorsque le chanteur Arnt monte en scène je suis surpris de voir que celui-ci porte une Djellaba noire, il y a du changement, les gars se mettent à la mise en scène, mais attention, pas poseur pour un sou, ni lui ni aucun des membres du groupe. Les premières notes sont crachées par une amplification qui d’office laisse la part belle à Kim, le bassiste. Une part un peu trop belle d’ailleurs à mon goût. face à la scène le son en est trop saturé et ne permet pas de jouir pleinement de chacun des instruments, l’ensemble paraît plus brouillon qu’à l’accoutumée.
Cependant que l’on aille pas se tromper sur l’accueil du public est assez intense et on voit bien une fois de plus que The Devil And the Almighty Blues a su se forger ses lettres de noblesse. Il faut reconnaître qu’il est souvent difficile pour un groupe de satisfaire aux conditions qu’offrent le petit bain. La salle est exiguë et il s’agit d’une cale de bateau. Le plafond s’abaisse largement sur le fond de la salle et écrase totalement le son. Ici avec la puissance mise sur les basses autant vous avouer qu’une fois près du bar au fond, c’est une bouillie sonore qui filtre mais pas un blues du Delta cuisiné au Jalapen dont curieusement on jouira mieux sur les côtés de la scène.
Du point de vue du jeu il y a eu du changement aussi. Là où la dernière fois je vous avais parlé de cohésion entre les membres du groupe, cette fois ci, les gars semblent emprunter des voies parallèles, chacun jouant pour soi. Mais ces routes finissent toujours par infléchir et se rejoindre pour une explosion de pur blues rock du bayou, comme sur “Time Ruins Everything”.
Le set se clôture avec le traditionnel “ The Ghosts of Charlie Barracuda” introduit par le chant de Arnt qui ne s’encombre pas de son micro pour se faire et invite le public à scander en chœur “Here be ghosts, here be dragons”. Ce dernier s’exécute sans se faire prier et alors que la musique reprend en intensité, le public finit totalement de s’abandonner à ce Blues du Diable qui aura fait voyager le public parisien pendant une bonne heure.
Assister à un set de Colour Haze c’est un peu comme rentrer dans ses pantoufles. Stefan le chanteur monte sur scène sans chaussures, Philipp dans son costard de laine derrière sa basse te laisse te demander qui de la veste ou du bassiste porte l’autre? Néanmoins grosse évolution pour moi tout comme pour tous ceux qui n’avaient pas eu l’occasion de les voir depuis un certain temps, voilà bien plus d’an que le trio s’est fait quartet en s’adjoignant les services d’un clavier. Sa présence marque souvent une envolée purement psychédélique pour ces 25 ans de Colour Haze. Le Batteur installé de profil (Classique du genre chez Colour Haze) fait montre d’une extraordinaire souplesse pour quelqu’un d’aussi crispé son jeu fluide me donne à penser que si parfois on a l’impression que les trois autres servent de faire valoir au guitariste Stefan, en fait c’est bien Manfred qui porte le set avec sa batterie et ses frappes follement efficaces
Petit à petit la brume colorée par les projecteurs envahit la salle, l’utilisation de machine à fumée ne remplaçant cependant pas une projection psychédélique qui faisait le sel d’un jeu de scène aussi planant. Du côté des titres le quartet nous gratifie d’une présentation assez timide du dernier album tout juste enregistré mais c’est bel et bien une tournée d’anniversaire et le répertoire est mis à contribution dans toute sa largeur. Ceux-ci font voyager dans le temps, le clavier apporte cette touche supplémentaire venue de la belle époque du psyché et on navigue de Santana à Led zep en passant par Emerson Lake and Palmer.
Contrairement à leurs prédécesseurs, le son est calibré au poil et se joue de l’architecture de la salle en évoluant mieux jusqu’au fond de cette dernière. Le groupe allie transe et violence par instant mais la majeure partie du set est placée sous de planant hospices et même si j’y prend un certain plaisir il faut bien avouer que Colour Haze doit s’apprécier bien mieux avec dans les veines un peu plus que du sang.
Néanmoins le public est conquis et reconnaissant il se fait bruyant entre les morceaux et montre tant d’envie que le set s’étende encore qu’il fait remonter le groupe sur scène pour un véritable rappel durant lequel il se déchaîne dans une transe de headbang et de slam. Je mentirais donc en prêchant que ce groupe ne s’écouterait que sur un tapis de mousse ou moins bucoliquement dans de profonds sofas pour jouir pleinement de sa musique. Pourtant, je vous assure que l’envie ne m’a pas manqué passé une certaine ligne temporelle du set qui aura tout de même vécu 1h45.
Il est enfin l’heure de reprendre la route pour tout le monde. Le sourire inscrit sur toutes les lèvres, les mèches de cheveux collés aux fronts par la sueur dans cet air frais printanier ne mentent pas, Garmonbozia nous a offert une belle soirée et les groupes présent ont donné ce qu’on attendait d’eux.
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