Retour sur le site du Hellfest pour une seconde journée qui s’annonce moins chargée que la précédente mais loin d’être sans intérêt. Le soleil tape dur dès qu’il monte dans le ciel et c’est avec appréhension que nous nous dirigeons vers la Valley pour entamer ce jour. La tente qui héberge la scène sera-t-elle aussi remplie que le jour précédent à cause des températures trop élevées ? Allons, hardis les mecs ! On s’en fout, on est là pour gouter au collectif et en prendre autant plein les oreilles !
*** Notre video-report : le jour 2 du Hellfest en quelques minutes avec entre autres des extraits live de tous les concerts ! ***
COILGUNS
Début de deuxième jour pimenté avec Coilguns et son mélange de Post-Core, Sludge aux influences brutales. Ça décrasse les cages à miel et réveille en un rien de temps. Alors oui c’est brutal, mais le quartet Suisse n’aura pas manqué d’attention pour son public en commençant avec une distribution de croissants. On sent bien que pour eux, c’est la chance de leur vie d’être convié sur une scène si reconnue et le chanteur Louis d’expliquer : “on joue devant des personnes différentes dans des petites salles toute l’année et si j’ai bien compris ici c’est toutes ces mêmes personnes réunies…”. Sauts sur scène, roulades épileptiques, ce dernier va jusqu’à finir un morceau en slammant jusqu’au milieu de la fosse. Si le style n’est pas toujours des plus Desert-Rock-compatible cette ouverture prédit une journée riche en émotions comme l’annoncent les câlins faits au public et le jet de CD dans la fosse en fin de set. Un samedi en enfer commence.
FIEND
Sous une Valley à la jauge revenue à la normale, on se fraye encore une place sans trop se bousculer. Fiend – qui assure rien moins que la première partie de Tool sur sa tournée européenne – vient en bon professionnel, sans effet de manche, asséner un mid tempo Doom à souhait. Le quartet ouvre sur le titre des plus à propos « Morning Star » et illustre la difficulté de classer la programmation du jour. Heitham Al-Sayed le chanteur guitariste, sous ses airs de bon père de famille, conjugue son chant avec une formation d’assassins brutaux qui feraient mine de n’y pas toucher, et poursuit avec « St Helen’s ». En bons Serial Killers, les gars ne sont pas démonstratifs mais ils sont d’une précision redoutable. La touche de brutalité du groupe revient toujours aux tours de chant du bassiste Nicolas qui épanche ses hurlements rageux au micro, en complément de l’avalanche de coups de Renaud derrière ses fûts. La décontraction apparente de ce dernier donne d’ailleurs l’impression d’un jeu presque swing dans l’attitude. De l’énergie mais aussi une forme particulière de beauté transparaît dans la musique de Fiend. Le sous-accordage des grattes offre une belle profondeur de son et pourtant un aspect Heavy dans les aigus. Ce set bien trop court se termine sur “Vessels” et on se prend à penser qu’il est incompréhensible que la Valley n’ait pas été plus chargée. Alors que les festivaliers se dispersent nous espérons qu’ils iront porter le nom de Fiend bien au-delà des frontières du Hellfest.
WILL HAVEN
Placé très tôt sur l’affiche du jour, le collectif étasunien attaque son set alors que le soleil cogne aussi fort que son batteur qui évolue casquette à l’envers vissée sur la tête. Ça s’agite dans la fosse par mimétisme avec le groupe qui se démène sur scène à l’image de son clavier headbangant tel un diablotin de la fête de l’enfer. Le set énergique – et pas redondant pour un kopeck – de WHVN (pour les intimes) aura blasté durant les trente minutes de jeu accordée à la formation américaine qui, malgré son allure de bande de profs de géo, s’avère une sensation scénique efficace. Les hurlements du frontman ainsi que l’héritage d’entertainer-né de nos amis d’outre-Atlantique ont mis un beau boulet dans une Valley dont la programmation du jour s’approchait plus du Roadburn que de la tradition du lieu.
DOOL
Rendez-vous en terres moins connues puisque c’est à La Temple que la formation hollandaise se produisait. Ça aurait pu être pire : on aurait pu être sous le soleil ! Le spectre musical couvert par le groupe s’approche nettement plus de notre ligne rédactionnelle que celui pratiqué précédemment à La Valley par Will Haven. Le quintette envoie du bois d’entrée de jeu avec “ The Alpha” et la tente, bien pleine, écoute religieusement les bataves dérouler devant les croix inversées du lieu. Les plans aériens sont entrecoupés par des attaques punchy bien senties. La frontwoman de la bande, Ryanne, est exceptionnelle : elle capte l’auditeur en variant de chants type mélopées (ah la Hollande…) à des envolées lyriques la faisant passer pour la version féminine du gars derrière le micro de Type-O-Negative. Cette prestation fleurant bon le doom et le psychédélisme d’autrefois a contribué à agrémenter notre seconde journée en Loire-Atlantique.
MANTAR
Les amateurs de Hambourgeois cuits saignants sont nombreux à être venus le pantalon baissé pour venir se faire fesser par Mantar. Il suffit de regarder le Pit pour s’en convaincre alors que débute le carnage sur “The Age of Absurd” puis “Taurus”. Ceci n’est qu’une mise en bouche, les flammes de l’enfer chauffent les culs, et plus d’un va se mettre à tourner dans le Pit sous le commandement de Hanno. L’attitude change et le jeu de scène du groupe qui occupait cette place il y a quelques trois ans a bien évolué. Le chanteur hurleur accroché à son micro prend désormais la pose de face et s’adresse au public, il clame “We are Manowar and we are late” tournant en dérision les headliners qui ont décommandé leur concert. Les mimiques gagnent en agressivité, “Spit”, “Into the Golden Abyss’, “Cross the cross” s’enchaînent. Tout le monde prend sa Mantarte dans la gueule. Ceux qui ont regretté une accalmie sur leur dernier album auront été rassurés dès les premières notes de “Seek + Forget” qui met tout le monde d’accord dans une bagarre générale. Pogo, Circle Pit, le public s’est totalement abandonné et se laisse dominer par le duo alors que s’ensuit “Teeth of the Sea”. En sueur, nos deux allemands maîtres es-Sludge concluent la séance sur l’essentiel “Era Borealis” qui clôture le set de façon très logique. C’est une belle leçon de domination que Mantar nous a offert là et nous ne serions pas loin de dire qu’il s’agit du concert de la journée si ce n’est celui du weekend.
SUMAC
On se lèche les babines de voir SUMAC sur les planches, le groupe étant pour le moins rare sur les scènes européennes, et a fortiori françaises. Ce petit événement en soi réjouit mollement une Valley qui décidément aujourd’hui peine à faire le plein. Gageons que les fans de post-rock auront préféré aller se faire cramer sous le soleil incandescent devant la main stage (!)… Les présents sont en revanche bien motivés à la perspective de voir le père Turner éructer et faire rugir sa six-cordes. Pour qui n’a pas vu le frontman depuis longtemps, imaginez-vous une sorte de post-gourou énervé à la pilosité grisonnante débridée, growlant comme un damné et headbanguant comme un dératé sur ses morceaux complètement déstructurés. En gros. Le bonhomme lance calmement le récent “Attis’ Blade” en intro puis déroule son set de 40 minutes avec rage et tension, emmenant son post-metal nerveux sur des terrains noise parfois. L’énergie déployée convainc un public plutôt conciliant mais un peu apathique (il fait chauuuuud… et on vient de se cogner Mantar !).
DEADLAND RITUAL
Il semble parfois bon de sortir respirer l’air loin de la Valley, histoire de voir à quoi le monde ressemble hors du sanctuaire. Et le moins qu’on puisse dire c’est que ce monde là ne va pas chez le coiffeur. Il n’y a qu’à voir Deadland Ritual, trio de stars 70’s/80’s (le batteur des Guns, le guitariste de Billy Idol et le Saint Esprit du doom – Geezer Butler himself) accompagné du chanteur d’Apocalyptica. Un groupe bigarré au rendu on ne peut plus cliché, versant dans le heavy rock hollywoodien à tendance « rencontre en cure de désintox ». Entre quelques extraits de leur album, les trois poseurs et le bassiste le plus génial de la création reprennent quelques classiques, dont 3 Sabbath avec plus ou MOINS de réussite. C’est finalement « Neon Nights » de la période Dio qui passe le mieux. Mais il passera toujours moins bien que l’empressement avec lequel nous avons passé notre chemin. Sûr que leurs anecdotes de vieux routards du rock valent plus que leur musique surannée 90.
EAGLES OF DEATH METAL
La perspective de rester devant les main stage après ce gênant set de Deadland Ritual, d’affronter encore le soleil (alors que l’accueillante et ombragée Valley nous tend les bras), tout cela pour aller assister au milieu de plusieurs milliers de personnes au concert des Eagles of Death Metal, ne nous paraît plus une aussi bonne idée, tout d’un coup… Pourtant, le groupe est lié à tant de musiciens ou de musiques de la scène desert rock, qu’il était difficile de faire l’impasse (et soyons honnêtes : la disgrâce de son frontman et ses propos lamentables suite au drame du Bataclan l’ont fait tomber très bas dans notre estime). Intègre et dévoué, votre serviteur s’en est donc allé affronter les éléments avec abnégation. Un peu rikiki sous un logo colossal en fond de scène (les main stages proposent des écrans énormes faisant office de backdrop vituels derrière les groupes), nos quatre lascars (Jesse Hughes et qui-que-soient ses trois mercenaires du jour) déroulent avec enthousiasme un set rythmé (évidemment) et sans grosse surprise. Le public de la main stage semble gentiment kiffer cette musique d’apéritif sans prise de tête, d’où émergent évidemment “I Only Want You” en intro, un groovy “Cherry Cola” ou une suave reprise de Bowie (“Moonage Daydream”, que le groupe reprend souvent en live, sans grosse valeur ajoutée malheureusement). Hop, sitôt passé, sitôt oublié (si ce n’était ce satané coup de soleil).
CAVE IN
Figure historique d’un genre quelque peu daté qui a évolué naguère dans le giron de la galaxie Isis, la gang du Massachusetts se radine pour l’apéro, mais nombreux sont les festivaliers à tirer leurs binouzes ailleurs. Visiblement le show est assez proche que celui que déploya Unsane en ces lieux il y a quelques années. Les avis du public divergent : certains se cassent alors que d’autres entament les pas de danse de la tribu des bourrins. Les assauts, pourtant énergiques, de ces vétérans laisseront une sensation étrange dans les esprits de vos dépêchés sur place. Ce n’était pourtant pas inintéressant ; le groupe y a mis beaucoup du sien en investissant bien le bords de scène, mais soyons clair : nous n’y avons pas trouvé notre compte.
CANDLEMASS
Une nouvelle bouffée d’air frais en dehors des volutes enfumées de la Valley pour l’Altar (ta gueule à la récré) avec les rois du doom Candlemass, en plein renouveau de notoriété depuis qu’ils ont été brossés dans le sens du poil de barbe par Ghost. Johan Långvist, chanteur originel (mais éphémère) est de retour, et malgré son look à vendre des bateaux de plaisance, le bonhomme a gardé de superbes restes. Affuté et en voix (même s’il ne va bien sûr plus chercher les aigus d’antan), Långvist prend l’audience en main et si la set list n’offre aucune surprise (elle est sensiblement là même que sur toutes leurs dates récentes, format festival), l’exécution parfaite et la jovialité ambiante font de ce concert un moment généreux dont on sort ravi. Et puis brailler « Bewitched », « Demon’s Gate » ou « Solitude » entre copains reste une activité qui réjouirait quiconque de normalement (dé)construit.
The OCEAN
Les Allemands sont idéalement placés avant deux énormes performances dans la Valley, qui retrouve une fréquentation honorable en ce début de soirée. Baignée par des lights rouge et dans un épais rideau de fumée, la formation originaire de Berlin envoie du lourd (et dégoûte quelques photographes au passage). Le chanteur – originaire de Suisse romande donc parfaitement francophone – s’investit à fond dans son show et ça fonctionne bien auprès du public. Le frontman joue avec l’ambiance scénique en apparaissant et disparaissant alors que ses compagnons déroulent avec maestria, leurs silhouettes se découpant dans les lights. C’est la grande classe à la germanique pour les metalleux amateurs de sensations fortes. Le hurleur, très investi dans son rôle de meneur de revue, étale son talent vocal des plus intéressants, mais, en excès de confiance, il manque de justesse le vol plané depuis la scène. En parfaite cohérence avec l’affiche du jour, The Ocean à été d’une efficacité redoutable avec son exécution musicale parfaite dans un registre hautement technique.
ENVY
Le sextet Japonais de Envy a cette particularité de n’avoir que des textes dans sa langue maternelle. Alors même si dans le Screamo on n’entend pas toujours tout, il faut bien avouer que la langue se prête parfaitement tant aux passages criards qu’aux longs moments atmosphériques pur post rock. Les nippons ont réuni sous la Valley la fine fleur des fans de post metal à en juger par la livrée des festivaliers présents. Ils leurs offrent une musique chargée d’émotions et de force. Les mouchoirs sont de sortie et beaucoup de festivaliers laissent couler leurs larmes, emportés par la profondeur émotionnelle de la musique offerte cette année, bien plus prégnante que lors de leur dernier passage. L’Attitude sur scène de Envy est énergique et sans exubérance ne sombrant jamais dans le plaintif et apportant justement sa touche Screamo toujours juste à temps après des passages de chant où l’interprète discute presque avec son public, gestuelle aérienne et habitée à l’appui. Avouons-le, Envy n’est pas de notre bord mais il mérite la palme d’interprétation dans la catégorie Post, et en tous les cas le prix du concert-surprise du week-end, l’un des meilleurs et des plus impressionnants sous la Valley.
CULT OF LUNA
C’est une suite logique à Envy, que les Suédois de Cult of Luna ; la filiation est nette, la puissance en plus. Il y a clairement des choses plus profondes dans le style proposé par Cult of Luna et l’effet de hype autour de ce groupe nous semble moyennement justifiable ; un groupe hermétique, dans la veine de ce que fait actuellement un Moth Gatherer (qui équilibre sans doute mieux ses compos). Shoegaze évolué ? Post bidule ? Nous laisserons les experts en parler mieux que nous. Cependant l’attraction pour le groupe est réelle, plus on s’enfonce dans la fosse plus l’atmosphère semble prenante. Les festivaliers s’immergent totalement dans l’univers du groupe sous des spots à virer épileptique. Alors que pour clôturer cette seconde journée nous reprenons les sentiers qui mènent hors de l’enfer il est impossible de ne pas constater que Cult of Luna a marqué les esprits et les cœurs. Bravo les gars, votre scène vous est acquise !
BONUS : KISS
S’il est un groupe qui aura laissé son empreinte sur la journée du samedi, c’est bien le bisou, venu en faire un, un dernier pour la route, baveux et collant(s). Dans leurs costumes spatiaux à paillettes, les grand-mères du hard rock font le show comme toujours (3 solo de batteries, record du festival) et déploient 65 000 gorges sur « I Was Made For Loving You » que même tes parents (voire grand-parents) connaissent par cœur. Une dinguerie que ce concert.
Ce samedi se termine avec la sensation d’une nouvelle journée bien chargée et d’une mission accomplie au service de nos lecteurs (vous en serez seuls juges). Une fois de plus nous aurons eu beaucoup de concerts à digérer et des souvenirs à inscrire dans nos mémoires en telle quantité qu’il est improbable que tout puisse y rester gravé. Mais nous sommes avides et la hâte de se retrouver au dimanche est déjà bien présente car ce dernier jour s’annonce prometteur de belles surprises scéniques et de d’intenses moments musicaux.
[A SUIVRE…]
Chris, Iro22, Laurent & Sidney Résurrection