De passage à Paris à l’Archipel pendant sa première tournée acoustique européenne, John Garcia nous a offert un très sympathique tête à tête où il s’est largement confié sur son tout nouveau concept « Unplugged Tour ». C’est d’ailleurs dans un contexte très particulier que ce grand monsieur du Stoner, personnellement très touché par les événements de Paris de ce triste 13 novembre 2015, nous revient avec beaucoup d’humanité, d’amour, et heureux dans ce qu’il fait. Bien plus encore, Mister Garcia nous livre quelques détails pour la suite.
Un an après la sortie de ton premier album, tu repars sur les routes pour nous proposer un tout nouveau concept avec une tournée de concerts acoustiques, et, bien évidemment, on pense tout de suite à ton morceau “Her Bullets Energy” qui clôt l’album sur cette touche acoustique. C’était une façon d’annoncer la couleur pour la suite ?
C’est une idée qui était déjà présente pendant l’enregistrement de mon premier album. Avant même de rentrer en studio, nous avions pu faire quelques dates acoustiques. J’ai tout de suite apprécié cette ambiance plus “intime”. C’est une nouvelle expérience pour moi. Tout le monde connaît très bien ma carrière et c’était juste une étape logique. Juste l’envie de me faire plaisir et faire plaisir aux autres.
J’ai surtout envie d’être heureux et c’est à travers la musique, notamment avec ce nouveau concept acoustique que je le suis vraiment. Et j’apprécie vraiment d’être là ce soir, comme j’ai pu l’être à Berlin ou encore à Londres. Cette opportunité de jouer ne serait-ce que devant 5, 25 ou 75 personnes, bref, je donnerais toujours la même énergie. Car j’aime tellement jouer, performer et rencontrer.
Pour résumer, je me suis concentré sur mon projet solo avec mon nouvel album, en tournant puis en faisant une bonne pause cet été afin d’être avec ma famille. Enfin est arrivée cette tournée acoustique qui se résume ainsi : “Profitez de la vie !”.
Peux-tu nous raconter comment as-tu eu cette opportunité de monter cette tournée acoustique européenne et qu’en est-il de son concept ?
Nous voulons donner cette impression de jouer comme si on était dans un salon, avec cette ambiance intime que l’on ressent notamment à travers les lumières et le lieu. Surtout pas besoin de batterie, de basse ou de guitares qui font beaucoup de bruit. C’est comme si tu étais nu ; juste une guitare, une voix et rien d’autre. En gros, on veut donner cette impression d’inviter les gens chez nous, dans notre salon.
On ressent bien que progresser sur ce type de set te permet aussi d’exploiter ta voix d’une autre manière avec une teinte plus mélodique, plus spirituelle… ?!
En effet, je n’ai pas besoin de pousser ma voix comme sur un concert électrique, je peux l’exploiter différemment et beaucoup plus que d’habitude. Tu sais, chanter n’est pas toujours facile, en tout cas pour moi. Mais je suis toujours enthousiaste d’exploiter ma voix au maximum. Avec ce projet acoustique, ça me permet justement d’aller encore plus loin.
Ça me permet surtout d’apprendre à me connaître mieux, et chaque événement est différent, surtout, l’ambiance est différente, elle change énormément selon l’endroit. L’ambiance n’est pas forcément la même selon les morceaux que je vais jouer, des titres comme « Space Cadet », « Kentucky » ou mes autres nouvelles chansons. Enfin bref, j’essaie de savoir où se trouve ma voix. C’est d’une certaine façon un challenge perpétuel.
Ehren Groban t’accompagne de nouveau sur cette tournée et j’ai comme l’impression qu’il est devenu un compagnon de route important pour toi…
Ehren et moi entretenons une relation importante car tout d’abord, c’est quelqu’un d’honnête. Ce n’est pas seulement un simple chanteur et guitariste, Ehren a pris une place différente par rapport à d’autres musiciens dans ma vie car c’est un super auteur-compositeur. Il a toujours de très bonnes idées, et, tu sais, tout le monde ne peut pas assurer comme Ehren Groban. Il gère à mort en concert car c’est un super guitariste. En plus de ça, on est très proches en dehors de la musique. D’après mon expérience personnelle, trouver cette cohésion entre un chanteur et un guitariste, c’est la chose la plus importante dans un groupe. C’est en tout cas mon point de vue.
J’avais vraiment besoin de quelqu’un de sérieux pour entreprendre cette aventure avec moi, et Ehren est juste l’homme parfait ; un super musicien, un mec bien, un très bon ami et c’est tout ce dont j’ai besoin. Contrairement à d’autres avec qui j’ai pu travailler, nous sommes rarement en désaccord et nous avançons toujours dans les meilleures conditions possibles. J’en suis vraiment heureux.
Et toi en tant que musicien instrumentiste ?
Je fais de la percussion (tambourin, shaker) sur cette tournée acoustique, j’aimerais bien jouer de la guitare, mais je ne suis pas très bon [ndlr : il nous fait une belle imitation de air-guitar].
A propos des différents morceaux que tu interprètes, on y retrouve tout un panel de différents projets que tu as portés, de Kyuss, jusqu’à ton album solo. En tant que personnage qui aura su inspirer de nombreux groupes, est-ce l’occasion de faire le point sur toi-même, de ces (presque) 30 ans d’activités musicale ? Et peut-être une façon de rendre hommage à ta carrière ?
Est-ce que c’est une façon de résumer ma carrière allant de Kyuss jusqu’à maintenant ?! Je ne me prends pas assez au sérieux pour tout ça. Je suis avant tout un père de famille, un mari aimant. Dès que je peux, je viens aider ma femme qui travaille à hôpital, et, je consacre le reste de mon temps à la musique.
Difficile de résumer ma carrière, il y a Kyuss, Slo Burn, Hermano ou Vista Chino… [petit souffle] mes différentes collaborations comme Danko Jones ou bien d’autres encore. Et je te le répète, je ne me prends pas assez au sérieux pour tout ça. Tu sais, je n’ai d’ailleurs jamais aimé le rapport à l’argent et la musique, je veux juste rester simple. Après c’est une bonne question car on me reproche souvent tout cela, je n’en ai rien à faire de ce que les gens pensent. Dans ce business, tu dois te détacher de toutes ces critiques. Oui on dit souvent : « oh il a encore un nouveau projet, oh il ne sait pas au final ce qu’il veut faire,… ». Et alors, c’est quoi le problème ? C’est ma vie ! Pas leur vie ! Tu sais, j’aime explorer. Si je reste trop longtemps dans le même délire, je m’ennuie, et tous les gens proches autour de moi le savent. Je désire juste faire les choses quand je veux et comme je l’entends. Et personne ne peut m’interdire ça… J’espère que je ne me suis pas trop éloigné de ta question ?
Non pas du tout, au contraire, on ressent bien que ton inspiration, c’est avant tout “la famille” ?
C’est clair, je vis pour donner du bonheur. Si ma famille est heureuse, je suis heureux. Genre on me demande ce que je veux pour Noël, je ne veux rien car mon cadeau c’est de te voir heureux, c’est ça que je veux pour Noël.
Pour revenir un peu sur cette tournée acoustique, peux-tu nous faire un petit topo des différents morceaux que tu vas jouer ce soir et pourquoi adapter ces derniers plutôt que d’autres?
Bonne question. On essaie avant tout d’isoler un morceau, on se dit : « Tiens, ce morceau par exemple, ça pourrait grave le faire en acoustique ! Pourquoi ne pourrions nous pas la transformer en un délire acoustique ?! » Donc on essaie d’adapter le morceau, on travaille dessus. Ensuite, tu vas avoir des grands classiques style « Space Cadet ». Après on s’est beaucoup concentré sur les nouveaux morceaux que nous avons composés avec Ehren. Globalement on joue onze morceaux comme « Kentucky », « Don’t Even Think About It », … [ndlr : en fait, nous avons eu le droit à 14 morceaux sur la date de Paris, voir la rubrique “Chroniques Live”].
Pour résumer, on essaie des morceaux, si par exemple on prend des chansons de Kyuss, on essaie, si on sent que ça marche, que ça nous parle, on le fait ! Si ça ne le fait pas, on passe à autre chose.
Nous voulions monter un super spectacle, construire ces morceaux différemment. « Space Cadet », voilà un morceau vraiment cool qui m’a toujours donné envie de faire de l’acoustique !
Après l’Europe, peut-on espérer d’autres tournées acoustiques ailleurs dans le Monde ?
En Mai 2016, on revient encore une fois en Europe pour terminer la tournée, ainsi qu’en Irlande, en Écosse, en Espagne, …
Cette tournée ne te donne pas l’envie d’en faire un album acoustique ?
Oui, il n’y a aucune raison pour qu’on ne le fasse pas. C’est quelque chose d’inattendu, je sais, mais ça faisait longtemps que je voulais enregistrer un album acoustique en une sorte de “roadbook”. On va encore me dire que ce n’est pas ce que je devrais faire, bien, je m’en balance. C’est quelque chose qui me semble naturel pour se sentir bien et peu importe les conséquences. J’ai envie de le faire et c’est le plus important. Qui s’en soucie ?!
J’aimerais bien qu’on parle d’un de tes projets, celui de Hermano, où il est question d’une prochaine sortie en 2016. Tu nous avait dit l’année dernière que tu mettais un peu au “garage” tes différents projets. Du coup, on s’interroge énormément sur ta participation au successeur de … Into the exam room.
Ce n’était pas ce que je voulais faire immédiatement, mais les gars voulaient vraiment le faire. Je suis vraiment heureux maintenant avec mon projet et c’est difficile de me détacher pour me replonger dans autre chose que ma carrière solo. Ils veulent faire un nouvel album, OK, mais ce ne sera pas ma priorité. Je ferai peut-être quelques concerts. Mais je suis vraiment concentré à fond sur mon projet. Je veux enfin être libre. Je suis vraiment heureux de ma carrière mais ça n’a pas toujours été évident de faire les choses, et tu sais, je vais avoir 45 ans, ce n’est plus aussi facile qu’avant…
Tu veux garder toute ton énergie pour ton projet solo ?
Oui, tout à fait.
Te connaissant tout de même hyperactif dans la musique, as-tu d’autres projets qui ont le potentiel de ressurgir, ou peut-être même des nouveaux ? Voire de nouveaux featurings avec d’autres artistes ?
Encore une fois, je veux penser à moi, enregistrer un nouvel album solo. Oui, ça je vais le faire, ça me suffit maintenant pour être heureux.
D’ailleurs à ce propos, nous avons pu découvrir récemment tes jeunes poulains de Black Mastiff et leur très bon album Music Machine, et donc ton rôle en tant que producteur. Peut-on espérer te voir travailler sur de nouvelles productions ?
Je ne pense pas et je trouve que ce mot “producteur” est inapproprié. On compare tout de suite cela à des gens comme Rick Rubin, Mutt Lang,… Ce sont des vrais producteurs ! Pour moi, produire quelque chose comme les Black Mastiff, c’est beaucoup plus que ça. Je me soucie seulement de leur musique. Mais là, je suis tellement pris par mon projet solo et projet acoustique qu’en ce moment, c’est la seule chose qui m’occupe l’esprit.
Mais qu’est ce que ça signifie ce mot “produire” ? A quoi ça rime ? Et quelle est sa définition ? Tu as des idées, de l’espoir et une vision pour un groupe ! OK, ma définition de la production c’est que quelqu’un se soucie et s’implique dans un projet, et pas pour l’argent, juste pour le projet. J’aime vraiment beaucoup Black Mastiff, tout comme j’ai aimé enregistrer mon album solo, avec Vista Chino, avec Danko,… Et si je ne le sens pas, je ne le fais pas.
Souhaiterais-tu quand même “aider” [pour remplacer le terme “produire” que John n’aime pas trop] des groupes venant d’autres régions du Monde comme l’Europe par exemple ?
J’aimerais en avoir le temps mais si je commence à dire oui, ça va me donner encore plus de travail, puis enchainer et au final, ne plus avoir de temps pour moi.
Ça fait aujourd’hui presque un an, pile-poil, après ta venue à Paris [ndlr : le 2 décembre 2014] afin de défendre ton projet solo, qu’est-ce que ça te fait d’être là ce soir, dans un contexte un peu particulier ?
Bon, je ne vais pas te le cacher, nous avons été très touchés par ce qu’il s’est passé il y a trois semaines à Paris [13 novembre 2015]. Cet horrible acte a résonné jusqu’en Californie. Je ne vais pas te mentir, ma famille m’a demandé pourquoi je partais jouer quand même en Europe. Je n’ai pas hésité un instant et je suis parti. Après, oui, ça m’a traversé l’esprit qu’il pouvait se passer encore quelque chose de grave, mais tu ne peux pas t’arrêter de vivre. Et je trouve ça formidable de pouvoir savourer une bière, discuter avec quelqu’un comme toi et rencontrer de nouvelles personnes. Continuer à mener ma tournée acoustique et apprécier d’être là ce soir. Allons jouer à Paris, partons à Londres ! Car nous ne pouvons pas nous arrêter de vivre ! Nous devons continuer. Tu sais, ce soir plus de 200 personnes seront là, j’apprécie cela, et, je suis venu pour eux. Regarde, Bono de U2 a écrit une chanson qui résume clairement la situation : “La musique est le son de la liberté”, la musique c’est l’évasion. Tu t’évades, ne serait-ce que pour un moment et ça suffit pour te rendre heureux, vivre ; apprécier la vie. Tu sais j’aime vraiment ce que Jesse Hugues et son groupe EODM ont dit à propos de leur désir de revenir au plus vite ici pour être le premier groupe à rejouer au Bataclan… Je l’ai eu au téléphone l’autre jour, et ça compte vraiment pour eux de dépasser tout ça. Tout comme Jesse et Josh le pensent, et je pense que tout musicien l’a en lui : il faut vivre la vie à 100%, et profiter de tous les instants de la vie.