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Toujours sur la brèche de l’actu, à Desert-Rock, on décide de vous parler de ces p’tits jeunes de Huata ! Heureusement nos frenchies ne nous ont pas attendu pour voir leur réputation croître et leur talent être validé par les plus grandes autorités internationales. Huata donc, c’est un groupe de doom français (ou plutôt breton…) qui fait insidieusement parler de lui depuis des mois et dont nous ne pouvions pas ne pas nous faire l’écho. Surtout qu’on peut le confirmer : c’est vraiment bien.
Il faut être prévenu néanmoins : la musique du quatuor extrême-occidental n’est pas des plus accessibles, et il faut donc s’investir un peu, décrasser les trois ou quatre premières écoutes pour voir apparaître le petit trésor musical qui se cache sous cette couche un peu sombre au premier abord. Effectivement – et l’on peut s’interroger sur la part intentionnelle de cet état de fait – le groupe parvient à en quelque sorte “stratifier” sa musique : sous une couche de doom traditionnel impeccablement exécutée, Huata injecte des passages plus mélodiques, ambiants, des faits de production différenciants, du groove, … Pour en arriver, donc, à une richesse musicale que l’on ne perçoit vraiment qu’en seconde approche.
En six titres, Huata élabore les différents chapitres d’un serment respectueux vis-à-vis du doom le plus conventionnel, en démontrant si besoin était que le genre est loin d’être ni sclérosant ni sclérosé. Cet exercice de style passe par des compos longues et sinueuses (plus de dix minutes chacune en moyenne), larvées de passages plombés et lugubres, et percées occasionnellement de plages plus ambiantes. Illustration de cette richesse sur “Lord Of The Flame”, dont on retiendra la panoplie de riffs heavyssimes abattus sur le premier segment du titre, avant de passer à une seconde moitié bien amenée par un pont mélodique impeccable de plusieurs minutes, propice au décollage progressif d’une armada de grattes assommantes, qui se voient au final rejointes par quelques accords dissonants d’orgue Hammond et d’extraits audio de vieux films. C’est l’occasion de mettre l’accent sur le très bon usage fait de ce son cérémonieux au possible du Hammond, parfaitement adapté à la musique du combo, et utilisé, précisons-le, avec parcimonie. Derrière un riff et une ligne mélodique bien efficaces, “Operation Mistletoe” dissimule ponctuellement une violence presque punk, bien servie par des vocaux puissants et gutturaux, sortes de cris de guerre mêlés à des complaintes agonisantes (un autre point fort de l’album). Pièce de choix de l’album, “Thee Imperial Wizard” vient traîner son gros quart d’heure au travers d’ambiances musicales variées, chacune portée par des arrangements de production parfaitement appropriés (samples vocaux, backing vocals, claviers, etc…), pour se clôturer par plusieurs minutes de clavier et de chants psalmodiés. Ambiance ! Et c’est ainsi sur les autres titres de l’album, qui recèlent chacun de bonnes surprises, même si la face B semble quand même moins “riche”, peut-être un peu plus austère.
Evidemment on pense souvent à Electric Wizard, pas mal, mais aussi ponctuellement à des passages de Cathedral (période “Ethereal Mirror” jusqu’à “Endtyme” en gros), de Church Of Misery (pour les montées d’adrénalines et les fulgurances rythmiques notamment), de Coven pour les atmosphères occultes travaillées…
Il est utile probablement de noter que la richesse de ce disque le rend, in fine, intéressant pour tout amateur de gros son un peu averti et curieux, même sans être un fanatique de doom pur et dur. Ce constat seul est déjà assez rare pour être signalé. Au-delà, on reste surpris par la carrure musicale de ce groupe qui aligne des compos couillues, des initiatives audacieuses, sans jamais dévoyer un genre musical ultra balisé dont ils s’inscrivent dans le plus grand respect. L’aspect lyrical et conceptuel vient rajouter la dernière couche de vernis à cette rutilante rondelle. Quant au concept “cérémonial” et occulte de leurs prestations, elles garantissent à cet ensemble une expérience live qui doit valoir le coup.
PS : il existe une reprise du “Black Sabbath”… de Coven (oui, le doute était permis…) disponible sur quelque édition de ce disque (version double LP a priori), soyez vigilants donc pour ne pas rater cette aubaine.

La semaine dernière Oliv’ (old time buddy comme y disent) m’a refilé un stock de CD qu’il aime bien pour que je découvre des trucs. Il est sympa quand même non ? Dans le lot il y en a un qui nous intéresse ici : The Atomic Bitchwax. J’ai l’objet dans les mains, j’ouvre un œil : pochette Stoner/Rock classique (fille en short, flipper, diable, couleur flashy). J’ouvre le deuxième : rien d’enthousiasmant mais la pochette est bien foutue donc rien à reprocher. Ah tiens ils ont fait preuve d’inventivité pour le nom de l’album : “3”. Marrant, ça me rappelle vaguement quelque chose quand même.
Ca suffit la pignole, je fous le disque dans le lecteur et on se détend. Mais c’est cool cette histoire ! C’est frais, y a de la patate, du son bien pêchu et des compos bien ficelées. Ils ne réinventent pas la poudre mais font des mélanges qui sortent de l’ordinaire dans ce style (même si on va pas non plus être trop déboussolé hein). On trouve des plans hard-rock bien classiques, du punk propret mais bien amené, un ou deux plans à la Ween, qui m’ont surpris mais fait plaisir, un petit côté Clutch dans les rythmiques, ce petit quelque chose un rien Funk-Rock, Hendrixien quoi, si si, vous savez, le truc qui en temps normal ne passe pas, mais qui fait taper du pied quand c’est joué/écrit par les grands, et là, ben ça le fait justement. En parlant d’Hendrix, de temps en temps on a le droit au coup de la mélodie de gratte qui se mélange avec la voix, pareil, ça le fait bien ! Le tout dans une ambiance bien efficace et énergique, on sent qu’ils aiment ça, c’est un gros point positif pour moi et ça fait que l’ensemble prend une dimension vraiment agréable à écouter.
Je vous passe le titre par titre, ça sert à rien, on écoute un album en entier ou on l’écoute pas. Donc, là ça tient carrément la route, pas franchement de point mort. De temps en temps l’oreille est plus accrochée qu’à d’autres mais ça roule tout seul et avec le sourire s’il vous plaît. Même si par moment on sent que ça s’essouffle, il y a toujours un plan ou une mélodie qui fait qu’on lâche pas, chapeau les gars ! A noter tout de même une reprise de Deep purple : “Maybe I’m a Leo”. Ils auraient pu l’écrire eux même, moi qui ne connaissais pas l’original, le morceau colle parfaitement dans l’album. Pour les techniciens, question enregistrement j’ai pas grand chose à reprocher. Parfait pour ce style, de la patate, de la clarté, etc. Chaque instru est bien identifiable et sonne comme il faut dans ce contexte.
Au final, je le considère comme un bon album de Stoner/Rock sans prétention, bien foutu et pas prise de tête. J’en ai parlé avec mon médecin, il me conseille de l’écouter les jours ou il fait beau en me promenant en voiture (sans oublier de faire pendre son bras par la fenêtre).
PS : un point en moins sur la note globale, un batteur ne devrait pas avoir de cloche, c’est has been au possible, et même quand ça ne l’était pas encore c’était naze (sauf chez Van Halen, mais bon eux ils ont des passes droits…).

J’avais acheté leur premier album complètement par hasard, sans doute parce que le logo m’était sympa, la typo bien psyché et l’ensemble suffisamment sobre pour que j’ai confiance. Une fois écouté j’ai pas réussi à décrocher, je suis tombé sous le charme de ce groupe. Un peu sceptique quant à la progression possible d’une musique si typée que la leur je me suis rapidement dégoté le split avec Year of no light pour voir si il y avait un avenir envisageable. Résultat : un morceau tiré de l’album et un en collaboration avec Year of no light… la nouvelle compo est très réussie mais pour juger de leur capacité à évoluer on repassera ! C’est donc encore un peu méfiant et suspicieux que j’ai commandé ce fameux EP : “Be my guide”
L’artwork est bien choisi et leur univers commence à se préciser. On est dans la continuité du premier album, couleur passée, paysage martien, ciel en feu, et voilà. La pochette et la sous pochette du LP sont d’une qualité et d’une épaisseur qu’on croise rarement (comme pour “Push the sky away” de Nick Cave par exemple), le disque en lui même est également bien gras, 180 gr. On ne se moque pas de son public chez Mars Red Sky !
4 morceaux, fichtre c’est peu …27 min bon ça va j’ai rien dit. Les deux premiers titres sont clairement des nouveautés, on retrouve la patte MRS mais il y a pas mal de petites choses qui sont plus affirmées et qui montrent une ouverture d’esprit qui me plaît bien. Le chant est encore plus assumé et le résultat est d’autant plus touchant, les ambiances générales sont plus variées, plus colorées, on a ici et la quelques touches “fun”. Dans l’esprit des Beatles quand ils partaient dans des délires psyché/rigolo (en couille quoi) en plein milieu d’un morceau.
Le son est un peu sourd mais passé les premières minutes on ne s’en rend plus compte vu que le mix est bien foutu et que chaque instrument est à sa place avec un son qui colle parfaitement au groupe. La troisième compo doit être un morceau sorti tout droit de l’époque de l’album précédent, où en tout cas il serait passé inaperçu : même feeling, même son, même tout en fait. Pour autant il est très agréable et parfaitement à sa place sur ce disque. On finit sur une reprise du morceau “Ton étrangère” du groupe 17 hippies. Ca s’invente pas. Très proche de l’original, tout dans ce morceau est envoûtant, le chant, plus grave que l’original (sans doute puisque chanté par une femme au départ…) pose un climat lancinant et enfumé tandis que la musique, bien adaptée au trio, se fait encore plus lente et lourde qu’à l’accoutumée. Une superbe réussite et un très bon choix pour ce morceau qui leur va comme un gant.
On a fait le tour. Vivement le prochain album, je suis rassuré quant aux possibilités du groupe à évoluer et à savoir avancer. Mon coach personnel me glisse à l’oreille un petit conseil d’écoute : ne pas hésiter à emmener ce disque lorsqu’on ira voir grand mère dans les landes afin de se le passer en boucle sur la plage accompagné d’une (ou deux) bière au piment.

D’emblée on pense à John Lee Hooker, Charley Patton, Seasick Steve et compagnie, le delta quoi. Mais il ne faut pas s’arrêter là, c’est bien foutu ma bonne dame, on ne se contente pas de refaire la même chose que les autres, on mélange un peu tout ça et par dessus on y met sa grosse voix. Ben oui, le monsieur (qui est tout seul derrière ce groupe au passage) chante avec une voix qui évoque Tom Waits ou plus récemment Steve Moss de The Midnight Ghost Train. Encore une fois il ne s’arrête pas là et réussit à placer des lignes de chant plus clairs et mélodiques qui viennent remplacer la grosse voix blues arraché ou encore s’y superposer. Perso je suis assez bluffé et enthousiasmé par le rendu .
Le disque est homogène, il n’y a pas vraiment de point faible, tout s’enchaîne correctement et on ne trouve pas le temps long. Les morceaux aux ambiances blues profond, épuré, avec juste une gratte, un peu de chant et un pied qui bat la mesure apportent des respirations bienvenues qui permettent de relancer sur des morceaux plus modernes (il y a même des passages où la musique m’a évoqué Ben Harper). Bref, que du bon dans cet album, pas de compo superflue ou de remplissage.
Les titres sont bien pensés et semblent tenir la route d’eux mêmes, je pense que chaque morceau à été écrit avec une gratte et une voix et qu’une fois que ça tenait la route le bonhomme a ajouté les arrangements (deuxième guitare, ligne de chant supplémentaire, percus, etc). D’ailleurs les arrangements sont sobres et ne tombent pas dans la surenchère, du tout bon quoi . Je ne connais pas les albums précédents mais ici la formule fonctionne à merveille.
Pour me faire une idée de la pochette je ne dispose que d’un fichier jepg qui reprend le coté face donc ça sera bref : une peinture représentant un alligator avec un enfant/shaman sur le dos, le fond est très réussi, le ciel et l’eau se fondent l’un dans l’autre et on pense vaguement à Edvard Munch. Pour le logo : une typo simple mais qui fait bien l’affaire.
Petit détail : le musicien qui se cache derrière ce pseudonyme à coucher dans la fange se nomme Alexander von Wieding . Et oui, le même qui a réalisé les artworks de Karma to burn, Monster Magnet, Wo fat ou plus près de nous Öfö Am.
Sur les conseils de mon oto-rhino, le plus adapté pour une écoute de qualité est de se placer au croisement de deux chemins de terre dans un coin relativement aride, de porter un chapeau de type Stetson, une chemise blanche légèrement ternie par la poussière emportée par le vent et de se coincer une cigarette sans filtre dans le coin de la bouche (le premier qui se prend Robert Johnson ferait bien de surveiller son âme).
P.S : l’album est pour le moment sorti uniquement en CD, pas même de vinyle, triste pour du blues non ?
En apprenant que Doctor Doom avait été retenu pour participer au DesertFest Berlin 2014, on a été voir un peu de quoi il s’agissait, interloqués de n’avoir presque jamais encore entendu parler de ce combo. Doctor Doom est un quatuor basé dans la profonde Ariège, une région aussi réputée pour ses groupes de rock que la Bretagne pour sa choucroute garnie. Formé il y a trois ans à l’initiative de son duo de guitaristes, désormais armés d’une section rythmique carrée, ils se sont attaqués à l’enregistrement de leur premier album, dont la parution est prévue pour dans plusieurs mois. En attendant, on n’a que ces trois titres à se mettre sous la dent…
Doctor Doom, comme son nom l’indique… ne fait pas vraiment de Doom ! En tout cas pas comme on l’entend communément… Le genre musical qu’ils pratiquent est assez loin des contrées lugubres typiques des atmosphères doom. Pourtant, l’intro très lourde de “The Sun” qui entame les hostilités nous aura fait douter quelques instants. Mais très vite, un lick de guitare presque sautillant vient amener cahin-caha le titre vers des sphères plus orientées rock vintage. Le chant de Jean-Laurent est efficace, sans flamboyance, il assure. Mais la vraie substance du combo tient dans ce duo de guitares parfaitement imbriquées, chacune prenant occasionnellement des chemins différents (rythmique vs. lead) pour mieux se rejoindre ici ou là. On pourra tiquer un peu sur des passages de gratte typiques rock progressif (la partie démonstrative en moins) comme la montée de manche à la quatrième minute, mais on ne va pas cracher sur une poignée de secondes d’un titre par ailleurs intéressant. Plus accrocheur encore est “Relax you’re dead”, avec son riff dynamique harmonisé et sa basse ronde. C’est bien écrit et bien exécuté, on pense à une sorte de mélange du Deep Purple des débuts avec le côté rock garage des Hellacopters milieu de carrière (le refrain !). Surprenant, mais le mélange fonctionne très bien. La deuxième section du morceau réserve une part de choix à divers soli plutôt bien foutus, se fondant dans une sorte de jam intéressante et prometteuse. “Stuck in the past” pour finir étire encore plus ses influences rock / blues rock (ce son de gratte…) avec une section solo encore plus connotée blues sur le second tiers du morceau.
Après The Socks, on commence à voir poindre un second groupe français dans cette veine très connotée “vintage”, et on ne s’en plaindra pas, surtout quand la qualité est au rendez-vous, et que la démarche musicale apparaît, comme ici, intègre et authentique. Ca joue bien, les trois compos sont bien foutues… Evidemment on en attend plus ! On peut aussi imaginer, au vu de la place réservée aux passages instrumentaux, que sur scène la musique de Doctor Doom gagne encore en efficacité, se reposant sur des musiciens talentueux. Attendons donc leurs prochains passages sur les planches et leur prochain (premier) album pour cette double confirmation. Un vrai potentiel à surveiller pour les prochains mois.
Laurent
On va se le dire : on est tombé des nues il y a quelques mois, lors de l’annonce de la signature chez Small Stone de The Socks, un groupe français, avant tout, mais surtout… peu connu ! Etrange sentiment que cette fierté de voir décidément, après Abrahma, un autre groupe de l’hexagone ainsi reconnu, mais une fierté mélangée d’une vraie surprise : on ne peut pas dire que ce combo ait beaucoup fait parler de lui avant de remporter ainsi la timbale. Peu de concerts en France, peu de “buzz” (le groupe originaire de Lyon ne bénéficie pas du petit microcosme bien dynamique centré sur Paris et quelques autres villes), un nom du groupe franchement ridicule… Pourtant, le quatuor s’est construit une petite carrière modeste mais robuste, traçant sa route et travaillant sa musique pour aboutir à son premier album après plus de quatre ans de carrière… direct chez Small Stone, donc, excusez du peu !
Une fois engloutie la galette donc, là aussi, surprise : le groupe évolue dans un hard rock complètement 70’s, ils se vautrent dans un blues-rock graisseux nappé de stoner old school, un genre musical qui clairement les place dans la mouvance très porteuse de tous ces groupes “revival” (Graveyard, Uncle Acid, Horisont, Kadavar, etc…), dont on ignorait avoir un représentant en France. Pour autant, nos frenchies ne copient pas : leur musique détonne par ses orientations plus rock, plus brutes parfois. Tout en gardant cette chaleur et cette prestance polie toute british vieille école du rock (genre Zeppelin milieu de carrière), on sent poindre quelques débordements plus violents ici ou là, qui laissent penser que la carrosserie nickel de cette vieille Rolls anglaise sobre et distinguée cache en fait un gros V8 trafiqué bien crasseux.
Mais le plus étonnant encore – et ce constat n’intervient que passées plusieurs écoutes – c’est la maturité de ces compositions. Impossible pour autant de les catégoriser, tant l’on évolue entre diverses ambiances et trames musicales. On prendra pour exemple “Some Kind Of Sorcery”, qui entame sur une première moitié complètement stoogienne, avant de verser dans une tonalité plus heavy à la Sabbath et de finir sur des ambiances psyche. Chaque titre, sans jamais virer au “fourre-tout”, peut ainsi se frotter à plusieurs sonorités, sans jamais perdre en cohérence ni en efficacité. Musicalement, l’album est marqué par la personnalité du vocaliste Julien, développant cette tessiture délicieusement éraillée et occasionnellement nasillarde, impeccablement puissante, qui laisse sa trace sur chaque morceau (sans accent français pourrave, précisons-le). Ca ne cache pas le travail remarquable du duo de gratteux (dont Julien) qui enquillent leads et riffs comme s’il en pleuvait, et jamais dans la démonstration. Ecouter par exemple le redoutable “New Kings”, emmené par un gimmick de guitare de quelques secondes (intro et outro) en trois malheureuses notes, jouées de manière presque tremblante, voire hésitante – ce détail montre un parti pris couillu, là où la plupart des combos plus “classiques” auraient fignolé ce passage pour le rendre complètement lisse et aseptisé. Le reste du morceau contient par ailleurs quelques succulents passages de wah wah. On pourra aussi citer, parmi d’autres, l’excellente “Gypsy Lady”, lardée de nappes de claviers qui nous renvoient direct au début des années 70 – des claviers que l’on retrouve tout aussi pertinemment sur l’avant dernière section du colossal “The Last Dragon”.
A noter un autre point fort, lui aussi assez subtil pour ne pas en jeter plein les yeux : la production. Classieuse et intelligente, elle fait en sorte que tous les titres se voient agencés de manière à développer, l’air de rien, un processus immersif presque vicieux : l’ordre et l’enchaînement des morceaux sont si bien travaillés (dont quelques transitions particulièrement habiles) que l’auditeur se laisse porter inconsciemment et déroule chaque étape de ce disque sans en réalité le sentir défiler. Sentiment bluffant au final de constater que l’on est parti du léger et insouciant “Lords of Illusion” en intro en se laissant porter de titre en titre, pour clôturer le disque avec le puissant, épique et sombre “The Last Dragon”, lui-même porteur d’une outro grandiloquente, solennelle puis presque triste.
Bref, vous l’aurez compris, même si le facteur “surprise” (le maître mot de cette expérience vinylique, vraiment) y est pour beaucoup, on est indubitablement là devant un vrai bon disque. Un disque ramassé (moins de trois quarts d’heure), paradoxalement rempli de plein de choses, un disque bien construit, bien écrit, bien interprété, et dans un genre musical qui ne trouvait jusqu’ici pas de réelle incarnation dans le paysage français. Remarquable.
“I’ve got a message here for you”… Le propos, martelé à l’entame de ce “IV”, semble être clair : Sasquatch is back après trois longues années d’absence.
Le trio de L.A. est de retour, et contrairement à ce que peut laisser penser cette pochette “futuriste”, il n’est nulle question de réelle évolution. La musique de Sasquatch est toujours aussi directe, groovy, bluesy, catchy… Bref : on peut toujours y accoler tous les adjectifs que l’on aime et c’est tant mieux !
Le trio, attendu au tournant après le génialissime “III”, nous a certes fait attendre un peu. Mais pourquoi s’en plaindre ?
Qu’il s’agisse du “The Message” d’ouverture avec son refrain qui reste immédiatement imprimé dans la tête(-banging) de l’auditeur, de l’urgent et direct “The Corner” qui en l’espace de moins de 3 minutes chrono flirte avec le Prong de la grande époque ou encore du… euh… comment dire… sasquatchien et groovesque “Sweet lady”, rien n’est à jeter sur cette quatrième offrande des californiens.
Amateur de fuzz, de riffs gras, de soli tranchants, de basse ronflante, de stoner “old-school”, commande vite ce skeud et délecte-toi des furieux “Money” ou “Wolves at my door” autant que des épiques mid-tempi du “Drawing Flies” final ou de “Smoke Signal” sur lequel Marc Gaffney de Gozu vient prêter main forte.
Au final, cet album est plus court que son prédécesseur mais n’en est pas moins jubilatoire. Sasquatch semble donc avoir trouvé la “formule” et se pose encore plus, avec ce “IV”, comme un des piliers incontournable du genre. Classique.
Avec le recul, “Mania” était un album un peu inégal (mais qui contenait sa part de pépites, adossées à des titres plus moyens), un album en tout cas qui avait jeté un léger froid sur les hordes de fans du combo, devenu trio avec le départ – sacrilège – de leur second gratteux. La guitare, fondement de la musique du groupe, reposait donc désormais sur le frêle Dango uniquement, qui ne convainquait pas totalement. Une poignée de prestations live un peu moyennes (au milieu de nombreuses excellentes) ont aussi jeté un voile de doute sur l’avenir du groupe. Dire que ce “Universe” était attendu au tournant est donc un petit euphémisme.
Il y a quelques mois, on avait eu la primeur d’un titre, “The Chairman”, qui avait fait l’objet d’un douteux E.P., et d’interprétations live que l’on qualifiera pudiquement de “questionnables”. Les écoutes successives jouent néanmoins en sa faveur : tournant un peu dans tous les sens pendant huit minutes, le titre contient certes sa dose de riffs… mais le robinet ne s’arrête jamais ! Même après plusieurs dizaines d’écoutes, on est infichu de se remémorer de la structure du morceau : combien de couplets ? Y a-t-il un pont après le refrain ? Où sont les soli ? Il y a de tout partout, des ponts dans tous les sens, des breaks, des surcouches de riffs qui amènent progressivement à des sections différentes, qui préparent à un éventuel refrain… qui n’arrive jamais ! Il y a de très bonnes idées dans ce titre, mais ce n’est clairement pas notre versant préféré de la musique de Truckfighters. Mais ce titre un peu décevant se trouve vite contrebalancé par les plages voisines du disque, qui recèlent de petites merveilles. On notera d’abord les titres les plus directs, avec notamment l’introductif “Mind Control”, un titre percutant, une sorte de condensé des titres les plus directs et efficaces du trio : un riff implacable (que jouxtent des envolées de guitare typiques de Dango, une sorte de gimmick bien à eux), une basse lourde et graisseuse, et une frappe de batterie sèche et précise. Rien qui dépasse ! Malgré une rythmique moins percutante, “Prophet” est l’un des titres les plus marquants du disque, proposant une paire de riffs impeccables, un son aérien, et une structure couplet-refrain rafraîchissante. Plus loin, Poncho prend le pouvoir sur “Convention” via sa frappe nerveuse, ses roulements maîtrisés et ses déluges de cymbales sur un refrain qui n’attend que ça pour s’envoler, avec le son de lead presque “nasillard” emblématique du combo. Et pas la peine d’en faire des tonnes, 1min40 et on passe à la suite !
On trouvera aussi sur ce disque des morceaux plus longs, plus audacieux, mais globalement réussis, à l’image du mid tempo “Get lifted”, un titre qui apparaît un peu ennuyeux de prime abord, mais dont on touche du doigt le potentiel après quelques écoutes seulement : un travail de gratte vraiment couillu (des passages qui rappellent même Adam Jones de Tool par moments…), une production aux petits oignons… Et toujours ces monceaux de fuzz, délivrés par palettes entières à chaque fois qu’ils peuvent lâcher les bestiaux… “Dream sale” est une autre pierre angulaire de l’album, avec notamment des vocaux remarquables de maîtrise et de puissance (un atout souvent sous-évalué de Truckfighters), et surtout un refrain parfait doté d’un riff généreusement fuzzé. Le titre final, “Mastodont” porte bien son nom, tant il est grand par sa taille : presque quatorze minutes ! De manière assez surprenante, lui aussi pourra rappeler occasionnellement les grands Tool (cette intro…). Mais sa dimension épique éclate un peu plus tard quand son premier refrain retentit avec ses nappes de guitare en (presque) son clair et sa montée en tension et en saturation. Evidemment, sur cette durée, on a la place de caler quelques soli, ce que Dango ne se prive pas de faire, sans exagérer non plus. Sur la seconde moitié du titre, se reposant toujours sur son robuste refrain, le groupe vient le densifier progressivement de nappes de guitares enchevêtrées, qui apportent une dimension épique au morceau, qui s’envole vers un climax dont on ne savait pas le trio scandinave capable. Remarquable.
Avec toujours quelques travers ici ou là, “Universe” se pose néanmoins comme probablement le disque le plus impressionnant de la carrière du combo. S’il n’y avait la fougue des débuts, qui donnait tout son charme à “Gravity X”, on pourrait affirmer que c’est leur meilleur disque ; sur des aspects objectifs seulement, c’est le cas, sans ambiguïté. Maturité et audace des compos, puissance et sobriété dans la production, robustesse instrumentale et vocale à tous niveaux… On a du mal à identifier des points faibles dans cette galette… alors que l’on craignait le pire ! La surprise n’en est que meilleure, et on a désormais envie de revoir le trio fouler à nouveau les planches, afin de voir comment ces titres sonneront live… Une belle surprise en tout cas que ce “Universe”, un album que l’on n’attendait pas à ce niveau de qualité.
Plus de douze ans d’existence maintenant pour ce all-star stoner band qui n’a toujours pas sorti de mauvais album – ce “Nest of Vipers” sorti il y a plusieurs mois est même peut-être leur meilleur disque. Rappelons aux trois qui ne suivent pas au fond de la classe que Greenleaf, c’est avant tout le side project initié et porté par l’imposant gratteux (et leader discret) de Dozer, Tommi Holappa, et son pote Bengt Bäcke, ingénieur du son et cinquième homme de Dozer depuis toujours. Autour d’eux ont évolué, au fil des albums, la crème du stoner scandinave, et surtout même suédois. Le line-up présent ne s’embarrasse plus de l’effet de surprise : on y retrouve 3/4 de Dozer désormais, avec uniquement Bäcke en plus et Oskar Cedermalm, le “Ozo” des Truckfighters, sans sa basse, se concentrant sur son chant.
La première écoute, naturellement, se borne à identifier les écarts par rapport à Dozer ; démarche stérile, qui trouve sa réponse dans une sorte de groove cool et d’un état d’esprit résolument plus “libertaire” chez Greenleaf que chez les très carrés Dozer. Mais très vite, les raisons qui nous ont fait adorer les précédents albums du super-combo nous rattrapent et la fièvre nous gagne à nouveau. Les compos proposées ici, créditées au groupe en entier, sont robustes, efficaces, pointues, audacieuses… matures, vraiment. Les tempi sont variés, et permettent d’y accoler des rythmiques classieuses, la production, sans poudre aux yeux, est impeccable, du bon travail d’artisan du son. Le travail guitaristique est moins “in your face” que chez Dozer mais sa variété et la densité qu’il apporte aux morceaux est remarquable. Le chant de Cedermalm est simplement redoutable, puissant et chaleureux, généreux et tout en modulation. On aura du mal à orienter le chaland hésitant vers un ou plusieurs titres en particulier, chacun dégageant quelque chose de bien spécifique. On pourra par exemple citer “Case of Fidelity”, dont le refrain “multi-strates” pourrait en apprendre à quelques musiciens amateurs. On sourira aussi de plaisir sur le très 70’s “Dreamcatcher”, dont le riff du couplet nous rappellera avec ravissement la simplicité naïve du “Iron Man” de Sabbath, et dont le dernier tiers du morceau part complètement en vrille entre soli divers et variés. On se surprendra aussi à adorer “Sunken Ships” dont les vocaux planants et haut perchés (de Peder Bergstrand, Lowrider) rappelleront les grandes heures du surf rock californien (!). Le superbe “Nest of Vipers” en clôture déroule le tapis rouge à Per Wiberg (Spiritual Beggars) qui glisse des nappes de claviers hypnotiques sur les huit minutes de ce morceau épique, qui se termine en entrelacs instrumentaux jouissifs.
Vous l’aurez compris, on ressort vraiment bluffé de la qualité de ce disque, du niveau des compositions présentées, de la production… Plus que tout, la surprise vient (à nouveau, comme à chacun de leurs disques) de la maturité de “l’entité Greenleaf”, un groupe qui n’a d’existence que quand ces mecs trouvent le temps de se rassembler dans un studio pour composer ces petites perles, et, très occasionnellement, assurer un concert ou deux. Du très très bel ouvrage.
Y’a de ces groupes pas prétentieux pour un sou, dont on entend régulièrement parler, qui roulent leur bosse tranquille, profitant des opportunités de jeter leurs amplis sur un bout de scène et faire parler les décibels plutôt que la rumeur. Bigelow Bighorns est de ces groupes, et leur EP, basiquement appelé “1”, est exactement à leur image.
Formé il y a moins de deux ans, le quintette propose une formation assez traditionnelle (chant, deux guitares, basse, batterie), ce qui convient bien à une musique elle aussi assez “traditionnelle”, dans le bon sens du terme. Le premier titre par exemple en première approche sonne gros metal ricain, parfois un peu pataud (déjà fait, déjà entendu), mais devient plus addictif après quelques écoutes. Bonne compo, mais pas le meilleur titre de l’EP toutefois. “Journey’s Gone Wild” remonte un peu la barre avec son riff groovy bien catchy, qui amène à un refrain simplissime mais assez imparable, propice encore à une bonne performance de Nico au chant, un vocaliste puissant et solide. Même si l’intro de “Cut me up in Two” en son clair rappelle étrangement celle du “Bleeding Me” de Metallica, ce mid tempo puissant offre lui aussi un terrain de jeu parfait pour un chanteur qui en profite bien. Les choses deviennent franchement intéressantes avec “Night is falling”, plus original, avec une ligne de guitare fuzzée bien sexy qui suit le titre de bout en bout. Mais là encore, on se la joue pas : en 2min14, la messe est dite et on passe au titre suivant, on est pas là pour se caresser sur des soli à rallonges. “Toxic”, sa basse ultra saturée et son mur monolithique de grattes sonne un peu trop metal début de millénaire pour moi, ce n’est pas mon titre préféré, malgré le break bien barré à deux tiers du titre. “Rocket night” vient remettre les pendules à l’heure, avec un riff infectieux lancinant porté par une basse ronde et généreuse, une rythmique permettant même solo de guitare bien gaulé et breaks couillus. Le refrain, là aussi simplissime, commence en revanche à laisser penser que le groupe devrait forcer un peu son talent de compo sur ce segment précis… Comme tant de choses, le meilleur est réservé pour la fin, avec un “River flow” simplement succulent. Encore une fois, le groupe se repose à raison sur son excellent riff “fleuve” (sur lequel reposent couplet et refrain), et fait courir son morceau au tempo pachydermique sur plus de sept minutes. On entend un peu de Unida dans ce titre, avec des backing vocals fichtrement bien foutus, qui pourront rappeler les meilleurs Supafuzz.
Sur une petite demi-heure, le groupe montre un potentiel franchement intéressant. On regrettera occasionnellement une prod qui montre quelques signes de faiblesse (un son un peu faiblard ici ou là, des prises de son voix un peu trop basiques parfois…), mais au final, pour une autoprod, on tient du bon niveau. Côté compos, comme vu précédemment, là aussi il y a du savoir-faire… Mais tout n’est pas parfait non plus : certains refrains sont un peu “légers”, certains morceaux se terminent sans réelle “fin” (“Cut me up in Two”, “River flow”, qui manque une bonne occase de générer un climax que l’on pouvait pourtant imaginer). Mais pour le reste, les bonhommes savent pondre un bon riff quand il le faut, construire des lignes vocales efficaces, se concentrer sur des rythmiques robustes… Alors certes, on ne voit pas de si tôt le groupe rivaliser avec les têtes de pont du stoner européen ou international, mais s’il montre la même générosité dans ses prestations live, on tient un sérieux prétendant pour un premier album qui pourrait jeter un beau pavé dans la mare… On attend cette prochaine étape.
Laurent
Après une série de prestations live qui ont laissé quelques traces ces derniers mois, la réputation de The Midnight Ghost Train a pris un méchant coup d’accélérateur. Encore sous l’effet du coup de batte de baseball qu’on s’est ramassé en pleine nuque lors de leur concert au Up In Smoke 2013, on a foncé au merch rafler leur discographie, dont leur dernier album ici présenté, “Buffalo”.
Le premier contact vinylique nous remet immédiatement dans le bain, et ça c’est bien : par le truchement de l’intro instrumentale “A passing moment of darkness”, moins de deux minutes suffisent à nous rappeler le torrent de ferveur guitaristique qui fait la force du trio : un son de guitare et basse saturés à mort, gras au possible, un truc craspec à un point qu’on se sent sales après deux écoutes consécutives. Avec “Henry”, le second titre, le paysage musical est complètement dressé avec l’apport des vocaux gutturaux se Steve Moss (que je m’abstiendrai de qualifier plus avant : je vous laisse constituer vous-même une phrase-gimmick ou jeux de mots avec les mots clés “voix de gorge” et “glaireux”). Et là, on est bien dedans. Tout ceci est chaud, torride, roboratif… Mais court ! A peine trente minutes, c’est un peu léger… Pour autant, on n’a pas le sentiment de “manquer”, car en huit titres (sept en réalité, en considérant le blues vocal “Cotton Fields” un peu hors scope), le spectre musical du combo est bien couvert : les rythmes peuvent varier, les passages plus groovy et aériens (“Tom’s trip” lancinant et planant) alternent avec les assauts les plus rageurs (“Into the fray”, le parfois kyussien “Spacefaze”)… Ne mentons pas, donc, on en a quand même pour notre argent. On pourrait même (attention, réserve) trouver l’ensemble un peu redondant au bout de quelques écoutes consécutives… Sans doute un signe lorsque ça arrive que le moment est venu de retrouver nos trois freluquets sur une scène, où leurs pleins pouvoirs se révèlent.

On en aura mis du temps à vous parler de Uncle Acid & the Deadbeats, noyés que nous fumes sous le raz de marée de leur notoriété étourdissante… Plus sérieusement, on peut parler d’un véritable phénomène autour du groupe, avec un buzz qui couvait depuis une grosse année en gros, chacune de leurs prestations scéniques devenant événementielle, avec une scission de plus en plus brutale entre les “j’y étais” et… les autres. Ce buzz déjà atypique a pris un coup de pied aux fesses cataclysmique avec l’annonce qu’ils assureraient la première partie des dates européennes de Black Sabbath, ni plus ni moins. Les vieux broomies ont manifestement bien accroché sur ce petit groupe briton, à peine signé sur un label mal distribué (les très underground Rise Above), dont la musique révérencieuse fait mouche. On prend donc le train en route à l’occasion de ce “Mind Control”, troisième effort du combo, sorti plus tôt cette année. Même si “Blood Lust”, son prédécesseur, fut l’album de la révélation (on le chroniquera un jour… promis !), leur dernière rondelle se devait de transformer l’essai.
En fait, il ne faut pas longtemps pour comprendre ou justifier le “pourquoi” de leur sélection par Black Sabbath sur leur tournée : pour être précis, il suffit d’attendre la troisième minute de “Mt. Abraxas” pour se faire plaquer au sol par un riff Iommi-esque qui sent bon les 70’s. Attention toutefois, et cette réserve vaut pour tout l’album : Uncle Acid (a priori on ne parle plus des Deadbeats, le père Starrs, en leader autocratique qu’il est, laisse libre court à son penchant subtilement mégalo…) n’est pas un groupe aussi heavy que pouvait l’être Sabbath, en tout cas dans ses atours les plus connus. Il faut plutôt chercher les influences de notre jeune quatuor du côté des penchants les plus “aériens” de Sabbath, des vieux Purple (ah ces claviers, juste subtils, bien vus…), mais aussi ici ou là des mélodies presque pop (“Death Valley Blues”). Bref, plutôt des groupes de la fin des 60’s plutôt que du début des 70’s en réalité, même si certains penchants doom se font jour ici ou là (on notera le très sombre “Desert Ceremony” ou encore “Valley of the Dolls”, qui chacun occasionnellement peuvent rappeler le son de groupes comme Type O Negative, qui ont synthétisé le son doom le plus sombre dans le “monde moderne”…). Les vocaux hantés de Starrs (et ses propres harmonies vocales qui doublent plusieurs de ses parties de chant) et des passages bien lancinants (les grattes hypnotiques de “Mind Crawler”) apporteront leur touche psyché règlementaire pour tout combo “old school” typique. Bref, un vrai foutoir musical.
Pourtant, au final, le disque ne manque pas d’intérêt ni de cohérence de fond (pas forcément de forme, effectivement). En terme d’intention, d’abord, le propos est clair : Starrs est bloqué dans un espace temporel dont il ne cautionne pas le langage musical, il se vautre donc complètement deux générations plus tôt, pioche ici ou là, et redistribue les cartes à sa convenance. Sa musique semble donc occasionnellement faite de bric et de broc, certes, mais chaque titre est lié à son prédécesseur par les lignes vocales emblématiques de Monsieur Uncle Acid, et un corps instrumental robuste, stable, qui se complaît comme on l’a vu dans une synthèse musicale assez large. Si l’on rajoute à ça un talent de composition simplement remarquable, on se retrouve devant une floppée de titres catchy, efficaces, variés, et l’on ne s’ennuie pas d’un bout à l’autre.
On ne rechignera donc pas longtemps et l’on fera vite l’acquisition de ce disque très bien foutu. Manifestement il y a finalement plus qu’un simple buzz derrière le groupe, et même si la démesure de sa réputation subite ne trouve pas d’explication rationnelle, le bonhomme (c’est quand même avant tout le combo de K.R Starrs) ne démérite pas et propose une musique de qualité. On a du mal à se projeter sur la pérennité de cette vague de groupes résolument tournés vers le passé (pas glorieux le sort de Wolfmother), mais on en profitera tant que ça durera.

Dans la série des groupes qui ont réussi à faire parler d’eux dès leur premier EP je voudrais les londoniens de Steak. Avec la sortie de Disastronaught en 2012, il n’aura pas fallu longtemps pour que leur nom apparaisse sur les forums et dans les conversations des amateurs de stoner. Cinq titres bien ficelés, un avenir prometteur et à titre personnel une très bonne découverte.
Voilà donc que le quatuor nous sort déjà (ou seulement maintenant suivant votre impatience) son second EP et confirme de fort belle manière tout le bien que je pense d’eux.
C’est bien simple, tout ce que je trouvais bon dans le premier EP a été poussé encore plus loin.
La première excellente surprise, c’est la production de cet EP, largement supérieure au premier. Oskar Cedermalm et Niklas Källgren (membres de Truckfighters) pour officier derrière la console d’enregistrement, le premier s’occupant aussi du mixage et bien ça s’entend tout de suite. Le son est une pure tuerie, avec un ensemble très équilibré et de forts jolis effets sur la voix par moment. On sent le temps passé à peaufiner la galette et elle a ma foi fort bon gout !
L’autre grand atout, c’est la qualité intrinsèque des compositions. Là où le premier EP nous servait cinq bons titres sans pour autant être révolutionnaires, Corned Beef Colossus nous sert cinq très bons titres avec un excellent morceau comme Liquid Goldqui en dit long sur le potentiel du groupe.
Alors oui je le sais bien, il faut toujours se méfier avec les associations d’idées mais on aime bien par moment et surtout pour un groupe fort peu connu, s’entendre dire que si on aime tel ou tel groupe alors on risque d’apprécier celui là et donc allons y d’une petite comparaison. Personnellement ça me rappelle les premières heures de Dozer ou encore le son de basse de 7Zuma7 avec un très léger arrière gout d’Astroqueen… tout un programme !
Ajouter à cela qu’ils se défendent méchamment sur scène et vous avez un groupe dont j’attends avec une impatience impossible à cacher le premier album.
N’hésitez plus, découvrez ce groupe!
Pour plus d’information sur ce groupe, vous pouvez visiter ce lien.

A l’aube d’une tournée européenne qui promet (dont une date à Bruxelles avec nos amis de Glowsun), nous nous devions de chroniquer le petit dernier des Samsara Blues Experiment : Waiting For The Flood. Toujours teutons, toujours imbibés d’influences psyché 70’s, et toujours adeptes des longues plages de plus de 10 minutes (le skeud ne comporte d’ailleurs que 4 titres), les musiciens du SBE délivrent encore une fois un disque fascinant, riche et très varié. La galette démarre sur les chapeaux de roues avec Shringara, 13 minutes de SBE pur jus, aux relents de sitar, et entrecoupé d’un furieux solo sur lequel n’aurait pas craché Eddie Glass. Au programme également, Don’t Belong, morceau tout en lourdeur au démarrage qui évolue lentement, après 4 minutes et un break de batterie bien syncopé, vers une structure complètement barrée……pour revenir marcher, rythmiquement parlant, dans les pas d’un Sleep pour un final époustouflant. Quant au morceau titre, Waiting for the flood, il bascule, après une intro basse/batterie groovy à souhait dans un rock du plus pur style Santanien, teinté d’orgue et planant à souhait. A mi-morceau, c’est la basse qui reprend le dessus avant de s’effacer à nouveau pour un final absolument endiablé. Un vrai régal pour les oreilles. SBE sait toujours brouiller les pistes et nous emmener là où l’on s’y attend le moins par des structures de chansons inhabituelles et finalement jubilatoires à souhait.
S’il y a un groupe qui gère bien sa carrière et sa notoriété c’est bien Red Fang. Depuis la sortie de leur excellent “Murder the Mountains”, le groupe de l’Oregon a arpenté tout ce que notre pays (et l’Europe en général) compte de scènes, de plus en plus grandes, devant de plus en plus de fans. Des tournées successives qui auront permis à beaucoup de monde de voir le groupe sur scène, où il est encore plus efficace que sur disque. A peine quelques mois après leur dernier passage sur scène dans nos contrées, même pas le temps de souffler : les voilà déjà revenir avec un nouvel album !
Ca commence pas mal avec une poignée de morceaux qui ne dépayseront pas ceux qui avaient apprécié les deux premières productions du groupe : “DOEN”, “No Hope”, “Crows in Swine”, etc… sont des titres impeccablement ciselés, parfaitement adaptés au “moule Red Fang”, et donc taillées pour le live. Mélodiques, de gros riffs, des breaks couillus, des vocaux subtilement gutturaux (??)… Vraiment, ça rend bien, et la production est juste impeccable, avec un son toujours aussi rugueux et âpre (comme sur “Murder the Mountains”, où un son trop policé aurait desservi l’ensemble).
C’est à partir de la seconde moitié de l’album, et en particulier du très déstabilisant “Dawn Rising” que les sourcils commencent à se lever. Rythmique pachydermique, son de gratte tellurique et basse bien en avant, batteur à deux de tension, le chant de Beam chargé d’écho, et surtout, surtout, ces vocaux complètement hantés de Mike Scheidt, le chanteur nasillard mais charismatique de YOB. On est en terres doom, mes amis, qui l’eut cru possible ? “Failure” ensuite, moins impressionnante, s’appuie sur des sonorités bien lugubres aussi. Et même si le groupe enquille deux titres plus classiques (“1516” et “This animal”), son dernier morceau “Every Little Twist” vient attiser le trouble bien présent désormais, avec sa rythmique lancinante (une ligne de basse qui aurait pu se retrouver sur un QOTSA début de siècle) ondulant sur presque cinq minutes, avec encore des vocaux harmonisés complètement hantés…
Tout en caressant ses fans dans le sens du poil (avec quelques belles pièces que le groupe n’aura aucun mal à placer dans ses futures set lists live), Red Fang propose aussi avec ce “Whales and Leeches” quelque chose de plus audacieux. Un album où pointent des prises de risque évidentes, des pas appuyés en terres underground, qui finalement forcent le plus profond respect : alors qu’il aurait suffi au quatuor d’aligner une poignée de titres faciles et d’aller capitaliser sur scène, ils se laissent aller à des compos qui clairement déstabiliseront le plus large public qui sur le papier leur était promis. Rien que pour ça (et accessoirement parce qu’il y a Mike Scheidt), cet album de qualité vaut tout notre respect.
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