C’est revigorés que nous revenons vers le complexe Backstage en ce tout début d’après-midi, certes, mais avec une sorte d’appréhension mêlée à notre excitation : l’affiche du jour est proprement hallucinante, mais ce sont quand même pas moins de 16 concerts qui vont s’enchaîner aujourd’hui… est-ce bien humain ?? En outre, aucun groupe plus faible ou moins intéressant ne figure dans le lot a priori : les pauses ou les “court-circuits” ne sont pas au programme… C’est parti !
KANT
La journée commence assez parfaitement avec le très cool quartet d’Aschaffenburg (à vos souhaits). Tout vêtu de fripes vintage, les jeunes musiciens germaniques assument une implantation musicale en droite lignée des meilleures formations psych rock voire hard rock des 70’s. Leur musique n’affiche aucune prétention d’originalité, mais c’est fichtrement bien fait : les rythmiques sont variées, les riffs punchy, les soli aériens, la basse galope bien comme il faut, le chant est excellent… En entamant leur set par le grandiloquent « The Great Serpent » issu de leur nouvel album, Kant capte le public, dont le nombre ne fera que croître au fil du set. Au milieu du concert, se dessine une jam instrumentale relativement déstructurée sur le léger « Traitors Lair », avec une incursion de flute traversière (!) jusqu’à ce que les trois musiciens s’éclipsent le temps d’un… solo de batterie ! En 2024 ! Quand on vous dit que ce groupe vient d’un autre temps… Une très bonne intro pour la journée.
RUFF MAJIK
On n’arrête plus le quartet d’Afrique du Sud, semble-t-il : après une paire d’albums sortis presque coup sur coup, les bougres semblent enchaîner les tournées européennes… pour notre plus grand plaisir, étant donnée la qualité de leurs productions vinyliques récentes. Ils ont l’honneur d’inaugurer la scène principale pour ce second jour de festival, devant un public « de début de journée », qui ne remplit pas la jauge, avec un remplissage loin d’être non plus ridicule vues les circonstances : le public continue de rentrer petit à petit pendant l’après-midi, il faut dire que la journée est dense, avec un début des festivités dès 14h30, et les gens s’économisent probablement (la veille les concerts commençaient à 18h). Quoi qu’il en soit, le groupe monte sur scène motivé, et enquille une belle série issue de ses deux derniers albums en particulier (ce qui est plutôt malin). Pour avoir vu le groupe une paire de fois, on les sent néanmoins un peu plus timides qu’à leur habitude : nerveux, fatigués (c’est leur dernière date sur cette tournée) ou impressionnés par la taille de cette scène ? Ça ne les empêche pas d’enquiller quelques belles pièces (un « Rave to the Grave » plus convaincant que celui du Desertfest Berlin par exemple) et de vrais grands moments, à l’image de ce vieux « Wax Wizard » (quel riff !), à nouveau véritablement transcendé en live, ou encore ce « We’re Not Out of the Swamp Yet », gloomy en diable sur le dernier album, qui prend une dimension grandiose en live, avec un arrangement très judicieux en particulier à travers une séquence de boogie fiévreux puis une montée en tension finale, parfaite conclusion d’un excellent set, même si pas le plus bouillant que l’on ait vu de la part du groupe.
RAGING SLOTH
Les hostilités reprennent dans le Club en mode lourd avec des régionaux de l’étape. Le trio estampillé sludge / doom ne trompe pas son monde sur la came en rayon : c’est lourd, lent et diaboliquement bourrin ; un bulldozer déferle sur le Keep It Low. N’ayant livré qu’une trace – concise – dans le sillon (l’EP The Descent) les Munichois balancent ces parpaings à un public de connaisseurs qui devrait croître tant l’intensité est au rendez-vous en live et sur disque. Scéniquement parlant, le masque diabolique enfilé un long moment par un des protagonistes fera le job au milieu des lights glauques et du brouillard que ces sagouins ont réclamé plus intense encore, histoire de bien faciliter l’existence des photographes voulant rendre compte de la chose. Question titres : « Spectral Gorge » et le final de 12 minutes sur « Astral Gate » ont été les moments phares d’une prestation borderline entre metal et doom, mais quelle prestation !
SAMAVAYO
La salle Halle est bien pleine quand on y met les pieds aux premiers accords de Samavayo ; il semble que leur renommée dans leur pays natal soit plus importante qu’ailleurs (logique, me direz-vous). Avouons toutefois que le stoner costaud du trio à des arguments en sa faveur : sur une base rythmique puissante (le son de basse aujourd’hui décornerait un bœuf… Trop fort même) et de discrets soubresauts d’influences orientales ici ou là, Behrang assure avec autorité et maîtrise son rôle de frontman avec son chant puissant, ses gros riffs, ses soli efficaces… et ses blagounettes dans la langue natale de Goethe et de Claudia Schiffer entre les morceaux. La set list a le bon goût de ne pas mettre le paquet sur le dernier album en couvrant l’ensemble de la discographie du trio, pour en piocher une bonne compilation (mention spéciale au nerveux « Rollin’ » lâché en conclusion qui nous retient dans la salle alors qu’on veut aller voir le concert suivant!). Pas de grosse surprise si l’on a déjà vu le groupe en live, mais le concert est efficace et conquiert sans peine le public.
(note : on commence à voir poindre les irritants fans de Gnome devant la scène avec leurs bonnets pointus rouges ridicules).
PSYCHLONA
On arrive gentiment au milieu de l’après-midi, désormais l’assistance dans le complexe du backstage est plus dense, et la grande salle Werck est fort bien garnie quand les quatre anglais montent sur scène. C’est le dernier concert de leur tournée, et Psychlona veut faire en sorte qu’il se distingue ! Avouons-le, ça commence très fort avec un enchaînement de vieux titres bien costauds, « Blast Off » et « Down in the Valley », qui poutrent autant qu’ils groovent. Les musiciens sont tous à fond, ça joue bien, et le chant chaud et puissant du guitariste Phil Hey apporte un vrai plus. Le set évolue dans la même veine, avec quelques fluctuations néanmoins : le choix du groupe de consacrer la moitié de son set à son dernier album fait que les chansons sont moins connues (moins maîtrisées ?) et sont un peu moins efficaces. Mais ne faisons pas la fine bouche, la prestation est solide et emballante et l’on prend son pied. Le set était globalement de très bon niveau, au point de nous faire la remarque que ce groupe gagnerait à être sur les routes plus souvent !
THE MACHINE
Le trio batave lâche ses premiers riffs devant une salle déjà bien remplie, qui finira bien pleine une fois que tous les amateurs de Psychlona auront fini de migrer pour la rejoindre. The Machine en live porte particulièrement bien son patronyme : c’est carré, parfaitement huilé, c’est costaud, et il est difficile d’y résister. Musicalement leur stoner costaud a déjà de quoi convaincre sur disque, mais sur scène il prend à chaque fois une toute autre dimension, emmené par son frontman David Eering : le pied virevoltant sur son foisonnant pedal board, il abat un boulot colossal a la gratte, qu’il s’agisse de débiter du riff premium ou de proposer des soli jouissifs, le tout avec classe et maestria (et il chante pas mal en plus, le bougre). La section rythmique n’est pas en reste évidemment, sa robustesse est sans faille, élément crucial d’autant plus pour ce style musical. La set list navigue dans la dense discographie du combo (un seul titre issu du dernier disque), et propose même quelques passages inconnus de vos serviteurs (des inédits?). En tout cas le plaisir vécu dans le public semble faire écho sur scène, les musiciens apparaissant complices et heureux d’être là. Quel bon moment !
(note : les bonnets rouges des fans de Gnome sont de retour en plus grand nombre, pour le plus grand déplaisir du public derrière eux)
DJIIN
Après la machine, c’est la Bretagne qui nous gagne. Le quatuor de Rennes vient souligner (avec d’autres formations présentes durant le week-end) la bonne santé de la scène stoner francophone actuelle. L’impressionnante harpe érigée au centre de la scène plante le décor avant même que les trippés ne trippent sur les mélodies du quatuor. La scène du Club est contrainte question taille puisqu’il s’agit de la plus petite scène du fest, et les quatre musiciens sont en conséquence moins mobiles que d’habitude, mais la qualité du set ne s’en ressent pas. Le public a répondu présent, l’horaire est peu propice au grand rassemblement, le set de Djiin étant intercalé entre celui de The Machine et celui de Greenleaf ; on vous laisse imaginer le truc… N’empêche que les absents ont manqué un set faisant la part belle au petit dernier The Mirror, après une mise en bouche articulée sur deux titres de Meandering Soul bienvenus. Les vociférations succédant aux mélopées sur des plans psychédéliques biens sentis ont constitué une performance qui se distinguait des plans plus hargneux à l’affiche du Club ce jour-là.
GREENLEAF
La première grosse pointure un poil bankable à se produire en ce deuxième jour était attendue. Partageant avec Slomosa (la grosse hype du moment) une tournée actuelle et un titre dédié aux équidés (« Different Horses » sera joué après une introduction potache quant au penchant de certains membres pour les chevaux, mais on ne va pas balancer ; ce qui se passe à Munich reste à Munich), les Suédois ont mis dans leur poche le public en envoyant « Sweet Is The Sound » en deuxième position qui déclenchera une véritable ovation à son terme. Le set était exactement comme on l’attendait : le guitariste Tommi a conservé sa casquette jusqu’au tiers du premier titre, le son était bon jusqu’au fond de la salle, le public était compact et les standards imparables. « Ocean Deep » – forcément – a opéré son habituelle magie non seulement auprès des vieux briscards que nous sommes, mais aussi auprès de fans plus récents, et des titres plus récents comme « Avalanche » issu de la livraison de l’année ont fonctionné auprès des vieux, notamment en raison de la performance exceptionnelle du batteur Sebastian qui a frappé telle la mule sur ce titre en particulier. Ça pogotera même si les bonnets rouges étaient partis rejoindre leurs idoles et nous en voudrons à nos amis de ne pas avoir balancé une dernière ogive (genre un titre de Nest Of Vipers si on avait le choix) vu qu’il leur restait 5 bonnes minutes à dispo lorsque l’outro a raisonné. Le groupe nous confiera en sortant de scène ne pas avoir eu cette information et le regrettera. Hans, le mercenaire allemand de la bande scandinave, aura néanmoins droit à des ovations spéciales comme quoi il n’y a pas que les Français qui sont chauvins.
GNOME
Les bonnets rouges sont rassemblés en nombre dans la Halle, ils s’affichent au grand jour, sans honte, et cet aspect communautaire inquièterait presque… s’il ne prêtait pas à sourire. Tout est à l’avenant du message d’intro de Rutger Verbist : “are you ready for stupid shit ?“. Est-ce un bon résumé de la musique du groupe ? On vous laisse à ce type de raccourci. Sans aucune surprise, Gnome délivre ses titres à rallonge(s), enchaînant 12 idées différentes par chanson, des breaks dans tous les sens, qui viennent couper à chaque fois qu’un riff commence à être intéressant, pour le remplacer par un gros refrain en growl, un pont en arpège aigu ou une partie de gigue… Évidemment, on simplifie à outrance et on est un peu de mauvaise foi, et c’est porter peu de cas à une poignée de titres plus efficaces et « carrés », qui recueillent un accueil similaire… Car en effet, le public kiffe et les pointes rouge dodelinent dans la fosse. C’est bien là l’essentiel.
SLOMOSA
Après le réel carton de Greenleaf qui les ont précédés sur la scène principale, l’attente de la part du public est littéralement tangible : il faut être complètement désensibilisé pour ne pas sentir la tension ambiante, tandis que le “noir” se fait pour l’arrivée sur scène des norvégiens de Slomosa (qui en outre sont en tournée en ce moment avec leurs collègues suédois susmentionnés). Le quatuor monte sur scène dans une atmosphère (visuelle) sombre et vaporeuse – qui le restera sur tout le concert (du début à la fin, on ne distinguera que 3 silhouettes et un kit de batterie en fond… mais pendez-moi ce technicien lights !)… Heureusement on est là surtout pour l’énergie et la musique, et de ce côté-là, on prend notre dose, au-delà du raisonnable. Le groupe est absolument en feu ce soir, et enquille les compos apparemment sans effort, mais avec une fougue de tous les instants. La set list est absolument impeccable, mêlant les (désormais) classiques standards issus de son pas-si-vieux premier album (« Horses », « Kevin », « In My Mind’s Desert », etc…) à une petite sélection des nouvelles perles de sa dernière production (citons pour le principe un « Red Thundra » parfaitement arrangé, « Battling Guns », un « Monomann » bien tendu…). Tout en maintenant une bonne qualité d’échange avec le public, Slomosa enchaîne les hits avec le pied à fond sur l’accélérateur (ils finiront 5 grosses minutes avant le créneau qui leur était alloué). Le public est en feu sur toute la profondeur de la fosse, avec le plus gros flux de slammers observé de tout le festival (remarquable quand on réalise que Fu Manchu, Truckfighters et consorts évoluent sur la même scène !). Nous voyons Slomosa assez régulièrement depuis quelques années, mais il est assez bluffant de constater comme le groupe évolue en terme d’efficacité. Les voilà déjà passer n°3 sur une affiche de cette qualité, et l’on se demande, légitimement, où ils vont s’arrêter…
INTER ARMA
Encore tout chamboulés, on rejoint la salle Halle à quelques enjambées et… diantre que le choc est dur ! Le batteur et leader de l’ombre TJ Childers introduit le set par un cri rageur, et c’est parti pour 50 minutes d’un sludge technique alternant, pour faire simple, entre violence froide et puissance brute. Difficile de rentrer dedans alors qu’on est sur une toute autre énergie en arrivant ! Mais les américains ont de l’expérience, et il suffit de quelques minutes d’immersion pour se laisser happer par ce maelstrom où fusionnent plusieurs formes de metal, allant du sludge au death, du funeral doom au black metal… Sur la scène pourtant de bonne taille, les six (!) musiciens évoluent en mode concentrés plutôt qu’extravertis ; il faut dire que cette musique complexe l’exige un peu (mention spéciale à Childers, impressionnant dans son jeu, notamment en double pédale). Au milieu, Mike Paparo attire l’attention du public, il arpente la scène dans tous les sens, éructe, crie, growle, saute, et est globalement super expressif visuellement. Le public déguste avec appétit les montagnes de riffs et soli qui lui sont jetés en pâture, et ce même si la salle n’est pas la plus dense que l’on ait vue (probablement pour cause de grand écart de style musical d’une part, et aussi pour mieux se placer pour les concerts suivants de la main stage peut-être). Auprès d’un public un peu “décalé”, Inter Arma a fait le job, largement.
APTERA
La formation de Berlin, que nous avions déjà vue cette année au Desertfest de la capitale allemande, était attendue par une partie de l’équipe ayant particulièrement aimé le déluge de violence vindicative déversé sur nous au printemps. Elle était aussi très attendue par les sympathiques membres de DJIIN qui avaient apprécié ce qu’ils avaient entendu au soundcheck, même si le spectre musical couvert n’était pas exactement le même. Comme à l’accoutumée le quatuor portait ses revendications haut dans ses interventions, dans ses textes et sur certains T-shirts qui rappelèrent au public que personne n’est illégal en ce bas monde. Outre ses revendications, le groupe a multiplié les remerciements aux agitateurs de la scène que sont Sound Of Liberation et sa manifestation bavaroise le Keep it Low. Les brûlots d’obédience doom/sludge lorgnant sur le metal que sont « Selkies », « When The Police Murder » (avec son intro dénonçant ce qui est désormais le quotidien à Berlin) ou « The Knife Twist » ont fait à nouveau mouche avec les successions d’activistes au micro, tantôt chantant tantôt hurlant sur des riffs tranchants et une rythmique énorme menée par une batteuse impressionnante.
TRUCKFIGHTERS
Place à Truckfighters, le groupe qu’il est de bon ton de critiquer voire mépriser depuis quelques années… Loin de ces prédispositions un peu pédantes, c’est l’esprit grand ouvert que nous appréhendons ce concert (le énième auquel nous assistons de la part du trio suédois). Le groupe propose une entame assez classique avec le catchy “Mind Control”, et ce que l’on peut appeler la “mécanique Dango” se met immédiatement en action, pour ne plus jamais s’arrêter de tout le concert ! Le guitariste court dans tous les sens, va haranguer le public sur tous les coins de la scène, descend exécuter ses soli derrière les crash barrières au contact du premier rang (il continue à jouer tout en buvant au verre tendu par un fan), et saute, saute, saute, donne des “air kicks” de kung fu sans arrêt… et ce même quand les passages musicaux ne sont pas les plus dynamiques ! Est-ce critiquable ? Ce le serait si jamais la démarche était “fake”, insincère… sauf que c’est comme ça que le gaillard vit sa musique, il est à fond tout le temps ! A ses côtés, Ozo mène la barque rythmique et mélodique comme un guerrier du fuzz qu’il est. Plus statique évidemment, il reste actif, souriant et dynamique, et assure ses parties (chant ou basse) avec efficacité. Bénéficiant ce soir d’un son absolument impeccable (c’était une constante quasiment tout le week-end) le groupe aura constitué une set list garantie sans risques, chargée de tous les hits du groupe, dans laquelle les surprises sont rares. Le juge de paix ce soir, c’est le public. Or quand vous voyez une salle de cette taille, dont le pit se meut en continu, poing en l’air et sourire aux lèvres, ou encore quand vous entendez la salle entière éructer aux premières notes de “Desert Cruiser”, toutes les critiques du monde s’évaporent. Laissons les rageux rager, le set de ce soir était impeccable, solide et efficace, et a fait honneur à la carrière du groupe, qui tient toujours son rang.
WOLVENNEST
Même si la transition est moins violente que le Slomosa / Inter Arma un peu plus tôt, enchaîner l’énergie de Truckfighters et celle de Wolvennest n’est pas non plus chose aisée ! Foin de candélabres, vieilles bougies et autres accessoires de déco occultes, seuls quelques discrets bâtons d’encens finissent de bruler sur un coin de scène : fini le décorum, désormais le groupe belge se concentre sur la musique, en pleine confiance, et il a bien raison. Armé pour en découdre, Wolvennest a aussi des arguments à faire valoir en termes d’accessibilité à un public plus large que les amateurs de doom occulte : forcément, cela passe par le rôle central de la modeste Shazzula, la vocaliste dispensant ses rares lignes de chant avec efficacité pour soutenir ou alléger un peu le propos massif de la section instrumentale (voir son chant hanté sur « Accabadora »). En sus, elle vient apporter, via quelques effets sonores (dont surtout son fidèle et judicieusement exploité Thérémine), une dimension supplémentaire aux compos par ailleurs très denses du combo. Car autour, ça envoie du bois : rien moins que trois guitaristes, aux jeux assez complémentaires, épaulés d’un solide bassiste et d’un batteur efficace, s’emploient à développer des mid-tempi pachydermiques et envoûtants, provoquant hochements de têtes en rythmes dans les rangs d’un public qui prend son pied. On craignait que ce set soit l’un des temps faibles de la journée de par son “décalage” avec la tonalité musicale de ce soir, mais il semble se confirmer que ces parenthèses stylistiques s’avèrent intéressantes – en particulier quand elles sont de cette qualité.
FU MANCHU
L’heure est arrivée du grand moment annoncé de ce festival, du point culminant de la grande messe du stoner, avec l’arrivée sur les planches, pile à l’heure, du quatuor culte californien. On sait que Scott Hill est un frontman atypique en live, pour autant les premières minutes de ce set nous laissent pantois et un peu circonspects devant son énergie débordante (il arpente la scène en tous sens, headbangue comme un forcené…), aboutissant à… une chute au sol pendant “Cyclone Launch” (“putain la prochaine fois faudra que j’apprenne à marcher avant de venir”) ! L’influence de Dango sur le set des Truckfighters qui les a précédés ? Plus sérieusement, le chanteur-guitariste est plus probablement simplement en grande forme, et ça annonce un set énergique. C’est confirmé en tout cas dès cette intro qui enquille les premiers standards de la soirée (« Eatin’ Dust » / « California Crossing » pour lancer les hostilités, le ton est donné) avec évidemment une exécution sans faille. Tandis que Hill continue à parcourir la scène avec ses headbang de fou furieux, il est quand même bien présent où il faut et quand il faut pour lâcher la poignée de riffs colossaux qui va bien, et assurer les lignes de chant impeccables de cette ribambelle de hits. A ses côtés, Bob Balch continue d’assumer son rôle de guitar hero besogneux, abattant un travail conséquent en rythmique mais surtout en leads, avec des soli toujours inspirés et maîtrisés, et ce sans jamais perdre le lien avec les premiers rangs. La section rythmique est plus en retrait – à l’image de Brad Davis qui reste quand même assez statique et sobre en fond de scène près de ses amplis – mais quel boulot assuré par ces deux-là ! Il suffit d’observer quelques minutes la machine Scott Reeder derrière ses fûts pour prendre conscience qu’il est un élément crucial du quatuor, le bougre alimentant la machine rythmique sans faiblir, et sans jamais en mettre une à côté.
Armé d’une nouvelle galette de qualité sous le bras, Fu Manchu peut se reposer sur une belle quantité de pépites pour composer ses set lists. Voir à titre d’exemple les trois nouveaux titres joués ce soir, impeccablement intégrés dans une set list de classiques, sans que l’on ne détecte la moindre baisse de régime. Pour le reste, c’est cartouche sur cartouche, un véritable sans faute pendant 1h20 de bonheur en barre, avec les énervés « Hell on Wheels » ou « Evil Eye », l’aérien « Saturn III », et en point culminant un « Boogie Van » en rappel qui finit de mettre tout le monde d’accord. Ce soir le groupe a fait plus qu’assurer le minimum attendu d’un groupe de son statut : il a, tout simplement, fait honneur à son rang. Après avoir vu défiler cet après-midi quelques sérieux prétendants au trône, Fu Manchu a montré que ces années d’expérience supplémentaires font encore la différence.
Heckspoiler, qui clôture le festival dans la Halle, fera en ce qui nous concerne les frais de cette journée incroyable : nous n’avons plus de neurone ou de muscle disponible pour aller écouter leur set… Tout juste le temps d’aller saluer nos (nouveaux ou anciens) amis et de partir rejoindre notre amie Orphée qui nous tend les bras, les tympans sonnant et les corps meurtris, mais avec le sentiment d’avoir assisté à un événement d’exception, ne serait-ce que par la densité de concerts de haute volée pour les fans de stoner que nous sommes, alliant diversité et esprit de découverte. Un superbe week-end de musique.
Chris & Laurent