Retour en terres clissonaises pour vos vieux reporters de l’extrême ! Nous n’avons pas hésité longtemps une fois l’affiche de la Valley annoncée il y a quelques mois, avec une densité remarquable de super groupes et de découvertes séduisantes. De plus, quelques semaines avant le début des hostilités, le Hellfest nous a réservé une petite surprise sous la forme d’une nouvelle petite scène, la Purple House, avec sa programmation enthousiasmante en parallèle ! Même si le planning des 4 jours dans ce contexte de double scène donne le vertige, nous avons pris notre courage à deux mains pour vous retranscrire au mieux l’intégralité de ce week-end.
Notre récap vidéo :
Jour 0
La veille du Hellfest, pour accueillir comme il se doit les centaines de festivaliers, l’organisation mettait à disposition des premiers campeurs / festivaliers une part des infrastructures de la zone « entrée », ainsi que les scènes du Metal Corner… et la nouvelle Purple House ! Cette nouvelle scène a hébergé tout le week-end bon nombre de formations « Valley-compatibles » que nous nous sommes attachés à aller voir pour vous en parler dans nos live report. Spoiler : nous verrons en outre que cette consanguinité avec la Valley sera mise à profit plusieurs fois ce week-end…
Sous une grande tente pouvant accueillir plusieurs centaines de spectateurs, se trouve une scène centrale dans une cage (!) pour les groupes, et des activités sur les côtés (espace gaming, jeux forains, coiffeur, etc…) avec des animateurs tout le week-end. Même s’il y a fait chaud, on a bien kiffé !
Du côté de la Purple House…
Stone From The SkyQue d’émotion, sous la tente de la Purple House, où Dimitri a oublié qu’il n’était pas simple festivalier et a dû se faire prêter une basse par Wizard Must Die. Passé ce détail, le trio du Mans allume les boosters et fait vibrer sa fanbase, en rang serré devant la scène grillagée, avec son post-metal psychédélique. La température monte vite, et c’est le carton plein pour cette première au Hellfest ! |
Du côté de la Purple House…
Electric jaguar babyAccessoirisés de chemises léopard, Electric Jaguar Baby livrent une prestation joyeusement poppy. Leur rock fait danser la Purple House, où le public prend rapidement ses aises. Que ceux qui ont préféré aller boire de bestiales tartines de houblon se le disent : ils ont manqué un sacré set. On s’est amusé de vocalises à la manière de Freddie Mercury, utilisées pour faire chanter le public, avant qu’un luchador, qui faisait déjà le show hors de la cage, ne vienne prêter main-forte pour la bagarre finale du dernier morceau. Avec, en prime, la suspicion que derrière le masque se cachait Chris d’Acid Mammoth… Le mystère restera entier ! |
Jour 1
Le vrai lancement des hostilités, c’est aujourd’hui, avec une journée qui commence en milieu d’après-midi, et donc raccourcie… mais d’une densité de programmation folle ! Avec la journée de canicule qui nous accueille, on pressent déjà que ça va être compliqué… mais excitant !
Tar Pond
Nous voilà donc arrivés à ce moment toujours spécial pour chaque édition annuelle : le premier concert du Hellfest. Quand on voit que c’est Tar Pond qui a été choisi pour cet office, on prend la mesure de l’ambition et du niveau de qualité de l’affiche cette année. Les classieux doomsters suisses ne font pas dans la gaudriole scéniquement, c’est sobre et professionnel sans jamais être froid, et c’est du solide : les guitaristes et bassistes jouent justes, et Markus Edelmann derrière ses futs bastonne ses peaux de caisses avec le manche de ses baguettes pour plus de puissance encore dans sa frappe. Au chant, le sobre Thomas Ott, avec ses faux airs vocaux de Mark Lanegan parfois, communique occasionnellement avec le public (en français c’est plus facile) et plus globalement assume un rôle de frontman naturel à la formation. La fosse est bien garnie, malgré un soleil de plomb en ce milieu d’après midi, et le public réagit bien à ce doom mélodique classieux, bien aidé par un très bon son partout dans la fosse (qui laisse augurer du meilleur pour le week end). La set list vient piocher dans les deux disques de la formation, commençant lentement par le lugubre “Bomb”, pour terminer avec un “Blind” plus puissant et mélodique. Evidemment, le groupe adresse un salut au regretté Martin Ain, fondateur de la formation pour apporter plus de pesanteur émotionnelle encore à ce très beau moment de lourdeur et de puissance subtilement mélancolique. Superbe lancement des hostilités.
Du côté de la Purple House… Wizard Must DieEntre apéro et Slomosa, le caméléon Wizard Must Die vient apporter un souffle malin dans la Purple House. Ce n’est pas un cadeau que de jouer sur ce créneau horaire, mais nos Lyonnais s’en contrefichent et livrent tripes et âme à leur public. Le set transpire d’intentions, et chaque riff, parmi les plus pêchus, est soutenu par une tourbillonnante talonnade. Le trio raconte généreusement son dernier album aux festivaliers, qui reçoivent chaque note avec appétit. |
Slomosa
Retour à la Valley pour le deuxième concert de la journée et déjà un grand nom : Slomosa. Grand nom pour un groupe encore jeune, on le sait, mais la fulgurance de leur carrière (et leur travail) les amène fort logiquement à une place assez haut sur l’affiche. L’excitation tangible du public, qui s’est déplacé en masse (l’une des plus grosses affluences du week-end), retranscrit bien l’attente autour de ce set. C’est pourtant avec sérénité et sourires que le quintette monte sur scène (et oui : un cinquième membre, soutien occasionnel, est posté en fond de scène et vient soutenir le groupe de quelques accords de guitare et tambourin ici ou là), pour attaquer avec sérieux et implication les premiers accords de « Cabin Fever » ; sur un créneau de 40 minutes, pas le temps de divaguer, et le groupe est immédiatement dedans. La suite déroule au gré d’une set list qui valorise équitablement certains des titres les plus efficaces de leur dernier album, tout en n’oubliant pas les désormais classiques issus de son premier. Le déroulé est intelligent, mêlant mid tempo faisant chalouper les têtes et les corps, et brulots nerveux générant d’irrépressibles headbangs dans un public aux anges (les slammers font l’une de leurs rares apparitions ce week-end). Côté énergie, les véritables moulins à vent que sont devenus Marie et Tor, postés de part et d’autre du solide frontman Benjamin, emmènent la formation sur les chapeaux de roue… si bien que le groupe parvient à grapiller quelques minutes et glisser en rab’ un « Monomann » non prévu dans sa set list ! La communication est basique mais constante avec le public (et Ben en profite pour glisser quelques courtes mais bien senties cartouches à Donald Trump, Benyamin Netanyahou, et la tête pensante du RN…). Que dire qui n’ait déjà été dit mille fois sur un concert de Slomosa ? Le groupe est toujours en maîtrise et régale son auditoire. La formule fédère un large public et dispense la bonne humeur et l’énergie positive, et ce sans compromettre l’intégrité musicale ni la qualité. Un futur (déjà ?) grand, assurément, et un concert sans faute. Grosse performance.
Chat Pile
Le set de Chat Pile se retrouve assez haut sur l’affiche, pour prendre en compte probablement la réelle « hype » autour de la formation en provenance de l’Oklahoma – une hype qui n’a semble-t-il pas encore trop atteint le public metal à ce jour, car la Valley n’affiche pas le plein à l’heure du dîner et de l’agréable soleil couchant. Musicalement, la formation est efficace, et on notera en particulier le travail discret mais impressionnant de Luther Manhole à la guitare pour apporter relief, densité et variété au son du groupe – pour un style musical hybride qui emprunte autant au noise rock, au sludge mélodique (à la Kylesa), au post rock… avec même quelques plans soniquement pas éloignés de plaques neo metal (accords dissonants saccadés, basse saturée « claquante »…). Scéniquement, c’est assez pauvre, se résumant à ce pauvre Raygun Busch qui arpente la scène en marchant de gauche à droite, qui chante en regardant le sol, livrant quelques discours entre les chansons (« Free Palestine »)… on pense parfois à un Henry Rollins au ralenti. Les premiers rangs réagissent bien, et plusieurs personnes citeront le groupe comme un des meilleurs sets de la journée. Gageons qu’ils y auront retrouvé la confirmation de la qualité du groupe sur disque, car concernant l’exercice scénique, l’interprétation restait assez basique par rapport à ce qu’on peut attendre d’un groupe placé aussi haut sur l’affiche.
Monkey3
La scène suisse est bien représentée en ce premier jour sur la Valley : après Tar Pond, c’est en habitués que Monkey3 se radine sur scène pour nous mettre une belle claque. Les gars sont rodés et la veste de Boris aussi puisqu’elle affiche désormais quatre présences sur la Valley. Le public est très nombreux (il sera moins nombreux pour la tête d’affiche) et il aura été gratifié d’un son exceptionnel pour un set en plein air, ainsi que d’une production impeccable (un light show particulièrement efficace avec la nuit naissante). Et quel set ! Trois titres issus du fantastique petit dernier Welcome To The Machine (« Collapse », « Rackman » et « Kali Yuna ») – un vrai bonheur que ce set axé sur le nouvel album disponible au rayon « encore frais ». Pour compléter cette setlist, le quatuor fait péter deux hits intergalactiques : « Icarus » bien sûr et le très convenu, mais toujours énorme « Through The Desert » ! Avec le sentiment d’avoir accompli sa mission, le vaisseau spatial helvétique peut s’envoler de Clisson, même si le public en aurait bien pris une ration supplémentaire. Pour ça il faudra attendre la prochaine tournée de nos amis.
PS : pour les petits curieux, nous précisons que Monkeys On Mars, leur projet à venir avec les français de Mars Red Sky, n’a pas été défloré à Clisson, même si le trio français était aussi à l’affiche de cette édition du Hellfest.
Sunn O)))
On retrouve la formation américaine dans sa configuration la plus élémentaire ce soir, avec ses deux guitaristes stage right (Greg Anderson) et stage left (Stephen O’Malley), à l’image de leurs concerts de ces derniers mois. Plus lean tu meurs ! Le duo, comme habitude vêtu de simples bures de moines, gagne la scène composée d’une rangée d’ampli alignés en demi-cercle derrière eux, que les techniciens se sont employés à noyer dans un dense nuage de fumée blanche, alimenté tout au long du set. En conséquence… personne ne voit rien ! Les musiciens et leur gestuelle lente et grandiloquente n’apparaissent que lors de brefs courants d’air de quelques secondes dans la fumée, tout comme quelques têtes d’ampli ici ou là. Le message est clair : ce soir on oublie tous les sens, et on se laisse emmener par le drone le plus extrême et le plus pur, celui qui touche le corps et transcende la sensitivité. Musicalement (soniquement ?) le set prend la forme d’un échange ouvert, sans interruption et quasiment sans fin, entre open chords tirés en longueur, sur lesquels chaque guitariste semble répondre à l’autre, dans un échange lent et évolutif. Les notes se transforment plus qu’elles ne s’enchaînent. Un exercice toujours aussi irrationnel, d’autant plus dans cette configuration rudimentaire où aucun arrangement ou instrument ne vient enrichir le propos, réduit à sa portion congrue. Est-ce que la magie opère ? Au bout de 10 minutes, les curieux quittent la tente, laissant des rangs peu denses pour la fin du set, mais au sein desquels on trouve une bonne quantité d’hypnotisés, et d’autres qui se rapprochent de la transe (ou bien du sommeil ?). La tente de la Temple et son terrain bitumé aident clairement au déploiement des infra basses, mais nos entrailles ne travaillent pas autant que lors de leur set époustouflant en 2016 (malgré un dernier quart temps qui s’emploie bien à jouer avec les infras basses). Globalement ce concert ne laissera pas autant de souvenirs émus.
Orange Goblin
Orange Goblin a comme point commun avec la formation helvète qui l’a précédé aujourd’hui une longue histoire avec le Hellfest, et en particulier une histoire d’amour avec le public clissonais, chacun de leurs concerts ici ayant marqué l’édition du Hellfest correspondante. On les retrouve cette fois dans le cadre de leur tournée “End of Transmission”, qui les voit faire leurs adieux à la scène musicale après 30 années à graver des disques et parcourir les scènes. L’émotion donc est à son comble ce soir, quand le headliner du jour pour la Valley prend la scène. Tandis que depuis de nombreuses années, rien ne ressemblait moins à une set list d’Orange Goblin qu’une autre set list d’Orange Goblin, le quatuor, depuis qu’il s’est engagé dans cette séquence d’adieux scénique, s’emploie à valoriser l’ensemble de sa riche discographie dans ses concerts, amenant donc parfois quelques (bienvenues) raretés. Chacun de ses albums est donc représenté ce soir (certains deux fois, à l’image du classique Time Travelling Blues), et des titres plus rares sont proposés au public, comme “Hard Luck”, “Renegade” ou “Blue Snow”. Encore une fois, Les anglais confirment une tendance déjà observée l’année dernière en proposant un son plus travaillé, plus fin (il y a quelques années les concerts étaient parfois devenus un déchaînement de décibels saturés sans queue ni tête, pour faire “plus Motörhead que Motörhead”), ravivant les relents plus “groovy” de leur musique (osera-t-on qualifier certains passages de presque bluesy ?). Cette évolution permet en outre de mieux distinguer la qualité instrumentale des musiciens. En revanche, sans l’apparat des décibels ultra-saturés et du mur du son habituel, le son manque un peu de puissance… à l’image du groupe ! Loin d’être ridicule, l’énergie dispensée ce soir n’est pas comparable à la puissance des concerts d’Orange Goblin il y a quelques années. Est-ce le signe qu’il était bien temps de s’arrêter ? Ou bien que justement la posture du groupe qui n’a plus rien à démontrer se la joue plus “cool” ? Dans tous les cas, on ressort de ce concert moins enthousiaste que nous avions pu l’être d’autres fois. Ce qui n’a pas empêché un assez large public de prendre son pied, car le groupe sait quand même gérer une scène…
Éreintés par la chaleur et la quantité incroyable de concerts et de groupes exceptionnels passés sous nos yeux aujourd’hui, c’est vidés que nous quittons le site pour grapiller quelques petites heures de repos… car ce n’est que le début !
[A SUIVRE…]
Textes & Photos : Chris, Laurent, Sidney Résurrection
Merci pour ces reports!