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KEEP IT LOW Festival – Jour 2 (Graveyard, Bongripper, Lowrider, The Obsessed…) 11/10/2025 – Munich (Allemagne)

Un soleil magnifique vient baigner la douce ville de Munich en ce second jour de péripéties fuzzées, l’occasion d’une matinée de balade enrichissante pour se mettre les idées en place avant les hostilités…

 


THE KUPA PITIES

L’ouverture de ce deuxième jour incombe à un quatuor stylistiquement assez éloigné des musiques généralement pratiquées au Keep It Low : c’est au son d’un métal moderne mâtiné de hardcore que nous sommes accueillis au Backstage en ce début d’après-midi. La formation, solide et sympathique, a le mérite de préparer les tympans et les esprits à ce qui va arriver… Contrat rempli.

 


BLUE HERON

Les américains, avec 3 albums discrets sous le bras (2 et demi, disons), sont pour la première fois en tournée européenne et en profitent pour faire une escale au Keep It Low. Même si le groupe n’est pas ancien, sur la scène ce ne sont pas des jeunots, et ça sent le sérieux : ça joue bien et fort (mention spéciale au batteur, surexcité derrière son kit, tandis que le guitariste et le bassiste sont plus sages sur leur côté de la scène). L’entame (et la majorité du concert en fait) fait la part belle à la seconde galette du groupe (leur 3ème disque vient à peine de sortir), propice à faire découvrir au public leur stoner rock puissant et varié, avec des passages plus aériens et d’autres plus rentre-dedans (à l’image du très Kyuss-ien « Marigold », extrait de leur dernière galette). Jadd Schickler leur chanteur (par ailleurs à la ville manager de plusieurs labels prestigieux, dont Magnetic Eye ou Blues Funeral aujourd’hui, ou Meteorcity en son temps) apporte ce petit bonus au groupe en proposant des lignes de chant clair ou hurlées efficaces. A noter que le groupe termine son set par sa reprise du « Head Like a Hole » de Nine Inch Nails, qui s’intégère bien (sans déchaîner les foules non plus…). Un très bon set, qui serait meilleur avec un peu plus d’aisance scénique – constat magnifié en particulier après le set de leurs successeurs sur la grande scène…

 


KOMATSU

Le trio batave profite de la mésaventure des anglais de Ritual King qui, pour cause de maladie, n’a pas pu assurer la première partie de la tournée européenne de Mondo Generator. Komatsu n’a toutefois pas volé sa place, œuvrant depuis de longues années dans cette scène musicale… même s’ils n’ont jamais pris l’ampleur qu’ils méritent. Scéniquement, les hollandais sont rodés, et même si ça manque un peu de folie, la qualité d’interprétation est là. Leur discographie manque peut-être d’une poignée de titres plus marquants, de ceux qui emballent un public en 2 riffs, raison pour laquelle le public headbangue mais ne s’emballe jamais. En outre, le groupe a établi une set list assez bizarre, avec une moitié d’extraits de leur premier album, et une autre moitié issue de leur dernier album en date (leur 5ème) – pour tout le reste, passez votre chemin ! Pour autant, la qualité est au rendez-vous, à l’image de ce final sur l’enchaînement bien lourd « Gator » / « Komatsu ». Un bon set, leur stoner puissant fonctionne bien.

 


HIGH DESERT QUEEN

En quelques secondes, High Desert Queen a tout simplement conquis le Keep It Low. Le gros riff de « Palm Reader » en intro, le sourire et l’énergie du chanteur Ryan Garney, il n’en faut pas plus ! Sur disque pourtant, la musique sympathique du quatuor a du mal à se détacher de la « concurrence » de dizaines d’autres groupes dans des sphères musicales proches ; intéressant, mais manquant de « caractère ». Sur scène, c’est une toute autre paire de manches : comptant notamment sur Jason Casanova (bassiste de Sasquatch) à la 4-cordes, le groupe aligne les compos avec une vraie envie d’apporter du plaisir à l’auditoire. Garney arpente la scène avec le sourire (tellement rare chez les autres groupes !), s’adresse au public, interagit avec ses collègues, danse, saute,… il est intenable, et capte une large part de l’attention. Pendant ce temps, les chansons défilent, presque toutes issues de leur second disque, sorti l’an dernier. En capitalisant sur le groove impeccable de ses compos, le quatuor californien emporte la timbale. De ces surprises qui font tout le sel d’un festival. A revoir, vite !

 


PSYCHLONA

Dans la série des groupes sous-estimés, Psychlona a pas mal d’arguments à faire valoir. La tournée en cours en première partie de The Obsessed permet à un public nouveau de les découvrir, même si leur expérience est déjà significative. Le quatuor blinde la Halle et lui décharge des tombereaux de riffs fuzzés pendant trois quarts d’heure qu’on ne voit pas passer. Le quatuor a de la bouteille et du talent, notamment pour ficeler des set lists très bien fichues : quand ils ont balancé 2 ou 3 riffs dévastateurs, ils s’emploient à dégainer des plans plus psyche. Leur discographie le leur permet, et ils en tirent profit en piochant un peu dans tous les albums, en zoomant clairement sur leur dernière sortie toutefois, qui le faut bien. Le charisme et l’autorité des musiciens (et en particulier de son chanteur/guitariste Phil) font le reste, pour au final emballer le public, tout du long entre headbang et danse. Mention spéciale au classique “Down in the Valley” repris en cœur par une assistance de connaisseurs.

 

Comme s’il n’y en avait pas assez, le Keep It Low a ouvert la petite salle du Club aujourd’hui, et le 1er concert était celui de Hidas. Malheureusement la salle est blindée et votre serviteur ne pourra écouter que quelques mesures du doom bien lourd de la formation. Tant pis !

 


THE OBSESSED

Ça commence à être difficile de se prendre torgnole sur torgnole, et un rapide coup d’œil sur la liste des groupes restants aujourd’hui nous donne le vertige… C’est au tour de The Obsessed dans la grande salle de venir évangéliser la foule. Pour fêter les 30 ans de son troisième LP The Church Within, le quatuor (à l’époque trio) en propose une réinterprétation intégrale, presque dans l’ordre du track listing du disque. Niveau surprise de la set list, on repassera, donc. Reste l’occasion d’entendre ces titres, pour certains rarement (jamais ?) repris en live. On aurait évidemment privilégié un autre album (The Church Within peut légitimement être considéré comme l’un des moins bons albums de The Obsessed), mais on ne choisit pas son anniversaire… et un album médiocre de la formation reste au-dessus de la moyenne ! Accompagné d’un solide line up (on notera l’ajout récent de Bob Pantella de Monster Magnet derrière les fûts !) Wino semble en forme, souriant et, comme toujours, concentré sur la qualité de son jeu. Pas de compromis pour le guitariste culte qui préfèrera toujours honorer l’exécution d’une chanson plutôt que de se la jouer posture de guitar hero. Au final, le set est solide, et l’effet prévu se réalise : on redécouvre certains de ces titres avec cette sorte d’homogénéité produite par leur interprétation live… On en viendrait à reconsidérer la qualité intrinsèque du disque ?? En tout cas, Nick Oliveri, posté dans le public en headbanguant pendant tout le set, en est sorti satisfait… comme tout le monde à priori.

 


THE VINTAGE CARAVAN

De manière prévisible, la Halle est – à nouveau – pleine comme un œuf quand on quitte Wino pour aller y voir le trio islandais. Il faut dire que la réputation scénique de la formation n’est plus à faire, et il ne leur faut pas longtemps pour rappeler à tout le monde pourquoi. L’énergie déployée par les jeunes retro rockers est remarquable, et cette entame bien énergique cartonne. Alexander, moins contraint que Óskar qui est souvent accroché à son micro ou son rack de pédales d’effets, arpente la scène en tous sens et vient au contact du public, haranguer la fosse pour lui soutirer quelques cris ou poings tendus ; un public qui lui mange dans la main. La set list qui déroule enchaîne les pépites de gros heavy rock, sans temps mort. Même les extraits moins connus de leur dernier album fraîchement sorti, passent crème. Rien à redire, on peut aimer leur musique ou pas sur disque, mais en tous les cas force est de reconnaître que sur scène The Vintage Caravan est redoutable.

 


LOWRIDER

Les 5 musiciens de Lowrider (oui pour rappel il y a désormais un claviériste à faible valeur ajoutée dans la formation) entament le set de ce soir par le groovy « Caldera », issu de leur dernier LP, prétexte à une sorte de jam planante parfaite pour faire monter la pression, même si un peu trop longue. Les choses sérieuses commencent ensuite dès « Sernanders Krog » et se poursuivent pendant 50 minutes de haut niveau. La set list présente peu de surprises, faisant la part belle à ses derniers disques… si ce n’est ce délicieux et rugueux “Convoy V” ressorti du placard à archives, pour lequel le groupe accueille sur scène rien moins que Jadd Schickler pour assurer les chœurs, en rappelant que c’est lui, manager de MeteorCity, qui les a signés pour leur premier album il y a 25 ans ! Un moment de grâce où le groupe se décide enfin à (re)jouer sur scène l’un de ses titres les plus remarquables (même James Hetfield le dit !)… que l’on espère trouver à nouveau dans leurs prochaines set lists ! Quel gâchis de le laisser végéter au profit de chansons parfois moyennes. Comme d’habitude, et ce malgré sa faible quantité de concerts joués chaque année (une poignée de festivals et c’est tout), le groupe est bien en place (on parle trop peu de la qualité de son batteur Andreas Eriksson, qui tient l’édifice avec robustesse et talent) et les titres sont interprétés avec la juste touche de rigueur et de customisation “live”. Bref, efficace et fun, tout ce qu’on attendait !

 


ROTOR

On suit à la lettre les conseils de Peder de Lowrider (et Stefan de Colour Haze qui portait leur tee-shirt la veille) qui encourage le public à se précipiter dans la fosse de la Halle où les allemands de Rotor alignent leurs premiers riffs. Fermement ancré dans cette vivace scène stoner underground allemande du début du siècle (avec des formations comme Colour Haze, My Sleeping Karma, Hypnos69,…), le quartette instrumental fait un véritable carton ce soir. Le public connaît tous les morceaux par cœur et ne se fait pas prier pour crier sa joie et headbangue en cœur dès qu’une intro retentit d’un morceau qu’il reconnaît (c’est-à-dire à chaque chanson). Les compos de Rotor ne tombent jamais dans le piège de la jam psyché, les morceaux sont concis et généralement nerveux, reposant sur des tempi chaloupés et groovy (on pense parfois à Fatso Jetson pour l’aspect bariolé de leur musique !). Difficile pour le non-germanophone de retenir les noms de chanson, mais on aura apprécié les divers extraits du référentiel Fünf (dont le presque jazzy (« Oktagon »). On est donc bien loin du cliché que se traîne à tort la formation d’un groupe de psych rock qui aime se regarder jouer dans des volutes enfumées… Punchy, carré, efficace, le set des allemands laisse une impression de pas assez : on aimerait voir la formation jouer plus souvent, car chaque apparition est remarquable… et remarquée !

 


BONGRIPPER

S’il est rare sur scène, le quatuor de doomsters de Chicago a ces dernières années fait chanceler l’un après l’autre les festivals européens qui comptent. Ils étaient d’ailleurs déjà au Keep It Low en 2019, alors que le fest se tenait dans un complexe munichois de plus petite taille que le Backstage. Voir la dimension prise par le groupe, en constatant cette immense salle Werck blindée, est finalement logique, chacune de ses prestations ayant laissé des traces. Sur scène, comme d’habitude, pas d’esbroufe : des amplis au fond, 3 pedal boards, une batterie, aucun pied de micro. On allume les potards de volume et autres effets, on laisse le son dissonant des amplis préparer le terrain, et on laisse se produire le déluge. Le son, comme tous les concerts d’aujourd’hui comme d’hier, est massif, tout à fait en mesure de servir l’effet bulldozer de leur compo. Le set commence par le très surprenant « Worship », issu du vieux Satan Worship Doom, un titre qui reprend bien les caractéristiques « primaires » de leur répertoire : gros riffs, dynamiques évolutives, breaks dévastateurs… Effet garanti. La suite est tout aussi surprenante, le groupe déterrant le remarquable « Reefer Sutherland » du mal aimé Hippie Killer (album qu’ils ont récemment déterré pour quelques dates spéciales aux U.S.A.). Le dernier album est représenté par le très prévisible mais excellent « Nothing », avec 20 minutes à couper le souffle pour un final pour le moins rude ! On pouvait craindre l’effet « parenthèse » un peu trop atypique dans une programmation de la grande scène plutôt orientée stoner rock / retro rock aujourd’hui, mais il faut croire que le public avait bien besoin d’une petite claque derrière la nuque, car il s’y est donné à cœur joie – il faut le voir headbanguer comme des vagues de marée humaine, les yeux fermés, en semi-transe, sur « Nothing » … Ça défile ainsi pendant un peu moins d’une heure, dont tout le monde ressort exsangue et soufflé.

 


MONDO GENERATOR

Rien ne ressemble plus à un concert de Mondo Generator… qu’un concert de Mondo Generator. C’est ce qu’on se dit très vite en rentrant dans cette Halle fort pleine, au son du sempiternel “13th Floor”. Les nuances dans les sets du groupe sont à trouver dans le line up du jour pour épauler Oliveri : aujourd’hui c’est encore Mike Pigmie à la guitare, et … un batteur. Les chansons s’enchaînent, piochées comme d’habitude aléatoirement dans la première partie de carrière de QOTSA, Kyuss, ou l’un des récents (et assez interchangeables) disques du groupe lui-même. Le public est content, il évacue l’énergie qu’il lui reste en se rapprochant de la fin de cette dense journée, et réagit surtout aux chansons non-Mondo Generator… comme d’hab’ ! Bref, une impression de déjà vu, mais le public semble satisfait.

 


GRAVEYARD

Pas de surprise non plus en rentrant, pour la dernière fois de la journée, dans la grande Werck : la salle est fort logiquement pleine à craquer pour les seigneurs du rock vintage retenus comme headliner de la journée. Les suédois montent sur scène avec une envie d’en découdre, enchaînant en premier lieu quelques titres de la partie la plus nerveuse de leur riche répertoire (superbe « Ain’t Fit to Live Here »). OK, ça ils savent faire. Puis la set list s’enrichit, du mid tempo, de la balade (très beaux « Rampant Fields » et « Uncomfortably Numb »), toujours avec la même fièvre et la même classe. Sur scène c’est évidemment Joakim Nilsson qui occupe 80 % de l’attention, impliqué, fiévreux sur les titres les plus incandescents, au chant toujours aux limites de la rupture et au jeu de guitare enivrant ; il incarne en premier lieu l’énergie impulsée par le groupe. Il est épaulé par Jonatan, guitariste talentueux mais un peu éteint en terme de jeu de scène, et de Truls Mörck, un excellent bassiste qui lui non plus ne manque pas d’énergie (c’est d’ailleurs lui qui épaule son frontman au micro, comme sur « Bird of Paradise »). La set list joue la carte de la sécurité et de l’efficacité, avec essentiellement des classiques live de la formation – on apprécie néanmoins quelques titres plus rares comme « Breathe In Breathe Out » ou « Rampant Fields », mais pour le reste, que des valeurs sûres. De toute façon, difficile d’envisager un finish qui ne repose pas sur les superbes « Hisingen Blues » et « The Siren », donc il serait bien maladroit de se plaindre. Encore une prestation irréprochable de la part des champions toutes catégories de ce style musical.

 


GODSLEEP

Godsleep… un mélange de Godflesh et de Sleep ? Le doute est vite éloigné à notre dernière incursion dans la Halle pour célébrer la fin du festival. Le quartet grec (une nation abreuvant régulièrement la scène stoner de formations de qualité) se présente devant un public moins dense que d’habitude, où se mêlent fatigue, ébriété occasionnelle, effets de fumées « récréatives »… Pour remuer cette masse un peu amorphe, il faut y aller avec conviction et énergie, et c’est ce à quoi s’emploie la formation athénienne. Emmenée par la furieuse frontwoman Amie Makris (qui se présente dans un grand épais manteau et bonnet épais, avant de vite faire tomber le tout pour une tenue plus « athlétique »), le groupe déroule un set de stoner rock vitaminé à forte composante mélodique (encore une marque de fabrique des groupes de stoner grecs). On sent quelques influences stoner/grunge ici ou là, mais fondamentalement, ça sent la fuzz énergisée avant tout. Le public présent met ses dernières forces dans la bataille, et le concert (et le festival) se termine(nt) sur une touche ultra positive.

 


 

Cette édition 2025 du festival se clôt sur cette série de faits d’armes remarquables, et, à chaud, se dessine encore une fois le bilan d’une édition très réussie. Bien installé dans le paysage des festivals qui comptent, l’événement affiche complet chaque année (malgré des augmentations de jauge liées au changement de complexe de salle ces dernières années) et aura permis encore une fois au public de voir des concerts d’exception, mais aussi de côtoyer des musiciens directement pendant tout le festival : en effet, l’ambiance familiale de l’événement incite les musiciens à se balader sur le site un peu partout, à assister aux autres concerts depuis le public, et pour beaucoup d’entre eux à passer littéralement toute la journée dans la petite zone « merch », où les musiciens blaguent entre eux, discutent avec le public, dédicacent ou prennent des selfies à tour de bras, autour d’un verre ou plus. Bref : rendez-vous en 2026 !