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Un groupe c’est d’abord un nom : Kyzyl Kum… ça sonne original et ça fait apprendre des choses, le saviez vous : Le désert du Kyzylkoum ou désert du Kyzyl-Koum (en ouzbek Qizilqum, qui signifie littéralement « sable rouge ») est un désert partagé entre le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et, pour une petite partie, le Turkménistan. Voilà pour la leçon de culture. Etonnamment l’album ici chroniqué se nomme Sable Rouge. Coïncidence ?
Ensuite c’est une pochette et on comprend que nos amis d’Angoulême sont dans leur démarche artistique propre. A quoi bon les codes, les gens bien pensant de la sphère musical, les faux-semblants : Kyzyl Kum propose son digipack cartonnée fait maison. Dessins réalisés par les membres du groupe et son entourage, on adhère ou non c’est leur style. Dans le même esprit je vous recommande leur présentation facebook, âme sensible s’abstenir.
Tout ça pour prendre conscience d’une chose : le plus important c’est la musique (et pas les titres des morceaux non plus). Après une intro pour nous faire pénétrer dans leur univers, le duo instrumental nous entraîne dans son usine à riffs. Le son est saturé comme il faut, comme une bonne grosse démo professionnelle. Si c’est bien d’un duo guitare/batterie dont on parle, une basse résonne en fond de mix comme pour donner un peu d’assise à l’ensemble.
On pense à Karma to Burn sur certains plans un peu vitaminés mais c’est surtout quand ils invoquent les démons d’Electric Wizard (première génération) que les Angoumoisins sonnent le plus juste. L’aspect riff crade en boucle avec quelques ambiances sonores en fond. Plus à l’aise sur ces tempos ralentis la batterie écrase et nous rapproche des tourments générés par les riffs hypnotiques de la guitare.
On sent que la crèmerie tourne depuis quelques temps et que l’idée est de faire du bon beurre d’artisan et pas de la margarine allégée industrielle. Seule ombre au tableau les idées sont bonnes mais les arrangements sont un peu bruts. Souvent les riffs tournent et s’enchainent mais manque la cerise sur le gâteau qui ferait décoller l’ensemble.
Un groupe qui assume, qui fait taper du pied, qui fait planer et qui donne envie d’être suivi parce ce premier grain de sable dans ce désert est prometteur.
Ain´t-One
Domadora est un trio 100% français, qui depuis plus d’un an se fait vraiment un nom dans la scène française (a mimima), à coups notamment de concerts mémorables. Le groupe est assez jeune au final, deux ans et quelques à peine, mais il ne manque pas d’une sacrée paire de cojones (enfin, de trois paires… enfin… bref, on s’comprend), qu’il pose bien là sur la table, en osant doter sa première galette d’un ornement plus que classieux, sous la forme de l’épique “Fall Of The Damned” de Rubens, une œuvre grandiloquente, roborative, majestueuse, dynamique, une œuvre mature d’un artiste qui n’a plus rien à prouver, un défi à l’époque, qui apportait un regard différent (en l’occurrence sur la caractérisation millénaire du bien et du mal)… Ben l’air de rien, “Tibetan Monk”, c’est un peu tout ça.
Quelques mois après son enfantement, et un passage par la case “auto production”, “Tibetan Monk” se voit enfin sortir (en vinyl pour le moment) chez Bilocation Records… L’album est un véritable OVNI au milieu du pourtant foisonnant et riche biotope stoner, qu’il soit français ou international. Le groupe ne ressemble en effet à aucun autre… et à plein d’autres à la fois ! On va pas se le cacher, à l’écoute de l’introductif “Tibetan Monk”, on faisait pas les fiers. Sorte d’intro “guitares en l’air, major chords à fond les ballons, et déluge de cymbales”, on dirait plutôt l’outro de tous les titres de AC/DC en live (vous savez, ces chansons qu’on ne sait pas finir proprement, alors tous les musiciens font un max de bruit pendant 30 secondes avant de se faire applaudir). Alors quand déboulent les onze minutes du bien nommé “Ziggy Jam”, on souffle, et on sourit. Parce que l’essence de Domadora, elle est là, en fait. C’est un trip, une grosse jam qui t’embarque en deux minutes, un truc un peu hypnotique qui peut te péter à la gueule à tout instant ! A ce titre, on pense évidemment à la posture musicale d’un Tia Carrera, ce combo qui ne joue jamais deux fois le même morceau, en tout cas jamais de la même manière, qui se lance dans des jams live sans jamais en connaître la fin à l’avance. Un peu plus structurés que les ricains sus-mentionnés, les frenchies n’en ont pas moins un goût immodéré pour les ambiances psyché à rallonge, étirées un peu dans tous les sens, et surtout susceptibles de s’emballer dans des contrées sinon inconnues, tout du moins imprévisibles. Il suffit d’entendre le virage pris à mi-chemin du même “Ziggy Jam”, et l’emballement boogie qui s’ensuit pour comprendre que le trio n’a pas peur de se frotter à plusieurs prismes musicaux. Pareil pour le dernier tiers de “Naïroya”, qui débute comme un titre mid-tempo superbement exécuté, et tombe dans une spirale de groove ensorcelant sur une fin menée tambours battants, sous des déluges de soli de gratte. Un peu plus loin, “The oldest man on the Left” (ou en tout cas les trois premiers quarts du morceau) n’aurait probablement pas trop dépareillé sur “… And The Circus Leaves Town”, son de gratte graisseux en bonus, groove à tous les étages, basse ronde et robuste, breaks impeccables… “Domadora Jam” sur la fin n’est pas le titre le plus intéressant de l’album, moins diversifié, moins bien produit (beaucoup d’écho, un son qui sonne plus faiblard), le titre recèle quand même quelques passages que n’aurait pas renié Karma To Burn.
Au milieu d’un triptyque instrumental épique et quasi-monumental (rien sous les onze minutes), nos parisiens n’ont rien trouvé de mieux que de balancer “Chased and caught”, une torpille furieusement charpentée, un titre presque trop direct et efficace (je l’avoue, je me suis même demandé si ce n’était pas une reprise), qui plus est dotée de chant (des vocaux juste impeccables, à se demander pourquoi ils n’en collent pas sur leurs autres titres : ce n’est clairement pas leur point faible !). Une autre illustration en tout cas que leur musique est pleine de surprises, et surtout que nos trois zicos sont plein de ressources et de potentiel. On va essayer de les choper en concert au plus tôt si possible : leur galette laisse à penser que le trip prend toute sa dimension en live, c’est une évidence.

Au bord de la route, une vieille dodge semble abandonnée. Pas de circulation. Espérons qu’il y ait une gourde dans la boîte à gants. L’été est chaud et humide même le son de la radio paraît étouffé. Un chant traditionnel de l’Ohio est diffusé sur les ondes : « Worn Teeth ». Voix plaintive, une simple guitare, des clappements de mains et des pas pour seule base rythmique. L’auteur devait être condamné aux travaux forcés à casser des cailloux. Finalement trois hommes sont dans le véhicule. Le moteur avec son mur de guitare/basse/batterie est lancé. La gomme des pneus se met à chauffer, le chant traditionnel s’est transformé en hymne hard. La mécanique semble bien huilée, ça ronronne sévère sous le capot. C’est lourd et efficace. La carrosserie se met en branle. La route s’ouvre à nous.
« As Earth and Moon » débarque, wouah ! La dodge fait du 0 au 100mph en une seconde ! Le moteur est déjà chaud, ça groove de toutes parts ! Des riffs heavy s’enchainent et la section rythmique étale tout son savoir faire en break, cassure de rythme, changement de motif. Chant typé hard des sweet 90’s, ça « crie » mais c’est mélodique et puissant. Des ouuuuuuh, des yeaaaaaaaaaah. Le couplet a marqué le goudron d’une trace indélébile. Le son nous rappelle que l’on sait encore faire des productions puissantes mais claires. Loin de la mode du « si l’aiguille est dans le rouge c’est que c’est bon ».
On ne roule que depuis six minutes que l’on est déjà scotché à la banquette arrière. La route est sinueuse mais les pilotes savent négocier les virages avec maestria. « Maya » prend le relai à l’antenne. L’intro est plus posée, la route monte et descend mais une fois la dernière côte attaquée, le groove est lâché. « Nomads » se la joue basse/batterie/chant, pas de gourde dans la boîte à gants mais un minibar rempli de bières fraiches. Les Américains savent jouer et dans ces conditions vous vous dandinez de manière incontrôlable sur un groove endiablé.
« Laser Vision Intermission » laisse le temps au moteur de se refroidir un peu. Interlude bienvenu au milieu de ce déluge de riffs tranchants, de basses ronflantes et de batteries claquantes. Tout est finalement de facture classique dans cette dodge mais tellement bien assemblé. « Within the Glare » reste dans la même veine. Le gratin du rock lourd et hard des années 90 est évoqué. « The Message is Get Down » vient réclamer à Fu Manchu la couronne de king of the groovy road. Les paysages défilent, la route est tracée : on ne fera que prendre son pied à chaque intro, chaque couplet, chaque refrain, chaque break. Du power-stoner-rock! « The Sleeping Hand » ne déroge pas à cette ligne de conduite que Valley of the Sun se tient à suivre de la plus juste des manières. « Gunslinger » enfonce le clou, on va être à cours de fuel ! Les chevaux sont lâchés, ça vrombit de partout. La voiture est devenue décapotable, ça devenait urgent de pouvoir headbanger librement.
« Centaur Rodeo » nous conduit à destination, la dodge a été customisée avec un petit synthé pour appuyer le côté fin de road trip. Le voyage a été tellement jubilatoire qu’ils pourraient garer la caisse dans une décharge qu’on garderait un sourire béat.
Première signature sur le label Fuzzorama des Truckfighters, Valley of the Sun signe avec “Electric Talons of the Thunderhawk” son troisième opus et nous fait amèrement regretter de ne pas avoir croisé leur route plus tôt. L’album se clôt qu’on a envie de refaire du stop.

On assimile souvent le stoner à la musique qu’on écoute au volant d’une grosse cylindrée, cheveux au vent, sous le soleil de plomb du désert, avec bière (ou whisky) et cigarette cosmique à portée de main. Avec ce premier volume des Kreiz-Breizh sessions, le stoner s’écoute aussi drapé dans un ciré, à l’abri de la pluie et du vent, avec à portée de main du chouchen et des crêpes. Car, comme leur nom l’indique, ces Kreiz-Breizh sessions nous viennent tout droit de Bretagne.
Trêve de plaisanterie et de clichés faciles, cette galette (bretonne) débute par l’offrande des sympathiques Stonebirds.
Ces derniers ont écouté, assimilé et digéré ce qui se fait de mieux outre-atlantique et leur musique suinte du Slo Burn et du Sixty Watt Shaman par tous les pores. L’excellent “Red Lights” aurait d’ailleurs pu faire partie des compos du combo du Maryland (on croirait même entendre par moment Dan Soren sur ce titre). Et quand le trio ralentit lourdement le tempo à la manière d’un Down (“Outro Drama”), il fait encore mouche. Groove, gras et headbanging sont donc au rendez-vous… et c’est bien ça le plus important. En seulement 5 titres donc, les Stonebirds se posent comme un sérieux représentant du stoner “old school” made in France et raviront les amateurs de pachydermisme velu et plombé.
Après ces 5 morceaux, c’est au tour de Stangala de balancer la sauce.
Contrairement aux Stonebirds, les influences se situent ici plutôt outre-Rhin, du côté de Rotor, tant les guitares sont aussi tranchantes et la basse aussi ronde que celles de nos joyeux teutons. “Ar Stang” (et ce ronflement de la 4 cordes) en est le plus bel exemple.
Vocalement ensuite, Stangala c’est du 100% breton. Tantôt chanté à la manière d’un Marylin Manson, tantôt hurlé façon chanteur de black metal à qui on ne presse pas les testicules assez fort, la partie vocale s’avère être le point faible du combo. Du coup, cette particularité linguistique qui aurait pu appuyer l’imagerie celtico-doom du groupe passe quasiment inaperçue, tant le chant dessert le propos et nuit à des compos qui sont toutes des tueries instrumentalement parlant.
De plus, et malgré mon bonnet rouge acheté à Saint-Malo (ça ne s’invente pas !), j’ai beaucoup de mal avec les passages musicaux typiques “bretons” qui “émasculent” certains morceaux pourtant bien couillus à la base (“Kong Kerne” sur lequel on jurerait qu’une troupe de joyeux trolls et de bienveillants farfadets vient danser le plinn en catimini).
Bref, Stangala fait figure d’ovni dans le paysage stoner hexagonal. Ovni revendiqué certes, mais qui ne ravira qu’une poignée de curieux, aventureux et sensibles aux charmes celtes.
Stonerpope

Forcément avec un nom pareil, on imagine de la filiation violente mâtinée de traîtrise et de poignard vengeur. Ce Brutus-là, petit fils adoptif de Black Sabbath et de Blue Cheer, fait plutôt dans l’hommage et la partition appliquée. Ça suinte les 70s par toutes les mécaniques des guitares.
Le quintet scandinave dans “Behind The Mountains” nous balance un rock typé, efficace, qui dès les premières notes et harmonies vocales de “The Witches Remains” nous emmène à Birmingham en 1968. C’est sombre, lourd, ça bourdonne velu. Mais les poilus savent aussi se faire groovy et les morceaux suivant, “Personal Riot” et “Big Fat Boogie” sauront dénuquer le plus gonflé des culturistes. Du riff efficace sur de la rythmique binaire, du solo rocaille et de la basse précise, du son taillé pour le live et la bière.
Là où réside l’intérêt de cet album, c’est quand Brutus ralentit, quand il tape dans le mid-tempo, quand le blues envahit les entrelacs des guitares, que la section rythmique fait sonner la mélancolie. “Blue pills” est un de ces morceaux où le groupe prend le temps de nous en coller une derrière l’oreille. Et “Reflections” en est le merveilleux représentant. Quatre notes fortes, lentes et marquées annoncent la couleur. Brutus ne fait pas dans la ballade sirupeuse mais dans l’introspection, dans la mélodie lancinante. « and she lost her mind ». Le chant plus posé que sur les autres titres invite à l’écoute. Oui définitivement un blues, mais un blues bâtard qui en son centre bascule dans une course effrénée où le groupe accélère comme s’il avait le diable aux trousses. Ca joue vite, ça joue foutrement juste, on exulte à l’idée de prendre cette claque en live. Uppercut. Le titre re-bascule dans le mid-tempo, on reprend son souffle. Le crunch de la guitare, les nappes d’orgues subtiles, à nouveau, Brutus décélère et nous laisse pantois après ces 7 minutes incendiaires. Je comprends ce que ressentent les personnages sur la pochette de l’album. Et pour le coup, de noter le réel intérêt de l’artwork et la corrélation avec la musique du groupe.
L’album se termine sur “Can’t Help Wondering Why”. 9 titres, 45 minutes. Pas plus, pas moins, pas besoin.
“Behind the Mountains” est un album concis et honnête, la production y est propre, le mixage précis laissant la place à toutes les composantes du groupe. L’addition d’orgue et d’harmonica se fait avec parcimonie et juste ce qu’il faut pour enrichir des morceaux comme “Crystal Parrot”. Brutus ne révolutionne pas le genre mais participe intelligemment, à l’instar de Kadavar, à son renouveau et fait preuve d’une véritable originalité quand il prend le temps de développer ses idées.

Enfin ! Enfin les vraies questions de notre temps sont posées. Enfin un groupe de chercheurs s’est penché sur une étude des plus sérieuses intitulée « The Longer the Beard the Harder the Sound » qui traite du lien entre pilosité faciale (the longer the beard) et dureté du son (the harder the sound). L’étude menée à Gênes en Italie est d’abord parue en 2012, puis rééditée en 2013 après un changement de nom de ses auteurs. Ces derniers se nomment désormais Isaak et non plus Gandhi’s Gunn. Parce qu’une bonne barbe aujourd’hui est souvent signe d’un groupe qui en impose. Le petit côté homme sauvage/bucheron/biker/hippie qui fait la richesse du mouvement stoner. Peut-on être crédible dans ce courant musical si l’on n’arbore pas une toison sub-nasale ?
Le rapport se présente sous huit chapitres bien construits et étayés, aujourd’hui enrichis de quatre annexes. Deux d’entre elles reprenant les travaux de deux précédents théoriciens (Pink Floyd et Iron Maiden) et les deux dernières étant de nouvelles compositions.
D’abord la couverture interpelle et est le juste reflet des propos développés. Cette étude trouve ses origines depuis la nuit des temps ! Images de temples ancestraux, reptiles disparus, moto et femme dénudée. La présentation est en adéquation avec le sérieux de la question !
C’est en 40 minutes pour les titres originaux et 13 pour les annexes que Isaak expose ses idées. Et des idées il y en a ! Rien de novateur mais tout est de bon goût. Premier chapitre et une intro a capella… Ca surprend mais quand tout le monde rentre en scène on comprend. Il y a du groove dans ce rapport, il y a de l’énergie à revendre et il y a du son. Pas aussi dur que l’intitulé du dossier le suggère mais saturé comme il faut. La guitare sonne presque garage avec cette saturation crade (style barbe de trois jours), la basse pas qu’en rondeur pique aussi (barbe mal taillée) et le chant bien que « clair » a un petit quelque chose qui râpe (barbe propre et bien entretenu mais barbe quand même). La batterie bien équilibrée dans le mix n’est ni claquante ni sèche (pas rasé du matin quoi). La forme y est, qu’en est-il concrètement du fond.
Au premier abord on pense à l’école américaine du stoner au sens large. Clutch, Red Fang, Corrosion of Conformity (avec Pepper), l’aspect un peu sludge de certains plans, la désinvolture, le groove. A force d’écoutes, les mélodies vous pénètrent l’esprit, la fluidité des arrangements, les outro soignées et c’est l’école scandinave qui finalement enrobe l’ensemble. Le hard stoner des Honcho, Dozer et comparses n’est pas loin. Beaucoup de grands noms, barbus de surcroît (coïncidence ? je ne pense pas), mais autant d’influences bien digérées et intégrées. Sous couvert d’une ambiance pas prise de tête, les italiens se font porte drapeau d’un stoner riche, bien foutu et addictif.
Musicalement les génois débordent de ressources, moins de quatre minutes au compteur par morceau et un condensé de couplets, refrains, breaks qui transpirent le côté bien rôdé, peaufiné, roulé sous les aisselles (“Breaking Balance”, “Adrift”). Isaak sait néanmoins ralentir le pas quand il faut (“Flood” et son intro posée au limite du doom pour un final plus explosif). “Hypotesis” et sa cithare pour une chanson hypnotique de plus de dix minutes. La vraie force de cet opus et point différenciant reste le chant avec ses lignes originales et ses refrains entêtants (“Haywire”, “Rest of the Sun”). Vous ajoutez à cela les deux reprises “Fearless” et “Wrathchild”, qui démontrent l’aisance du groupe pour s’approprier un morceau, et les deux petits brûlots en bonus derrière, et vous obtenez un disque qui a tout pour plaire. Tout est bon dedans il n’y a rien à jeter.
Small Stone les a signés en 2013 pour deux nouveaux albums, si nos amis transalpins repoussent leurs limites nous tenons dans nos mains un futur grand représentant du stoner. En attendant vous vous surprendrez à l’écouter en boucle sans vous lasser parce qu’à chaque écoute vous découvrirez une subtilité en plus. Barbu ou non, ce rapport d’étude est d’intérêt public.
Il y a de ces groupes inclassables qui trouvent tout naturellement au sein de la communauté stoner un accueil chaleureux, bienveillant, en attendant de trouver leur voix auprès d’un public plus large, toujours plus long à reconnaître l’évidence. Rappelez-vous Mastodon, Entombed, etc… Kvelkertak est de cette engeance. Plusieurs mois après sa sortie, il n’est pas trop tard pour mettre en avant ce groupe qui ne laisse personne indifférent. N’ayant pas eu l’opportunité d’écouter leur premier album éponyme, “Meir” fut pour moi l’album de la découverte de Kvelertak. Même si ça apparaît cliché au possible, le premier morceau est clairement LE titre de la révélation, un morceau colossal, splendide de tension et de construction, qui place la barre super haut. “Åpenbaring” engage son riff simplissime sur une douzaine de mesures, en voyant progressivement les collègues venir occuper leur place dans le spectre sonore : deuxième gratte en harmonie, batterie, gros riff de rythmique (bon sang, trois grattes, ça le fait quand même), et ce n’est qu’au bout de 1min50 qu’Hjelvik vient vomir ses premiers kilos de tripaille derrière le micro. Une intro, un couplet, un semblant de refrain, un break et… fini ! En trois minutes la messe est dite et tout le monde est assis dans son fauteuil, les yeux écarquillés. Je vous promets qu’il y a tant de grâce dans ce morceau qu’il ne vous faudra pas plus de deux minutes pour comprendre que Kvelertak a quelque chose de spécial. En revanche, autant l’annoncer tout de suite, aucun autre morceau de l’album ne parvient à la hauteur de ce tir de barrage introductif. Et pourtant, y’a du matos niveau compos sur cette galette robuste de cinquante minutes. Les norvégiens partent dans tous les sens en terme de genres musicaux, tant que c’est efficace, ils le font. Metal, stoner, black metal, post-bidule-core, death, punk, rock, etc… Et à aucun moment ils ne sacrifieront la mélodie à l’effet facile. “Spring Fra Livet” en est un bon exemple : son riff presque sautillant (que n’auraient pas renié Torche, par exemple) est plus rock que metal, ce qui n’empêche pas encore une fois Hjelvik de beugler comme un porc que l’on égorge. Précisons que le chant du jeune norvégien est pour le moins “structurant” dans la musique du groupe, dans le sens où si vous ne pouvez pas apprécier ce style de chant (le gars trouverait sans problème sa place dans un combo de black metal scandinave, si vous voyez ce que je veux dire), vous ne pourrez pas l’éviter tout du long ! On ne s’ennuie pas ensuite non plus, avec le presque grindcore “Trepan” (même si je ne comprends rien au norvégien, le titre semble bien nommé au vu de l’effet produit sur ma boîte crânienne), “Evig Vandrar” complètement construit autour d’un riff de guitare sèche (si !), “Snilepisk” et sa rythmique punk, “Nekrokosmos” qui pourrait même rappeler occasionnellement les Turbonegro (voir les chœurs tout discrets…). Autre petite perle, “Tordenbrak” déroule son riff impeccable sur presque neuf minutes insolentes, avec des variations maîtrisées et des arrangements de composition imparables (lignes de chant, soli ou grattes harmonisées, breaks, etc…). Leur chanson éponyme “Kvelertak”, avec ses relents d’AC/DC sur son refrain scandé, n’est pas du même niveau, mais ne démérite pas pour conclure cette bonne claque. Même si clairement Kvelertak n’évolue pas dans un stoner rock pur jus, leur musique inclassable suscite des passerelles musicales vers nos contrées musicales. Et surtout, la qualité intrinsèque de cette production devrait susciter l’intérêt de la plupart de nos fidèles, connus pour leur bon goût et leurs qualités de précurseurs. Quoi qu’il en soit, en cas de doute, il ne fait aucun doute que la vraie bataille soit gagnée sur scène : la musique du sextette véhicule une énergie telle que l’on a du mal à imaginer quiconque en rester indemne, puriste ou pas.

Bon c’est sûr qu’avec ce nom on ne va pas les oublier de si tôt, mais on ne va pas non plus deviner tout de suite qu’ils sont Australiens et font du Dark Psyche (si si, sans dec’, y a un autocollant que le disquaire a fait avec ses mains qui le dit). Pour faire snob j’aurai dis que c’est du Post machin à tendance Stoner psyche. Ah oui, finalement Dark Psyche c’est plus simple et ça attire d’avantage l’attention, bon passons.
La pochette est assez sobre et classe, dans les tons bleus et noirs, elle présente un œil en gros plan, juste l’iris en fait dont la pupille est un bout de ciel nocturne avec au centre une éclipse solaire. J’ai la chance de l’avoir en vinyle, simple mais bigrement classe une pochette dans le genre avec ce format. En plus il y a la mention Elektrohasch sur la tranche, donc je sais d’avance que le disque sera bon.
Fin de la chronique, merci vous pouvez ranger vos affaires.
Bon ok, on va l’écouter…
Face A, premier morceau : batterie tribale dans l’esprit Neurosis, la gratte arrive avec un bon delay et elle aussi a un penchant pour Neurosis, pas grave j’aime ça ! L’ambiance s’installe petit à petit, tout va bien c’est pas si dark pour le moment, assez lumineux même, plutôt Isis que Neurosis à vrai dire coté mélodie. Enfin ça suffit pour les références, c’est loin d’être pompé sur leurs grands frères, ça les évoque juste. D’ailleurs au bout de 5 min on se rend compte que finalement ça n’a rien à voir et que je vous mène en bateau… La basse bien vintage et fuzzée s’installe aussi tranquillement, pendant que des voix planantes traînent au fond du spectre sonore. On se laisse emporter en douceur, ça monte progressivement, ça redescend, ça fuzz, on remonte, on s’énerve, on garde la tension en enlevant quelques éléments, puis ils reviennent et ça repart de plus belle. C’est cool de faire des morceaux de 10 min, on peut prendre son temps tout en racontant pas mal de chose et faire des variations de ses plans préférés.
Au fur et à mesure de l’écoute, les deux noms cités plus haut en référence, disparaissent pour laisser place à du Space Rock bien planant, il y a de la reverb et du delay en quasi permanence sur la gratte et la voix, peu de chant d’ailleurs, un petit passage ici et là et hop on passe à la suite, j’aime ça .
L’album se mange tout seul, on arrive au bout de la face B sans s’être fait chier, c’est pas si courant avec les groupes psyché, souvent on a tendance à fredonner le morceau d’avant qui était mieux, ou un plan de Motörhead parce que ça devient longuet. Ici rien de tout ça, on écoute et il y a suffisamment d’idées pour qu’on soit attentif.
Les rares passages chantés le sont par le batteur et décidément quand ces gars s’y collent, ils sont franchement doués (cf Northwind, Ruins-Magma, Mastodon. Ha oui, polémique), ici la voix est claire et posée, toujours planante et nous emmène dans un voyage qui évoque sans peine “2001 l’odyssée de l’espace” et autres films/livres futuristes des années 70. Tiens je relirais bien un Clifford Simak dis donc…
Prescription d’écoute : A écouter en extérieur, de préférence le soir au printemps accompagné d’un verre d’absinthe légèrement sucrée. Merci docteur, mais en cas d’oublie, est ce que je peux doubler les doses le lendemain ?
Note pour les acheteurs compulsifs, on me dit à l’instant dans l’oreillette que sur la version CD, il y a un morceau de plus. Je veux bien qu’un LP soit limité en terme de durée mais la je crie à l’arnaque, ils auraient pu foutre un 45t en bonus… je me suis fait enfler de 10 min !

Sun & Sail Club : Bob Balch guitariste de Fu Manchu, Scott Reeder batteur de Fu Manchu et attention, un homonyme, Scott Reeder bassiste et ex-Kyuss. Le groupe avait d’abord annoncé sa formation puis avait assez rapidement teasé son public avec deux courts extraits où l’on pouvait entendre du vocodeur et du son pêchu tout comme il faut. Le premier morceau sorti (“Held Down”) confirma les soupçons, le vocodeur est utilisé comme unique effet de voix !
Mais revenons un peu sur la genèse du groupe. Depuis bien longtemps Bob s’occupe entre deux tournées en créant un matériel sonore qu’il met en réserve. Pour faire marrer son pote batteur Scott, il décide un beau jour de lui envoyer ses pistes et de tester sa capacité à suivre le rythme derrière les fûts. Rapidement la base d’un album est prête et décision est prise d’emmener le tout dans le studio de Scott le bassiste. Tout ce petit monde se réunit finalement en un groupe et continue le travail. En attendant de trouver un éventuel chanteur, Bob pose une ligne de voix test qui deviendra la voix finale de l’avis de tous. Cette voix test est bien sûr celle sous vocodeur. Mais revenons à l’album.
Surprise, on est accueilli par une rapide ouverture typée jazz. Une sorte de faux départ donc. Le morceau précité vient ensuite. Le son est lourd de fuzz, la batterie est mise à rude épreuve, la basse est présente et participe activement à l’ambiance et le vocodeur créer un décalage qui est original si ce n’est intéressant. Le rythme est soutenu, la structure est classique mais bien fichue et l’instrumental suffisamment efficace sur les morceaux de plus de 4 minutes qui se terminent par une montée fort sympathique.
Un mot sur la production qui rend le tout extrêmement agréable à écouter et où chaque instrument est parfaitement audible, nous permettant ainsi de profiter du talent de chacun des protagonistes. La partie vocodeur est plus considérée comme un instrument posant des harmoniques plutôt qu’une voix à proprement parler et c’est justement çà qui crée cette atmosphère si intéressante et réussie. Maintenant, soyons clair, ce morceau est très représentatif de la suite (“Whites of Your Eyes”, “Gang Justice”, “It’s All Your Fault”).
Le milieu de l’album est composé d’un court interlude du même type que l’ouverture. Une sorte de pause car jusque-là rien ne nous a permis de nous reposer. Commence alors le morceau le plus original de l’album : ”I’m Not Upside Down”. Le rythme y est fortement ralenti, le groove de Scott le bassiste est au maximum, la batterie se fait subtile et discrète, la guitare appuie là où il faut et ici pas de vocodeur mais une ligne de voix lancinante, presque éthérée. En somme une très bonne parenthèse atmosphérique. On reprend alors avec trois morceaux dans la veine des précédents (“Season In Hell”, “Inside The Machine”, “Hunted”) et un final jazzy histoire de s’en sortir en douceur.
En définitif, l’album est construit d’une manière étonnante mais cohérente et les partis pris assumés, si tant est qu’on y soit sensible, rendent l’expérience admirablement écoutable et le plaisir est bien là.

Autant vous prévenir d’emblée, il s’agit encore une fois d’une bande de hippies. Cheveux au vent, sourire aux lèvres, pattes d’eph etc.
Dès le premier titre on est plongé dans une époque où porter une chemise à fleur n’était pas encore réservé aux personnes en surpoids. Voila pour l’époque, niveau localisation on est téléporté dans le désert des Mojaves où dans n’importe lequel qui évoque les Amérindiens en fait, en tout cas la sensation de grand espace à perte de vue est là dès les premières notes.
Niveau musique, les ambiances sont très calmes, posées, tendance envoûtement, transe chamanique et autres délires oniriques. Pas de pot j’aime ça. Chaque instrument est bien sagement à sa place, tant niveau sonorité que mise en place ou composition, rien ne dénote ni ne choque. On est pas là pour ça d’ailleurs mais pour aider à faire un voyage spirituel le plus abouti possible. Ça fonctionne plutôt bien, on est vite pris dans des visions de paysages balayés par un vent calme et par un soleil clément. On a presque l’impression de se mettre à planer. Pfiou, je vais peut être me calmer sur le mezcal moi …
Lorsque les instru ont bien installé ces images en vous la voix arrive et en ajoute une nouvelle couche sur cette musique déjà bien évocatrice. Noyée de reverb cette voix androgyne vous porte de vallée en vallée et vous fait côtoyer les aigles royaux.
La production est assez bluffante, lors de la découverte de cet album j’ai cru qu’il datait d’il y à 20 où 25 ans alors qu’il date de 2008. Délicieusement rétro sans paraître louche ni opportuniste, que demander de plus ? Malgré ça ici ou là on tombe sur une plage avec des claviers qui pourraient sembler totalement hors de propos mais qui s’intègrent parfaitement à l’atmosphère générale.
Les lieux et les ambiances qu’éveille ce groupe se rapprochent par certains points à la B.O du film Dead Man (Jim Jarmusch) même si musicalement c’est assez éloigné. L’esprit de cette musique m’y a toutefois ramené à plusieurs reprises. Au détour d’une interlude par exemple on tombe parfois sur des larsens aériens et mélodiques qui pourraient très bien s’apparenter au jeu de Neil Young sur cette fameuse B.O.
Dans le chapitre des bizarreries qui réussissent à se fondre dans le décor j’ai cru noter un piano préparé, plutôt cool non ?
Pour trouver à redire, je note deux choses : un album assez court (35 min) et surtout difficile à trouver à un tarif raisonnable. Dommage tant la pochette vaut son pesant de cacahuètes, typiquement Amérindienne et terriblement classe avec son aigle stylisé qui se dirige vers un soleil/divinité.
Pour déguster cette galette en toute quiétude voici une petite astuce : Le plus dur va être de trouver un coin qui ressemble suffisamment à la vallée de la mort pour que la magie opère, mais une fois que ce sera chose faite, enfilez votre plus beau slip en peau d’écureuil, débrouillez vous pour que madame (ou la voisine) accepte d’enfiler le costume de Pocahontas que vous aurez pris soin d’emporter, formez un cercle avec votre tribu composée de quelques potes et de leurs femmes préalablement costumées elles aussi et lorsque tout le monde sera dans le bon état d’esprit, vous pourrez alors lancer la lecture de Burning circles in the sky.
Pour faciliter la bonne entente entre tous, vous pouvez partager un peu de peyotl mais alors attention à l’atterrissage et au regard des collègues le lendemain.

Le Bloodhound Gang avait naguère rendu hommage à Chasey Lain au détour d’un titre mythique. C’est aujourd’hui au tour de Gozu d’y aller de son petit tribute à la gloire d’une autre célèbre actrice : Traci Lords. Mais attention, la filiation musicale s’arrête là car contrairement à mon idole Jimmy Pop, la bande à Marc Gaffney fait, comme la pornstar qu’elle vénère : dans le barbu. Après la sortie remarquée en 2010 de « Locust Season », revoilà donc Gozu avec son second opus : « The Fury of a Patient Man ».
Comme son prédécesseur, le disque foisonne d’idées, de breaks improbables qui prennent systématiquement l’auditeur à contrepied, et de compos aussi variées et riches les unes que les autres. Bref, Gozu bouffe à tous les râteliers et fait la nique à pas mal de monde tant le combo maitrise ses sujets.
Ça démarre en fanfare avec le sublime “Bald Bull”, savant mélange de fuzz Fu-Manchien et de groove Clutchien, pour ne jamais retomber. Que ce soit l’excellent “Salty Thumb” et ses relents de Eagles Of Death Metal, le groovy “Ghost Wipe” (dont l’intro sonne à s’y méprendre comme le “Rape This Day” de Tomahawk), ou le brutal “Charles Bronson Pinchot” (dont le titre à lui seul résume parfaitement la philosophie de Gozu), tous les morceaux de ce deuxième album sont à tomber ! Il suffit d’écouter le mémorable “Irish Dart Fight” (qui fait mouche (quoi de plus normal quand on parle de fléchettes)) et son refrain catchy et entêtant pour s’en convaincre.
Tout sur ce deuxième opus semble peaufiné dans les moindres détails. A tel point que le combo se joue de nous sur le dernier morceau de ce skeud avec ce qui ressemble à une jam session improvisée de 23 minutes, un de ces instrumentaux venu d’ailleurs, répétitif, planant, vibrant, rutilant, envoûtant… le genre de morceaux qui nous fait tous aimer cette musique.
Alors oui, peut-être que Gozu fait dans le cérébral, mais qu’importe, cet album est franchement bien gaulé (bien mieux gaulé que Traci Lords mais moins que Chasey Lain) et nécessitera, si la première écoute s’avère difficile, d’être patient pour en apprécier toute la furie.
Gozu, c’est un peu comme Sega : c’est plus fort que toi !
(Seule ombre au tableau et crime de lèse-majesté pour le fan des Yankees que je suis : un titre dédié à Theo Epstein, ancien manager des Red Sox… mais je leur pardonne volontiers puisque ce n’est pas de leur faute s’ils viennent de Boston)

Contrée des Krisprolls et des meubles en kit, la Suède est aussi une terre musicalement et rockement fertile. Quoique, 5 ans pour nous pondre ce troisième album : on ne peut pas vraiment parler de fertilité à l’entame de cette chronique du nouveau Deville.
Ce premier opus à sortir chez le cultissime label Small Stone démarre très rapidement. Pas de chichis, Deville envoie le bois dès les premières secondes du terrifiant “Lava”, brûlot du genre à vous donner envie de laisser des traces de gommes sur l’asphalt. Même recette et même résultat sur le deuxième titre “Iron Fed”, morceau dont l’urgence n’a d’égal que la furie du docteur vert Bruce “Hulk” Banner.
Malheureusement, dès le troisième morceau, “In Vain”, ça sent le sapin (suèdois) et un calibrage radio susceptible d’émoustiller les programmateurs de RTL2 (dans le genre, “Let it go” remporte le ponpon haut la main). Avec ce nouveau chapitre, nos joyeux vikings ont en effet décidé de prendre un virage assez raide. Plus direct, moins fuzz, des parties vocales ultra-léchées… Deville semble aujourd’hui être au stoner “couillu” ce que la glace à la vanille est à la bière : éloigné.
Du coup, cette troisième offrande a le (_I_) entre deux chaises, partagée entre des racines stoner dont le groupe semble tenter (voire tenté ?) de s’affranchir et un devenir straight-rock (qui a dit pop ?) beaucoup trop propre pour être honnête. Un seul morceau suffit à illustrer cette ambiguïté : l’instrumental “Battles will Be Born” qui oscille péniblement entre le riff bien gras et le rock mainstream.
Que retiendra t-on de cette nouvelle galette alors ? Pour les purs et durs, amateurs de grosses cylindrées et de route 66, pas grand chose finalement. Exception faite du titre d’ouverture, de (peut-être) “Over The Edge” et son riff ciselé selon l’école Arthur Seayienne et du semi- gâchis “Burning Tower”, morceau qui fait montre d’un énorme potentiel avec sa joyeuse cavalcade de guitares (tendance The Sword époque “Age Of Winters”), mais qui est coupé (saboté) en son milieu pas un passage dont la platitude n’a rien à envier à la poitrine de Marina Foïs, cet album n’offrira rien de bien consistant à vous mettre sous la dent.
Pour les autres, plus “ouverts”, cet Hydra ne vous rebutera pas, loin de là. Riche et varié, ce disque est un album d’excellente facture (même si – soyons honnêtes – il ne restera pas dans les mémoires comme étant l’album du siècle) qui saura trouver facilement sa place sur votre platine.
Nous sommes très loin, temporellement et musicalement, du “Hail The Black Sky”. Les suédois ont bien progressé, c’est certain. Mais ils ont malheureusement pondu un disque trop travaillé, beaucoup trop pour permettre à la gnaque de leurs débuts de s’exprimer.
Avec “Hydra”, Deville a donc accouché d’un album un peu trop éparpillé à mon goût. Mais le groupe de Malmö a aussi accouché de 2 excellents EP, de styles forts différents. Il y a juste un petit hic : pour nombre d’amateurs, un de ces EPs ne sera pas la came favorite.

Quand on parle de musique instrumentale deux écoles s’opposent. Pour la première, s’il n’y a pas de chant il manque quelque chose, comme un plat sans épice. Pour la seconde, si les matières premières sont bonnes, pourquoi les dissimuler derrière une épice ? Si je vous parle aujourd’hui de ce “5th Sun” par Monkey3 c’est bien que je fais partie de la seconde école. Parce qu’il faut bien se l’avouer parfois l’épice cache un peu la misère du plat ou gâche le plat tout simplement. Par contre quand tout est parfaitement juste dans le dosage, alors là vous avez un plat à déguster avec soin, à apprécier à sa juste valeur, à chroniquer avec quatre mois de retard…
Pourquoi cette comparaison culinaire me direz-vous ? Tout simplement parce que quand en cuisine vous avez la fine brigade des Monkey3, vous avez la garantie que les produits sont bons et mitonnés comme il faut. Des ingrédients simples mais efficaces : guitare, basse, batterie, claviers, des recettes équilibrées mais gourmandes pour un menu qui satisfera tous vos besoins essentiels en mélodies, en psychédélisme et en saturation bien sûr.
Je pourrais continuer les métaphores encore longtemps, vous parler de sauce qui monte, de mayonnaise qui prend, de saveurs orientales, de fines notes saupoudrées sur son lit de basse mais la bonne cuisine tout comme la bonne musique ça se ressent et je ne voudrais pas vous écœurer non plus.
Ce qui fait la grande force de ce nouvel album c’est l’alchimie qui règne entre nos quatre singes, tout le monde s’écoute et chacun écoute tout le monde. Ce quatrième opus (de compos originales) reprend tous les éléments qui ont fait la force des précédents volets mais cette fois la cohésion est totale. Chacun trouve sa place, prend le lead, emmène le morceau à tour de rôle. Cela aussi grâce à une production qui une fois de plus pour nos suisses leurs fait honneur avec ici un son plus dense, plus rond, plus live presque.
Dès l’entrée avec “Icarus” vous serez plongés dans ses mélodies, fins arrangements, solos, passage psyché, grosses lignes de basse, motifs rythmiques adaptés, claviers mis en avant. En près de 15 minutes vous êtes déjà rassasiés mais vous en demanderez encore et vous serez servis. Mention spéciale pour “The Birth of Venus”, tube en puissance qui démontre bien que Monkey3 peut vous envouter et vous démonter la nuque en un seul et même morceau. N’hésitez pas à suivre la recommandation du chef et laissez vous tenter par la bonus track (“The Ship”) qui ne dessert pas l’ensemble du repas bien au contraire. Pour moi le meilleur album de Monkey3 en termes de son, de cohérence et de pouvoir hypnotique. Reste à voir ce que l’avenir leurs réserve après le départ de Picasso (basse), espérons que l’harmonie reste intacte.

“Win Us Over”, le quatrième album des ricains d’ASG, leur avait permis de passer une étape clé dans leur plan de carrière, leur offrant notamment des opportunités de premières parties prestigieuses, et l’accès à un public toujours plus important. Battant le fer tant qu’il était chaud, pour capitaliser sur cette dynamique efficace, le quatuor a signé chez Relapse, où ils côtoient quelques autres belles gâchettes (Red Fang, Cough, Black Tusk, etc…). Musicalement, on avait pris une belle claque avec “Win Us Over” il y a plus de quatre ans, surpris par la maturité d’un groupe alors “émergent”. On se demandait donc à quelle sauce ASG allait nous manger cette fois.
Le son du disque est probablement ce qui choque – positivement – en premier lieu : la production, pourtant toujours signée par le fidèle Matt Hyde, emmène le groupe au niveau des grosses pointures de hard rock U.S., un truc rond et brillant, puissant et efficace. Derrière cet enrobage impeccable, les compositions sont de haut vol, confirmant le talent du groupe : qu’il s’agisse d'”Avalanche” (labouré de long en large par la frappe de mulet de Scott Key et une belle poignée de riffs et soli entrelacés), du plus stoner “Day’s Work” et son rythme pachydermique, de “Scrappy’s Trip” et son refrain ultra catchy (qui rappellera encore une fois les très regrettés Disengage), du plus ambiancé “Blues for Bama” (avec des passages aériens qui iront jusqu’à rappeler ponctuellement des groupes comme My Sleeping Karma), ou encore du punkoïde “Stargazin” (qui ressemble à un morceau de Torche), le groupe enchaîne les titres pointus sans jamais faiblir ni se disperser. Ca percute, ça caresse, ça intrigue, mais au final, ça accroche.
Faut dire que le tout est servi par des musiciens robustes : même si le chant de Jason Shi est ce qui se remarque en premier lieu, tant le frontman affirme son talent et sa puissance vocale (bluffant pour un gars qui n’avait pris le micro que par dépit aux débuts du groupe, faute d’un chanteur dédié), on ne peut pas passer sous silence le travail remarquable effectué sur les guitares : qualité des riffs, travail du son, agencement des deux guitares parfaitement complémentaires… C’est clairement un facteur supplémentaire qui distingue ASG d’autres groupes de même prétention. Seul petit regret finalement au fil des écoutes : on a un peu perdu les passages stoner que l’on détectait encore dans les dernières productions du groupe, au profit de quelque chose de plus travaillé, un peu plus “froid” aussi. Toutefois, la qualité globale de l’objet l’emporte quand même objectivement.
Dès les premières écoutes, on aura vite compris que le groupe a clairement changé de braquet : “Win Us Over” était l’album d’un groupe underground qui développait des compos d’excellente facture. “Blood Drive” est l’album qui met tout au bon niveau : production, compos, instru… Tout est de grande classe, et sans accro. Aucun. Le truc super louche, quoi. Le revers de la médaille, c’est que ce niveau de “finition” donne une image un peu aseptisée de la musique, une forteresse clinquante sans aucune faille, mais aussi sans aspérité, sans rien qui dépasse, un truc presque un peu trop clean. Il manque un peu de gras, un peu de fuzz qui dépasse dans les coins. Mais faudrait vraiment être un peu bête pour ne pas apprécier ce disque pour ce qu’il est : un excellent disque d’american rock, tendance stoner burné.

En rentrant du boulot, je suis toujours un peu sur les genoux, je fais à moitié la gueule et j’ai faim. Ça donne envie hein ? Mais certaines fois en arrivant je découvre un disque pré-commandé depuis un ou deux mois, dans ces cas là, c’est la fête ! Je retrouve le sourire, la banane et j’ai la pêche (non je ne bosse pas dans les fruits et légumes…). Si en plus une fois déballé je m’aperçois qu’il s’agit du nouveau Pontiak, “Innocence” donc, là j’en peux plus, j’exulte de joie (oui j’en fais des tonnes, c’est vrai).
Bon une fois déballé, je trouve la pochette un peu fade. Mais c’est pas ça qui va me calmer. On a donc 9 étoiles noires dont deux sont maculées de rouge sur fond blanc cassé, c’est pas folichon mais tant pis. Bon ça sent la symbolique tout ça. Moi ça me dépasse, je suis pas ‘ricain.
Passons aux choses sérieuses : je pose le disque sur la platine. Bing ! Ça démarre sur les chapeaux de roue, ding ding ding ding nous dit madame la ride et en avant, vive la fuzz et le gros riff à l’ancienne. On pense tout de suite à Black Sab période Sabotage, La voix bien typée 70 (comme le reste d’ailleurs) continue d’évoquer Pink floyd (en même temps il faudrait que le groupe change de chanteur pour qu’on pense à un autre groupe!). Voila, vous êtes fixés : années 70, Pink Floyd qui copule avec Black Sabbath. J’ai fait le tour.
Ok, je vais détailler un peu plus parce que c’est quand même réducteur et peu flatteur de s’arrêter aux comparaisons. Surtout que Pontiak fait ça drôlement bien et depuis un moment. Neuf sorties chez Thrill Jockey en comptant les EP et les collaborations. C’est quand même pas rien, les frangins Carney n’ont pas l’air feignant !
Ce disque s’adresse donc aux adeptes de rock indé, de zick psyché/hippie, de gros rock et donc bien entendu à ceux qui aiment le stoner.
Pour revenir sur mes comparaisons, il faut quand même ajouter qu’avec cet album on pense beaucoup moins à Pink floyd que sur les précédents, il y a toujours 2-3 plans/solo de gratte ou ligne de voix qui font qu’on s’y replonge mais dans l’ensemble l’album est beaucoup plus sombre et tourné vers le coté « hard rock » des 70. Le son de gratte quand la fuzz est enclenchée est un des plus gras et saturé que j’ai entendu dans ce style, bien défini mais sale comme c’est pas permis. J’aime quand c’est degueu, ça tombe bien !
A ce propos, tout l’enregistrement est comme ça, du genre :
Arrivé au studio,
1/ on monte le matos
2/ on place les micros
3/ on règle les niveaux
4/ tout est dans le rouge on peut enregistrer.
Ça donne ce coté bien roots et à l’arrache qu’on trouve sur les vieux AC/DC et compagnie, le charley et les toms qui saturent sur les passages énervés. Attention, ça a sans aucun doute été fait dans un studio analogique donc la satu sur les instruments où on ne s’y attend pas (plus?) est belle et agréable à entendre. Je trouve ça classe aujourd’hui où tout est super propre et retouché 15 fois !
Là dessus il y a cette voix traînante, planante et pas toujours juste qui se ballade et nous emmène faire un tour en Angleterre (bizarre pour des gars de Virginie). Les mélodies sont comme à l’accoutumée très mélodiques et inspirées et apportent de la légèreté à l’ensemble. Petit bémol, la voix est tellement typée qu’au départ on peut lui reprocher d’amener un coté un peu répétitif. Ça passe rapidement et ça fait partie du charme du trio.
Comme souvent avec ce genre de groupe, il vaut mieux éviter de vouloir se faire une idée avec un morceau pris au hasard, l’album forme un tout. Tirés du contexte les morceaux ne font pas mouche alors que le disque tiens vraiment bien la route (haha, Pontiak tient la route, j’ai réussi à le placer !). Lors des premières écoutes j’ai trouvé qu’il y avait un petit essoufflement sur la fin de l’album, mais depuis la troisième ou quatrième fois j’ai du mal à y déceler un point faible.
Voilà c’est l’heure des adieux. Un conseil sur la façon de découvrir “Innocence” ?
OK : rendez-vous dans un champ, n’importe lequel du moment qu’il y a de l’herbe, des pâquerettes, des arbres et du calme. Se mettre un bandeau rouge autour de la tête, un patch Led Zep sur la veste et envoyer la sauce.
Si au bout du troisième morceau vous êtes entouré de beatnik faudra pas trop s’étonner, ça fait toujours ça.
P.S. : J’ai sans doute abusé des champis qui poussent sous les bouses de vache mais la batterie enregistrée à l’envers sur le morceau “Shining”, ben je trouve ça cool… saleté de hippies, c’est contagieux !
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