DOPETHRONE (avril 2015)

C’est après leur prestation au Desertfest de Berlin, qui demeurera l’une de nos préférées de l’édition 2015, que nous avons tapé la causette avec le trio nord-américain. Boosté par une imagerie sombre, agressive et tourmentée, ces Canadiens s’avèrent être des garçons aussi sympathiques que talentueux. Ne nous leurrons pas, Dopethrone mieux que personne est une valeur sûre qui incarne le renouveau de la scène stoner internationale et pas uniquement francophone. Nous remercions Vince, Vyk et Carl pour leur génie, leur énergie ainsi que leur amabilité.

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Salut Dopethrone, comment se passe cette tournée européenne ?

Nous avons fait Lyon et Strasbourg avec Eyehategod et hier nous étions au Desertfest de Londres. C’est notre quatrième date aujourd’hui en fait. Ici c’est gros, avec une grande scène : c’est étrange au niveau du feeling. Il s’agit de notre plus gros show avec le Roadburn.

 

Quel effet cela vous a fait de vous retrouver sur une grande scène aujourd’hui ?

Comme une petite érection (rires). Nous préférons les petites scènes un peu plus intimes car nous sommes un peu punk et ces grosses scènes avec une barrière et le drumriser nous font un peu bizarre.

 

Vous étiez néanmoins bien groupés en avant sur la scène…

…c’est exactement ce que nous désirions. Nous aimons bien l’ambiance petit bar même si nous avons bien aimé ce concert et aussi l’organisation de ce festival.

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Vous n’avez, en plus, bientôt plus de t-shirts pour le merch…

…il a fallu repaquer. C’est important pour nous car ,comme nous le disons, et comme nous l’avons tatoué pour certains d’entre nous, D.I.Y. Fais-le toi-même : nous faisons tout nous-même y compris le merch. Si vous désirez nous revoir l’année prochaine il faut acheter du merch car il nous faut de l’argent pour tourner.

 

Quand vous parlez de tout réaliser, vous faites aussi le design ?

Nous dirigeons à la manière d’un directeur artistique en engageant un gars et en lui indiquant ce que nous voulons à peu près et après il y va. Nous sommes le cœur et l’âme de l’artwork, mais nous utilisons d’autres gens pour transformer notre vision sur papier après.

 

Musicalement vous avez aussi cette démarche D.I.Y. en enregistrant vous-même ?

Ce sont des amis qui s’en chargent. C’est comme ça que ça a commencé avec le batteur du début et ça a continué ensuite avec Dark Foil et III quand Carl est arrivé . C’est un peu une famille. Nous avons finalement dû changer pour des raisons de fiabilité et travailler avec JB, un Français établi à Montréal, pour Hochelaga qui sonne pour nous extrêmement bien. Nous avons d’ailleurs envie de continuer avec lui pour le prochain album.

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Votre nouvel album Hochelaga n’était pas tout à fait sorti au début de la tournée, était-ce handicapant pour vous ?

Nous avions le LP au tout début de la tournée, mais le CD n’était pas sorti à temps et nous avions la version virtuelle disponible : ça vend beaucoup et c’est parfait. Il est à $6.66 sur Bandcamp, nous nous demandons bien pourquoi (rires).

 

Pour quelqu’un qui ne vous connaitrait pas, comment décrieriez-vous cette nouvelle production ?

Nous sommes des punks qui jouons du blues. Tu mélanges ça avec une voix black metal, de l’occulte et du heavy après ; imagine un mammouth qui se noie dans du goudron mélangé avec du blues…

 

On vous dit assez proche du sludge, vous sentez-vous proche de cette scène ?

Nous essayons de trouver notre propre son. Comme pour une bonne recette, nous tentons de l’améliorer en ne la changeant pas trop. C’est un peu comme pour les riffs de Muddy Waters : quand tu écoutes un album tu sais que c’est Muddy Waters, mais toute une équipe participe à la construction du son et pas une seule personne. Nous n’essayons pas de réinventer la roue ; nous essayons d’être nous-mêmes et de jouer la musique qui nous plaît ; celle qui nous fait nous sentir bien.

 

Votre son est assez proche d’un certain son issu de la scène de La Nouvelle-Orléans – vous avez par ailleurs joué avec Eyehategod commevous le disiez –  est-ce que vous vous sentez proche de cette scène en raison de la colonisation de cette ville par des Canadiens ?

Cette ville a un petit côté francophone c’est certain. Vince y est resté un bout de temps après Katrina en 2008 quelques années après l’ouragan afin de jouer de la musique ; dans le ghetto là où les armes à feu étaient très présentes. Certaines maisons étaient à moitié démolies et les enfants de quartiers jouaient dedans ce qui était assez dangereux. Il a donc travaillé là-bas avec des prisonniers et des personnes qui acceptaient de très faibles rémunérations.

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Quelles sont les évolutions majeures que vous percevez entre Hochelaga et III ?

En nous fiant aux reviews, il semble que III était la continuation de Dark Foil, mais que Hochelaga c’était Dopethrone. Les fans nous ont trouvé : c’est ce que nous sommes. JB nous a aidé à trouver notre son à nous. Nous avons composé en jammant durant des barbecues, nous improvisons et jouons plutôt que nous échanger des riffs à distance. Vyk se chargeait de tout enregistrer avec son téléphone afin que nous n’oubliions pas ensuite ce que nous avions joué la veille. Nous ne sommes pas du tout technologiques et nous pensons avoir perdu de nombreux titres en n’enregistrant pas nos jams vu que nous le faisons surtout en fin de semaine en faisant la fête. Nous sommes très productifs en travaillant ainsi en acoustique. Nous avons un mode d’écriture instinctif ; nous le faisons au feeling uniquement et n’arrivons pas à nous poser dans un local pour nous focaliser sur le processus d’écriture. Ce processus est naturel comme dans le blues : si ça la fait c’est OK et sinon tant pis. Les riffs les plus aboutis sont ceux qui ont été composés quand ça allait mal et quand nous étions déconnectés. Impossible pour nous de composer après une séance de fitness et un petit jogging ; c’est pas la « Balade des gens heureux ».

 

Vous n’avez pas l’air malheureux pour autant !

Après dix-huit heures de route et quelques bières : ça va bien !

 

Vous vous déclarez pas technologiques, mais quand on voit le nombreux public qui est venu assister à votre prestation, on pense aussi que votre présence sur les réseaux sociaux n’y est pas étrangère.

Nous sommes arrivés après que Myspace se soit crashé et que Facebook débarque en force avec l’appui de Youtube. Ca nous a permis de toucher du monde et par exemple, ce soir un fan est venu d’Israël pour nous voir. Il nous a d’ailleurs dit qu’une scène stoner y existait. Ce type est venu d’Israël que pour nous et même si cinq-cents personnes ont assisté au concert, juste cette personne-là nous rend heureux. Il y a aussi un de nos fans qui s’est fait tatouer notre logo et qui bouge à chaque fois que nous jouons à trois heures de route de chez lui. Il nous voit cinq ou six fois par tournée et ça nous fait aussi nous rendre heureux.

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Vous avez réalisé un visuel très agressif pour cet album et le clip de « Scum Fuck Blues » hyper violent…

C’est des amis à nous qui l’ont réalisé. Ils avaient fait un film en utilisant un de nos titres et on les a contactés pour qu’ils fassent ce clip. Ils travaillent sur VHS avec beaucoup de grain ce qui matche bien avec notre style.

 

… je pense que ça a contribué au fait que les gens viennent vous voir…

Oui, nous avions donné comme guideline : 1970, 1980, abus de substances, bikers, meurtres et drogues. C’est tout… et ça a marché !

 

Pourquoi avoir baptisé cette nouvelle production du nom de là où vous vivez ?

« Hochelaga » : c’est parce que c’est là que l’album est né tout simplement. C’est comme une ville dans une autre ville ; dans Montréal. Hochelaga est un quarter très québécois dans Montréal ; il s’est beaucoup appauvri quoique ça s’est amélioré un peu ces dernières années. Au début, il y avait des putes aux coins des rues, des bastons, des meurtres et des feus partout, mais là, ça diminue. Ce qui est positif avec ça c’est que nous ne pouvons pas nous faire arrêter car il y a toujours quelqu’un de pire que nous. Toujours quelqu’un de plus thrash. Nous faisons des feux et nous jammons, mais personne n’appelle la police. Les gens nous reconnaissent et nous respectent parce que nous n’avons rien à voir avec la vente de crack et les bandes de junkies. Nous sommes respectés au niveau communautaire car nous partageons.

 

Comment expliquez-vous l’omniprésence de la France autour de vous : label et tourneur en premier lieu ?

Parce que les Français sont partout, tabernacle (rires) ! Ca s’est développé naturellement ainsi. Quand nous avons joué au Roadburn, Walter nous avait mis dans la même loge que les groupes français. Nous avons donc rencontré Huata, Nico [de Dead Pig Entertainment], etc. Le plan est parti comme ça. Nous avons plus tard rencontré JB : c’est des coïncidences, mais ce style ne marche pas très bien à part au Sud des USA et un peu sur la Côte-Est, alors qu’en Europe, et en France en particulier, nous avons nettement plus de fans. Pour jouer aux Etats-Unis : c’est très très très compliqué. Nous jouons presque gratuitement en raison des visas et autres formalités ce qui contraint les groupes à jouer soit de manière illégale – sans pouvoir vendre de merch par exemple – soit de ne pas gagner d’argent.

 

Et qu’en est-il au sujet de Montréal ?

La scène commence à se développer. Il n’y a pas de scène stoner au Canada, même si d’autres que nous sont déjà venus en Europe, comme Show Of Bedlam. Il ne s’agit pas d’une grosse scène ; rien à voir avec l’Europe. Alors que le grind et d’autres styles extrêmes sont bien établis.

 

Pour finir, comme vous avez sorti quatre albums en sept ans : où en êtes-vous du processus d’écriture du prochain ?

Nous en sommes à zéro ! Nous avons des vies en dehors de Dopethrone car nous ne vivons pas du tout de notre musique donc il faut aussi que la vie continue. Nous nous concentrons pour l’heure sur la sortie de cet album et sur la tournée actuelle. Nous nous concentrerons après sur la suite d’autant plus que Carl, notre batteur, a déménagé et on se retrouve tous à cinq minutes les uns des autres, ce qui nous permettra de composer plus rapidement le cinquième album qui va déchirer des culs !

 

MY SLEEPING KARMA (Avril 2015)

Il n’y a pas de secret : pour produire un album aussi intéressant et abouti que Moksha, il faut forcément une bande de musiciens intègres et passionnés. Cet entretien avec Matte, le bassiste de My Sleeping Karma nous aura conforté dans cet a priori : le musicien est non seulement intéressant, mais il parle de sa musique une passion communicative. Ceux et celles qui auront vu le quatuor allemand sur scène comprendront à quel point cet enthousiasme sincère est même contagieux, et se répand dans le public au bout de quelques minutes… C’est aussi l’effet produit par l’écoute de Moksha pour l’auditeur…

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Soma avait été très bien reçu par le public et la critique. Dans quel état d’esprit vous trouviez-vous quand il a été question de commencer à composer pour Moksha ?

Moksha est notre cinquième album. Notre principal objectif était simple : ne pas refaire le même album que Soma, et nous voulions aussi modifier notre processus créatif. Nous voulions tenter de nouvelles choses, prendre plus de risques. L’une des illustrations de ce changement d’approche a été que cette fois-ci Norman, notre joueur de clavier, a participé au travail d’écriture : il nous a proposé plusieurs idées à partir desquelles nous avons travaillé.

 

Tu veux dire qu’auparavant Norman ne prenait pas part au processus de composition ?

Rarement, en effet. Généralement les chansons étaient écrites avant qu’il n’y appose ses claviers et autres atmosphères sonores. Seppi, Steffen et moi-même habitons à côté les uns des autres, tandis que Norman vit un peu plus loin, ce qui rend les choses moins faciles pour lui, forcément. Tandis que cette fois il était bien plus présent avec nous lors de l’ensemble du processus d’écriture. Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles le son de cet album est plus profond, plus travaillé aussi.

 

Dis-nous en plus sur ce process de composition.

Habituellement on jamme donc plutôt en format trio. C’est généralement plutôt Seppi qui écrit des riffs de guitare et nous jammons sur cette base pour composer. On identifie une bonne idée de riff, de mélodie, et on travaille sur cette base, on se laisse porter. Mais vraiment, tout vient de jams. On essaye de se retrouver une ou deux fois par semaine pour jouer, en gros.

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Peux-tu nous expliquer pourquoi le process de composition a été aussi long ? En effet, tu nous disais déjà il y a deux ans que vous commenciez à travailler sur l’album, or il ne sort que maintenant…

Soma est sorti en novembre 2012, période où  nous nous sommes embarqués sur la tournée avec Monster Magnet. Ensuite nous avons beaucoup joué un peu partout, nous avons enchaîné avec pas mal de dates en festivals d’été… Nous avions prévu de travailler sur le nouvel album ensuite, et c’est bien ce que nous avons commencé à faire. Or à ce moment-là, certains membres du groupe avaient des préoccupations liées à leur vie privée. Notre musique ne peut être écrite que dans un état de bien être, avec l’esprit libre. Ca n’a aucun sens de le faire si l’un de nous ressent le moindre stress, et que l’on commence à se comporter du genre : “vite vite, nous n’avons que peu de temps devant nous, il faut que l’on compose quelque chose aujourd’hui !” … On a dit “non, on s’arrête, on écrira l’album quand le timing sera propice”… On avait donc une partie de l’album réalisée, mais on a continué environ six mois plus tard. Toute chose prend du temps… Evidemment nous aurions aimé l’avoir plus tôt, mais maintenant qu’il est fini et prêt à sortir, on est ravis ! Peut-être que pour une fois nous parviendrons à sortir le prochain album plus rapidement… mais je n’y crois pas trop ! (rires)

 

Pourquoi avoir choisi ce titre pour l’album, “Moksha” ?

L’album précédent s’appelait “Soma”, c’est un breuvage qui te permet d’accéder à des sphères éloignées, à des dimensions par ailleurs inatteignables. Moksha, c’est la libération, l’illumination finale… Peut-être qu’après avoir bu pas mal de Soma tu atteins l’illumination finale ! (rires) Mais en réalité, le concept de Moksha nous a paru naturellement approprié au contexte de My Sleeping Karma : le groupe existe depuis dix ans, c’est notre cinquième album… Ce sont des nombres ronds, et notre situation en tant que groupe nous convient parfaitement, et donc fondamentalement, ce concept d’une sorte de plénitude nous est apparu parfaitement adapté.

 

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Avez-vous trouvé le nom de l’album avant de commencer à écrire, ou bien après avoir terminé l’album ?

Il est arrivé comme ça, après. Nous écrivons toujours la musique avant, et c’est ensuite que nous identifions le titre le mieux approprié.

 

C’est le cas pour vos chansons aussi ? Etant donné que vous n’avez pas de paroles, est-ce que sélectionnez le concept et l’esprit du titre avant ou bien après en avoir composé la musique ?

Généralement nous trouvons le titre après avoir écrit la chanson. Pour Moksha on a essayé de lire pas mal avant, ce qui nous a permis de mettre en avant différentes idées et concepts. Quelques unes de ces idées ont été aussi retranscrites sur l’illustration de la pochette, par exemple tu y vois quatre ponts qui mènent à un temple : l’idée vient de livres hindoux qui mentionnent quatre parcours différents qui amènent à l’illumination. On essaye de travailler avec ces symboles issus de concepts de l’hindouisme ou du bouddhisme, et ensuite nous décidons des noms en fonction de ce que le son des chansons nous inspire : parfois il s’agit de rôles divins, d’autres fois de comportements humains positifs… Ce sont des sujets sur lesquels il est très intéressant de travailler.

 

Tu as fait allusion au superbe artwork qui ornera cet album. L’une de ses spécificités est que, pour la première fois, il est plein de couleurs, alors que vous aviez privilégié le blanc, puis sur Soma le noir…

Déjà, tu as raison, Soma avait amorcé un changement, après trois albums sur fond blanc. Il était pourtant prévu en blanc lui aussi, mais l’artiste nous l’a envoyé en inversant simplement les couleurs pour passer sur une base noire, et il nous a paru évident que l’on devait garder cette version : elle était plus détaillée, plus riche… Il fallait qu’elle soit noire, pas d’hésitation. Alors bien sûr, maintenant les gens se sont imaginé qu’après trois albums blancs puis un noir, le prochain serait noir lui aussi ! D’autres nous ont aussi sorti qu’étant donné que nous étions chez Napalm Records, un label plutôt metal, nous étions obligés de sortir des pochettes noires (rires) ! Mais c’est plus simple et innocent que tout cela : nous avions envie de couleurs cette fois, nous avons donc demandé à l’artiste de nous envoyer quelques essais avec des couleurs, et ça nous a plu, voilà tout.

 

[Cliquez pour voir en grand]10847494_936923089671547_7873968927348966599_o

 

Cette couverture est une pièce maîtresse de votre album, peux-tu nous en dire plus sur sa conception ? Vous êtes en tous les cas restés fidèles au même artiste. L’a-t-il réalisée sur la base de la musique ?

C’est toujours Sebastian Jerke, effectivement, c’est aussi lui qui avait fait Soma. Non, il n’a pas écouté l’album avant, mais il connaît bien My Sleeping Karma, et comme nous il a beaucoup lu avant et pendant l’élaboration de cette peinture. Nous échangions sur notre vision de Moksha, les différents concepts associés. Il nous soumettait des idées lui aussi en retour, et la pochette s’est construite progressivement de cette manière. Nous avons vraiment voulu travailler à nouveau avec lui car il comprend vraiment ce que nous voulons, ça nous a même parfois presque choqué de constater à quel point nous étions complètement en phase avec sa vision, c’est comme s’il lisait dans nos esprits ! Je suis persuadé que nous le solliciterons à nouveau pour notre prochain album…

L’idée principale de cette illustration tient dans le doute entre ce qui est vrai et ce qui est imaginaire : est-ce que la vie que l’on vit est réelle, ou bien est-ce que c’est cette supposée illumination qui est réelle ? Si l’illumination est réelle, est-ce que notre vie existe quand même ? Etant donné que tout le monde semble chercher l’illumination en vain, on pourrait conclure que la vie est peut-être fausse… C’est largement ce concept qu’il a exploité, avec dans le fond de l’image, en bas, des éléments qui sont très “normaux”, des structures d’apparence très réalistes construites par l’homme. Puis en remontant on arrive aux quatre ponts, qui mènent au temple où est assise Ganesha, et on voit que la transformation commence : ça atteint son paroxysme avec l’arrière du temple, qui est un peu le début du monde des rêves. Une autre interprétation est que Ganesha semble assise sur un trône, en protectrice de la sagesse et des bonnes choses liées au monde de l’illumination, qui sont derrière elles, et qui sont aussi les concepts apparents sur la pochette de Soma. Si tu regardes attentivement, tu observeras que les gens qui doivent traverser les ponts doivent en conséquence traverser les figures de nos quatre albums précédents ! Il y a tant de détails… Du coup, vu le format atypique, les gens vont croire qu’ils se sont trompés quand ils achèteront le disque, car il est imprimé de travers, or c’est le seul moyen pour pouvoir voir l’illustration en entier, une fois dépliée !

 

Vous avez aussi opté pour un nouveau concept concernant les interludes entre chacune de vos chansons. Peux-tu nous dire ce dont il s’agit ?

Nous aimons relier chacune de nos chansons par de petits extraits avec des identités bien spécifiques. Nous voulons quelque chose entre les chansons qui prenne la main de l’auditeur et l’amène à travers une nouvelle émotion pour la chanson suivante. Des interludes plutôt lents si le titre suivant est plutôt heavy, par exemple. La particularité sur Moksha est que ce n’est pas nous qui avons fait les interludes. On s’est dit “c’est notre cinquième album, faisons quelque chose de cool et différent”, et on a donc demandé à des amis, des musiciens que nous connaissions, de nous faire chacun un interlude : David de The Machine, Stefan de Colour Haze, etc… Ils nous ont demandé ce qu’on voulait exactement, on leur a simplement dit de faire un interlude sur leur façon de voir My Sleeping Karma, c’est tout ! Ils ont tous dit OK et nous ont envoyé leurs morceaux directement. Seul Stefan de Colour Haze voulait vraiment le faire, mais n’a pas eu le temps car il était occupé avec son propre enregistrement. C’est super intéressant d’entendre ce qu’ils ont composé en pensant à My Sleeping Karma ! Ils ne connaissaient pas la nouvelle musique, donc c’est nous qui avons choisi où irait chaque titre, là où ça s’agençait le mieux.

 

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Le premier single issu de Moksha est “Prithvi”, pourquoi avez-vous choisi ce titre en premier ?

On l’a choisi parce que lorsque tu écoutes le dernier titre sur Soma, “Psylocybe”, et lorsque que tu écoutes “Prithvi” ensuite, qui est le premier titre du nouvel album, tu comprends immédiatement que la musique provient de la même “famille”, du même cercle. On a donc choisi “Prithvi” comme premier single parce que l’on voulait faire comprendre que c’était bien le MSK que les gens connaissaient, et en même temps cette chanson termine la connexion avec Soma, la boucle se referme. Après ce premier titre, les chansons suivantes sont plus audacieuses, elles explorent de nouvelles directions, qu’il s’agisse du très long morceau titre, des sections de violoncelles, ce genre de choses…

 

Ce titre est par ailleurs l’opportunité de votre première vidéo. Peux-tu nous en parler ?

Le postulat de base était que nous ne voulions pas y apparaître en tant que personnes, on ne voulait pas de captation live pour ce clip, du genre avec des plans traditionnels de nous quatre en train de jouer. Ca aurait été d’un ennuyeux… On voulait donc apparaître sous forme d’ombres, en quelque sorte : c’est la musique qui est importante et pas les quatre gars qui jouent ladite musique. On a demandé à notre ami Tim de le faire, il nous a emmené dans une sorte de salle de sport pour filmer ces passages en ombre chinoise, on n’y croyait pas du tout sur le moment, on pensait que ça serait pourri, on aurait dit du bricolage, et finalement ça ressort super bien. C’est vraiment un tout petit budget, mais on en est super contents.

 

Vous jouez plusieurs petites séries de dates autour de la sortie de “Moksha”, mais on ne voit pas d’annonce pour une vraie, grosse tournée. Est-ce que c’est dans vos projets ?

J’espère que l’on pourra partir en tournée en octobre ou novembre. Mais on n’est pas encore sûr, ça dépendra de la situation familiale de chacun des membres du groupe. Nous voulions en faire une en juin, au moment de la sortie de l’album, mais ce ne fut pas possible pour des problèmes d’organisation de certains membres du groupe vis-à-vis de leur famille. Nous avons donc en projet de le faire à l’automne.

 

Vous avez néanmoins bon nombre de dates qui devraient mériter le détour : une “release party” aujourd’hui, une autre dans votre ville natale, une date à Genève pour la fête de la musique pour un concert gratuit, des festivals, etc… Quels événements attendez-vous en particulier ?

Tu as raison, il y aura beaucoup de dates spéciales, mais en réalité, on les attend toutes avec le même enthousiasme ! Tu sais, avec My Sleeping Karma on adore tout simplement jouer live. Et chaque situation est différente et nous plaît tout autant. Tu imagines que c’est un peu différent de jouer par exemple dans un gros festival metal, en tant que groupe instrumental psychédélique, ou de jouer avec Monkey 3 dans notre petite ville natale ! Mais on prend tellement de plaisir à être sur scène, que l’on est contents dans toutes les situations : que nous jouions devant une seule ou un millier de personnes, on se donnera de la même manière.

 

 Chris & Laurent

 

UFOMAMMUT (avril 2015)

A la veille de leur tournée ricaine et en pleine tournée européenne avec Conan, nous avons profité de leur étape berlinoise – au Desertfest – pour dialoguer un peu avec le collectif transalpin. Auteurs du sublime « Ecate » (chroniqué ici), ces Italiens lettrés s’avèrent être des garçons charmants investis à fond dans leurs projets artistiques à l’écart des modes depuis plus de quinze piges !

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Vous êtes actuellement en tournée avec Conan. Comment se déroulent les choses jusqu’ici ?

Pour le moment tout est en ordre ; ce sont des types sympas. Nous avons fait cinq dates jusqu’ici : une en Suisse, Paris et deux en Allemagne dont quatre avec Conan. Nous effectuons notre sixième date ici au Desertfest de Berlin ce soir. Tout va bien !

Est-ce qu’un projet du type split album est prévu avec ce groupe ?

Non, nous ne pensons. Nous avons un nouvel album qui est à peine sorti et c’est une chance de tourner avec ce groupe mais, à l’heure actuelle, nous n’avons absolument rien planifié de ce genre.

Vous allez tourner aux USA pour la première fois en 15 ans de carrière, pourquoi le faire maintenant ?

Pourquoi le faire avant (rires) ? Nous avions déjà tenté par le passé, mais les choses ne se sont pas faites en raison des promoteurs, des problèmes avec les différentes taxes, etc… Les choses ne sont pas concrétisées il y a deux ans alors que nous étions supposés tourner aux Etats-Unis ; elles se sont mieux arrangées sur ce coup-ci et ça devrait mieux se passer. C’est une expérience compliquée car au début nous avions notre propre matériel et de jouer sur son propre équipement posait des soucis logistiques.

Et comment vous sentez-vous à l’approche de cette tournée ? Fiers ?

Non pas réellement fiers, nous sommes surtout excités par cette nouvelle expérience. Il s’agit de quelque chose que nous n’avons jamais expérimenté par le passé. Nous pensons que ça pourra se rapprocher des sensations connues lorsque nous avions fait notre première tournée. Nous ne sommes plus si jeunes, mais terriblement excités. Nous tournerons avec un groupe américain, Usnea, et il sont vraiment sympathiques.

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Vous avez sorti « XV », votre box set il y a peu, quelle était votre intention ?

C’est un DVD qui relate les quinze premières années de notre existence ou quelque chose du genre. Nous avions oublié certains événements, certains documents et c’était un bonne occasion de mettre ensemble ces vieux souvenirs de tournée, de sessions enregistrement, etc… C’est un document réellement intéressant et c’est aussi l’occasion de constater à quel point nous avons vieilli (rires).

Votre dernier album « Ecate » vient juste de sortir. Son titre est tiré du nom d’une princesse grecque, pourquoi avoir choisi ce concept ?

Nous avons d’abords pensé à la musique et, une fois qu’elle était là, nous sommes partis du son pour avoir une ligne directrice au niveau des parties vocales. L’atmosphère de cet album est étrange, nous avons utilisé beaucoup de sons du style chœurs assez funèbres, ça tirait vers la mort, mais la mort n’était pas ce que nous cherchions. La mort est quelque chose de négatif et nous désirions quelque chose de positif. Nous avions déjà expérimenté ce thème avec « Eve » qui était composé de deux longs titres. Nous nous sommes tournés vers ce thème de Ecate qui était cette déesse capable de voyager entre les vivants, les morts et les Dieux ainsi que dans le temps ; c’était le concept parfait pour nous, pour représenter notre travail. C’était ce que nous cherchions comme concept.

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N’y avait-il pas une déesse équivalente dans la mythologie romaine plus proche de vous ?

Elle apparaît dans presque toutes les religions, dans l’occulte et la sorcellerie. Il s’agit d’une déesse unique qui est encore présente aujourd’hui. Elle a voyagé dans le temps ; il y a toujours des comtes actuels qui parlent d’elle. Nous voulons toujours penser à la réalité quand nous pensons à ces Dieux ou ces figures comme Ecate, Lucifer ou l’antéchrist, mais pas dans un sens religieux. Nous ne sommes pas des fanatiques et nous foutons pas mal de la religion.

Et pourtant vous portez des pentagrammes sur certains de vos vêtements ?

Ce n’est pas de la religion : c’est un gag ! Les gens ont peur des symboles, nous nous en foutons et c’est sympa de jouer avec ça. Nous pouvons arborer un tel signe et aussi des croix chrétiennes. Nous nous en foutons et si Dieu n’existe pas, Satan n’existe pas non plus. C’est juste l’histoire de l’humanité : quand nous ne connaissons pas quelque chose nous cherchons à trouver une raison à cette chose. Nous ne savons pas ce qui se passera après notre mort. Les religieux sont là pour expliquer des choses qui sont difficiles à expliquer. Il y a le pire dans les religions, mais aussi des choses merveilleuses. Dieu vient de nous-mêmes et nous sommes finalement des Dieux car nous sommes aussi originaires de notre intérieur et pas uniquement de choses externes. Après tu peux finir dans la scientologie, c’est juste une question d’interprétation.

 

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« Oro » était un album spécial avec deux titres…

… en fait c’est un seul morceau séparé en deux parties. Comme nous avons toujours déclaré que nous détestions les doubles albums, mais que le morceau commençait à devenir trop long, nous l’avons séparé en deux parties de manière à ce qu’il puisse être écouté d’abord avec la première partie puis dans un second temps la deuxième partie.

Le nouvel album est beaucoup plus classique dans son rendu final…

Oui il y a six titres au final qui sont tous assemblés finalement car nous n’aimons pas faire des pauses dans les albums. Il s’agit de six titres : des titres pop (rires). C’est effectivement notre album le plus classique, mais aussi le plus difficile pour les lignes de batterie ainsi que les vocaux.

Quelle était l’idée derrière ce projet de six titres plus habituel ?

Il n’y avait pas vraiment une idée précise de faire six titres. Nous avons fait ces titres, en fait sept au total et deux morceaux ne figurent pas sur le disque [ndlr : pour les nuls en maths, on vous laisse cinq minutes de plus pour rendre votre copie et nous dire combien il reste d’inédits…]. Nous avons choisi ensuite quels étaient ceux qui étaient ok pour être sur le disque et les avons mis ensembles pour faire l’album.

Le processus d’enregistrement a été pour le moins inhabituel, comment se sont déroulées les choses ?

L’enregistrement a été comme nous l’avons décidé depuis quelques années dans un lieu proche de notre local de répétition. Pour l’enregistrement, nous nous sommes placés à l’intérieur d’un grand hall ; nous avions cet espace à disposition et la batterie sonnait vraiment bien dans cet endroit naturel. Notre ingénieur du son a déplacé les micros à différents endroits pour obtenir ce son et expérimenter plusieurs possibilités sur les balcons c’était sympa, mais c’était aussi difficile. Nous avons réalisé ces prises en quelques jours. Nous pensions que le placement des micros serait rapide, mais il s’est avéré bien plus difficile que prévu.

Étiez-vous éloignés les uns des autres durant les prises ?

Nous étions tous ensemble pour nous entendre et avons passé un super moment. C’était relax et il y a un bar pas loin de cet endroit où nous avons toujours plaisir à aller.

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Le nouvel album est de nouveau sur Neurot Recordings, pourquoi avez-vous choisi cette structure ?

Ils nous ont choisi et ça nous allait bien. Depuis le début nous faisons beaucoup par nous-mêmes. Nous étions intéressé de collaborer avec eux et c’était la structure qui nous laisserait toute la liberté que nous désirions. Comme nous réalisions tout par nous-mêmes pendant longtemps nous n’avions pas l’expérience d’avoir un label qui fonctionne autrement que comme une famille. Nous ne sommes pas un groupe passif et nous faisons confiance à un label qui est tenu par des musiciens comme nous, qui fait le focus sur la musique et pas sur l’argent. Nous avons une vision commune des choses.

Je pense pouvoir affirmer que vous êtes le groupe italien le plus connu dans le circuit stoner…

D’abord nous ne comprenons pas ce fait et ensuite nous nous considérons comme faisant partie de la scène metal. Nous ne somme pas vraiment un groupe de stoner, quand nous pensons stoner, nous pensons Kyuss et nous en sommes éloignés. Si nous parlons d’un genre heavy et psychédélique : il y a d’autres formations très valables.

Vous êtes en tous cas ceux qui tournez le plus à l’extérieur de l’Italie quand bien même de nombreuses formations viennent jouer en Italie.

Beaucoup de groupes italiens tournent beaucoup comme Zoo par exemple.

Pour terminer, vous êtes en tournée en Europe actuellement et enchaînez avec les États-Unis, quelle est la priorité de Malleus ?

Toujours faire la même chose : faire des posters, nous sommes vraiment chanceux parce que tout ce que nous faisons est en lien avec la musique. Nous prenons notre travail avec nous. Tourner peut être préjudiciable pour Malleus donc nous devons bien travailler à l’avance pour être en ordre aussi de ce côté là. C’est aussi simple que ça. : il y a du temps pour Malleus et du temps pour le groupe.

 

 

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