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Le quartier de La Goutte d’Or à Paris à une réputation sulfureuse, et cela s’est justifié ce soir de novembre, dans les entrailles de l’Olympic Café. L’association Below the Sun avait déniché un parterre de trois groupes parmi lesquels, rien de moins que les légendaires australiens de Mammoth Mammoth.
Les portes de l’enfer se sont ouvertes sur Iron Lizards, trio parisien dont l’EP sorti en 2016 devrait être suivi prochainement d’un album que l’on a hâte d’entendre. Les compères nous ont offert un bon rock old-school métissé d’une énergie punk pur jus. Ça joue fort, vite et staccato. Voila un groupe qui porte bien son nom, ils ont le poids de l’acier et l’agilité du reptile. Une sorte de « punkabilly » que je vous recommande chaudement, même si le public n’est pas venu bien nombreux ce soir et que la salle peine à se remplir aux deux tiers.
Qu’importe Wreck Plus est venu faire le show. Ces quatre-là envoient la sauce avec une rythmique soutenue et une bonne maîtrise des instruments. Pour autant leur heavy 70’s n’opérera pas sur moi le charme escompté, peut-être à cause d’un trop grand renfort de reverb sur la voix et une envolée technique trop démonstrative ?
Nous voilà arrivés au moment où tout bascule. Mammoth Mammoth est venu enflammer la cave et en faire un enfer. La chaleur monte vite, les rangs se resserrent et il ne faut pas beaucoup de temps avant que l’assemblée se mette à pogoter dans tous les sens. Le trio nous en met plein les dents et déverse son dernier album avec furie sur une balance presque parfaite.
Cuz, le guitariste monte sur scène affublé d’un chapeau de trappeur en poil de chat sauvage, ça annonce la couleur, “rien à foutre de tout, on est là pour s’amuser !”
Pete Bell à la basse, touche presque le plafond tant le type est gigantesque. Il prend un pied bien visible à tabasser sa planche jusqu’à en péter une corde et finir sur trois pattes le morceau entamé sans même sourciller.
Bones joues les poulpes à la posture de jazzmen tripé, mimant à la bouche chaque frappe dans le vacarme assourdissant de ses futs.
Mickey Tucker, le chanteur est déchainé. Imaginez un peu un dingo alcoolique sous speed lancé pleine balle dans le désert à la poursuite d’un mirage, oui, vous voyez ? et bien vous êtes encore loin du compte. Le gars se livre à toutes les hystéries, du verre de bière qu’il se jette en pleine tronche, aux pains qu’il simule de se foutre à lui-même. La musique est folle, ça va vite, bien plus vite qu’en studio et nous rend aussi tarés que lui. Le pit est en délire et tout le monde veux sa baffe sonore et physique, on voit les plus calmes et les plus vieux des habitués de la scène se jeter dans la bagarre, profiter des câlins moites de Mickey ou monter sur scène sans plus vouloir la quitter. Le mammouth fait tourner le Jack Da’ et presque tout le monde aura le droit à sa rasade ! “Rock’s Populi”. C’est une communion païenne qui s’opère, le démon est en nous et on espère bien qu’il y restera longtemps.
Le maître de cérémonie s’apprête à tirer sa révérence, mais pas sans s’être roulé par terre, avoir surfé ou encore slamé sur la trop maigre foule présente.
Mammoth Mammoth nous quitte à regret après un bon gros rappel et la destruction d’une batterie laissant la scène ravagée, à l’image de leur folie.
Trois dates françaises seulement (et même pas Paris) : cette tournée de Duel fera plus de frustrés que d’heureux. Les quatre texans se sont déjà taillé une réputation scénique irréprochable, et la perspective d’une soirée dantesque nous amène à rallier le petit Void de Bordeaux en ce dimanche soir.
Maniard
La salle est modérément remplie alors que Maniard cale ses premiers riffs sur la scène aujourd’hui baignée de rouge (oui, le double spot de lumière du Void fait toujours le ravissement du public le plus esthète, avec sa puissance famélique et ses couleurs dégueulasses, évidemment statiques durant tout le concert). Le trio évolue dans un genre musical un peu hybride mais plaisant, tapant dans du gros riff qui tâche, agrémenté de quelques rares mais performants growls. Le groupe s’y étend pour faire tourner un gros riff et y caler quelques soli sympas ; à ce titre les cordistes, frères et sœur, sont en phase et la dualité rythmique / lead fonctionne bien. Scéniquement, toutefois, le groupe devrait muscler un peu son jeu : on aimerait voir autre chose que des musiciens qui se regardent jouer pendant une heure, et on capte trop de mini-pains sur des solo ou de changements de sons de gratte mal calés… Rien de majeur, un peu d’expérience devrait faire oublier tout ça.
On se cale au 1er rang en attendant Duel, ne voulant rien manquer d’un set qui devrait s’annoncer glorieux. Après un demi soundcheck rapide, les quatre texans prennent la scène et rentrent dans le dur très vite avec une poignée d’extraits de leur premier album (dont un “Fell to the Earth” qui ne tardera pas à générer les premiers headbang au premier rang). Très vite la force du combo s’étale devant nos yeux ébahis : les compos du groupe ont beau être impeccables sur album, avec une prod vintage parfaite, ils prennent sur scène une dimension et une énergie d’une toute autre teneur. Et on est loin de la rhétorique : on parle vraiment d’une approche live qui décuple la puissance de chaque morceau. Les plans les plus mélodiques d’un “Witchbanger” ou d’un “Devil” sont retranscrits sur scène en un déluge de guitares agressives qui laisse pantois.
Tom Frank a beau mener la barque avec assurance et brio, son exubérance ne masque ni ne bride jamais un line up impeccablement taillé dans le plus pur sang texan (taux de santiags = 100% sur scène, un indicateur de la plus haute pertinence) : Jeff enquille les soli impeccables avec le sourire et des poses de shredder magnifique tandis que Shaun étale sa bouillonnante classe de gentleman farmer longiligne pendant plus d’une heure de set, structurant l’édifice rythmique avec maestria. Quant à JD derrière son kit, il apporte le quota redneck qui donne son plein équilibre au groupe : pieds nus, débardeur trop grand et trucker hat vissée sur la tête, le gaillard enquille des rythmiques impeccables sans jamais se dépareiller de son sourire. Et le combo d’aligner ainsi les brulots piochés aléatoirement dans ses deux galettes, faisant marcher la machine à riffs à plein régime, artillant chacun de soli limpides, le tout en tenant la scène de main de maître.
C’est carré, punchy, robuste, enjoué et puissant, frénétique et fortement groovy. On ne pouvait rêver meilleure soirée… avant de nous tourner vers l’arrière de la salle ! La salle s’est largement vidée depuis la première partie, alors qu’on ne pouvait décemment qu’imaginer l’inverse vu le niveau qui nous est présenté sur scène. Quelques dizaines de spectateurs seulement sont présents pour apprécier cet ouragan du meilleur rock texan du moment, servi pour eux sur un plateau. Cela signifie non seulement que trop peu de public est venu assister au concert (la place était au prix d’une pinte, pour un concert de cette trempe, sacrebleu !) mais surtout, pire, qu’une part du public (potes, famille, ou le groupe lui-même…) est venue juste pour la première partie sans même daigner découvrir la tête d’affiche. Une ouverture d’esprit trop souvent symptomatique du public bordelais… Une conclusion un peu douce-amère à un set qui aura néanmoins tenu plus que ses promesses, et un groupe qui aura délivré un set de grande classe quel que soit le remplissage de la salle. Tout à son honneur. Un grand groupe de scène, à plus d’un titre, donc.
Quel superbe plateau, digne d’un mini-festival itinérant, que celui qui arpente le pays et l’Europe en ce mois d’octobre. Trois groupes différents, tous les trois intéressants et à des niveaux de notoriété variables. Trois groupes en tout cas qui, chacun, justifierait seul le déplacement !
On n’est donc logiquement pas seuls au Krakatoa ce soir : la salle de l’agglomération bordelaise ne fait pas complètement le plein, mais son remplissage est loin d’être ridicule. Lorsque le set de Death Alley commence, la première partie de cette tournée, déjà quelques centaines de personnes se rassemblent devant la scène pour assister au set des bataves. Scéniquement, Death Alley c’est un peu l’assurance tous risques : même si l’on n’est pas fan du genre musical pratiqué par nos quatre lascars (oui, c’est encore du hard rock vintage 70’s, version amphétaminée cependant), force est de constater que sur scène les compos prennent une toute autre dimension, grâce à l’énergie déployée. C’est clairement Douwe Truijens, frontman emblématique du groupe, qui attire tous les regards et génère bonne humeur et dynamisme à l’ensemble : le chanteur, véritable cliché sur pattes (longs cheveux blonds, veste à franges sans manche sur torse nu, grosse moustache…), mène le jeu de scène et incarne le groupe, arpentant la scène de long en large, dansant, le tout avec un sourire ultra-brite et surtout un chant impeccable, juste et puissant ! Derrière, ça joue solide, et en particulier le MVP de l’ombre, Oeds Beydals : l’ancien guitariste des cultes The Devil’s Blood se fait plaisir, dégaine des sons de guitare venus de nulle part et crache les soli par pack de 12. Le groupe termine son généreux set par l’épique “Supernatural Predator”, qui démontre au moins deux choses : le talent des zicos déjà (qui s’y entendent impeccablement pour animer ce gros morceau retors qui repose sur une apothéose instrumentale / jam space rock), mais aussi le potentiel du groupe à se frotter à d’autres genres musicaux “annexes” (et donc un potentiel d’évolution que d’autres n’ont pas forcément). Espérons que le groupe parvienne à solidifier son line up et enfin décoller sur la scène européenne, après quelques années ponctuées par des ratés et faux démarrages.
Death Alley
L’humeur est donc au beau fixe quand Mantar monte sur scène. Niveau ambiance musicale, en revanche, le sourire laisse vite sa place aux mâchoires serrées, pour faire face à l’énergie brute du groupe. Faire très vite très mal très fort, le leitmotiv du duo paraît clair. Hanno est déchaîné, une boule d’énergie pure. Toujours aussi maigre, crâne rasé, le chétif guitariste est phénoménal ce soir, encore une fois serait-on tenté de dire. Fusionnant avec sa six-cordes, il se crampe au micro à la moindre ligne de chant, monte à pied joint sur ses pédales d’effet, manipule son rack d’effets avec tous les membres disponibles (!) dans toutes les positions imaginables (!!), et dès qu’il a une seconde vient délivrer quelques riffs purulents au public, comme autant d’insultes crachées au visage. Jouissif. Erinc est fatalement plus sobre scéniquement, mais le taf enquillé derrière son kit de batterie est énorme. Terrassés au milieu de set, le filet de bave au coin de la bouche, on se retourne pour constater un léger problème : un léger décalage (euphémisme) entre la puissance délivrée sur scène et la réaction du public, modérée (euphémisme). Pourtant la set list est imparable, les plus grosses cartouches du groupe y passent, le groupe bénéficiant de plus de 45 minutes de jeu : “Praise the Plague”, “Era Borealis”, un très fat “Cross The Cross”… Le duo ne faiblit pas un instant malgré un accueil vaguement enthousiaste (euphémisme), là où d’autres auraient levé la pédale ; nouveau signe s’il en fallait un que Mantar est une bête de live. Bref, une très grosse claque… pour qui était disposé à la recevoir et la déguster.
Mantar
Clairement, c’est Kadavar qui a rameuté le monde ce soir, et il suffit que le groupe dégaine les premiers accords du pourtant moyen “Rough Times” pour susciter sourires et premiers hochements de têtes dans le public. Le son est énorme, clair, massif, aux petits oignons. Et scéniquement, le groupe a encore fait un pas vers la maîtrise absolue : on peut louvoyer comme on veut, on peut, derrière la meute, crier à qui veut l’entendre que les derniers albums sont mauvais, ce qu’on veut. Mais il est un terrain sur lequel il serait malhonnête de faire preuve de la même mauvaise foi : sur scène, le groupe est impérial. Lupus est toujours impeccable : même si pas démonstratif pour un sou (un comble pour un frontman), statique qu’il est derrière son muret de retours, il enquille les soli avec une virtuosité remarquable, et son chant puissant et juste fait mouche. Sur le côté, le français Simon “Dragon”, anciennement plutôt introverti, est déchaîné, martelant sa basse avec une vigueur inédite, bien aidé en cela par une mise en son royale, ronde et claire, rendant honneur à son jeu, trop souvent sous-estimé. Mais le maître de la soirée est clairement – qui l’eut cru – Tiger : le filiforme batteur, posté devant au ras du bord de scène, monté sur piédestal, haut perché sur son tabouret fait bien plus que le job. Le barbu chevelu développe un jeu particulièrement visuel (avec un kit transparent, effet garanti), grimace, toise le public, sourit… Expressif jusqu’à l’outrance, il focalise tous les regards, et il se trouve que le gaillard est solide techniquement, donc on serait bien en peine de le critiquer sur son comportement.
Kadavar
Niveau set list, le choix est malin : bénéficiant d’un bon temps de jeu, le trio ne pousse pas le bouchon comme il l’avait fait à la sortie de “Berlin”, quand il composait sa set list avec une large part de son dernier album en date. Certes, le groupe joue ce soir quatre ou cinq extraits de Rough Times (dont de bonnes versions de “Die Baby Die” ou “Tribulation Nation”) mais il joue la carte séduction en dégainant à peu près autant de titres issus… de son premier album ! Grand plaisir d’entendre “Black Sun” ou encore “Forgotten Past”. Berlin en revanche ne sera représenté qu’à une occasion ce soir, à travers “Old Man”, pourtant pas son meilleur titre loin s’en faut. On notera un “Purple Sage” étiré et trituré, restructuré en une orgie jam parfaitement maîtrisée, qui voit le groupe quitter la scène dans une atmosphère encore baignée de son space rock le plus remarquable.
Kadavar
Le trio remonte sur scène quelques instants plus tard pour un rappel un peu attendu : on était impatient d’entendre leur version de ce classique punk des Damned, “New Rose”. Agréable surprise ! Loin de se couvrir de ridicule, les allemands en délivrent une version fidèle mélodiquement, respectueuse, et s’appropriant son énergie à leur sauce. Une agréable surprise ! Le set se termine sur le classique “Come Back Life”, et le public quitte gentiment la salle, ravi.
On restera donc à l’issue de cette soirée sur un constat mi figue mi raisin : une prestation remarquable de Kadavar, une prestation énorme de Mantar, mais un public un peu apathique, coincé comme Bordeaux sait parfois en proposer (on se rappelle de Clutch dans la même salle il y a quelques années à peine…). La fête n’était pas complète, mais du haut de la scène, le plateau proposé a tenu toutes ses promesses, et au delà.
Nous nous devions d’être présents à la date parisienne de cette tournée Monolord + Conan, qui se retrouvait affublée d’une paire de super groupes supplémentaires (voir notre chronique ici). Mais nous n’avons pas hésité longtemps pour aller voir une autre date de cette tournée impressionnante, deux jours plus tard à peine, dans un format plus “traditionnel”, afin d’évaluer le poids (le mot n’est pas usurpé) de ce plateau, dans une configuration plus “normale”.
Nous voilà donc à Bordeaux où les maîtres du doom font une escale grâce aux Make it Sabbathy. Le public, pas toujours des plus véhéments dans cette ville, n’a pas boudé ce soir, remplissant très correctement le petit Void.
Un public pas encore au complet lorsque le duo australo-allemand de Powder for Pigeons prend la scène, grâce à une excellente opportunité de tournées concomitantes, permettant au duo de se produire en introduction de cette tournée des deux géants du doom. On pouvait craindre en revanche que le jeune groupe se retrouve un peu “léger” face à ces poids lourds, dans tous les sens du terme. Dès les premiers accords, il apparaît évident que le groupe compense par son énergie son déficit de lourdeur musicale : ne travestissant pas leur musique, ils se donnent à 100% et finalement proposent une introduction rafraîchissante et bienvenue. Il faut dire que sur scène c’est carré, ça joue, et ça envoie ! Guitares velues et fuzzées de Rhys, batterie punchy et parfaitement en place de Meike : le duo fonctionne parfaitement et le set laissera un très bon souvenir.
Très attendu, Monolord prend la scène juste après, clairement prêts à en découdre. Niveau énergie, Monolord c’est un peu ce qui se fait de mieux au niveau du doom, pile poil entre la nonchalance emblématique du genre et l’exubérance absolue : ni trop, ni trop peu. Mika Häkki est comme à son habitude déchaîné, maltraitant sa basse pour en tirer des riffs (oui oui, des riffs de basse… on en est là !) lourds et gras, et des rythmiques nerveuses, soutenu en cela par un Esben Willems qui, l’air de rien, caché derrière son kit, frappe comme une mule sans jamais flêchir. Thomas Jäger n’est pas en reste, moins exubérant scéniquement, il débite les bûches à l’envie, et enrobe le tout de vocaux qui, s’ils n’ont jamais impressionné quiconque par leur originalité ni leur génie, font encore ce soir impeccablement le job. Les titres du dernier album, comme “Rust” et “Where Death meets the Sea” en intro, passent bien l’épreuve du live (on n’était pas trop inquiet…), malgré certains arrangements perfectibles ici ou là. Comme toujours, la conclusion sur “Empress Rising” emporte tous les suffrages, d’une manière devenue un peu irrationnelle, mais on ne s’en plaindra pas, les zicos se déchaînant sur la fin du set. Très belle claque, et le public est incandescent.
Pas un vrai cadeau pour Conan que ce slot de tête d’affiche. Le trio anglais ne l’a pourtant pas volé, ni par sa carrière, ni par son talent. Pourtant depuis quelques années le solide combo se fait un peu tailler les croupières par la jeune garde doom, emmenée elle-même par des combos comme… Monolord ! Pourtant le groupe de Jon Davis ne se préoccupe pas de ces considérations au moment de fouler la scène sur le solide “Crown of Talons”. Le patibulaire et bonhomme guitariste se cale en bord de scène et lâche ses gros riffs, un à un, avec l’assurance du gars qui n’est pas dupe sur l’efficacité d’une bonne compo doom. Le public de son côté sait en reconnaître une quand il en entend une, soit dit en passant, et les nuques commencent à battre en cadence jusqu’au fond de la salle. Une cadence bien plus lente et pesante que pour Monolord : on est dans un doom plus classique ici, Conan n’amène jamais très haut le compteur des BPM. De temps en temps, Davis se rapproche du pied de micro pour venir hurler quelques vocaux sanguinaires bien sentis, bien aidé en cela par un Chris Fielding qui apporte un contrepoint beuglé plutôt sympa en terme de nettoyage auriculaire. Le gars est furieux derrière sa basse. Le nouveau batteur (encore un…) assure, c’est carré, pas de soucis. Le set se termine sur un “Total Conquest” qui ne laissera planer aucune ambigüité sur la qualité du concert de ce soir : bien moins dynamique et énergique que Monolord, Conan a fait ce qu’il sait bien faire : déclencher un déluge de riffs pachydermiques dévastateurs sur un public qui les digère un à un, mais s’alourdit un peu plus à chaque nouvelle cartouche, pour finir quand même bien amoché. Une autre vision du doom, et c’est bien ce qui rendait ce plateau et cette tournée particulièrement intéressants. Le doom n’est pas mort !
Les organisateurs du Desertfest ne sont certainement pas superstitieux : débuter cette édition 2017 un vendredi 13, il fallait oser.
Ouverture des portes à 17H30 histoire de faire le tour du Trix en configuration festival et découvrir l’espace merch, les différents bars et le food-court extérieur baigné dans le soleil de fin d’après-midi et une température de 22°.
Kaleidobolt (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
C’est aux finlandais de Kaleidobolt que revient la lourde tâche d’inaugurer cette nouvelle édition et la Vulture Stage. Le trio et son groove unique va placer la barre très haut d’entrée de jeu. Techniquement irréprochable, le groupe sera malheureusement rattrapé par un problème sur l’ampli de Sampo qui devra laisser ses deux comparses jammer pendant près de 5 minutes avant de pouvoir revenir et enfoncer le dernier clou de cette prestation de haute volée.
All Them Witches (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Viennent ensuite les italiens de Caronte dont nous ne profiterons que le temps d’une chanson, l’appel du ventre et de la saucisse devenant primordial si nous ne voulons pas rater All Them Witches. Nous ne sommes pas les seuls à avoir eu la même idée et arrivons repus avec le gros de la transhumance dans la salle principale déjà pleine à ras bords. Nous avons déjà vanté dans nos pages les mérites du groupe de Nashville, et nous ne dérogerons pas à la règle. La beauté éthérée d’un « Am I Going Up ? », l’ambivalence rampante dance / bestialité d’ « Alabaster »,etc… la liste serait trop longue à énumérer. Le rendu live de ce que le groupe peut accoucher sur galette est juste magnifique. Ca va être compliqué de passer sur la Main stage après les ‘ricains !
Impasse sur Grime et direction la Canyon Stage pour y prendre la température et profiter du kraut japonais de Minami Deutsch. Une ambiance feutrée et une salle bien remplie profitent aux nippons qui déroulent leur set sans trop forcer. C’est fin, léger, lancinant, aérien et nous ouvre l’appétit avant un des temps fort de la soirée.
Lowrider (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Car Lowrider, les vétérans suédois vont une fois de plus monter sur la scène d’un Desertfest. Ça fait plus de quinze ans maintenant que le groupe vit sur son unique album (l’exceptionnel Ode To Io), et quelques années qu’il remonte régulièrement sur les scènes des festivals. Résultat : les sets sont désormais prévisibles et la recette éculée. Les blagues de sir Bergstrand, ainsi qu’un « Convoy V » dédicacé à Jaymz et aux Four Horsemen ne parviendront pas à réveiller complètement une Desert Stage encore léthargique après la prestation d’All Them Witches. Idem avec ce nouveau morceau balancé comme si de rien n’était. Il serait peut-être (enfin) temps de bosser sérieusement sur un nouvel album.
Gozu (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Nous quittons les suédois peu avant la fin du set, évitons la Vulture stage où se produit Black Lung, et filons tout droit à l’étage pour trouver une place de choix avant l’arrivée des bostoniens de Gozu. Piochant dans ses trois albums, le quatuor va nous botter les fesses pendant une grosse heure avec son sens du groove et de la bestialité. Gozu réveillera même les slammers avant d’achever tout son monde à la sulfateuse à l’occasion d’un « Alone » qui porte définitivement Mark Gaffney au pinacle des vocalistes (tous genres confondus). Quelle claque !
Radio Moscow (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Nouveau conflit de programmation : nous préférons assurer le coup avec les valeurs sûres de Radio Moscow et raterons -(16)-. En route pour la scène principale et une bonne dose de rock psychédélique made in Iowa. Le trio a à sa disposition une discographie déjà bien fournie et nous fait remonter le temps pour nous replonger dans l’essence du rock’n’roll. Classique certes, mais jouissif et efficace. Et surtout « reposant » pour les esgourdes avant le dernier concert du jour.
Car c’est aux belges de Steak Number Eight de clore ce vendredi 13. La canyon stage est pleine à craquer quand stroboscopes et premiers accords de sludge retentissent. La réputation du groupe, et de ses prestations sans concessions, n’est plus à faire. Portés par un public de compatriotes, la déflagration sonore engendrée par le combo va laisser des traces, aussi bien sur les festivaliers que dans les fondations du Trix dont les murs restent encore imprégnés des hurlements et des riffs monolithiques balancés par les presque benjamins du festival. On ne pouvait rêver mieux pour terminer cette première journée.
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JOUR 2
Le soleil est encore au rendez-vous ce samedi. Les groupes aussi, qui arrivent au compte-gouttes peu avant l’ouverture des portes.
Et ce sont les belges de A Supernaut qui vont entamer cette journée. A l’aise, et profitant d’être seuls à jouer à cet horaire, le power trio va chauffer l’auditoire de fort belle manière. Profitant pleinement des 40 minutes de leur set, les bruxellois déroulent leur rock’n roll emprunt d’une dose de psychédélisme : les raideurs nucales de la veille sont déjà oubliées.
Petit tour au stand merch puis direction la main stage pour The Vintage Caravan et leur rock psychédélique plutôt classique. La salle est loin d’être remplie, début de journée oblige, et le groupe déroule un set plutôt « tranquille » qui ne déchaînera pas les passions. Dommage.
Elephant Tree (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Il faut pourtant vite quitter la grande salle pour rejoindre l’ambiance feutrée de la Vulture stage qui commence à s’animer pour les anglais d’Elephant Tree. Fidèles à eux-mêmes, les anglais commencent à trois pour terminer en mode quatuor, et affichent une « branleur-attitude » (qui est le seul groupe, comme pour le Desertfest de Londres, à ne ramener aucun merch ?) qui n’est finalement qu’apparent. Car même si ça vanne sec sur scène, la musique du combo londonien écrase tout sur son passage et transforme le Trix en zone d’activités sismiques. Essai transformé encore une fois.
Stoned Jesus (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Point de King Hiss pour nous : nous nous mettons en route vers la main stage pour Stoned Jesus (nous ne sommes pas les seuls d’ailleurs). Le groupe, qui avait annulé sa prestation londonienne à la dernière minute, est bien présent aujourd’hui et fait salle comble. Les ukrainiens vont vite faire mouche avec leur psyché explosif, et réussiront à faire chanter la salle principale. Après le set des éléphants, le fuzz est donc bien à l’honneur en ce samedi après-midi. Devant tant de maîtrise, la tentation est grande de se faner l’intégralité du set de Stoned Jesus…
… pourtant, une force invisible nous pousse à rapidement quitter cette débauche et rejoindre la Vulture stage avant l’arrivée de White Manna. Alors que nous n’attendions pas grand chose du set des cinq californiens, nous allons assister à LA branlée du jour. Le groupe balance un space rock hybride et hypnotique, tapissé de reverb. Les plus anciens crieront Hawkwind. Les plus « jeunes » parleront d’un croisement improbable entre Pharaoh Overlord pour le côté répétitif, Ten East pour le côté planant et The Wellwater Conspiracy pour les vocaux. Simple, sexuelle, transcendante, la prestation du combo se terminera par une procession vers le stand merchandising où on se bouscule pour acheter CD et vinyls. White Manna ou les vainqueurs du jour, bien avant l’heure, par un très net KO.
Avec tout ça, on a raté Church of the Cosmic Skull. Direction donc la Desert stage où Unsane bastonne sévère dans un style qui tranche avec la programmation du jour sur la scène principale. Quelques grammes de brutalité dans un monde de (presque) finesse. Le groupe débite riffs et hurlements plus vite que Lucky Luke ne dégaine. Un beau bordel.
Pendant ce temps là, les suédois de Troubled Horse ont la lourde tâche de passer après le raz de marée White Manna. Qu’à cela ne tienne, nos lascars vont mouiller le maillot et éclabousser de leur heavy rock de bonne facture une salle qui va (malheureusement pour eux) se vider petit à petit pour grimper d’un étage et assister au show Beastmaker. Ambiance doom donc du côté de la Canyon stage où il est difficile de se frayer un chemin. Le trio enquille les riffs devant la foule des grands jours et la bière coule à flots en guise d’offrande. Servis par un son incroyable, les américains sont coupables de mettre une sacrée dégelée aux Desertfesters.
Windhand (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Sur la Desert stage, la pression monte en attendant Windhand, autre porte-étendard doom du jour. La performance va pourtant nous laisser sur notre faim. Tandis que Beastmaker profitait de conditions sonores idéales sur la Canyon, c’est un peu brouillon pour les Etats-uniens, en particulier pour la voix de Dorthia qui a bien du mal a percer le mur de guitares pour se faire entendre. Dommage.
Les Ohhms n’auront pas de mal à se faire entendre eux, c’est certain. Sludge jusqu’au bout des ongles, les anglais vont faire preuve d’une débauche sonore et physique pour appâter le chaland. Les amplis tremblent et les troncs oscillent sous les coups de boutoir d’une musique brute et pourtant définitivement technique. Un cran plus fort que Steak Number Eight en matière de sauvagerie.
Petit tour par la case Satan’s Satyrs histoire de se rafraîchir les oreilles et l’esprit après tant de bestialité, pour assister à un show aussi bien visuel que musical. Si les poncifs du genre, aussi bien en matière vestimentaire qu’en terme de « poses », sont omniprésents, c’est pour servir la cause hard/doom que promeuvent les américains sur un titre comme « Show me your skull ». Brillant.
House of Broken Promises (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
La fin de soirée approche et vient l’heure d’un choix que, finalement, nous n’aurons pas de mal à prendre. Direction la minuscule Vulture histoire d’avoir une place de choix pour House of Broken Promises. Nous laissons donc Graveyard et sa horde de fans hanter la grande salle pour le rock sulfureux des californiens. Bonne pioche : le groupe va construire un set accrocheur du début à la fin. « Obey the snake » et « Blister » sont là, bien évidemment. Vient ensuite un medley des meilleurs riffs de metal (on a eu droit à du Pantera pendant le soundcheck, on pioche dans le répertoire Black Sabbath pour le set). Mais surtout, Seay et Cancino vont « s’affranchir » de John Garcia et piocher dans le répertoire d’Unida (c’est quand même un peu beaucoup leur bébé !) pour clore les débats. Sous la forme d’un medley (encore un) entamé par le riff monstrueux de « Wet pussycat », Joe Mora la joue décomplexé et prouve qu’il n’a finalement rien à envier à la légende vocale du désert. Le temps file, le groupe déborde, et se fera couper la chique après le sauvage « Black Woman ». Un pur régal.
Dÿse (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Nous arriverons donc peu après le début du set de Dÿse, le duo allemand. Seulement armés de leur guitare, de leur batterie, et d’un amour immodéré pour l’humour absurde, les allemands prouvent qu’un binôme suffit pour produire une déflagration de plusieurs kilotonnes. Les deux lascars sont haut perchés (comme d’habitude) et vont œuvrer pour la bonne cause et clore cette deuxième journée de la meilleure des manières. Après l’aller fourni par HOBP, les teutons s’occupent du retour et vont laisser groggy les festivaliers encore présents et assez frais. Du Dÿse de haute volée donc pour mettre un terme à une deuxième journée de toute beauté.
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JOUR 3
Dernier jour déjà, toujours sous un soleil estival. Après cette monstrueuse journée de samedi, nous sommes peu nombreux à l’ouverture des portes.
Big Fat Lukum, jeune groupe belge à la lourde charge d’ouvrir ce dimanche. Le combo va envoyer du steak pendant une bonne demi-heure, mais malheureusement devant une foule éparse et composée majoritairement de connaissances à eux.
Même constat pour High Fighter. Les teutons sont pénalisés par l’horaire, et par les dégâts causés la veille par leurs compatriotes de Dÿse. La Canyon stage semble boudée et le heavy rock puissant des allemands, ne trouvant pas de réel écho, retombe à plat.
Monolord (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Nous quittons donc l’étage du Trix en direction de la Main stage pour s’apercevoir avec stupeur que la foule est arrivée en masse à 16H00, pile poil pour le set de Monolord. Dès les premiers accords, le doute n’est plus permis : les suédois sont là pour un set surpuissant. La grande salle ressemble à s’y méprendre à une piscine à vagues (ou à riffs), une kyrielle de stoneheads tanguant au rythme des bûches monolithiques qui arrivent à intervalles réguliers. Ça va être compliqué pour les combos qui vont suivre. Imparable.
Hemelbestormer (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Nous filons direct vers la Canyon pour le set d’Hemelbestormer. Certes, le groupe flamand propose un sludge convenu qui ne va pas révolutionner le genre. Le tout reste néanmoins techniquement maîtrisé et incroyable. Nous prenons donc un réel plaisir à nous prendre en pleine face les parpaings de plus de 10 minutes que va balancer le combo tout au long de son set. Après Monolord, voilà la deuxième claque du jour.
Après tant de lourdeur, un peu de légèreté s’impose. Nous traçons donc tout droit vers la Vulture pour le set de Redd Kross et leur rock’n’roll festif. Vêtements des années 70 sur le dos, les gaillards de L.A. vont animer la minuscule scène aidés derrière les fûts par un certain Dale Crover. Visiblement heureux d’être là, les Redd Kross enflamment le Desertfest (et une foule massive) au son de leurs meilleurs titres, ainsi que de reprises des Beatles ou de David Bowie. « Annie’s gone » mais nous, nous somme restés jusqu’au bout.
On jette un œil rapide à Dool avant de prendre la direction du show de Saint Vitus. Les vétérans du Doom ont pris un sacré coup de vieux et nous frémissons en voyant Scott Reagers arriver sur scène avec son mug de thé, et son comparse Dave Chandler au bras d’un déambulateur humain. Une fois sa guitare dans les mains, ce dernier va faire pourtant faire le job, aidé en cela par la monstrueuse paire rythmique Henry Vazquez/Pat Bruders. Difficile de se faire un avis sur la prestation qui laisse volontairement de côté la période Wino.
Mantar (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Mantar va repousser les limites de l’adage prôné par ses compatriotes de Dÿse la veille, à savoir : il suffit d’une guitare et d’une batterie pour faire des dégâts. Le binôme germanique ne se contentera pas d’une simple déflagration sur la Canyon stage ce soir mais bien d’une véritable exécution. Mantar est là pour tuer et n’épargner personne. Hanno la joue un brin provoc’ (« Hey Desertfest, I know you’re here to listen to some hippie shitty music ») avant de défourailler devant une salle pleine à craquer. Nous comprenons mieux ainsi la portée des paroles de « Era Borealis ». Encore plus que sur skeud, c’est vraiment sur scène que le mantra de Mantar prend tout son sens : « Kill, Destroy, Fuck shit up ». Grandiose.
Rapide coup d’œil à la salle principale où il nous est impossible de rentrer. Tous les hippies mentionnés par Hanno se sont en effet donnés rendez-vous pour le set de Kadavar qui a débuté il y a 20 minutes et que nous allons donc rater.
Pas grave, il reste la Vulture stage où les australo-néerlandais de Spirit Valley se préparent. Le duo profite de la programmation pour attirer les anti-hippies en déversant son ovni-rock psychédélique. Le résultat est finalement assez impressionnant et on croirait par moment à une version fuzz de Depeche Mode tant le timbre vocal rappelle par moments celui de Dave Gahan. Une bonne petite découverte.
The Melvins (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Nous partirons cependant avant la fin (et raterons également Spidergawd, déjà vus sur l’édition Londonienne) pour aller nous restaurer et prendre des forces avant la tête d’affiche du jour. Les Melvins sont dans la place (aux mêmes horaires que Mos Generator que nous allons par conséquent malheureusement rater) drainant un éventail de fans aussi large que le cul de l’archipère du Graal dans Preacher. Toute la magie des Melvins se trouve résumée dans la reprise des Beatles « I want to hold your hands » : quelque soit le genre abordé par King Buzzo et ses comparses, le résultat est irrémédiablement surgonflé à la testostérone. « The Bit », « Queen » ou encore « Anaconda » résonnent comme autant de brûlots. La salle, déjà en surchauffe, finit par s’enflammer. Les Melvins maîtrisent de A et Z et achèveront leur set par deux bûches monstrueuses tirées de Lysol : « Hung Bunny » et « Roman Dog Bird ». Exceptionnel.
Conan (Photo par MarmotA – Avec la permission du Desertfest Belgium – voir liens en bas de page)
Le chapitre final de ce Desertfest revient à Conan. Pour pouvoir l’écrire convenablement, le trio de Liverpool doit d’abord ressusciter les morts laissés par Mantar avant de les exécuter une deuxième fois. Une foule compacte se dirige donc vers l’abattoir pour une dose létale de « Throne of fire » et de « Revengeance ». Le doom des cavernes a encore frappé très, très, très fort pour mettre un terme définitif cette édition belge du Desertfest.
Malgré de fréquents conflits de programmation qui empêchent de profiter de tous les sets proposés, le festival reste donc une référence du genre et une belle réussite, en programmant une très large palette de musique stoner. Le Desertfest a encore de beaux jours devant lui. Vivement l’année prochaine.
Réveil en mode festival, débarbouillage des carcasses, malbouffe de circonstance, débriefing complet de la journée de la veille sur un coin de parking en piétinant avec les potes, plein de boissons chimiques (pour être raccord avec le lieu et en forme jusqu’au bout de la night) et départ à pieds (nous sommes assez branchés sport au sein de la rédac’) pour une journée qui s’annonce des plus denses. Le soleil est même de la partie, la fête promet d’être folle avec plus de douze heure de riffs à s’enfiler d’affilée vu la non-superposition de performances artistiques qui nous convainc toujours autant.
MY HOME ON TREES
C’est peu dire que les yeux collent ce matin. La bouche est pâteuse et les sens retournés. Mais au diable la vieillerie et la gueule de bois ! Ici c’est le Up in Smoke et il n’y a, pour ainsi dire, aucune place pour se questionner sur le temps qui passe et ses méfaits sur la charpente osseuse. A tel point, que nous voici déjà devant les italiens de My Home on Trees la pinte à la main et les tympans prêts à en découdre. Le quatuor relève la lourde tâche d’ouvrir ce deuxième jour de festival avec un sang-froid certain et les pédales de fuzz au plancher. Même si musicalement les compositions semblent quelques peu linéaires, la frontwoman Laura Mancini fait feu de tout son coffre et sa puissance vocale pour offrir une entrée en matière honorable. Nous voici bien réveillés…
The NECROMANCERS
… en tout cas suffisamment pour apprécier l’arrivée sur la scène extérieure du seul représentant français de cette édition, j’ai nommé les poitevins de The Necromancers. Armés de leur premier bel album, nouvellement signés chez Ripple Music, on va pouvoir se faire une idée plus précise du combo. Ce dernier arrivant quasiment de nulle part, on pouvait légitimement se poser des questions. Bien vite balayées ma foi ! Malgré une entame un poil timide, le quatuor aura explosé les doutes en moins de triton qu’il n’en faut. C’est carré, massif, et mis à part des problèmes récurrents sur le volume de la voix (un écueil que l’on retrouvera le long des deux jours sur la scène extérieure), ça joue, ça a de la couille et du slip aux entournures. On sent que les jours précédents en compagnie de Monkey3 leur ont fait du bien à la mise en place. Les influences multiples du quatuor se jouent de nous et c’est un éventail de 30 ans de métal qui se déploie devant nos yeux tout rougeoyant. Bref, la place des français sur ce fest n’est pas usurpée et l’on vient de découvrir un fier représentant de la scène hexagonale. C’est d’ailleurs devant un parterre heureux et conquis, le poing levé, que les gonzes nous quittent après un set plus que réussit.
SATAN’S SATYRS
Tout enjoués par ce très bon set des français, on se dirige vers le premier concert de la journée prenant place sur la main stage. Satan’s Satyrs est manifestement un groupe qui divise au sein du public, si l’on en juge par les discussions de comptoir. En ce qui concerne votre serviteur, la cause est entendue : Satan’s Satyrs en live, c’est de la balle ! Forcément, il faut suivre le combo dans son trip pour adhérer complètement, faute de quoi l’on peut avoir l’impression d’être confrontés à une troupe de grands guignols. Mais la troupe de Clayton Burgess, par ailleurs le bassiste d’Electric Wizard (largement plus introverti dans ce contexte…), est à fond dans la mouvance vintage retro-hard rock, tendance fun fin des 70’s : débardeurs léopard moulants, rythmiques cavalcades, pattes d’eph’ et soli à gogo résument en gros notre affaire. Vous entretenez ça par un live show complètement débridé (mais sérieux et solide, c’est pas du Spinal Tap), des musiciens survitaminés, des titres percutants et une vraie sincérité, et vous obtenez l’un des moments les plus fun de la journée ! Donc on va arrêter les prises de tête, on se décoince, on sourit et on profite ! It’s all fun !
ZATOKREV
Zatokrev
Retour en extérieur pour une sensation d’un tout autre registre. Ces régionaux de l’étape sont pour la première fois à l’affiche du festival ; nous concédons évidemment qu’il ne s’agit en aucun cas d’une formation de stoner certifiée ou labélisée, mais putain la fessée que nous nous sommes prise. Nous n’étions, par ailleurs, pas les seuls à goûter à la chose car bien que pas dans le style, les aguerris guerriers bâlois ont sacrément fait remuer les nuques devant la petite scène. Ils se sont fait plaisir et ont surtout fait un sacré plaisir au public qui a goûté à leur metal hyper sludge et foutrement pugnace. Le jeu de scène très rôdé et la maîtrise parfaite de leurs compos ont permis à Zatokrev de ramasser quelques suiveurs de plus à leur cause au passage. Une mention spéciale au métronome qui leur sert de batteur, lequel a emmené ses deux compères chevelus (et experts en danse de la nuque) ainsi qu’au gratteux sans cheveu, mais au pédalier de psychopathe, à un niveau ahurissant de violence qui a provoqué d’énormes turgescences dans les calbuts des Lourds de l’assistance. Merci Messieurs.
BEASTMAKER
Direction la grande scène pour s’acoquiner avec les californiens de Beastmaker. Et y pas à tortiller, le savoir-faire américain en terme de live c’est « queq’chose quand même ma bonne dame ». Et que j’t’harangue la foule juste comme il faut, et que j’te balance un riff hyper efficace pour commencer, et pif c’est parti pour du bon gros rock, bien hard, avec du solo tout suintant. Même péter une corde et la changer en 30 secondes semble faire partie intégrante du show. On ne s’ennuie clairement pas, la bière nous semble plus fraîche au fil des chœurs. Le trio finira de nous achever avec un duo “Voodoo Priestess” / “You Must Sin” qui nous laissera le sourire collé aux joues et la pinte à la main (encore ?! J’ai dû en reprendre pendant le set sans m’en rendre compte tellement c’était californien c’t’affaire!)
TONER LOW
Toner Low
Bon, là, clairement, on entre avec le groupe suivant dans de la joie plus introspective, dans le bonheur éthéré et lancinant, où prendre le temps est bien plus heavy que n’importe quel riff downtuned. Toner Low va nous offrir une véritable éloge à la lenteur où chaque note vous enveloppe, vous prend et s’insinue dans votre système respiratoire telle cette merveilleuse taf de beuh que vous venez d’inhaler. C’est les yeux fermés et le front limite collé à la scène que je me laisse envahir par le son Toner Low, une véritable découverte pour moi (mieux vaut tard que jamais me direz-vous), un voyage au pays de la musique physique, sensorielle. Le but ici n’est pas de faire étalage de son savoir-faire technique mais bien de provoquer, de faire réagir les sens du spectateur. Mission accomplie en tout point par le trio, jusqu’à l’apparition d’un crétin naturiste sur scène qui n’aura de cesse de nous montrer ce qui n’est clairement pas son profil le plus avantageux lors de ce deuxième jour. Il m’aura d’ailleurs bien pourri ce set et celui de Church plus tard. Un anus c’est marrant deux secondes, mais j’ai déjà vu l’intégrale du Seigneur des Anneaux et ça s’essouffle clairement sur la durée. Bref, Toner Low c’est la giga classe et peu de groupes arriveront à ce niveau lors du week-end.
SONS OF MORPHEUS
Sons of Morpheus
On commence à bien connaître ce trio helvétique qu’on a déjà vu en première partie de Karma to Burn et lors des Volcano Sessions cette année. Au programme ? Du rock plus que du stoner, mais gros et gras comme les gonades d’un taureau, du shred, du funambulisme de manche et là où quelques fois cet étalage pouvait passer pour prétentieux, force est de reconnaître que ce soir, sur la grande scène de la Z7 et profitant d’un système son adéquat, la formule des fils de fonctionne en plein. On se prend une énergie qu’on ne leur connaissait pas forcément, le public est réceptif et ça chaloupe dans la fosse. Rien de tel pour nous sortir de la torpeur léthale dans laquelle nous avait plongé Toner Low. Mission accomplie pour Sons Of Morpheus qui aura réussi à requinquer autant qu’une bonne grosse Wurst un soir de cuite.
CHURCH OF MISERY
Church Of Misery
On ne va pas se mentir, on vit un moment un peu paradoxal avec le set de Church of Misery : le groupe nippon est l’un des plus attendus du week-end, et pourtant… on craignait quand même le pire. Car oui, en quelques mois Tatsu Mikami a d’abord viré TOUS les musiciens du groupe, puis enregistré un (très bon) album avec une poignée de mercenaires du metal U.S., les a virés aussi, et a re-composé un nouveau groupe (version japonaise encore) pour partir sur les routes. Entre chaos, doute et envie, on se cale donc au premier rang pour voir arriver les très polis nippons. Ni une ni deux, les lascars dégainent l’une de leurs plus belles cartouches, “El Padrino” dès l’intro. Couillu… mais ça marche ! Très vite l’ambiance monte dans le public, bien aidée par un frontman exhubérant et théatral, et néanmoins impeccable vocaliste. Les titres défilent et la vaste assemblée réunie en extérieur en cette belle journée, sous un soleil couchant plein de symbole (amis du cliché, bonjour) déguste chaque morceau, alternant classiques et nouveaux titres (dont un “Make them die slowly” que l’on voit bien figurer pour longtemps dans la set list de référence du combo). Un spectateur en fauteuil roulant est hissé sur la scène pour une séquence qui passe en quelques minutes du moment émouvant au passage un peu lourd quand il est rejoint par le connard exhibitionniste qui a déjà sévi lors du set de Toner Low (et traumatisé quelques éminents représentants de notre estimée rédaction). Le groupe n’en perd ni sa bonne humeur (très communicative) ni sa concentration (ce guitariste est imperturbable) et termine son set carré en ayant convaincu les septiques et conquis le reste du public.
STONED JESUS
Difficile d’effectuer une rupture plus abrupte que celle de quitter les Nippons (pas mauvais) et leurs plans barrés sur la petite scène et se retrouver derrière les crashs de la grande scène pour le trio venu d’Ukraine. La bande d’Igor est de retour au Up In Smoke deux ans après sa dernière apparition lors de ce fest, mais sans avoir sorti de nouvel album puisque « The Harvest » était commercialisé quelques temps avant l’édition 2015. On concède que le show dispensé alors était particulier en raison des péripéties liées à un problème de passeport qui avait vu deux batteurs mercenaires venus leur prêter main forte. C’est sans grande attente que nous nous sommes radinés et avons suivi ce show durant lequel, comme sur toute cette tournée, le trio reprend en intégralité son album “culte” Seven Thunders Roar, par le menu. Encore plus en place que par le passé, les Ukrainiens occupent désormais beaucoup plus l’espace à disposition rompant un tantinet avec la focalisation totale que leur leader générait jadis de manière quasi unanime. Pieds sur les retours, danses envoûtées et forcément « I’m The Mountain » : la formule est sobre, mais elle est efficace. Les amateurs de sensation point trop forte en ont pour leur fric alors que les bourrins se tapent une spécialité culinaire locale en attendant la suite de la sauvagerie.
LOWRIDER
Lowrider
C’est un étrange mélange d’excitation et d’appréhension qui nous étreint au moment du set de Lowrider sur la petite scène du fest. Excitation car nous reste en mémoire leur concert mémorable au Hellfest, leur générosité et ces compositions magnifiant la fuzz depuis 20 ans ; appréhension aussi car nous revient en mémoire leur set pas glop au Desertfest de Londres et leur propension à capitaliser en ce moment sur un vieil album et ne pas se fouler pour sortir quelque chose de neuf. Et la nostalgie gâteuse est un mal insidieux qui ronge la scène stoner depuis quelques temps déjà. Les lumières baissent en intensité, y a d’la fuzz qui crépite dans les amplis. Boom ! “Caravan” en ouverture et c’est tout le Up in Smoke qui chavire. Ambiance totale, musiciens au taquet le sourire aux lèvres et cette impression que Ode To Io est un album taillé pour le live. Y a pas à tortiller, c’est efficace et le concert va être, pour moi, le meilleur de tout le festival. Les tubes s’enchaînent sans faiblir. Lowrider fait du Lowrider et c’est pour ça qu’on les aime. On ne leur demandera jamais de révolutionner le genre et telle n’est pas leur prétention. Petite sucrerie réservée à un public d’aficionados, le quatuor propose un nouveau titre inédit, mid tempo séduisant – à confirmer sur disque… Les guitares finissent de mourir sur “Lameneshma” et c’est toute une foule qui hurle sa joie. Un putain de concert, ouais. Y a du copeaux de crâne en bord de scène, des affaires éparpillées partout au sol, témoins de la violence du bonheur qui nous a assailli. Plus tard, au cours d’une discussion impromptue, Peder, le bassiste, nous avouera que c’est par crainte de décevoir qu’ils repoussent le prochain album sans cesse. Aucune velléité mercantile dans cette attente, le gonze à l’air aussi sincère que quand il joue, moi ça me suffit pour me convaincre.
ORANGE GOBLIN
Orange Goblin
Difficile de venir se placer après La Prestation des légendes venues du froid, mais on peut compter sur les Britanniques pour assurer (ils ont du métier les bougres). Ces types ne sont pas tombés de la dernière bécane et c’est clairement l’assurance de s’en payer une bonne tranche que de les voir sur scène ! On jappe donc d’impatience quand résonne la bande-son introduisant les Londoniens et on ne va – une fois de plus – pas être déçu. Le quatuor va envoyer du tout bon en dépassant son temps de jeu et Ben Ward, en maître de cérémonie impeccable, a une fois de plus dépensé une folle énergie pour enflammer le public qui s’était déjà cogné du riff depuis une tripotée d’heures ; bien évidemment, ça a marché et ça a été le carton plein du côté de l’audience qui en redemandait même (fallait voir le pit bouillonnant sur des brulots comme “They Come Back”). En envoyant le lemmyesque « The Devil’s Whip » en deuxième position, les Anglais ont vite mis les choses aux poings et par là même pas trop été desservis par la performance de la formation les ayant précédés. Ne prenant pas de réel risque question setlist (« Saruman’s Wish », « Quincy The Pigboy » ou « Red Tide Rising »), Orange Goblin nous a à nouveau confirmé tout le bien que nous pensons de cette formation dans la place depuis le début de l’ère stoner (ou presque).
WINDHAND
Windhand
Headlinant la petite scène entre deux formations mythiques, les Ricains experts es-doom ont vu converger une foule compacte pour assister à leur sabbat même si les goblins avaient un peu explosé la montre. Le collectif de Richmond, Virginie, a ses fans et ceux-là se pressaient devant la scène pour se trémousser avec lourdeur sur la bande-son plombée qui allait être déroulée avec tout le savoir-faire qui a fait leur réputation (en plus que d’être signé chez Relpase ; ça aide aussi question notoriété). Un bémol toutefois au sujet de la qualité du son qui ne mettait pas assez en avant les parties vocales de leur frontwoman ; pas assez poussée, ses vocalises – certes bien hallucinées – se noyaient dans le magma sonore qui sert de terrain de jeu à ses beaux malades. Généreuse en groupes de doom, la programmation de la journée a carrément bien marché à Bâle et les aficionados de musique barrée en avaient pour le compte lorsque les Etasuniens ont coupé leurs amplis pour laisser place aux légendes vieillissante qui allaient se produire sur la main stage.
SAINT VITUS
Ne le cachons pas : quand on voit les papis Scott Reagers et Dave Chandler se préparer quelques minutes avant de monter sur scène, l’un vouté et l’autre marchant avec des béquilles, notre enthousiasme est un peu douché. Fast rewind quelques mois/années plus tôt : Scott Reagers est rappelé à l’arrache par un groupe en galère, victime d’une défection un peu brutale d’un Wino devenu persona non grata en Europe (et conséquemment au sein du groupe). Le bonhomme retrouve les planches après quelques décennies d’anonymat, et arbore son look de bon père (grand-père ?) de famille et un sourire de gamin. Les mois ont passé, et la crinière du vocaliste a poussé (pour un résultat un peu chaotique) et on les attend un peu au tournant. Autre surprise : exit le nonchalant Mark Adams à la basse, on retrouve le puissant Pat Bruders (Crowbar, Down…) à la 4-cordes. Dit autrement, ceux qui étaient restés bloqués sur la formation “classique” du combo en sont pour leurs frais : seul Dave Chandler répond présent ! Le groupe assume toutefois, et débite une set list presque exclusivement constituée de titres issus des albums de Reagers. Pas le choix le plus évident, le public d’aficionados étant largement constitué de fans de Wino (sauf Tatsu Mikami de Church of Misery, qui monte sur scène en joie, légèrement imbibé…), qui s’exprimeront d’ailleurs pleinement sur la conclusion avec les classiques “Look Behind You” et “Born Too Late”. Scéniquement, Reagers est bien dedans mais c’est encore Henry Vasquez, avec son kit à même le sol, qui emballe par son exubérance scénique et son aisance. Chandler fait du Chandler, Reagers fait le taf, Bruders est bien dedans en remplaçant (?) de luxe… Un bon set, sans flamboyance, avec un groupe pas si mal dans ses baskets, mais pas forcément non plus où on aurait aimé le trouver… (même si le Saint Vitus de nos rêves appartient au passé).
La journée se clôture gentiment et la tonalité de cette édition 2017 du Up in Smoke se dessine ou se confirme : quelque part entre générosité et épicurisme, baignant dans une ambiance bon enfant et conviviale, c’est cette année encore avec le cœur lourd que l’on quitte tout le monde et que l’on se remémore sur le chemin du retour la quantité impressionnante de concerts vus en deux journées, avec une programmation aux petits oignons, mixant découvertes et valeurs sûres. On signe direct pour l’édition 2018 !
Le Up In Smoke immobile c’est un peu le coup d’envoi de la saison des concerts pour les stonerheads européens ; ce festival étant d’une part le premier des week-ends d’octobre consacrés à la musique que nous chérissons sur ce site, et d’autre part le passage obligé des nombreuses tournées organisées dans le sillage des festoches précités qui nous permettent de nous taper, à la maison ou presque, des plateaux d’excellente facture (que l’on aimerait bien croiser tout au long de l’année sous nos latitudes). L’événement bâlois se déploie comme depuis sa deuxième édition sur 2 jours (alors que le Keep It Low et le Desertfest d’Anvers durent 3 jours) et permet aux publics suisses, allemands du sud et français de l’east side de se taper une kyrielle d’excellentes formations dans un lieu idéalement placé géographiquement parlant.
Nous pouvons faire confiance au bon goût de nos amis de Sound Of Liberation ainsi qu’à l’exemplaire sens de l’organisation des suisses gérant le Z7 pour être soignés durant toute la durée de ce grand raout, avec même l’option fort appréciée par certains festivaliers de pouvoir dormir dans la salle de concert à moindre frais une fois les amplis éteints. Si la gastronomie du terroir n’est pas le point fort de ce rassemblement, tout le reste en fait un incontournable de l’été indien pour tout fan de stoner qui se respecte la moindre.
C’est le sourire aux lèvres et la bave dégoulinant sur nos mentons que nous avons convergé à trois pour vous rapporter fidèlement (ou presque) notre expérience bâloise.
JACK SLAMER
Première formation à se produire lors de ces festivités du riff, Jack Slamer fait tout de suite bonne impression aux hippies de l’assistance. Enfants du pays, à la grosse louche puisqu’ils viennent de Winterthur à une centaine de bornes, le groupe a déjà effectué un beau parcours et ils ne détonnent pas du tout en ouverture de rideau. Ils dispensent un rock hyper vintage qui puise son inspiration dans les seventies. Échangeant quelque peu en allemand (comprendre en suisse-allemand) avec le public déjà assez nombreux en cette fin d’après-midi, ils maintiennent devant la petite scène les festivaliers qui entrent au compte-gouttes dans l’enceinte en raison d’une nouvelle configuration de l’entrée peu compréhensible aux non-germanophones. Le frontman à dreads focalise l’attention et les compos fort abouties font de cette première passe d’armes une excellente mise en bouche, même si la pluie a tenté de gâcher la fête (sans succès vu la nouvelle organisation de la petite scène plus haute, plus large et couverte sur une longueur plus importante). Bref on s’en bat les couilles des conditions climatiques et on tape du pied en mesure pendant que le tambourin vient souligner le côté vieille école de ce premier set.
USNEA
On change radicalement d’ambiance en se glissant (qui a eu la lumineuse idée de fermer un des battants de la halle pour optimiser les frottis frottas entre bipèdes lors des déplacements d’une scène à l’autre ?) dans le hangar où se situe comme à l’accoutumé la grande scène qui accueille les pointures les plus en vue du grand public. Peu loquaces et lovés de rouge, la formation doom de Portland (encore ?) nous assomme avec une prestation qui pulse terriblement. Les Ricains qui viennent à peine de sortir leur nouvelle salve de missiles Portals Into Futility ne s’embarrassent pas de décorums sophistiqués ; ils alignent les bûches en grognant sous leurs capuches avec des lights minimalistes. Leur performance procure aux Lourds de l’assistance des sensations fort agréables si l’on considère les sourires qui illuminent les faciès des bourrins amateurs de sensation doom. Les compositions alambiquées du quatuor résidents de Relapse (une boîte à qui on n’a jamais pu opposer grand-chose en ce qui concerne la qualité de ses sorties) qui passent par des plans ambients et hyper lents presque aériens avant de s’enfoncer dans le déluge sonore, ont participé à la montée en puissance de cette journée et ont même ramené le beau temps à l’extérieur. Bref on s’est pris une belle branlée alors que les moins prévenants rongeaient encore leurs freins sur les autoroutes suisses peu fluides en ce début de week-end : tant pis pour eux ; ils ne peuvent avoir que des regrets d’avoir loupé cette prestation déroulée avec maestria.
KALEIDOBOLT
Un tantinet groggys après le passage du rouleau-compresseur étasunien, nous regagnons la petite scène pour assister à la prestation du trio finlandais qui nous avait déjà fait forte impression sur scène par le passé. Hyper en place et en pleine campagne européenne, ces vikings se secouent la tignasse pour un set hard rock qui fleure bon les années quatre-vingt ! Que l’on soit fan ou pas de ce genre quelque peu daté, il faut concéder au groupe d’Helsinki qu’il touche sacrément sa bille et qu’à part si l’on a les conduits auditifs carrément obstrués par de la fiente de pigeon, il est difficile de réfréner des mouvements de nuques tant leur énergique prestation du jour, soignée aux petit oignons, est communicative. Compliqué pour eux de passer à côté des gros gimmicks du genre : soli de guitare et solo de batterie, mais c’est pour la bonne cause (celle de faire remuer nos flasques popotins) et ça plait visiblement aux spectateurs. Plutôt pugnace, leur set gagne en puissance au fur et à mesure qu’il se déroule. Un titre encore inédit sur disque vient se placer en avant dernière position et c’est devant un public acquis à sa cause que les Finlandais mettent un terme à une prestation qui aura mis tout le monde d’accord que l’on soit amateur de grosse sensation d’obédience bourrine ou nostalgiques des années soixante-dix (ou septante c’est comme vous la sentez !). Mission accomplie avec brio pour Kaleidobolt dont on attend avec impatience la prochaine plaque.
TROUBLED HORSE
Nous voilà donc bien échauffés, les muscles tout tendus et le cardio palpitant pour écouter, accoudés aux crashs de la scène principale, la prestation de Troubled Horse, combo suédois signé chez Rise Above Records et pas les derniers venus sur la scène stoner. La presta est aboutie, les riffs incisifs, l’échange entre zicos se fait naturellement, on oscille entre la créativité rock’n’roll d’un Greenleaf et le son d’un Graveyard (les couilles et la sueur en plus). Le chanteur Martin Heppich fait le taf, communique, le groupe se fait plaisir, bref, un vrai moment cool de rock 70s qu’on goûtera jusqu’à la dernière note.
RADIO MOSCOW
On devra, de fait, se frayer un chemin jusqu’à la petite scène dehors pour assister à la presta de la radio du Kremlin. La salle serait bien avisée l’année prochaine de profiter du double battant de la porte pour fluidifier les allers et venues du public, d’ailleurs. 1300 personnes dans un lieu aussi exigu et une demie-porte ouverte, c’est assez incompréhensible. Mais passons. Le trio est en place et commence à balancer sa sauce parfaitement connue maintenant. Et bigre, ça fonctionne toujours aussi bien. Du rock, de la dentelle de manche, de la note bendée à tire larigot, ça crunche et ça s’éraille les cordes vocales. On est dans le cuir et la frange et malgré une corde cassée dès le début du set et des p’tits soucis récurrents sur la Fender, le trio ne s’en laisse pas compter et le public le lui rend bien. Coup double pour l’esprit 70’s avec le set précédent donc. On arrivera même à s’abreuver de quelques effets psychédéliques peu présents cette année sur la programmation. Rassasiés, bien contents, on frôle le long stand de Wurtz, et on attend de passer la demie-porte pour assister au set suivant. Celui, bien attendu évidemment par une foule déjà bien présente de mister cool lui-même.
BRANT BJORK
… et vu l’affluence, on assistera au concert derrière la régie de face. En formation rodée et connue, le Bjork va faire du Brant et rassasier la masse acquise à sa cause. Rien d’original bien sûr mais on attend pas ça de lui. Du dernier album à Jalamanta, tout y passe. Une impression pourtant de joyeux bordel nous étreint. Même si la musique du monsieur se prête à la nonchalance, le set de ce soir revêt un aspect foutraque auquel on n’est pas habitué. L’apport peut-être de Sean Wheeler, un vieux machin du désert un poil en décalage avec la zic du combo. Reste que le concert est plaisant mais pas autant que les fois précédentes. La foule, elle, semble conquise et c’est le plus important.
UFOMAMMUT
Après ce set du grand frisé du désert, une autre figure emblématique du genre se prépare à se lancer dans la bataille : le trio transalpin Ufomammut se prépare tandis que le public termine sa translation vers la seconde scène. Sans projection vidéo, le set se basera sur la musique du groupe uniquement, et c’est finalement tout ce qui compte. On a digéré pas mal de contrastes musicaux assez violents aujourd’hui en passant d’un groupe à l’autre, grâce à une affiche riche et variée ; mais le contraste entre le chantre du desert rock US et les doomeux européens va s’avérer dur à encaisser pour les cortex les plus fragiles. Car Ufomammut, encore une fois, n’est pas venu pour faire dans la dentelle. Ça commence très fort et la tension reste au point fort sur tout leur set. Baignant dans un light show rougeâtre plutôt apathique (mais rien d’inédit ici chez Ufomammut) les trois musiciens s’engagent sur un set qui défrisera une part de l’assistance par son audace : voilà que nos bonhommes commencent leur prestation en se lançant dans l’interprétation par le menu de leur dernière galette, sortie il y a quelques jours à peine ! Audacieux ! Sacrée confiance en soi et en la qualité de ce (remarquable, il est vrai) disque. En conséquence, le public est un peu pris à froid au début, mais les nuques se réchauffent très très vite, et dès le premier quart du set, le headbanging-yeux fermés-sourcils froncés-mâchoire serrée devient le sport le plus pratiqué entre le premier rang et la table de mixage. Et l’art d’Ufomammut prend toute son ampleur dans cette nouvelle performance, envoûtant un public rapidement consentant à l’aide de ses riffs-pachydermes poussés ad libitum tendance hypnose lancinante, enchaînés par des breaks en forme de virages bienveillants pour amener les spectateurs jusqu’à la fin d’un set encore une fois impeccable. Classieux, en contrôle, efficace, Ufomammut tient une forme depuis plusieurs mois qui impressionne.
GRAVEYARD
Les voici donc enfin devant nous. Les inventeurs du fast-split. Les bougres avaient sacrément à se faire pardonner l’année précédente et les annulations des différents festivals suite à leur split (qui aura duré, rappelons-le, 3 ou 4 mois, LOL donc). Mais c’est Graveyard que nous avons devant nous quoi ! Leurs albums étant de vraies perles, nous n’allions pas bouder notre plaisir de les voir, enfin, les chantres d’un rock racé, à l’écriture d’orfèvre et à l’exécution au cordeau. Alors ? Quid de la prestation de la tête d’affiche de ce premier jour ?
Et bien pas grand chose à vrai dire. Si le concert tient, c’est par la valeur intrinsèque des compositions et non par leur exécution du soir. Il n’y a aucun intérêt à écouter un album moins bien mixé non ? C’est un peu l’impression qui nous assaille. Pas de véritable flamme, une communication a minima, rien qui déborde, pas de prise de risque, ni de véritable envie. Le froid nordique ? Peut-être. Reste un arrière goût d’inachevé quant à ce live. De beaux moments mais rien de vraiment bien bandant.
La journée aura néanmoins été riche, et il est temps de prendre un peu de repos en prévision de celle de demain, bien plus chargée encore !
Cela faisait un petit moment que les Stoned Gatherings n’avaient pas organisé de réjouissances sur Paris. Résultat : le peuple commençait à gronder aux portes du Glazart, prêt à tuer pour se mettre quelque chose sous l’oreille après ces quelques mois de disette. Sous la pression, les SG ont décidé de nous offrir une soirée qui devait rassasier tout le monde pour un petit moment, avec Satan’s Satyrs, Conan, Monolord et Windhand.
Suite à des problèmes logistiques chez Satan’s Satyrs, le line up de la soirée est légèrement modifié et c’est aux anglais de Conan d’ouvrir la soirée. Conan n’est plus vraiment à présenter, tant la hype qui gravite autour du groupe depuis un moment est devenue importante (agaçante?), c’est donc sans étonnement que la salle est déjà bien remplie. Accordons leur cela, voir Conan en live est toujours la garantie de recevoir une baffe auditive : c’est gras comme un sandwich beurre-saindoux et lourd comme un sketch de Bigard. Et au Glazart, ça donne un gros bourdonnement informe qui fait vibrer le slip, rien d’autre. Une fois décernée la palme de groupe le plus massif du moment, il ne reste malheureusement plus grand chose. « Crown Of Talons » ouvre le concert, ça fait toujours plaisir à entendre, mais tout ça devient vite ennuyeux et linéaire… En somme, c’est un concert à l’image de la discographie du groupe, qui peut se résumer à un copier-coller de Monnos, leur premier album. Conan s’épuise et ça fait peine à voir. Parfois, soigner ses artworks ne suffit pas.
Conan
Il est 20h40 et les suédois de Monolord présents sur scène et s’affairant aux derniers réglages techniques commencent à faire mourir d’impatience la foule amassée au pied de la scène, la chaleur n’arrangeant rien. Enfin, les premières notes de « Where Death Meets The Sea » de leur dernier album Rust résonnent et les têtes commencent à remuer. Oui, parce qu’impossible de faire autrement face à ces riffs ultra entêtants bourrés à la fuzz et à cette voix hypnotisante (que l’on peine un peu à entendre). Monolord est en effet assez doué dans l’art de la formule obsédante, et le morceau suivant « We Will Burn », vient à nouveau nous le démontrer. Après un Conan au jeu scénique proche du néant, l’énergie que dégage les trois suédois fait du bien et réveille la salle.
Monolord
Lorsque les membres de Satan’s Satyrs investissent la scène et démarrent leur set, on pourrait croire à une mauvaise blague. Entre les deux guitaristes moustachus et torse nu, le chanteur bassiste est habillé d’un débardeur panthère et nous rappelle plus Twisted Sister que Black Sabbath. Pourquoi pas, mais sur une affiche comme celle là, on ne s’attendait pas forcément à ça. Pourtant, on s’aperçoit rapidement qu’on est très loin de la légèreté glam : c’est couillu, riffesque à mort, et le public (largement moins présent qu’aux deux précédents groupes, il faut l’admettre) se prête au jeu et finit par prendre son pied. On pense à du hard, du heavy, un peu de punk, et aussi à Jagger periode Exile on Main St. Des problèmes de volume subsistent au niveau de la voix du chanteur, trop en retrait. Finalement, on ne l’avait pas vu venir mais Satan’s Satyrs a livré le concert le plus fun de la soirée.
Satan’s Satyrs
Après avoir allumé quelques bâtonnets d’encens, Windhand démarre son set avec « Orchard », extrait de l’excellent Soma. Un très bon morceau qui illustre parfaitement ce qu’est Windhand : une chanteuse à la voix envoutante arrosée d’une bonne dose d’écho, des riffs simples, lents et pesants auxquels viennent s’ajouter quelques petits soli lugubres déformés par une wahwah.
Windhand ne casse pas les nuques mais fait plutôt rentrer en transe, les yeux fermés et le corps engourdi et remuant lentement au rythme de ses longs morceaux sombres et fascinants.
Malheureusement, une fois de plus, la voix de Dorthia est trop peu perceptible à côté des instrus qui eux balancent le ketchup. Le set des américains reste parfait et nous a plongé dans une véritable léthargie jouissive.
Windhand
En conclusion et sans trop de surprise, les Stoned Gatherings nous ont à nouveau régalé avec une très bonne soirée, malgré des problèmes évidents sur les voix. Une déception tout de même avec Conan, qui m’a définitivement convaincu que ce groupe n’avait plus grand chose à apporter et commençait vraiment à manquer d’inspiration. Sans rancune.
Un concert de Mars Red Sky gratuit, en plein été indien (si si !), dans un parc arboré en bordure de ville… Autant dire qu’on n’a pas réfléchi longtemps avant de décider d’y aller. Le Sulfurock n’est pas un festival tout neuf, agitant depuis huit ans ce lieu agréable avec une armée de bénévoles souriants, une ambiance conviviale et une programmation rock sérieuse. Le succès est au rendez-vous, cette édition 2017 ayant rassemblé plus de 600 personnes.
On arrive sur le site aux derniers rayons du soleil couchant, tandis que le duo Équipe de Foot s’agite déjà sur la scène. Premier point qui se confirme alors qu’on avançait petit à petit à pied en direction du parc Séguineau : le son est massif, et clair. Très honorable pour un événement de cette dimension. Musicalement, ce qui se passe sous nos yeux n’est pas désagréable : les deux musiciens (guitare & batterie, vous l’aurez imaginé), grimés en footballeurs de l’équipe de France, évoluent dans un genre musical trouble, qui va piocher ici ou là dans le rock, la pop, baignant dans une atmosphère rock indé, avec quelques rythmiques qui tabassent. On pense à beaucoup de groupes, dont évidemment des combos comme Weezer pour cette capacité à aligner des rythmiques plombées avec toujours des plans catchy, quasi pop, dans les refrains ou couplets. En tout cas c’est agréable, les gars s’amusent et déconnent sur scène, et les sourires sont partagés dans le public.
On retrouve encore une fois Blackbird Hill, eux aussi un duo, eux aussi groupe local, que l’on avait (re)vus il y a quelques semaines sur la même affiche que les Truckfighters ou Hark. Pas décalés sur cette affiche, le groupe fait une nouvelle fois bonne figure et semble satisfaire un public bienveillant. Le concert ne change pas beaucoup par rapport à la dernière prestation (set list identique ou proche, scénographie similaire ou proche, code vestimentaire proche…), on n’en fera donc pas des tonnes dans le descriptif. Ça n’est encore une fois pas du stoner – et ce constat ne les rend pas mauvais pour autant. Juste un peu hors sujet eux aussi pour nos pages.
Il suffira de quelques instants pour installer la scène afin de recevoir le trio girondin de Mars Red Sky. On avait vu nos frenchies pour la dernière fois il y a quelques semaines au Hellfest. Contexte complètement différent aujourd’hui : tandis que, sous la Valley, le format resserré et la pression d’un public exigeant avaient poussé le trio à produire un set concis, efficace et dense, l’ambiance d’aujourd’hui est plus détendue : les sourires sont de rigueur (sur scène, et rappelons-le, dans le public), plusieurs messages sympas sont adressés au public (qui répond !)… Très bon feeling, détente et bonne ambiance.
Musicalement, on est sur du très costaud : on connaît la solidité du trio girondin, on constate ce soir que détente n’implique pas pour autant laxisme. Le set de ce soir est maîtrisé, avec une set list chiadée, signe que le groupe ne choisit pas la facilité, même devant “son” public local. Il faut dire que ledit public est bien à fond, avec même une grosse poignée de gros amateurs qui reconnaissent les titres un à un. Les musiciens se font plaisir, en proposant des arrangements travaillés de leurs chansons, des enchaînements originaux, aménageant ici ou là des plans subtilement improvisés. On reconnaîtra donc une part de leurs titres clés (“Hovering Satellites”, “The Light Beyond”, “Strong Reflection”…) mais souvent remaniés, tronqués… Fondamentalement, le set est dense musicalement, alternant les ambiances altières et les passages plus lourds et graves, bien chargés par une section rythmique massive ce soir. Julien Pras, tout en retenue dans sa posture, déclenche l’artillerie lourde guitaristique avec une nonchalance et une assurance bluffantes, surtout que ses vocaux ce soir encore sont irréprochables – il n’en mettra pas une à côté, même sur les plans les plus haut perchés. Le voir jongler avec ses pédales d’effets en plus de dégainer riff sur riff est un véritable enchantement.
Au final, on n’aura pas regardé la montre, et lorsque le groupe quitte la scène sur une outro bruitiste un peu étrange, après plus d’une heure de set, tout le monde en veut encore. Certaines personnes du public vont même derrière la scène pour supplier les musiciens de remonter pour un rappel ! On se contentera donc de ce qu’on a eu, mais c’est déjà énorme, et on repart ravis.
Les Volcano Sessions n’auront jamais mieux porté leur nom que cette année. Car oui, c’est un cratère baigné d’un lac qui nous accueille en ce premier jour du festival organisé par Black Owl. Petit comité, gros pâté de pommes de terre, bières fraîches et line-up sexy sont au programme des réjouissances, et on compte bien en profiter un maximum. Le temps pour nous de planter les sardines de notre Quechua malodorante dans les flancs du monstre endormi, de saluer les copains de la fuzz issus des 4 points cardinaux, qu’on se retrouve un demi-litre à la main devant le duo Powder for Pigeons.
La tâche n’est jamais aisée d’ouvrir, mais les conditions idéales, la joie ambiante et les riffs grungy du combo font que ça passe crème. Powder n’a rien d’un groupe révolutionnaire, ni dans son intention, ni dans ses idées, mais il dérouille les oreilles de belle manière. Ces dernières sont donc bien huilées pour la suite, le gosier fraîchement lustré et les envies aiguisées. On n’en demande pas plus.
Et c’est l’appétit grandissant que l’on goûte avec délectation au set de Mars Red Sky. On ne va pas vous faire l’affront de présenter les Bordelais tant on en parle régulièrement. On va juste vous dire que leur set résonnant dans un volcan, les projections sur les parois, la timidité d’un Julien Pras dans un lieu aussi magique,… bin merde, c’est grandiose quoi ! Magique. Bandant. Rien à dire. On n’entend pas vraiment les gens moufter d’ailleurs. Tout le monde semble conquis par la magie de l’instant. Nous le sommes, c’est une certitude.
Pas facile de passer derrière (si je puis me permettre), de clore la première soirée. C’est aux suisses de Sons of Morpheus (déjà vus en première partie de Karma to Burn l’année dernière) de s’y coller. Ca shred, ça déroule, pas de soucis concernant l’aspect technique mais un je-ne-sais-quoi qui nous empêche d’adhérer se fait ressentir tout le long du set. Peu importe. On passe quand même une première soirée à la cool et on n’en demande pas plus.
La nuit n’aura de conseils à donner à personne, le houblon se chargeant des opérations. Un peu de pluie, un peu de sommeil. Demain sera une autre belle journée.
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Jour 2 :
Le volcan est toujours éteint lorsque les êtres s’éveillent, les yeux embués par les excès de la veille, de Saint Nectaire et autres spécialités locales. Le ciel menace sans grande conviction et après quelques heures à visiter lacs et ruisseaux, nous remontons sur le site bien décidé à prendre notre seconde rasade de fuzz.
Nous avons à cet instant raté Hell’s Strippers, régionaux de l’étape dont le hard rock résolument 70’s aura, selon les informations glanées, réveillé comme il se doit les oreilles des spectateurs présents. Les parisiens de Montecharge sont quant à eux en piste depuis quelques morceaux déjà et finissent leur set sur une reprise préhistorique de Red Fang. Il faut bien que jeunesse se passe. L’ambiance est alors chargée mais la pluie vient, par quelques gouttes, doucher les hardeurs.
Le temps de laisser passer l’orage qui en est à peine un, et voilà que Glowsun s’installe devant le lac. J’ai beau avoir vu ce groupe cent fois, dans cent configurations différentes, les 3 indéboulonnables lillois mettent un feu de dieu, et le public devient alors dingue. Grosse prestation.
La nuit est désormais bien tombée et Cachemira prend la suite. Dur pour ces fans de Radio Moscow de soutenir la comparaison face à la tornade précédente. A défaut de trouver la salvation dans la musique, on prendra le temps d’apprécier les pantalons pattes d’eph’ des musiciens. Total look.
Pour clôturer la soirée, Saturna, espagnols eux aussi, prennent la relève. Quelque part entre Witchcraft et Alice in Chains, suintant la classe et porté par un chanteur aux qualités vocales indéniables, le groupe emporte la grosse centaine de spectateurs présents, malgré un batteur de remplacement (celui de Cachemira donc) plus appliqué qu’autre chose. Le set se finit par « Forever My Queen », hymne de Pentagram qui finira d’embraser le volcan. Grosse baffe.
C’est dans cette chaude ambiance, faite de concerts puissants dans un cadre idyllique et transporté par ce génial rassemblement de copains, tous esthètes de la fuzz, que nous rejoignons live notre Pompei des rêves.
Le Black Bass festival se tient au milieu des marais de la région de Blaye, à proximité de Bordeaux, depuis quatre ans maintenant. Festival modeste et sympathique, il privilégie l’ambiance et la qualité, mais ne revendique pas forcément une programmation musicale d’une grande « cohérence » : on y retrouvera au fil du week-end toutes les variations depuis gros rock qui tâche jusqu’à la pop, en passant par la folk, etc… le tout en électrique ou en acoustique !
A priori pas forcément de quoi réveiller le stoner-head de base, donc… sauf que cette année, l’affiche de la seconde journée avait a contrario de quoi intéresser… voire écarquiller les yeux ! Truckfighters pour la seule date française de cette tournée ? Hark aussi ? Rajoutez à ça quelques allusions bien appuyées à des groupes d’affinités desert-rock-iennes, et il ne nous en a pas fallu beaucoup plus pour nous décider à prendre la route…
On gagne le site en pleine rase campagne et très vite en arpentant la zone du festival on est agréablement saisi par l’aspect paisible et champêtre de la chose : deux scènes placées de part et d’autre d’une zone complètement arborée très agréable, calée entre des champs et un beau château anciennement voué à cet espace viticole. La zone est baignée d’un beau soleil de fin de journée, on se balade et on repère des food trucks, des buvettes, des stands de jeu, des stands de prévention… On a à peine le temps de faire le tour que les premiers accords de guitare acoustique résonnent sur la « petite » scène (de bonne taille néanmoins).
Quelques pas suffisent à nous rapprocher de Julien Pras, qui a la responsabilité de lancer cette seconde journée de festival avec un set solo. Et oui, LE Julien Pras à la tête du trio français Mars Red Sky ! On sait le chanteur-guitariste plutôt effacé dans son rôle de frontman, on n’est donc pas tant surpris de le voir prendre la scène avec timidité… Le talentueux vocaliste balbutie un peu son intro, et interrompt même son premier titre suite à un pain ou trou de mémoire… Plutôt que de décontenancer, cette attitude sincère et humble génère en fait une sorte d’empathie formidable, si bien que l’on se croirait plutôt dans la maison d’un pote musicien ou dans le fond d’un petit bar intimiste, plutôt qu’en open air en festival. S’ensuit un concert chaleureux, impeccablement exécuté (plus aucun pain, tout est fluide et maîtrisé), qui évidemment ne contentera pas la soif de décibels saturés du fan de stoner un peu basiques (on est dans un environnement 100% acoustique, orienté folk et pop plutôt que rock), mais qui donnera le sourire à une assistance conquise. Notons que Julien ne cherche pas à concentrer l’attention sur lui seul puisqu’il a invité la chanteuse et instrumentiste (percus, une sorte de harpe électro-acoustique…) Helen Ferguson, qui l’accompagne pendant tout le set. Les titres s’enchaînent, jamais dépressifs (le piège de l’acoustique…), toujours subtilement mélancoliques. Super performance d’ouverture.
Un DJ set rock vient occuper le temps nécessaire pour installer la scène pour Blackbird Hill sur cette même scène. Le duo girondin bénéficie d’une ambiance crépusculaire très propice aux efforts déployés pour l’aspect visuel de leur performance : fumée, lights travaillés, look étudié … Le groupe a pas mal joué ces derniers mois et sa mise en place est quasi impeccable : son boogie rock plus ou moins saturé ratisse large et cartonne auprès d’un public qui est bien dans le cœur de cible. De manière purement subjective, on regrettera un peu la vision très « construite » des morceaux, ne laissant que peu de place pour une prise de liberté un peu salvatrice, une impro, un plan un peu fun… Tout ça est très carré, et très sérieux… trop ?
Vient immédiatement ensuite le moment pour le public de se rassembler à la tombée de la nuit devant la grande scène qui pour certains s’apparentera ce soir à un lieu de rituel : Calc monte sur scène pour la première fois depuis une décennie, en gros. Le combo pop rock bordelais se reforme uniquement pour le festival, et son influence sur la scène locale (et nationale) se ressent sur les sourires dans le public. Accessoirement, Calc est aussi le groupe de… Julien Pras, toujours lui, qui occupe le poste de chanteur-guitariste, comme chez Mars Red Sky. Sauf que musicalement, la musique du groupe est quand même loin des space trip heavy proposés par le trio bien connu de nos pages. Calc fait plutôt dans le pop rock, intelligemment pop et subtilement rock, proposant des compos audacieuses, piochant ici ou là dans des plans new wave, misant sur la mélodie avant tout. C’est bon enfant, bien exécuté, bien travaillé (encore une fois très beaux lights et mise en son impeccable), tour à tour léger et grandiloquent (ce morceau de conclusion !). Un bon moment, même si la saturation n’était pas vraiment au rendez-vous.
Après un intermède « concours air guitar » assez convenu mais finalement sympathique, vient l’heure du set de Truckfighters. Le trio suédois a passé une bonne demi-heure sur son soundcheck, ce qui s’entend assez vite : à nouveau aujourd’hui, le son est clair, percutant. Le trio propose une entame / jam s’articulant autour de la paire « Atomic » / « Chameleon » ; ça n’est pas explosif mais ça embarque le public dans le genre musical du groupe. Le public est bigarré par nature sur ce genre de festival, mais un noyau dur de fans de truckfighters occupe les premiers rangs et le pit. L’affluence étant au rendez-vous, l’ambiance est au top ! Sur scène aussi d’ailleurs, où l’air de rien, ça joue : la paire Dango / Ozo est robuste (ce dernier impeccable aujourd’hui sur ses lignes de chant, et toujours doté – on le signale trop rarement – d’un son de basse impressionnant, une clé dans le son du groupe). A noter : on sait que le tabouret du batteur de la formation s’apparente plus à un siège éjectable, tant le duo a du mal à fidéliser un marteleur de fûts à ce poste. Aujourd’hui c’est le bon vieux Pezo qui occupe le poste (celui qui apparaît notamment dans le célèbre DVD « Fuzzomentary »), et l’on se prend à regretter qu’il n’ait pas suivi le groupe toutes ses années, tant il assure à son poste, frappant juste et fort, avec une énergie qui fait penser à un hybride entre Animal (le batteur des Muppets) et Tiger, le batteur de Kadavar à la crinière virevoltante. Clairement la première demi-heure du set suit son cours en mode un peu automatique, et c’est avec le fuzzé « Monte Gargano » que les choses sérieuses commencent, y compris dans le pit. Les scandinaves introduisent un autre nouveau morceau avec réussite, « The 1 » faisant bien le job dans cette séquence renforcée en testostérones. Le set prend fin évidemment sur l’indémodable « Desert Cruiser » en rappel. Un concert impeccable, à l’occasion duquel le groupe a encore proposé une set list audacieuse, et maîtrisée, ce qui lui permet à de multiples occasions de se lancer dans des impros du meilleur goût (permettant aussi de mettre en avant leur talent de musicien, trop souvent « sous-évalué » derrière les cabrioles un peu outrancières de son guitariste… Back to basics !). Le public repart ravi, récupérant au passage le pantalon trempé et les chaussures de Pezo, qui repart en caleçon, le sourire aux lèvres…
Les français de Lysistrata enchaînent sur la petite scène. Le vent en poupe, les trois jeunes musiciens développent une énergie scénique absolument emballante. Le public ne s’y trompe pas, qui lui réserve un accueil plus que chaleureux. Musicalement, on pense à un mélange de At The Drive In, The Dillinger Escape Plan, à la sauce rock indé frenchie, pied au plancher. Ça joue bien, très bien, c’est très saccadé, et les morceaux sont bien foutus. Derrière ces éléments tout à fait objectifs et factuels… ça manque un peu de gras et de poil à mon goût : le package « jean’s slims/ourlets – rasés de près– guitare et basse calées bien trop haut sous les aisselles – cheveux bien dégagés derrière les oreilles – son clair» a un peu détaché le vieux con blasé qui sommeille en moi. C’est complètement subjectif et un peu honteux, c’est vrai. Sans remettre en cause le talent du groupe (et son potentiel pour les années à venir) j’ai lâché l’affaire très vite pour me caler au 1er rang de la grande scène et attendre le groupe suivant…
Point négatif pour Lysistrata : le trio tire sur la corde et déborde son slot de 20 grosses minutes. A bientôt 2h du matin, dans le froid de la nuit en rase campagne, ça commence quand même à piquer un peu… Heureusement Hark est prêt depuis un moment et quelques secondes à peine après le dernier accord dissonant des frenchies, les gallois, remontés comme des pendules, attaquent la scène la bave aux lèvres, prêts à en découdre. Le quatuor est trop rare ces dernières années, on pouvait craindre de les retrouver en rodage. C’est tout le contraire dans les faits : Hark est devenu une véritable machine de destruction live. Clairement, et c’est le constat premier de ce set, le groupe a « metallisé » son propos : même si ses compos ne manquent pas de subtilités et de finesses techniques et sonores, le riff est devenu maître à bord, et l’efficacité prime. Tee shirts Coroner, Keelhaul, Downfall of Gaia, backpatch Iron Monkey… on le sentait venir en les voyant monter sur scène ! Côté set list, le groupe est en promotion de son nouvel album (le délicat « Machinations » fraîchement sorti) : confiant dans cette rondelle il compose sa set list pour moitié de tirs qui en sont issus (le reste venant de « Crystalline », bien sûr…). Moins familier des derniers morceaux, on les encaisse de plein fouet coup sur coup, et on commence juste à cligner des yeux en reconnaissant les plus classiques « Mythopoeia » et « Scarlet Extremities » qui viennent ponctuer la première moitié du set. Evidemment, sur scène, Jimbob mène ses troupes, toujours armé de sa caméra Go pro accrochée sur la tête de sa guitare (un peu chiant, avouons-le, tant ça attire l’œil). Mais sur les ailes et en fond de scène, on se regarde pas le nombril non plus : ça débite des bûches par stères entières, sans répit. Tout le monde est à fond, et les dégâts sont là, même si le public s’est un peu amoindri après les Truckfighters (notoriété du groupe moindre, genre musical plus exigeant, température ambiante rédhibitoire, fatigue…), remplissant néanmoins très convenablement le pit, et l’agitant bien comme il faut avec quelques moshers dont certains au premier rang un peu imbibés (ou très passionnés…). Les gallois achèvent leur set (et le public) avec le terrible « Palendromeda », mais décident de revenir pour un rappel imprévu (si si, ça existe encore ce concept !) qui finira de donner le sourire à tout le monde, eux compris. Une belle leçon.
On quitte le festival ravis, évidemment, par cette journée haute en émotions, et on reste bluffés par cette programmation exigeante compte tenu d’un festival qui se veut ouvert, destiné à un public large. Un coup de maître en tout cas, le festival ayant réalisé l’une de ses plus grosses affluences historiques… A suivre de près sur son édition 2018 !
Le 16 août dernier au Gibus à Paris, Fuzzoraptors et Fauchage Collectif nous ont concocté un plateau de 4 groupes qui pouvait se résumer en quatre lettres : doom. Les américains de Cough se payaient la tête d’affiche et les autres groupes n’avaient pas à démériter : labellisé 100% français, on retrouvait Malemort, Monarch ! et Witchthroat Serpent. Comme si la fête manquait de lascars, Sinister Haze, le side project du guitariste de Cough, s’est rajouté à l’affiche 2 jours plus tôt. Il ne m’en a pas fallu plus pour quitter mon transat et prendre le premier retour pour Paris (c’est faux, je n’étais pas en vacances).
Il est 18h30 et une petite foule commence à se former devant le Gibus toujours fermé, alors que Sinister Haze est censé monter sur scène à la même heure. Une info facebook vient nous signaler au même instant que le running order vient d’être modifié, la faute à un léger retard des membres de Cough. Finalement, c’est Malemort qui ouvre la soirée à 19h15 [ndlr : notons que ce n’est pas le même “Malemort” qui officiait en ouverture de Crowbar il y a quelques jours, sur la même scène, et que ce sont tous deux effectivement des groupes français… ?!]. Alors que la salle est déjà convenablement investie, le guitariste fait sonner un triton des familles dans – fait assez rare pour être signalé – le silence le plus absolu (preuve que les amateurs de doom sont des gens raffinés et respectueux, ne saisissant pas chaque silence pour beugler). Le calme vient vite laisser sa place à une tempête de saturation, lente et éprouvante. Les hurlements du batteur viennent assombrir l’ambiance déjà loin d’être joyeuse, et les voix plus rauques du guitariste et du bassiste – puisque tout le monde chante dans le groupe – s’ajoutent aux réjouissances mortuaires. Le groupe quitte parfois les charentaises du funeral doom anxiogène pour s’aventurer dans des cadences plus black, où il semble être moins à l’aise et plus hésitant. Mais avec son atmosphère malsaine, Malemort réussit sans mal à transformer le Gibus en fosse commune et à poser idéalement les prémices d’une soirée doomeuse.
Sous une scène baignée de rouge, Monarch ! démarre son oraison. Le groupe qui sort un nouvel album fin septembre chez l’excellent Profound Lore Records ne s’impose aucune limite dans l’expérimentation sonore. A la frontière du drone et du doom, la principale originalité de Monarch! réside dans sa chanteuse; derrière un autel d’effets en tous genres, elle module et déforme sa propre voix. Cette blonde au visage angélique – et dont le t-shirt Saint Vitus ne suffit pas à nous effrayer – fait résonner sa voix pure au milieu de l’agitation sonore menée par les hommes qui l’entourent. Ce personnage à la fois rassurant et envoutant contraste surtout avec le bassiste, vêtu d’un débardeur à moitié déchiré Bathory frappé d’une tête de bouc et dont la basse orpheline d’une corde est placée à une hauteur suggestive. Cette engeance du diable hurle dans son micro et se remue beaucoup trop pour n’être qu’un simple fanatique. Entre une bière sifflée d’une traite et un regard assassin vers la chanteuse, il incarne la lubricité et la débauche s’attaquant à celle dont les chants sonnent trop délicieux. De sa musique jusqu’à la scène, Monarch! mélange habilement la douceur et la furie. Une grosse claque.
Une odeur d’encens s’est répandue dans la salle ; on subodore en toute logique les toulousains de Witchthroat Serpent, puisque, rappelons-le, leur dernier album intitulé Sang Dragon sorti en 2016 faisait référence à un encens psychotrope. Les spectateurs seront-ils bientôt les victimes de visions hallucinogènes sous ces effluves résineuses? En tout cas, ils sont plus nombreux et la scène se fait de moins en moins accessible. Witchthroat Serpent balance un stoner doom mystique des plus efficaces mais qui n’a rien d’étonnant. En live comme sur disque, Witchthroat Serpent fait penser à Electric Wizard, du son des grattes aux riffs fumeux en passant par un bon usage de la wah wah pour un zeste de psychédélisme. Toujours est-il que le set des toulousains passe agréablement bien, offrant finalement une bouffée d’air frais entre les vapeurs toxiques des précédents groupes et de celui qui va suivre. La marijane a meilleure odeur que la mort.
Sinister Haze commence avec une longue intro sans batterie avec Brandon Marcey grattant quelques accords tout en chantant d’une voix claire et légèrement plaintive. Pour vous donner une idée d’à quoi ressemble le side project du guitariste de Cough, prenez les morceaux les plus calmes de Still They Pray, enlevez un peu de crasse et rajoutez quelques harmonies, c’est gagné, vous obtenez Sinister Haze. Si les débuts de ce groupe étaient largement orientée vers le stoner, il semblerait qu’il se soit maintenant tourné vers un rock psyché et planant, à grand renforts de claviers de l’espace, d’arpèges du futur ou carrément de violons. Sinister Haze, tout comme son papa Cough, garde un goût certain pour les ambiances maussades et nostalgiques, et transporte son auditeur dans une sorte de rêve éveillé. Les gaillards ont bien eu raison de se rajouter à la liste des groupes de ce soir.
Un orgue se met à sonner, la salle est pleine pour assister à la procession du soir, celle de Cough. Torture, souffrance, misanthropie, voilà les quelques thèmes de prédilection du groupe, qui triomphe superbement dans le morbide. Avec des riffs des plus sordides et une voix qui semble vomir de la haine, Cough est la parfaite bande son d’un film d’horreur ou d’une fin du monde apocalyptique, au choix. Pour une raison inconnue, David Cisco, qui partage habituellement les voix avec le bassiste Parker Chandler, n’est pas là ce soir. C’est donc Brandon Marcey qui s’y colle, et il s’en sort plutôt bien. Alors que Parker s’occupe des parties nerveuses, le visage caché derrière sa longue chevelure, Brandon gère les passages plus doux, pour peu qu’il y en ait.
La désolation de Cough fait petit à petit son effet ; un dégénéré s’esquinte le poing en tapant sur la scène avant de mettre fièrement sous le nez des malheureux près de lui sa main ensanglantée. Une fille qui doit juger la qualité de ses photos un peu mauvaise depuis la fosse décide de monter sur scène pour prendre des gros plans de chacun des membres. Un peu plus tard, une autre viendra montrer ses seins et sera rejointe par un autre, venu montrer ses seins lui aussi, mais qui recevra étrangement beaucoup moins d’encouragements que sa camarade. L’heure de la dernière chanson arrive, et le claviériste demande de la weed dans le public. Tout va bien.
Une très grosse soirée qu’aucun amateur de son lourd et dépressogène ne devait manquer. Sur plus de 5 heures de concert, on déplore quand même que toutes les sorties de la salle fussent définitives. Peut être que dans ce climat sombre et oppressant, la soirée se voulait ainsi plus réaliste.
C’est un pari risqué que d’organiser un concert en plein weekend du 15 août, qui plus est un dimanche. Qu’à cela ne tienne, à l’heure où la capitale est désertée, Cartel Concerts décide de faire venir le géant de la Nouvelle Orléans, Crowbar. Le groupe qui avoisine les 30 ans d’activité n’a plus grand chose à prouver et se pose incontestablement en maître du sludge marécageux, à grands renforts de riffs imparables et d’une voix délicieusement abimée par le temps. A priori, la soirée devrait donc être bonne.
La salle est loin d’être pleine mais on aurait pu s’attendre à bien pire pour un dimanche 13 août.
C’est aux français de Malemort d’assurer la première partie des américains. Le logo du groupe dans un style art nouveau est affiché sur l’écran au fond de la scène, et les chemises/cravates que portent chacun des membres se rajoutent à l’ambiance rétro. Premier constat, le son n’est pas terrible : les deux guitares se distinguent assez difficilement, la batterie semble légèrement en retrait, et il est quasi impossible de comprendre ce que raconte le chanteur, bien que ce soit du français.
Malemort pioche un peu partout : punk, heavy, parfois thrash, les français définissent leur genre comme du « metal libre » et ça se comprend. L’ensemble se veut quand même assez gentil et propret, entre les refrains sautillants et les frasques très théâtrales du chanteur, qui, accordons lui cela, comblent ses faiblesses vocales. Un groupe parfait pour Oui FM, mais pour une première partie de Crowbar, pas certain.
Des vidéos de skate old school défilent sur l’écran tandis que la scène se prépare doucement pour accueillir Kirk et ses compères. Le statut de légende du bonhomme ne l’empêche pas de faire lui-même ses réglages avant le début du concert, qui installe tranquillement son pied de micro et son sobre pedalboard fait de 3 pédales sous les regards attentifs de toute la salle. Ca balance deux trois accords pour un soundcheck final, et on est parti. Matt Brunson et Todd Strange, le bassiste d’origine réintégré depuis la sortie de leur dernier album The Serpent Only Lies l’année dernière, encadrent Kirk Windstein, dont la carrure n’a d’ailleurs pas à rougir face à ces colosses. Pour intégrer Crowbar, il faut boxer dans la catégorie poids lourd, le menu batteur Tommy Buckley serait l’exception confirmant la règle. Et rester debout à encaisser les baffes que nous assène le groupe n’est pas chose facile lorsqu’on connait la puissance néo-orléanaise du combo. Le son n’est toujours pas à la hauteur mais cela n’a plus trop d’importance car la finesse n’est plus de la partie. Entre deux glaviots du Riff Lord, les tubes se succèdent avec les classiques « All I Had (I Gave) », « To Build A Mountain », « Walk With Knowledge Wisely », le plus mélancolique « Planets Collide » et le plus récent et énérvé « I Am The Storm ». En fin de concert, Kirk lance un sondage auprès du public pour le choix de la dernière chanson. On aura beau hurler « The Lasting Dose », on ne l’entendra pas ce soir.
Todd Strange
Matt Brunson
Fuckin Crowbar
le Riff Lord en action
Voir Crowbar sur scène est souvent l’assurance d’une soirée réussie, tant le groupe possède une liste de tubes longue comme la barbe blanche de son leader. Ce dimanche 13 août ne dérogeait pas à la règle et on est ressorti les oreilles repues et le sourire au lèvre du Gibus qui décidément n’offre pas un son des plus merveilleux.
La chaleur étouffante qui a étreint Bordeaux aujourd’hui n’incite pas forcément à se rendre dans cette fournaise du Void, et encore moins à descendre dans son sous-sol, véritable étuve en été… Et pourtant, impossible de rater le passage de Karma To Burn, amenés en terres girondines par les incontournables Make It Sabbathy.
C’est aux subtilement dénommés Ethili que revient l’honneur d’ouvrir pour les gloires du stoner ricain. Une soirée de trio, quoi, même si nos trois girondins (issus du bassin d’Arcachon, un vivier peu réputé pour ses formations à guitares !) ne sont pas vraiment dans la même tonalité… Et notamment scéniquement ! En kilts et costumes faits maisons (thématique bière que l’on pouvait présumer au vu du nom du groupe), les joyeux énergumènes enchaînent les titres barrés, penchant avec un certain bonheur dans différents versants du stoner, avec autant de sérieux musical que de bonne humeur potache. Musicalement on regrettera parfois que certains titres ne s’assument pas complètement (un bon riff joué 2-3 fois seulement, et bim, un break vient y couper court… un passage bien accrocheur nous fait taper du pied et pam, un plan “de musicien” vient tout casser – genre rythmiques à mesures asymétriques ennemies du headbang). En revanche, on apprécie bien l’esprit barré et hors normes développé par le groupe (les chants floklo en chœur sur les riffs fuzzés, bizarrement ça marche…). Bref, un potentiel très intéressant, qui devrait se révéler d’autant plus si le groupe se recentre sur des compos plus punchy et directes.
La température est montée de quelques degrés avec l’arrivée du second trio, qui a su rameuter du monde ce soir (le Void n’est pas loin d’être plein – très bon signe sur la santé du public bordelais, mais très mauvais signe pour notre petit confort de ce soir… il va faire très chaud !). Pas de tergiversation, on est habitués : les gras ricains rentrent dans le lard avec un “30” qui déboîte. Très vite Evan Devine s’énerve derrière sa batterie, rencontrant un problème avec sa grosse caisse. Ni une ni deux, le bonhomme s’en empare et file backstage récupérer celle généreusement prêtée par Ethili pour finir le set. Le temps d’une petite impro de Will Mecum pour patienter (pas génial) et c’est reparti, avec un flightcase pour caler la grosse caisse qui va prendre cher ce soir. Scéniquement, on connaît K2B : rien ne change vraiment. Will est calé sur la droite, regarde parfois un peu sur le côté, bredouille deux ou trois fois quelques mots maladroits dans le micro, et se concentre sur ce qu’il sait faire de mieux : riffer. La mise en son est pas mal, avec quelques moments franchement gênants (ces passages de basse dissonants qui font “friser” les amplis et les tympans… yuck). La set list fait évidemment la part belle à la première triplette du combo, et force est de constater que les quelques incursions dans leur répertoire récent suscitent au mieux un discret headbang poli, plutôt qu’une franche adhésion. Du coup, au bout de trente minutes, on a un peu fait le tour et on commencerait presque à trouver le temps long… Il faut dire que scéniquement, le charisme cumulé de nos deux cordistes équivaut à peu près à celui d’une pelle à tarte ; tout repose donc sur la qualité des riffs et des compos, bien présentes heureusement (en tout cas pour les vieux titres). En revanche, ça manque sérieusement de groove… On un peu oublié que la paire Rob Oswald/Rich Mullins apportait au combo ce “southern groove” enthousiasmant qui complétait cette belle machine à riffs. Du coup on n’a plus que les riffs, et une rythmique efficace (faut voir Devine marteler comme une brute épaisse) mais un peu insipide. En clôturant par son désormais “classique” “20”, le groupe la joue facile mais confirme son efficacité. On ne peut pas lui enlever ça : Karma To Burn sur scène, c’est généreux et ça fonctionne, et le public ce soir est ravi, à juste titre. Mais le groupe devient peu à peu une sorte de clone de lui-même, pas toujours très inspiré, et un renouveau serait non seulement bienvenu, mais probablement salvateur si le groupe recherche un second souffle.
C’est bien connu, mois de juillet à Paris, été tout pourri. Fort heureusement, l’équipe des Stoned Gatherings est monté sur le ring et s’est battu pour faire de ce proverbe trop souvent pertinent un vieil adage périmé dont on pourra bien rire à la rentrée prochaine. Face à un combat d’une telle ampleur, pas de temps à perdre : le premier round commençait le 3 juillet dernier au Glazart, as usual, avec les lutteurs de XII Boar, Mothership, Egypt et Karma To Burn. Alors, le désœuvrement estival a t-il succombé aux assauts des masturbations de guitare ?
Avec un guitariste coiffé du bandana de Mike Muir de Suicidal Tendencies , un bassiste vêtu d’un débardeur Witchsorrow et un batteur en t-shirt Cannibal Corpse, difficile de se douter du genre musical dans lequel œuvre les anglais de XII Boar. Du brutal crossover doom ? Ils auraient au moins le mérite d’avoir inventé un nouveau sous-genre. Mais non, XII Boar est moins inventif, bien qu’il mixe tout de même plusieurs styles et arrive à surprendre. Tantôt heavy, tantôt rock’n’roll, le groupe et son chanteur à la douche voix abimée par quelques gitanes de trop tape dans des racines purement blues. « Does anybody like blues music here ?», balance le chanteur avant de se lancer dans un morceau d’un vieux crooner de bar. Ca réveille, c’est rapide et pas prise de tête. Parfait pour l’apéro.
En 2013, Mothership sortait son premier album éponyme avec le morceau « Hallucination » en ouverture : un démarrage slow tempo avant une brutale accélération et un riff à se taper la tête contre sa platine vinyle (à ne pas essayer). Quoi de mieux alors pour ouvrir leur concert de ce soir ? Les trois texans enchaînent sur le plus récent « Helter Skelter », tiré de leur dernier album « High Strangeness ». Les litres de sueur perdus par le guitariste torse nu ne l’empêchent pas de balancer des solis dopés à la testostérone de mammouth et de grimacer tout en même temps. L’énergie que dégage le bonhomme et son compaire bassiste/sosie de Bud Spencer version cheveux longs est sévèrement communicative, et le heavy rock poilu du groupe nous décroche une belle claque. Malgré ça, la fosse n’a bizarrement pas trop bougé.
Alors que la chaleur du Glazart commence à rejoindre celle du Sinaï, c’est tout naturellement au tour de Egypt de poursuivre la soirée. Avec son refrain supra-lourd, « Matterhorn » a le privilège d’ouvrir le set des trois américains et s’en sort carrément bien. D’emblée, nous voilà planté dans la fournaise d’un désert de cactus, accablé par le poids de ce stoner/doom égyptien. On trouve dans cette steppe aride de nombreux oasis de riffs blues infusés au rock, qui ferait headbanger n’importe quel touareg avec une minerve. Le groove de Egypt est incomparable, inégalable, et des titres comme « Endless Flight » ou le plus récent « Cracks and Lines » nous le prouve plus d’une fois. Egypt clôture son set sur le long « Elk River Fire », l’occasion pour le guitariste de montrer ses talents de soliste sur une jam qui pourrait durer jusqu’au lendemain. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et il reste encore un groupe à qui l’on souhaite du courage, car la barre a été placé haute.
Karma To Burn envoie directement le pâté avec un son énormissime, ce qui déclenche (enfin) les premières agitations dans la fosse. Même sur des passages plus décontractés, le public est déchainé et il faut jouer des coudes pour rester vivant au sein du pit. C’est à se demander si le responsable de cette effervescence n’est pas la boisson dorée et gazeuse vendue au bar plutôt que Karma To Burn lui-même. Toujours est il que la machine à riff fait son effet et tout le monde semble conquis. Mais passé la première demi-heure, tout devient bien répétitif et l’énergie déployé au début retombe comme un soufflé au fromage trop cuit. Certes, Karma To Burn envoie de la bûche, soutenu entre autre par un batteur survolté, mais la bûche est trop lisse et linéaire pour capter l’attention de A à Z. Là où un My Sleeping Karma s’en sort habilement dans le registre stoner sans solo ni parole notamment grâce à des passages plus planants, Karma To Burn ne relâche que trop rarement la pression et n’offre finalement pas beaucoup de nuance. Résultat, Karma To Burn fait son job mais on s’ennuie un peu.
Les prochains numéros gagnants du loto? Non, la setlist de Karma To Burn.
Malgré tout, les Stoned Gatherings sortent une fois de plus vainqueurs en nous offrant cette belle soirée, dominée de loin par le grand Egypt.