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1995, 1998, 2001, 2004, 2007, 2010, et maintenant 2013… Avec une régularité quasi métronomique qui ferait presque peur, Monster Magnet sort sa traditionnelle galette triennale ce mois-ci, sous la forme de ce “Last Patrol” doté d’un artwork qui donne sa part de bave aux lèvres. Dave Wyndorf s’est répandu depuis des mois, d’interview promo en interview promo, sur l’intention qui est la sienne de revenir avec ce disque vers le penchant le plus “space rock” du combo, un retour direct en arrière de quasiment deux décennies, en gros. Alors, le pari est-il gagné ?
On aurait tendance à commencer par un petit “oui”, dans le sens où il y a, clairement, changement, ou plutôt “évolution”, comme aiment à dire les musiciens. L’album est franchement plus aérien, largement exempt des passages de gros hard rock US, tous riffs en avant, qu’aimait tant mettre en avant papa Wyndorf (allez, y’a quand même le très hymnique “Hallelujah” qui en a encore quelques atours…). L’album est donc plus “space”, c’est sûr, mais il n’est pas en revanche aussi “planant” que pouvait le laisser imaginer les dires du frontman, et surtout que pouvaient être certaines de ses productions du début des années 90. Les chansons sont étirées en longueur (la durée moyenne de l’ensemble des chansons de l’album culmine pas loin des 6 minutes, quand même…), aérées, dégagées de toute lourdeur inutile. Le fait étonnant toutefois, c’est que l’ennui ne guette jamais vraiment : même s’il se contente de phases musicales plutôt répétitives, de structures de composition assez basiques, le groupe reste toujours sur la brèche, et ne va jamais trop loin. Du coup, on se retrouve avec des compos atypiques (on n’est plus habitués, depuis le siècle dernier en gros, à rencontrer ce type de musique sur un album de ce niveau) et épiques. La tension est donc maintenue tout du long, c’est très intelligent.
Ca commence avec un “I live behind the clouds” qui ne met pas plus de cinq secondes à nous rappeler que MM est le groupe de Dave Wyndorf avant tout : intro en son clair et sa voix suave et puissante largement mise en avant pendant deux minutes, puis débarquent les grattes pour un assaut en règle tout en gros accords bien gras, avec l’arrivée par-dessus d’une première strate de solo, et d’une deuxième en fond. Et hop, la preuve par trois de l’intérêt d’un trio de gratteux dans un groupe. Intro parfaite, en tout cas, enchaînée avec le morceau-titre de l’album, une perle Monster Magnet-ienne : riff sommaire, un refrain qui se limite à une ligne rythmique typique (en gros la basse de Baglino adossée à la frappe binaire de Pantella), des tas de soli impeccablement exécutés (quelqu’un se souvient d’Ed Mundell ?), quelques passages planants pour refaire monter la tension, et ça déroule non stop sur presque dix minutes, sans lâcher prise ou dériver à aucun moment. Aucun morceau particulièrement faible ne vient ensuite faire vaciller ce bien bel édifice érigé en l’honneur du dieu Space Rock. Il y a des titres lents qui fonctionnent bien (qui eut cru que l’on puisse se gauffrer les 4:37 min d’un “Paradise” ou les 5:07 min de “The Duke (…)”, tous deux joués en acoustique et son clair, sans bailler une seconde ?). Autre perle, “Mindless Ones” vient résumer les quinze dernières années de carrière de l’aimant monstrueux en quelques minutes, via une sorte de condensé de toute l’expertise du quintette : encore un refrain au firmament, encore une rythmique binaire embarquée par une basse bondissante, encore des assauts de soli impeccables, encore le chant (toujours sans faute) d’un Wyndorf au sommet de son art…
On pourra un peu regretter de ne pas avoir de vrais gros riffs à se mettre sous la dent, mais à tout bien réfléchir, Monster Magnet n’en a jamais été un gros pourvoyeur, ce n’est tout simplement pas comme ça qu’ils jouent. MM, c’est des power chords enquillés les uns après les autres avec une attaque de cordes rageuse, c’est des gratteux qui font tourner leur bras droit comme si le dernier jour était arrivé, c’est des salves brutales et sensuelles, des rythmiques lancinantes et oscillantes – ça fait bouger les corps, voilà tout ! Monster Magnet = musique de pole dancing ultime ! Mais trêve de divagation… Monster Magnet l’a jouée très fort sur ce coup, se replaçant insidieusement et légitimement à la place qui reste la sienne dans le genre musical : tout en haut… A dans trois ans les gars !
On n’a pas fini de gloser sur cette vague de hard rock “revival”, ces groupes bien relayés (à juste titre) par la communauté stoner entre autres, qui se placent en émanation directe des volutes enivrantes du hard rock 70’s. Y’a qu’à voir : tous les labels ont leur groupe revival! Witchcraft, Graveyard, Kadavar, Orchid, Scorpion Child, ou encore dans une moindre mesure les groupes comme Freefall, Blues Pills … Ah non, on me souffle qu’ils sont tous chez Nuclear Blast, mea culpa… Issus eux aussi de Scandinavie, les cinq suédois ont, eux, un toit chez les anglais de Rise Above, un label que l’on a connu plus élitiste (intransigeant ?) dans ses choix musicaux. Tant mieux ! Leur troisième album, le second pour le label de Lee Dorrian, est sorti il y a quelques semaines déjà.
Partis du postulat ci-dessus, le moins que l’on puisse dire est que l’effet de surprise est pour le moins évaporé depuis longtemps quand on écoute les premières plages du disque. Ce qui ne remet pas en cause la qualité intrinsèque du skeud : après tout, on sait ce que l’on y trouve, et dans le genre, on en a pour son argent ! Si vous ne les connaissez pas (et que leur look de hippies moustachus ne les a toujours pas trahis… Vous êtes vraiment pas perspicaces…), vous pouvez vous imaginer une sorte d’orgie où se croiseraient Deep Purple (le chant, quand même : “She cried Wolf”), Uriah Heep (voir certains vocaux, aussi), Hawkwind, les duos de guitare harmonisés et les rythmiques sautillantes de Thin Lizzy (“Backstreet”) et les assauts des groupes de hard anglais du début des 80’s (“Brother”, les riff d’intro de “Diamonds in Orbit” et “Ain’t no Turning Back” ou le somptueux “Eyes of the Father”). On peut pas se tromper avec ces groupes en ligne de mire. A noter que le groupe, comme il l’avait fait sur son premier disque, n’hésite pas à chanter deux de ses titres dans sa langue natale, une petite surprise auditive rafraîchissante.
On n’est pas non plus déstabilisé par le concept vinylique proposé : 10 chansons, 34 minutes, le format lui-même sent bon les 70’s ! Si ce n’était cette hideuse pochette (où est l’argument commercial ? Les gars on va pas acheter votre skeud pour la beauté de vos jeans moule-burnes ou de vos pattes d’eph’ rayés !)… Mais au diable les détails, finalement. Dans une marmite vieille de trente ou quarante ans, nos hommes venus du froid ont concocté one musique juste bien foute, des titres bien écrits, concis, efficaces (pas de jams à rallonge : droit au but), se font plaisir et nous font plaisir. On ne va pas s’embarquer à questionner la légitimité, l’intégrité ni même l’honnêteté artistique de la démarche du combo (encore une fois : suffit de voir leurs dégaines pour constater que les gars sont dedans jusqu’au cou…), on va juste se replonger dans ce vieux fauteuil confortable, monter le volume, fermer les yeux et appuyer sur “repeat” pour garder le sourire.
Bright Curse est un trio français basé à Londres qui a vu le jour en juin deux-mille-douze. C’est très rapidement que ces trois garçons dans le brouillard de la capitale britannique se sont mis sérieusement au boulot pour graver leur première trace sonore puisque Romain au chant et à la guitare, Zach à la batterie ainsi que Sammy à la basse sont passés par la case studio durant l’été qui suivi leur formation. JB Pilon s’est tapé le boulot en studio et lorsque Sammy a quitté le groupe huit mois plus tard, il l’a remplacé au manche de la quatre-cordes.
Fort d’un deal avec Bilocation Records, nos lascars s’attèlent désormais à la promotion de leur art avec une réussite certaine puisqu’ils ont déjà foulés un nombre impressionnant des scènes du Vieux Continent avec notamment Naam à l’Usine de Genève. Cette plaque, qui est aussi disponible sur les plateformes de téléchargement légaux, fait l’objet d’une sortie de toute grande classe en vinyle que les détracteurs de la musique virtuelle peuvent se procurer afin d’embellir leurs collections.
Pour ce qui est du son, après une intro congrue – ‘A Sonic Wave’ – instrumentale – cela va de soit – assénée à grands coups de basse, les choses débutent sur une plage de plus de sept minutes qui prend tout son temps pour se mettre en place. Indissociable de son intro, ce titre, au tempo fort ralenti, prend son envol sur la ligne de basse bientôt rejointe par un chant – en anglais forcément – assez haut perché et des martellements simples, mais efficaces à la batterie. A mi- morceau, lorsque la guitare d’abords discrète se lance dans des solo psychédéliques, on est immédiatement conquis par le bon fuzz que balancent ces citoyens du monde. Ca fleure bon les compos mid-tempo que concoctèrent jadis Dozer sur leur avant-dernier album. Après ce ‘The Hermit’ de grande classe, on a droit à une composition plus classique nommée ‘Unknown Mistress’ sur laquelle on frise par moment le style robot rock. Ce titre très aérien, qui oscille entre envolées binaires et plans apaisés, dure un temps égal à son prédécesseur.
On attaque la dernière ligne droite – et le plat de résistance – avec ‘What’S Beyond The Sun’ qui est le premier des deux derniers titres qui vont taper les neuf minutes au compteur. D’obédience plutôt désertique, cette plage débute tout en douceur sur une rythmique ensorcelante qui, avec la tessiture de la voix, se rapproche indéniablement de l’énorme ‘Until Man Exists No More’ de Dozer. On passe un bon moment en compagnie de ce riff qui tourne et cette violence retenue jusqu’au terme d’un morceau qui est juste énorme ! Pour finir on va flirter avec Orchid – ou Black Sabbath c’est selon l’âge de l’auditeur – à l’écoute de ‘Mind Traveller’ sur lequel le vocaliste se lâche carrément sur un mur de guitares distordues soutenu de belle manière par une rythmique plombée. Encore une énorme compo à mettre au crédit de ce groupe dont on devrait bientôt entendre parler bien au delà de la communauté stoner francophone.
Les adeptes de stoner subtil et psychédélique feraient bien de se procurer d’urgence ce premier effort à la fois halluciné et hallucinant car il se situe nettement en dessus de ce que les formations du nord de l’Europe nous livrent ces derniers temps.

Le florilège d’envolées lyriques qui entoure la sortie de ce disque incite à rationaliser un peu quelques éléments de contexte, pour dépassionner le débat en quelque sorte. Commençons par préciser ce qu’est, et ce que n’est pas, Vista Chino. Vista Chino déjà, rappelons le, a adopté ce sobriquet en remplacement de son nom initial Kyuss Lives!, forcés par une décision de justice ; sans cela, ce disque aurait été celui de Kyuss Lives!. Derrière ce patronyme, le béotien aurait pu penser retrouver la majorité de Kyuss, sauf que n’y figure en fait que 75% du line up… de “Blues For The Red Sun” ! Oliveri se fera virer juste après, et Brant Bjork un peu plus tard… “Blues…”, donc, un album qui, s’il est excellent, n’est pas pour autant le plus connu ni le plus intéressant de Kyuss, loin s’en faut. Par ailleurs sur cet album, notons que Seul Brant Bjork (batterie…) avait participé au travail de composition (sur environ un quart des titres) et Oliveri sur un seul morceau. Garcia n’a contribué pour sa part aux paroles que de quatre des chansons qu’il y interprète. Quant aux albums suivants, qui ont créé et scellé le succès de Kyuss, notons que seul Brant Bjork apparaît timidement sur Sky Valley (15% du travail de composition), Garcia étant absent des crédits (et à peine présent sur “… Circus”). Voilà donc pour mieux caractériser les inputs de cet album : clairement, et factuellement, ce sont les seconds couteaux de feu-Kyuss qui se sont retrouvés dans Kyuss Lives!, il est important de s’en souvenir. Ces gars là n’ont jamais écrit quoi que ce soit ensemble depuis plus de vingt ans avant cet album, et dans tous les cas, peu de choses décisives dans la carrière de Kyuss. On retrouve donc sur ce disque nos trois lascars (ou plutôt deux, le père Oliveri ne faisant plus partie du projet, ayant quitté le navire quand ça commençait à sentir pas très bon…), avec leur guitariste belge Bruno Fevery, qui co-compose la quasi entièreté du disque avec Brant Bjork (ce dernier produisant et enregistrant la galette dans son propre home studio). Voilà, le paysage est dressé, on décompresse, on se sent mieux, on peut commencer à écouter l’album.
Après une intro bouche-trou, difficile d’entendre “Dargona Dragona” en la liant aux éléments de contexte ci-dessus. On passe de “Allen’s Wrench” à “Green Machine”, puis à “Thumb” sur le couplet, et des vocalises de Garcia sur le refrain déjà entendues sur “Tangy Zizzle”… Ca commence bien ! Pour la distanciation avec le groupe-matrice, on repassera… Que Vista Chino ait choisi de mettre le focus sur ce titre pour engager la promo de leur album est soit un acte manqué qui ne dit pas son nom, soit une décision stratégique qu’il convient de bien peser. Petit malaise, donc, passées les cinq premières minutes du disque. Satisfaction en revanche dès les premiers titres sur la bonne performance de John Garcia : le chant du gaillard ne s’est jamais rapproché autant de Kyuss (qualitativement) que sur cette galette. Une technique vocale, d’ailleurs, qu’il avait mise de côté pour d’autres tessitures sur ses autres projets. On revient à l’écoute du disque pour constater que la faute de goût introductive se résorbe petit à petit avec “Sweet Remain” puis “As you wish”, des titres moins empreints de la touche Kyuss (si ce n’est – et c’est une dominante sur l’album – ce son de batterie typique des premiers albums de Kyuss). Malheureusement, une seconde erreur est commise par l’intermédiaire du bicéphale “Planets 1 & 2” : son riff principal sonne comme un ersatz un peu glauque de “Green Machine”, jumelé à celui de “Odyssey”. Le chant de Brant Bjork sur la première partie de cette chanson n’apporte pas grand-chose (si ce n’est quelques souvenirs d’une carrière solo qu’on aimerait lui voir réactiver). Dommage pour le groupe d’avoir gardé sur ce titre cette séquence outrageusement pompée, sans laquelle on aurait pu apprécier un titre par ailleurs pas inintéressant – difficile de comprendre leur mode de pensée à ce stade… S’ensuivent comme précédemment une série de titres plutôt sympas, originaux, qui s’éloignent de l’ombre Kyussienne, notamment les assez originaux “Dark and lovely” et “Barcelonian” (le refrain de ce dernier et son break pourront même rappeler comme un clin d’œil les guitares aériennes et lancinantes des superbes Fatso Jetson), dont la fin est vraiment réussie. Puis vient l’autre double titre, “Acidize – The Gambling Moose”, morceau fleuve de plus de treize minutes trop hétérogène pour remporter la timbale. Clairement sa première section supplante la seconde (notons d’ailleurs que scinder ces deux titres aurait eu plus de sens, musicalement parlant, leur lien supposé ne sautant pas vraiment aux yeux).
Il est néanmoins insuffisant d’apporter uniquement à cet album un regard passé par le prisme de Kyuss. Si l’on approche la musique du combo dans une perspective complètement neutralisée, un œil neuf et un esprit non encombré de l’engrammage kyussien qui est fatalement le nôtre, on peut alors proposer un constat plus nuancé. Car ce disque est bon, agréable même. Les morceaux sont variés, il y a des passages audacieux (on n’ira pas jusqu’à parler de prise de risque, n’exagérons rien, mais il y a de vraies nouveautés sur les lignes vocales de Garcia par exemple). Les compos ne sont pas l’œuvre de bras cassés, et les titres sont accrocheurs. En complète transparence, on pourra déplorer le manque de “finition” de l’objet : on n’a pas un festival d’arrangements audacieux et de compos ciselées au scalpel (“Dark and Lovely”, franchement, il manque quelque chose pour que ça devienne une chanson…). La prod de Bjork est brute, ce qui n’est pas complètement négatif, et apporte un charme particulier à l’objet, une authenticité bienvenue. A titre personnel, je trouve le son de caisse claire en carton un peu daté pour un disque affichant si haut ses ambitions, un peu comme le mix de certaines lignes vocales (“Adara”), mais bon, ça passe bien…
En revanche, on a beau tourner autour du pot, le principal défaut de ce disque, si l’on s’attendait à du Kyuss (d’une manière ou d’une autre c’est forcément le cas), c’est son affligeant manque de lourdeur, que tout le monde semble avoir oublié dans les composantes principales du groupe originel : où est le riff pachydermique qui nous cueillait dès les premières secondes de “Gardenia” sur Sky Valley ? Le mur de grattes infranchissable de “Odyssey” ? Le riff monolithique sur-saturé physiquement éprouvant de “Tangy Zizzle” ? La ligne de basse tellurique qui nous plaquait au sol dès les premières mesures de “Spaceship Landing” ? Au lieu de ça, on retrouve la basse famélique de Oliveri (qu’on adore par ailleurs, mais pas forcément dans cet exercice stylistique) et la guitare de Fevery ; on est loin du compte. Le belge est un bon guitariste, mais en tant que membre non originel, son approche de la musique via ce projet laisse quand même dubitatif : son intention musicale intime en tant que musicien et en tant qu’artiste se matérialise via un mimétisme sonore et stylistique avec Josh Homme. Une approche artistique un peu embarrassante pour l’auditeur, car elle se traduit par la composition de riffs “presque déjà entendus”, et des sons de gratte qu’il est parfois gênant d’entendre vingt ans après sur un disque récent, par un autre musicien… Difficile de concevoir qu’artistiquement copiage et réalisation de soi font bon ménage – et ce même si l’on est fan absolu du musicien originel, ce qui est probablement son cas.
Bref, ce disque suscite, à juste titre, passions et avis tranchés. Mon avis ne l’est pas, tranché, tant l’on sent dans les propos ci-dessus contradictions occasionnelles et circonspection générale. Le malaise en revanche (qui est trop peu mis en avant par les différentes chroniques déjà proposées sur ce disque) tient non seulement dans l’intention de l’album (trop peu abordée ou questionnée), mais surtout dans la cible marketing du disque : tout le monde se force à rappeler, en substance, “Vista Chino est un nouveau groupe, il faut le juger en tant que tel”, sauf que non ! Vista Chino, c’est Kyuss Lives!, déjà, mais surtout, qui achètera ce disque sans connaître Kyuss ? Personne, évidemment : tout le monde l’achètera “pour savoir” en quoi il répond ou pas à son attente personnelle (naufrage musical, espoir retrouvé, nostalgie…). Faire abstraction de ce facteur est une erreur que l’on essaye de nous refourguer sous couvert de pseudo-neutralité journalistique or il est rigoureusement impossible de l’éluder dans la considération de ce disque en tant qu’œuvre musicale.
Mais passés ces constats, rappelons-le, la musique proposée par le groupe, dans l’absolu, est très intéressante. Les compos proposent des choses surprenantes, il y a de bonnes idées, et le matériau de base est bon, très bon même. C’est un bon album. Entendre ces musiciens, que l’on adore, jouer ensemble et être complètement inscrits dans le présent fait sincèrement plaisir : la musique n’est pas datée, et les musiciens jouent bien ensemble. Malheureusement, et l’oublier serait malhonnête, la raison d’être du disque suscite plus d’intérêt et de troubles que la musique elle-même, ce qui n’est jamais de bon augure. Nous verrons si après quatre albums le constat sera le même…
Avec le sentiment d’avoir mal entamé ma relation avec Lonely Kamel (jamais eu l’occasion de les écouter ces dernières années, et un concert vu dans des conditions moyennes au Desertfest Berlin), j’étais résolu à me faire une opinion plus factuelle en faisant l’acquisition de leur dernier album en date, le pourtant “vieux” Dust Devil (2011). Bien m’en prit ! Ce constat positif, c’est rare, était évident dès la première écoute de l’album : compos chiadées, rythmiques variées, son impeccable… On sait qu’on est entre de bonnes mains et que l’on peut se plonger dans cette galette corps et âme pour quelques heures en bonne compagnie…
Musicalement, Lonely Kamel fait du bon stoner, dans le sens le plus pur du terme, c’est-à-dire du gros hard rock sous influences 60s-70s, tendance psyché/blues, doté d’un son massif que l’on dirait propre aux meilleurs groupes scandinaves. Ce postulat ne suffit pas à caractériser un bon disque, et c’est là que le talent du quatuor suédois intervient : après plusieurs écoutes à essayer d’identifier le “petit truc en plus”, la touche qui rend ce disque si attachant, on finit bredouille. Pas de secret, si ce n’est un talent de composition manifestement rôdé par des musiciens qui ont fait de la scène leur terrain de prédilection (rarement un combo aura traîné une réputation scénique aussi flatteuse) : on peut sans peine imaginer que cette compétence confirmée sur le terrain du live enrichit leurs compositions dans une sorte de cercle vertueux. Efficacité, concision, plaisir de jeu… On trouve de tout dans cet album : des riffs acérés, des plages propices à de potentiels jams en live, des soli, etc… On est rassasié. Et cette accumulation de bons moments ne suffit toujours pas à expliquer la qualité de la chose. Il y a une sorte d’alchimie inexplicable qui détache ce disque de la plus grosse part de la production contemporaine. En gros, ce n’est pas le meilleur album de tous les temps, mais on y sent de la passion, de la sueur, de l’envie, de la fougue… De la vie quoi !
Parlons des compos quand même, qui méritent leur pesant de cacahouètes. On est d’abord cueilli par la superbe intro toute en bottleneck bien grassouillet de “Grim Reefer”, qui s’emballe à mi-morceau dans une petite tornade groovy. Le point d’orgue de ce disque est enquillé juste après, avec un “Evil Man” qui porte à lui seul toute la grace furieuse de ce disque : un riff taillé dans le marbre de Carrare, une structure simplissime (2 couplets-refrains, 1 pont, 1 couplet-refrain), un son monolithique impeccable (les deux guitares dans un même mouvement), un solo complètement jouissif (tout en simplicité), un gimmick vocal impeccable (“wouhou”)… Tout est là, sur trois minutes. Le titre suivant est un subtil mélange entre doom et blues, typique musicalement des premiers Sabbath. Plus loin, “Rotten Seed” nous déduit avec ses grattes fuzzées au délicieux son presque croustillant… Plus loin encore, “The prophet” nous cueille avec son riff enjoué en début de morceau, pou nous amener sur une fin de morceau lourde, lente, portées par des lamentations de Thomas Brenna, qui n’en est pas à sa première prouesse vocale sur ce disque, tant sa tessiture vocale chaude et rocailleuse à souhait sied parfaitement à la musique du combo. Bref, la suite est à l’avenant : déluges de grattes, rythmiques de charpentier, groove…
Même si ce disque ne changera pas la face du monde, il est là pour (dé)montrer si besoin était qu’il est possible aujourd’hui de produire une musique sacrément excitante dans un cadre musical “balisé”, dans un spectre d’influences vaste mais déjà pratiqué par d’autres. Mérite grandement d’être découvert, si ce n’est déjà fait.
On n’avait encore jamais parlé de Vibravoid sur Desert-Rock. L’occasion donnée par la sortie de ce “Delirio Dei Sensi” sur le label transalpin Go Down nous permet de combler ce manque. Vibravoid, c’est un groupe allemand né au début des années 2000, à l’initiative de son frontman Christian Koch. Vibravoid c’est aussi déjà presque vingt albums au compteur (dont neuf ces trois dernières années…), et une pelletée de singles, EP, etc… La production de ce groupe est juste dantesque. Musicalement, Vibravoid c’est un peu une fenêtre dans le temps, un combo qui évolue dans un genre sans âge, et qui s’y cantonne avec bonheur depus les débuts de sa carrière. C’est remarquable et honorable en soi. Après, comme on dit, “faut aimer”…
Parce que oui, Vibravoid c’est quand même un sacré choc musical. Le groupe pratique un rock psychédélique absolu : leur appréciation du genre est si totale, qu’ils ont pris le relais direct (avec quelques décennies mises entre parenthèses) des Pink Floyd (époque Barrett), Cream, Hawkwind, Tangerine Dream ou Amon Düül, en développant leur propre approche, complètement intègre, du genre. Le décalage temporel est vibrant, et il suffit d’écouter les deux ou trois premiers titres pour l’assimiler complètement : instrumentalement, le clavier prend presque toute la place. Un orgue “old school”, au son presque constant sur tout le disque, proche du Mellotron, comme un son de Hammond chargé d’écho, une composante aiguë et spacy qui surnage sur tout le disque. La guitare est bien là, mais rarement dans une posture offensive (contre-exemple : “Magic mirror”), tout comme les autres instruments.
Si l’on passe à l’écoute de l’album ici présent, nous autres francophones sourions gentiment à l’écoute du premier titre, une reprise du “Poupée de cire” de Gainsbourg (via France Gall). Sont marrants ces allemands quand même… Sauf que non, c’était pas une blague : c’est vraiment pour honorer la mémoire de Gainsbourg qu’ils reprennent ce titre avec la plus grande sincérité musicale ! Ce n’est d’ailleurs pas le seul : le CD de l’album comporte aussi en bonus (cinq bonus par rapport au vinyl quand même) la reprise de “La poupée qui fait non” de Polnareff, du même tonneau ! Le groupe n’est d’ailleurs pas avare en reprises (Aphrodyte’s Child, Tyrnaround, Human Expression…). Faut dire que cet album a une genèse particulière : le boss de Go Down Records, profitant de leur venue en ses terres nord-italiennes, leur a proposé pendant deux jours le gîte et… le studio ! Le combo a donc commencé par enregistrer quelques reprises issues de son set live (cf plus haut) puis a enregistré de nouvelles compos, en gestation jusqu’ici ou même complètement écrites ou improvisées en direct. Personnellement je retiendrai surtout “Listen can’t you hear”, qui sur plus de dix minutes, déroule un gimmick musical intéressant, l’excellente reprise de Tyrnaround “Colour your mind”, et le super ambiant “The golden escalator”, avec ses presque treize minutes de trip planant…
Il y a de ces groupes qui ne pratiquent pas un stoner pur jus, mais qui ont construit ou construisent leur carrière avec le soutien indéfectible des fans de stoner (on citera par exemple Mastodon, High On Fire, Red Fang…). Valient Thorr est de ces groupes, dont le dénominateur commun est la qualité et l’authenticité musicale. Même donc si vous ne trouverez pas les composantes clés du stoner sur cette galette, nous savons que vous êtes nombreux à apprécier le groupe pour ce qu’il est : une grosse bande de rockers.
Après un très bon “Stranger” qui les faisait en quelque sorte culminer dans leur genre musical, Valient Thorr a décidé de remanier son approche, en commençant par confier sa dernière production à un nouveau : exit Jack Endino, welcome Kyle Spence (musicien chez les heavy noiseux de Harvey Milk, sans expérience significative de production avant… un choix audacieux !). Musicalement, “Our own masters”, sans être le cul entre deux chaises, propose une variation intéressante : il renforce ses points forts, mais y dissémine des atours plus mélodieux (beuark ! Si un jour j’avais imaginé écrire ce mot dans une chronique de VT…). Bon c’est quand même pas du hard FM, rassurez-vous, et en cela les choses n’ont pas tant changé : se taper les douze torgnoles de cet album est aussi confortable qu’une nuit dans un lit king size avec un grizzly priapique. On y retrouve notre confortable dose de riffs bigger than life, des déluges de leads guitars (putain, ça fait du bien de se bouffer quelques soli de gratte non démonstratifs, juste en efficacité pure : à ce titre, Eidan et Sadat assurent grave, et notamment dans les passages en harmonie), des chants beuglés adossés à des chœurs très bien servis… Pas de déception.
Seulement dans ses compos, le groupe glisse désormais insidieusement certains refrains catchy (sacrilège !), des riffs mélodiques (honte…), etc. Témoins : le riff de “Manipulation” (ou son refrain que n’auraient pas renié Turbonegro) ou celui de “Torn Apart (avec son chant clair presque déstabilisant), le solo de mi-morceau sur “Insatiable” ou encore le titre “Call off the dogs” dans son entièreté. Mais la force de cet album c’est qu’on y trouve aussi des pépites punk aussi brutales que “Master Collider” (2min14 au garrot), “Crowdpleaser” (un sympathique air de Lemmy au chant sur ce titre…), “Life hands you demons” (27 secondes de furie furieuse).
Bref, les fans de Valient Thorr retrouveront leur dose d’agression auditive, et avec un peu de chance, le groupe ralliera à sa cause toujours plus de Thorriors grâce à cette subtile prise de risque. C’est tout le mal qu’on leur souhaite !
A en juger par les retours sur les productions précédentes de Tracer, le trio australien propose tout ce qu’il faut pour satisfaire bon nombre de desert-rockers. Si pour autant le groupe n’évolue pas dans les sphères immédiates du stoner rock pur jus, les riffs lancinants du combo, son son de guitare, et d’autres facteurs séduisent bon nombre de stoner-heads. On remarquera avec un certain plaisir la production régulière du groupe : après un album en 2011, un EP “amélioré” en 2012 pour passer le temps, les voici déjà revenir avec sous le bras une nouvelle galette… Ils ne sont pas prêts de se faire oublier !
“El pistolero” en introduction nous fait craindre une propension trop prononcée vers un metal trop classique et trop éloigné de nos contrées sablonneuses de prédilection. Mais très vite, le vent de l’outback commence à gagner nos oreilles… et de manière presque “choquante” : il faut entendre en effet le couplet de “Lady killer” et son effarante reprise de celui du “Odyssey” de Kyuss, dans le riff et la ligne vocale. Pourtant, nos bonhommes ne sont pas débiles, dès lors on hésite entre l’innocence complète, et simplement l’hommage modeste. Passé cet épiphénomène, le reste de l’album reprend un peu de hauteur et on retrouve ce qu’on apprécie chez Tracer : une musique audacieuse, débridée, ample, portée par un son rond et solide, et des vocaux particulièrement marquants (Michael Brown n’a toujours pas décidé de se débarrasser de son encombrante ressemblance vocale avec Chris Cornell – chassez le naturel…). En choisissant le vétéran classieux Kevin Shirley à la production (plus connu pour avoir produit des prod hard rock rutilantes, notamment Maiden, Rush, Journey, mais aussi Slayer ou un DVD de Led Zep’), le modeste combo de l’autre hémisphère affiche haut et fort son ambition. Et côté son, pas de modestie à avoir, ça dépote, c’est propre et c’est véloce. Le groupe ayant ainsi sécurisé la forme, restait à travailler sur le fond, à savoir les chansons, et là encore le groupe ne déçoit pas. Son talent dans la composition n’est plus à prouver, et tout en étant variées, les chansons sont toutes originales, et ont une accroche particulière, une immédiateté que beaucoup de groupes leur envient. Difficile de citer à ce titre quelles chansons sont meilleures que les autres. On mentionnera tout au plus “Dirty little secret” (avec son couplet 100% QOTSA), “Scream in silence” (le mid-tempo qu’on déteste aimer), le percussif “Wolf in cheap clothes”, et le meilleur titre selon moi, “Hangman”, qui mélange refrain à la Soundgarden, passages orientaux à la “Kashmir”, le tout porté par une rythmique ronde et robuste.
Bref, si vous ne devez en aucun cas attendre à travers Tracer la relève du stoner californien, vous pourrez dans tous les cas apprécier la musique péchue du combo qui compte parmi ses influences certains de nos groupes préférés. Apportant leur propre identité décomplexée, ils ne versent jamais dans le plagiat, et proposent au contraire des compos soignées, efficaces, qui ont un potentiel de séduction assez étonnant pour peu que l’on ait les écoutilles grandes ouvertes.

De Bergame en Italie nous vient ce jeune trio issu de la foisonnante écurie Go Down Records. Difficile de trouver plus d’infos sur le groupe dont l’essence même tourne autour de… la bière ! Leur nom, déjà, le nom latin du type de plantes auquel appartient le houblon. La bio du groupe ensuite, qui ne s’embarrasse pas à parler de musique, mais détaille uniquement la passion du groupe pour la bière… Je vous passe le livret intérieur, où nos 3 lascars sont pris en photo couchés sur le sol au milieu des cuves d’une brasserie, et où des dessins voient des éléphants se prosterner devant des chopes… Avouons qu’en regardant la pochette du disque (un éléphant qui porte une bière avec sa trompe) on se demande si Humulus n’est pas un peu le Tankard du stoner transalpin.
Les premières écoutes ne viendront pas contredire complètement ce postulat, malheureusement… C’est gras, grassement stoner souvent, mais très proche du metal, voire du vieux thrash “à l’allemande”. Rien de péjoratif là dedans, mais quand on est familier et appréciatif du stoner italien plus “classique” (plutôt psyche, space rock…), on est surpris (euphémisme). Passé cette surprise, on se laisse aller à apprécier certains titres vraiment pas mauvais, tels le très heavy instrumental “Gums”, “Humuls Synt” en conclusion ou alors “Banshee” et son riff simplissime.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire en première approche, ce disque n’est pas ridicule. En jouant le cliché à fond, finalement ils parviennent à dérouler leur gros metal aux relents stoner de manière décomplexée, peinards. Au bout de quelques écoutes on peut vouloir changer un peu d’air, mais on y revient sans trop de déplaisir. Pas si mal.

Magna Saga est d’ores et déjà précédé d’une belle réputation au royaume de sa Majesté, après avoir notamment ouvert pour Nick Oliveri, Brant Bjork, les Truckfighters ou encore Nebula. Cette réputation repose sur l’intensité de leurs performances live, mais aussi sur la qualité de leurs morceaux. Les 5 titres qui composent The Fox sont la parfaite illustration de ce que le trio londonien est capable de faire en matière de cocktail musical détonnant. Des vocaux tantôt pop, tantôt QOTSA-ien, une musique proprette fleurtant tout aussi bien avec l’aspect poussièreux du stoner de la scène de so-cal, qu’avec le côté « in-your face » d’un Karma To Burn (le combo de West Virginia n’aurait certainement jamais renié un morceau comme l’instrumental ‘The fox’). Le résultat est absolument génialissime et plein de fraîcheur. Entre le somptueux ‘Bellicose’, et son enivrante montée en puissance à faire dresser les poils d’un imberbe, l’excellent ‘First and last’ ou encore l’énorme final syncopé de ‘The night of broken glass’, vous n’aurez que l’embarras du choix pour satisfaire vos oreilles. Après les Beatles et le Sab’, Magna Saga mérite d’être « the next big thing » venue d’Angleterre…..Ces trois là ne resteront pas sans label très longtemps.
Stonerpope

Décidément, il s’en passe des choses en Bretagne, plein d’initiatives intéressantes se matérialisent depuis plusieurs mois en lien avec la musique que nous aimons. Cette fois, c’est un nouveau groupe qui se fait connaître. Brain Pyramid, donc, en provenance de Rennes, est un trio formé il y a à peine plus d’un an maintenant, et compte en ses rangs Ronan, qui joue aussi dans les doomeux de Huata.
Mais point de doom ici : comme son patronyme le laisse penser, on baigne plutôt dans une ambiance psychédélique avec Brain Pyramid, mais pas tendance “planant”, attention : le groupe se pose en directe émanation des groupes de rock des années 60 et 70, dans la veine des guitaristes qui découvraient ou faisaient découvrir la disto et les prémices du fuzz, à la Hendrix par exemple. Dès le premier titre de cet EP, l’instrumental “Bad Luck”, on est pris par ce jeu de gratte, Gaston chargeant ses couplets de wah-wah et enquillant très vite les soli aériens. Derrière, la basse joue impeccablement son rôle modeste de structure rythmique avec ce son rond et chaleureux qui, effectivement, nous fait remonter le temps. “Stone Woman Blues” se repose avec insolence sur une rythmique… de blues (!!) on ne peut plus classique (trop ?), avant de partir sur la fin du morceau sur une jam endiablée renforcée encore par une basse punchy et toujours un jeu de batterie à l’avenant. Même tonalité blues, et même bluegrass sur le (toujours bien nommé) “Mary Jane Blues”, intégralement jouée en steel guitar / bottleneck. Retour dans le rock 70’s avec “Cosmic 1000 years” et son irrésistible boogie, qui vient charger une jam de quasiment cinq minutes non stop, qui finit avec un pied sur l’accélérateur, et une rythmique qui doit avoir les bras qui chauffent… L’EP se termine sur “Electric Spell” et son mid tempo toujours typique des productions sous acide du siècle précédent, qui se conclut lui aussi par un instru sur trois quarts du morceau. Sur le fil de l’album, le chant pour ma part laisse en revanche un peu à désirer : très marginal sur un disque largement instrumental, ce chant presque “parlé”, en anglais “avé l’accent”, noyé sous une tonne d’effets… Il y a probablement quelque chose de mieux à faire là-dessus, espérons que le groupe trouvera ses marques sur ce point.
Léger effet pervers des jams à rallonge qui se glissent ici ou là dans les morceaux : au même titre que des groupes comme Tia Carrera par exemple, on perd occasionnellement la ligne directrice des titres, la structure des morceaux… Difficile de trouver l’équilibre entre le jeu live et la structure rigide nécessaire pour tout support enregistré. Mais il est évident que le potentiel du groupe est bien là, et l’on se prend à espérer de nouvelles productions qui pourront bénéficier de la maturité croissante du combo. Quant au live, c’est une évidence à l’écoute de ces cinq titres, c’est là que le trio prend vraiment vie, et il ne faut surtout pas les rater.
Fans de rock instrumental qui poutre, réjouissez vous : here comes Idealus Maximus, trio originaire de Gant, avec un premier 6 titres autoproduit ma foi fort bien ficelé. Datant déjà de 2009, ce skeud démontre toute la maîtrise d’un groupe pourtant relativement jeune.
Oscillant entre le registre plus subtil d’un Rotor (« Taxi Willi »), et un style plus direct à la Karma To Burn (« Willkommen an Bord »), Idealus Maximus est avant tout un concentré de riffs jouissifs, servis par l’étonnante maturité des compositions. Derrière, la section rythmique assure grave avec, petite précision, un bassiste jouant sans médiator….impressionnant à voir en live.
Bref, si vous avez abusé du ‘4’ ces derniers temps, et si vous n’avez pas la patience d’attendre encore 1 petit mois avant la sortie de ‘V’, allez jeter une oreille à ce sympathique trio belge qui fera assurément parler de lui d’ici quelque temps. A suivre….
http://www.myspace.com/idealusmaximus/music
Stonerpope
Doctor Cyclops est le nom d’un film des années 40. C’est aussi le nom d’un groupe italien, formé en 2005, et proposant une musique 100% issue des seventies. Autant dire que les nostalgiques de cette époque et autres fans de groupes tel que Witchcraft ou Firebird trouveront leur bonheur dans ce 6 titres.
Bon, on va pas vous raconter des bobards en vous disant que ce groupe est « la révélation » de l’année, loin de là. Il n’en reste pas moins que cet EP s’écoute avec un plaisir certain, notamment « My revolution » et cette énorme intro à la fois simple et efficace. Mention spéciale au subtil classicisme de « Angel saviours in the cannibal house » avec sa petite touche de Hammond sur le final.
Bref, une très bonne surprise donc que cet EP. Doctor Cyclops refera assurément parler de lui.
Stonerpope

(2011)
Les français de The Dying Seed n’avaient pas laissé grand monde indemne il y a deux ans avec leur première galette autoproduite (voir notre chronique dans ces pages). Le trio nous revient avec un bien bel objet (un digipack cartonné avec un bel artwork), qui vient taquiner certaines bonnes productions professionnelles…
Le combo a clairement choisi de renforcer sa marque de fabrique avec cette dernière production : pas de remise en cause fondamentale d’un genre que, finalement, peu de groupes maîtrisent. 7 titres pour 45 minutes au compteur, le groupe ne fait pas dans l’expéditif, et ses compos sont chiadées, complexes. Les français ne sont pas avares en ambiances musicales diverses, disséminées au fil de passages aériens particulièrement atypiques dans ce genre musical, et pour autant parfaitement intégrés ici. Musicalement, le trio ne vise pas une seule direction : même si les influences desert rock sont minoritaires, on peut néanmoins entendre ici ou là des passages qui penchent furieusement vers la frange la plus heavy du stoner : High On Fire (des passages de “River’s end”), Buzzov-en sur les passages les plus gras (“Dirty old drunk”), les anciens Sparzanza (“Trees”)… Mais au global, on baigne plus largement dans un post rock costaud (veine Neurosis / Baroness), voire un metal thrashisant bien exécuté, mais qui pourra rebuter les fans de stoner plus planant. Pour les plus ouverts d’esprit, la variété des genres et l’audace du groupe convaincra à coup sûr. Armé de ces nouvelles torpilles, gageons que l’expérience scénique doit valoir le détour.
Laurent
En directe provenance de Bretagne, le très bien nommé quatuor Stonebirds ne faisait que discrètement parler de lui jusqu’ici. Et pourtant, le jeune groupe a mis à profit ces derniers mois pour composer des titres mastoc, bouffer du bitume et de la scène dès que l’occasion se présentait (plus d’une centaine de concerts à leur actif, pas mal pour un groupe “underground”…), et par la même occasion roder leurs morceaux pour les enregistrer sur cette très intéressante galette (bretonne… je sais, elle est facile…).
A noter d’abord, le groupe nous livre avec ce « Slow fly » un album autoproduit contenant pas moins de 10 titres (!), ce qui est remarquable à l’heure où le EP est le format le plus pratiqué dès lors que l’on veut se faire rapidement connaître. Stonebirds a mis un grand coup d’accélérateur, direct : pas de temps à perdre, ils balancent tout ce qu’ils ont sur le vinyle. Ce qu’ils ont est d’ailleurs pas mal du tout. Certes, la prod n’est pas toujours rutilante, le groupe n’a pas une major derrière leurs fesses, mais au final l’enregistrement est de plutôt bonne tenue, présentant certes quelques passages un peu faibles au niveau du son, mais permettant néanmoins de se concentrer sur les titres… que demande le peuple ? Les titres, justement, sont tous plutôt bons. Fait remarquable pour un groupe assez jeune, l’ensemble se tient bien, musicalement c’est fluide et sans accroc. Clairement, on retrouve pas mal le groupe à l’aise dans la veine du triptyque charnière du stoner en fin des années 90 : Kyuss (période « Circus ») et QOTSA (les deux premiers albums). Kyuss pour le son de gratte et les licks de guitare aériens (« Slow fly », « D.F.D.K. » au chant très Goss-ien, « Cosmos Riders »), QOTSA pour les rythmiques lancinantes (« Deepest hole ») ou saccadées (« Subs on my mind »). On est clairement en plein desert rock, et l’on peut penser ici ou là à l’ensemble des groupes de référence du genre, sans que jamais l’identité du groupe français n’en soit diluée… Ce processus de digestion d’influences prend néanmoins un tour assez surprenant à l’écoute du dernier titre « Oh Yeah ! », dont le refrain (comme le titre du morceau le laisse présumer) est une copie à peine déguisée du refrain du « Thong song » de Kyuss… Enfin, il y a pire manière de terminer un album !
Au final, à travers ce disque de fort bonne qualité, Stonebirds laisse entrevoir un potentiel remarquable, un vrai vent d’air frais (enfin, plutôt sec, voire aride et sablonneux en réalité !) sur la scène stoner française. Un groupe qu’il nous tarde de voir prendre son envol (désolé pour le jeu de mot pourrave) en live.
Laurent
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