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Nous, gens du désert, ne faisons pas que vanter les mérites du chanvre et du houblon avec un t-shirt Karma to Burn et une casquette Dozer. Parfois, lorsque l’humeur se fait plus taciturne, on troquerait volontiers cet accoutrement de joyeux drille pour une bonne dose de violence lavée à sec et sans adoucissant. Ça tombe bien, car le 26 octobre dernier, les Stoned Gatherings ont décidé de nous tendre gentiment la bassine pour y cracher notre fiel. 4 groupes préposés au châtiment, avec, dans l’ordre, Fange, Grime, Fistula et Dopethrone. En résumé, du sludge, des cris, de la tension et du chaos. Alors virez-moi votre patch de la NASA et remplacez-le plutôt par celui du GIGN.
Après une courte intro d’un morceau de rap dont notre faible culture dans le domaine ne nous permet pas d’identifier l’auteur, les rennais de Fange montent sur scène. Alors que les premiers sons terriblement lourds se font entendre, le chanteur fait les cent pas, remonté à bloc et prêt à exploser à la moindre occasion. Cet électron libre occupe toute la scène de ses mouvements désarticulés, joue avec le micro et réussit à capter toute l’attention du public. Cette prestation scénique parfaite pallie une musique plus difficilement convaincante, mélangeant mid et low-tempo avec parfois un peu de grind. L’alliance du guitariste, faisant plutôt office de bassiste car surement accordé en drop Z, d’un autre bidouillant des effets sonores non identifiés et poussant la gueulante au micro de temps en temps et des hurlements du chanteur, nous donne un pâté sonore très noisy et dur à digérer.
Au tour des italiens de Grime de prendre la suite. Rien de surprenant dans le sludge du groupe : des riffs coup de poing, une atmosphère lourde et angoissante, et le spectre de Eyehategod jamais très loin. Malgré tous ces points positifs, il manque le petit détail pouvant faire la différence. On passe un bon moment, mais on n’est jamais vraiment séduit. Peut être que le chant, réduit à de simples hurlements, y est pour quelque chose. A tous ceux qui ont déjà osé dire « mais là il chante pas le gars, il crie » (de la même espèce qu’un « mais même un gosse de 4 ans pourrait faire ce Picasso »), nous aurions dû leur imposer l’enchainement très contrastant de Grime suivi de Fistula, pour leur faire comprendre que non, le chant câlin du sludge n’est pas chose aisée.
S’en suit Fistula, donc. Avec pas loin de deux décennies d’existence et une discographie aussi longue qu’un dimanche de fiançailles chez Jeunet, les gars de l’Ohio font figure de piliers du genre doom/sludge crado/cul de joint/fragrance whisky. Se faisant plutôt rare en France, on est donc assez content de les voir ce soir. Après quelques légers problèmes de retour énervant notre chanteur au front judicieusement tatoué « rock’n roll victim », le groupe peut dérouler en toute tranquillité son set, piochant dans ses nombreux albums, même les plus anciens.
En plus du chant évoqué plus haut, le niveau général est monté d’un cran. Les compos sont mieux ficelées, mieux maîtrisées, les ambiances sont plus variées, et la fosse commence à connaître ses premiers émois, au rythme entêtant des battements de mon cœur. Transition parfaite pour le prochain groupe qu’on ne présente plus.
Après trois albums déjà très bons dans leur besace, Dopethrone décidait en 2015 de s’imposer comme chef de file du néo-sludge avec leur quatrième et excellent opus « Hochelaga », blindé jusqu’à l’overdose de riffs géniaux et teinté d’une atmosphère sombre et savoureusement putride. Un an après, les montréalais nous ont sorti un split avec Fister et un EP intitulé « 1312 ». L’occasion était suffisante pour revenir nous faire un coucou au Glazart, « la maison », comme l’aime à l’appeler Vincent Houde, le guitariste chanteur. Les mecs se sentent chez eux, et ça se sent. Malgré des riffs à glacer le sang et une section rythmique tout simplement écrasante, l’ambiance est sacrément conviviale et bon enfant. Entre deux titres, Vincent nous balance quelques anecdotes bien barrées et joue de bon cœur son rôle de représentant d’un mode de vie délétère, préférant la vodka à l’eau et le THC à l’oxygène. Sur « Scum Fuck Blues », Dopethrone fait même monter ses potes pour partager le micro, notamment le guitariste de Fange. Au milieu de ces festivités, on retrouve pêle-mêle « Dry Hitter », « Dark Foil », « Devil’s Dandruff », le plus récent « Shot Down », ou leur fameuse reprise de « Ain’t No Sunshine », qui passe étonnement bien dans sa version Bill Withers zombifié.
En résumé, une soirée qui a démarré doucement, avec quelques petites étincelles, pour finir en feu d’artifice.
Déjà le dernier jour de ces festivités dans l’agglomération du nord de la Belgique plus connue pour son port, ses diamants, ses vitrines et ses chicons que pour ces fiestas désertiques ! N’empêche qu’avec le soleil qui cogne on s’approche un peu plus de l’ambiance des parties fines avec générateurs qu’avec le crachin du vendredi. C’est en mode touristes décontractés avec lunettes de soleil, chemises hawaïennes et bobs aux couleurs d’apéros made in France que nous avons arpenté les quais et profité du panorama sur la ville qui s’offre aux visiteurs peu sportifs qui montant les 10 niveaux de la tour rouge (qui tache dans le paysage) en escaliers roulants. Mais l’heure des vraies festivités approche, et il ne sera pas dit qu’un concert commencera sans nous !
JOSEFIN ÖHRN & THE LIBERATION
Josefin ose centrée sur la Vulture stage en ce dimanche après-midi. Il lui revient l’insigne honneur de donner le coup d’envoi de cette ultime journée du millésime 2016 de ce festival qui donne la frite. Elle est charmante et elle en joue ; les matous dressent l’oreille (what else ?) pour la belle et son band qui nous envoient un krautrock psychédélique dominé par les claviers en ce qui concerne le mix. C’est super lancinant et permet de démarrer l’après-midi tout en douceur et de digérer les meilleurs burgers d’Anvers que nous nous sommes tapés en tant que gastronomes avertis. Avertie, la frontwoman vêtue de noir l’est aussi ; intrépide, elle l’est aussi et nous envoie avec ses Liberation un set presque exclusivement composé de titres de « Mirage », sa dernière production des plus aérienne.
DORRE
Pas le temps de se laisser bercer par la brune active au rez de chaussée ; il est temps de passer aux choses sérieuses et plus viriles avec les jeunes de Louvain qui vont nous botter le cul à l’étage. Actif dans un registre plus sombre et nettement plus couillu que celui de leur homonyme Julien, le trio envoie un set bruyant que les lourds de l’assistance, déjà dans la place, savourent alors qu’il n’est même pas encore l’heure du goûter ! Le batteur nous aura particulièrement séduit en malmenant son instrument avec ferveur pour faire onduler les bourrins présents tôt cet après-midi tandis alors que certains festivaliers ne sont pas encore parvenus à s’extraire la tête du postérieur. Tant pis pour ces petites natures qui auront loupé un show dissonant et pugnace pour public averti.
MOANING CITIES
On a déjà vu les jeunes belges de Moaning Cities sur les planches de bon nombre de festivals ces dernières années (Desertfest Berlin, Up In Smoke, et même le Desertfest Belgium pour sa première édition il y a deux ans). On avait donc une vague idée de ce à quoi s’attendre, et à ce titre on n’aura pas été déçus… on aura même été agréablement surpris ! Pas impressionnés le moins du monde par ce slot sur la main stage (devant un public assez nombreux), le quatuor prend la scène avec fougue, et occupe admirablement l’espace mis à sa disposition. Hormis son guitariste / vocaliste un brin statique derrière son pied de micro, les autres dansent et virevoltent (top 10 des mots les plus improbables dans une chronique live Desert-Rock) au fil d’une entame de set composée de morceaux aux rythmiques assez enlevées. Même la batteuse, par ailleurs dotée d’une remarquable frappe toute en puissance, est à fond dans le trip. Le ventre mou du set, plus psyché-atmosphérique (avec le fameux sitar, passage obligé pour tous les concerts du groupe, sur «Easter» aujourd’hui notamment) va un peu doucher l’enthousiasme général, mais le public semble acquis, et le challenge est remporté.
KOMATSU
Les Néerlandais nous avaient laissé un agréable souvenir par le passé lors de l’ouverture remarquée qu’ils avaient faite sur une certaine tournée d’une gloire du stoner. C’est donc joyeux comme des drilles que nous avons abandonné la Desert stage pour aller nous serrer à d’autres spectateurs pour le concert du quatuor qui se pointait en voisin. Aux manettes nous croisons une vieille connaissance de nos services, à savoir un ancien Zamarro (extraordinaire trio stoner bâlois d’il y a un paquet d’années que les jeunes feraient bien d’écouter). Dès les premières notes nous remarquons que les Bataves ne sont pas là pour plaisanter. Malheureusement, leur show puissant est rapidement pénalisé par une mise en son qui tape dans le brouillon, et que ce soit au milieu de la foule, au bords de la scène ou juché sur les marchepieds du fonds de la salle (qui servent bien souvent de siège pour spectateurs fatigués voire ivres), la sensation sera la même. On regrettera ce choix d’expression dans l’urgence qui ne nous aura pas permis de nous taper quelques extraits du nouvel album Recipe For Murder One dans des conditions différentes, car des titres comme « Lockdown » ou « Scavenger » – balancés durant le set – nous avaient bien fait hocher du chef lorsque nous découvrîmes cette plaque.
EARTH SHIP
Bien émoustillés par une production discographique sans point faible, et armé d’un dernier album remarquable, Earth Ship, trop rares sur scène, étaient très attendus. Surprise à leur entrée sur scène : le batteur a été changé il y a quelques jours apparemment et… il manque un guitariste ! On apprendra par la suite que Marcel Schulz a quitté le navire (c’est le cas de le dire), sans que le groupe n’ait vraiment communiqué sur le sujet. Bon, évidemment l’emblématique frontman et fondateur du combo Jan Oberg est bien là, ainsi que son épouse Sabine à la 4-cordes. Mais on est quand même dubitatifs sur la capacité du groupe à retranscrire les sonorités élaborées de ses productions vinyliques avec un batteur débutant et une guitare en moins… Côté batterie, dès les premiers titres, le diagnostic tombe : pas de soucis, il n’en met pas une à côté. Côté guitare et son en général, en revanche, le bât blesse un peu. On reconnaît les titres, et niveau puissance sonore et riffs, Oberg abat un boulot colossal avec sa gratte. Mais la force de Earth Ship réside aussi beaucoup dans l’élaboration de ses compos, parfaitement ciselées et travaillées, avec la chape de plomb qui va bien par dessus. . Et dans ce contexte, l’adjonction d’une seconde guitare, et le confort associé pour poser quelques soli bien sentis notamment ou autres harmonies, manque un peu. Mais ne soyons pas tatillon : on se prend quand même une belle déflagration en pleine poire. Évoluant sous un light show rachitique (comprendre : peu ou prou dans l’obscurité) le trio débite sans temps mort son lot de bûches, que l’on encaisse une à une sans piper mot. On ressort donc bien contents, mais aussi avec un léger regret de ne pas avoir pu voir la machine tourner à son plein potentiel ; quand on voit l’efficacité de l’animal avec une jambe en moins, on imagine à peine la claque qu’il doit produire avec tous ses membres.
MY SLEEPING KARMA
On est des fous, on va commencer la chronique du set de My Sleeping Karma par la conclusion : on s’attendait à une bonne claquasse, et on l’a bel et bien prise en pleine face. Voilà. Effectivement, on savait très bien à quoi s’attendre : invariablement, ces dernières années, qu’ils aient joué en clubs ou en festivals (grandes scènes, petites scènes), les souriants – à la scène comme à la ville – germaniques ont toujours su tisser en live une trame musicale infaillible, faite de compos impeccables (avec à chaque fois, par respect pour ses fans de la première heure aussi, des titres passant en revue toute sa carrière), d’une dynamique scénique essentiellement basée sur l’échange (les gars se regardent sans arrêt, leur plaisir de jouer ensemble transpire) et d’un coefficient sympathie bluffant (l’humilité des bonhommes à la moindre vague d’applaudissements respire la sincérité). A partir de là, ils pourraient jouer n’importe quel titre que ça passerait presque, pour autant le groupe est armé de belles pépites bien rodées, aux passages atmosphériques et montées en puissance toujours aussi efficaces sur scène («Prithvi», «23 Enigma», «Glow 11», etc…). Doté pour bien faire d’un son remarquable, le concert ne pouvait décemment pas faire autre chose qu’un carton. Le quatuor (oui oui, il y a un claviériste, le gars immobile un peu avachi dans l’ombre à droite, là…) repart donc avec, encore une fois, quelques centaines de nouveaux fans dans sa besace (fallait voir le stand merch se faire littéralement dévaliser après leur set).
BLACK SWARM
Youpie : le nom de groupe en “black” de la journée ; ça nous avait presque manqué. Après la délicatesse aérienne de My Sleeping Karma on se cogne à un style plus brutal dans le petit espace qui a revêtu son style underground (et ce ne sera pas la dernière fois de la journée). Ces brutes natives d’Anvers envoient du gros son dans la plus pure tradition du punk à la D.O.A. qui tache et blast sa génitrice. Le bedonnant tatoué du bide et ses trois acolytes rockers d’un autre temps n’ont clairement pas grand chose à partager avec la programmation générale de l’événement et on s’en cogne pas mal. Ça remue bien dans un pit réceptif aux assauts distordus et à la batterie binaire et surtout ça adhère pas mal à la démarche artistique qui en réveille certains. Alors que le set est loin d’être terminé, le brailleur, torse nu, annonce que le groupe va s’arrêter entraînant une réprobation plus que certaine de ses suiveurs. Comme il enchaîne sur le fait qu’eux respectent leurs engagements pas comme Graveyard, nous décorons cette formation – des plus rock’n’roll – du prix du taillage de costard sur ce festival.
DUEL
Avouons-le : en pénétrant dans la Canyon stage, l’essssitation est à son comble à la perspective de voir Duel en live. Deux raisons à cela : d’abord, la plus saine, on a adoré leur première galette sortie il y a quelques semaines et on meurt d’envie de voir ce dont ils sont capables sur une scène. L’autre raison est plus moralement discutable (mais on assume) : le groupe ayant été formé à l’origine par deux dissidents de Scorpion Child, qui joue un peu plus tard sur la même scène… on voulait voir du sang !! La conception fondamentale de la musique développée ces deux formations étant diamétralement opposée, on espérait, un peu malsainement on l’avoue, que le groupe transforme ce potentiel antagonisme en un coriace esprit de compétition… pour botter des culs !! Et bien bottage de culs il y eut, assurément, mais sans vrai lien avec Scorpion Child. Et c’est bien là le tour de force du combo, à qui il n’a suffi que de quelques riffs et d’une première salve de headbanging de Tom Frank pour immédiatement justifier et légitimer l’existence même de Duel, devenu essentiel en trois coups de cuillère à pot. Au bout de quelques secondes, donc, plus grand monde dans l’assistance ne se pose la moindre question, emportés comme un seul homme dans le hard rock / garage / stoner du quatuor texan. L’assistance mange dans la main de Frank, frontman exubérant, véritable boule d’énergie au riffing de tueur. Boom, game over, Scorpion Child n’a pas encore joué qu’ils sont probablement KO debout sans même le savoir.
LA MUERTE
Putain ! La Muerte est de la partie et les nostalgiques des années quatre-vingt se sont frottés à poil contre le crépi pour fêter cette excellente nouvelle. Après quelques titres, nous nous rendons compte que l’énorme honneur d’assister à un show de cette formation de légende n’est pas partagé par le plus grand nombre et que, pour une fois, il y a de l’espace dans les premiers rangs de la Desert stage sur une plage horaire des plus prisées. Rien à foutre, les Belges envoient la grosse artillerie et le public présent – les épicuriens quoi – se font carrément plaisir à se retaper les titres imparables d’un groupe prépondérant de la scène underground belge d’il y a presque – oh putain – trente piges ! Pull rayé, gilet destroy et sac en jute sur la tête avec orifices pour les yeux ainsi que la bouche, leur charismatique frontman fout un gros bordel alors que le côté cours de la scène ressemble à ce que proposait Wolvennest (tiens donc) la veille avec force chandeliers ainsi qu’autels à la gloire du rock’n’roll. Les standards du collectif belge, « Couteau Dans L’Eau », « I Would Die Faster », « Shoot In Your Back » ou « Lucifer Sam » ont foutu une sacrée trique aux amateurs de ce genre. Plus enclins à faire les beaux jours d’un fest dédié au punk revival qu’à une concentration stoner peut-être, mais on s’en fout, même si les avis sont partagés, car les amateurs ont pris leur panard !
TAU
Coincés entre une formation qui envoie du bois et nous pousse à l’autodestruction et des mammifères placentaires débarqués de leurs drakkars norvégiens, les Allemands de Tau offrent une accalmie d’un autre temps au public du festival. Guitare en bois et bâtonnets d’encens foutent une ambiance propice aux trémoussements chez les hippies qui ont fait le déplacement à Anvers. Le duo guitare et percus sous influences shamaniques déploie un peu le style qui devait trotter dans la tête d’êtres comme Yoko Ono et Ravi Shankar qui éloignèrent les scarabées de plans prometteurs dans la veine de « Helter Skelter ». C’est mou du genou – et ça se veut pas nécessairement autre chose, au passage – et peine à emballer longtemps les amateurs de gros riffs que nous sommes, surtout qu’à l’étage ça s’apprête à envoyer le lourd ; nous abandonnons la place aux babacools sans grand regret.
LONELY KAMEL
Coup dur il y a moins d’un mois, en apprenant que Lonely Kamel s’était séparé de son guitariste lead, Lukas Paulsen, une personnalité emblématique dans les prestations live du combo. Nos trois robustes germains ont rapidement recruté un nouveau partenaire, le jeune Vegard Strand Holthe, qui assure cette tournée, sans que l’on sache s’il fera partie du line-up stable du groupe. Toujours est-il que le bonhomme assure bien ce soir ! Parce que scéniquement, les trois «anciens» ne sont pas les musiciens les plus exubérants de la journée, loin s’en faut, même si les bonhommes savent tenir une scène. Or notre vigoureux soliste a beau être à fond dedans, il n’a alheureusement pas la metal attitude bien badass de Paulsen. Niveau set list, le groupe, le cul entre deux chaises en terme d’actualité (dernier album en 2014… on va se sortir les doigts maintenant, les gars ?), ne joue pas l’originalité et dégaine ses plus beaux brulots (à commencer par «Roadtrip with Lucifer» pour lancer les hostilités) pour le plus grand plaisir d’un public qui n’attendait pas autre chose. Carton plein évidemment pour le redoutable «Evil Man» en milieu de set qui mettra tout le monde d’accord. Même en mode «service minimum», Lonely Kamel est quand même la tête et les épaules au dessus de la mêlée, rien à redire. Rien de flamboyant non plus.
UNCLE ACID & The Deadbeats
Que dire de Uncle Acid qui n’ait été dit mille fois ? Leur set ce soir ressemble aux derniers que l’on a vus d’eux (il faut dire pour l’anecdote que ça fait maintenant pas mal de temps que le line up est stabilisé… C’est louche…) et c’est déjà énorme. Car sur scène et dans le public, il y a un effet «Uncle Acid» absolument tangible, et ce dès les premiers accords de l’incontournable «Mt. Abraxas». Est-ce la voix subtilement nasillarde du père Starrs ? Ces compos impeccables, d’une efficacité redoutable ? Ces musiciens timorés mais interprètes parfaits, qui épaulent un Kevin Starrs brillant autant dans ses rythmiques que dans ses soli ? Cela restera un mystère dont on restera, concert après concert, les plus circonspects observateurs. Scéniquement, Starrs assure le service de base, il est bien dans son set (avec une section rythmique plutôt comparable à des plans de tomates sur pieds qu’à des singes montés sur ressorts, en termes de dynamisme…), et la scène baigne comme d’habitude dans une pénombre calculée, où les bonhommes se retrouvent en contre-jour perpétuel. Toujours est-il qu’on reste bluffé par l’efficacité du groupe et du concept global. Ce n’est pas volé, la démarche est honnête et intègre. Quelle que soit sa personnalité, souvent décriée (à juste titre pour partie), respect à Starrs d’en être arrivé là, à ses conditions, avec sa méthode.
CASTLE
Nous avions déjà capté les Etasuniens lors d’une édition précédente d’un autre Desertfest continental par le passé et après avoir écouté leur nouvelle pièce : « Welcome To The Graveyard », nous trépignions d’envie de nous en retaper une bonne ration. Nous sommes peu dans la Vulture stage alors que le tonton acide est toujours en train d’enchanter son public dans la grande salle. Nous n’allons pas cacher notre plaisir et ne sommes pas les seuls à piaffer d’impatience lorsque finalement le trio prend place. Esthétiquement : rien n’a vraiment changé puisque le chevelu grisonnant caché sous sa tignasse s’agite et participe de manière timorée au chant, que le frappeur est caché derrière ses fûts en assurant métronomiquement son job et que la superbe frontwoman capte l’assistance en raison de sa plastique, de sa gestuelle des plus rock’n’roll ainsi que grâce à sa voix particulièrement bien mise en valeur par le mix du show. On s’en fout plein les fabriques à cérumen avec des extraits super efficaces du dernier opus (que nous continuons à conseiller à qui veut bien prêter une oreille à nos dires) et sommes rapidement rejoints par les quidams quittant la Desert stage au terme de la prestation de la vedette américaine de la soirée.
SCORPION CHILD
Avec le départ des deux pouilleux Tom Frank et Shaun Avants (partis monter le craspec Duel qui nous a frotté les oreilles tout à l’heure sur la même scène), on sait que l’orientation musicale du quintette texan s’est pour le moins «policée» (décision illustrée par leur choix de remplacer Frank à la gratte rythmique par… un claviériste !). Les amateurs de gras et de hargne sont donc restés au rez-de-chaussée dans la Vulture stage pour voir la fin du set de Castle – ils n’auraient rien trouvé à leur goût ici. Pour autant, la prestation de Scorpion Child n’est pas inintéressante : ça joue bien, net, carré, bien propre derrière les oreilles, rien à dire. Leur hard rock vintage est parfaitement maîtrisé, leur approche musicale est vraisemblablement honnête, et leur talent de musiciens est inattaquable. Mais côté excitation, on est bien loin du priapisme. Pas de coupable tout désigné, simplement Black, s’il ne manque pas d’énergie, n’a ni la voix ni le charisme de Robert Plant. Tout comme Cowart : il ne démérite pas en astiquant son manche, mais il n’a ni la classe de Page, ni le talent de Blackmore. Néanmoins, et notre professionnalisme nous force à le reconnaître, Scorpion Child fait très bien ce qu’il sait faire. Sauf que quand il faut choisir un concert à sacrifier pour trouver 15 minutes et aller se ravitailler, le choix est vite fait…
GOAT
Après ce passage dans les 70s, on change complètement d’espace-temps avec la prestation très attendue de Goat. Si vous ne les avez jamais vus en live, les musiciens de Goat jouent masqués et habillés de vêtements de types cérémoniaux. Ils évoluent dans une sorte de musique psyché-hors du temps où se mêlent des rythmes tribaux africains et amérindiens, avec percus diverses, des plans de synthé old school, et des vocaux féminins un peu geignards pour couronner le tout. Scéniquement, c’est une demi-douzaine de musiciens plantés là sans trop bouger, avec deux chanteuses-interprètes qui se baladent et dansent un peu dans tous les sens sur scène, le tout baignant, comme ce fut le cas tout le week end, dans des lights et vidéo-projections très présents. Vous vous mettez tout ça dans la tête, et vous imaginez surtout plusieurs centaines de personnes (que vous avez vues tout le week end headbanguer la bave aux lèvres et le verre de bière tiède à la main devant les plus gras groupes de sludge) se trémousser tous ensemble avec un vague sourire sur les lèvres. Observer le public dans un concert de Goat, c’est assister à autant de danses improbables (dans le sens littéral du mot – pas pour la formule rhétorique usée du chroniqueur en galère) que de spectateurs. Musicalement, vous l’aurez compris, on est dans la pure subjectivité : le groupe plaît ou déplaît, mais ne laisse pas indifférent. En revanche, un point qui fera l’unanimité : en live, il se passe quelque chose d’indescriptible, un certain rapport à l’universalité qui prend toute sa dimension dans le contexte de ce week end, quelque chose qui renvoie ni vraiment à l’ellipse, ni au pur second degré. Une sorte d’existence musicale décalée, hors standards, accessible au plus grand nombre.
TOXIC SHOCK
Les avis divergent en ce qui concerne la copie belge presque conforme à l’original à tendance suicidaire de Venice. Certains les ont taxés de carrément hors sujet lors de ce fest alors que d’autres se pressaient devant la scène prêts à se lancer dans le premier véritable pogo à prendre place devant la Vulture stage si propice aux plans hors stoner traditionnel. Leur punk rapide fleurant bon le hardcore d’antan s’est déployé avec force efficacité et en débutant leur set – avec du retard et – avec « The Survivalist », ces Belges ont fait le bonheur des nostalgiques de Mike Muir (qui sont gâtés ces temps). Leur style véloce foutrement rentre-dedans et le gros bordel qu’ils ont mis dans la place ont ravi un pit d’adulescents plus prompts à bouger leurs popotins sous les riffs de titres comme « Mr. T » (une débauche thrash comme on n’en fait plus de nos jours) plutôt que de se dandiner lors d’un culte de la chèvre qui faisait le plein à la cave.
VODUN
La magie du vaudou n’a pas opéré sur tous, mais le trio britannique peut se targuer de n’avoir laissé personne indifférent alors qu’il lui revenait la lourde tâche de clore cette fiesta stoner – et autres styles plus ou moins proches – belge. Comme l’an passé avec Wheel Of Smoke, les programmateurs n’ont pas versé dans le final larmoyant, mais nous ont proposé quelque chose de différent, mais clairement pas hors sujet. Vodun avait pimpé la Canyon stage de décos africaines pour y pratiquer son art. Entre gros heavy rock déluré, soul entraînante et plans afros, grimés comme il se doit, ils ont chauffé à blanc une partie des festivaliers pour l’after qui allait suivre en ce lieu. Plus qu’un concert, les brexcités nous proposent une immersion dans leur univers à la fois chatoyant et terriblement déluré. Nous avons bougé nos culs un peu aussi sous les assauts terribles que le groupe déploie lorsqu’il monte dans le rouge. Une belle manière de mettre un point final à une édition 2016 d’un festival qui flirte avec sa capacité maximale en ce qui concerne l’auditoire.
Nous remercions tout particulièrement le public explosif et éminemment sympathique (toujours sympa de croiser une cargaison de potes qui se reconnaitront), l’organisation bien rodée ainsi que les groupes qui nous ont permis de nous extirper de notre mortel quotidien pour trois jours de folie sonore. Vivement l’an prochain où nous comptons voir encore plus de francophones que cette année afin de nous sentir vraiment chez nous !
Après un repos réparateur (salvateur ?), nos vieilles carcasses rouillées sont quelque peu soulagées des efforts fournis la veille et on rejoint à nouveau le Trix en ce samedi très ensoleillé (et dire qu’on va passer l’après-midi dans des salles obscures…), plus tôt qu’hier, car la journée va être encore plus chargée aujourd’hui : 18 concerts, sur 3 scènes, entre 15h et 1h du matin, en gros… On ne va pas perdre de temps à faire de mat, on est déjà en retard pour… les 2 concerts qui ouvrent simultanément cette journée !! Et dire qu’hier on parlait déjà de choix draconiens… ça ne va pas s’améliorer sur ce point.
Black Mirrors
Les Blacks machin-truc-chouette sont moins nombreux en ce second jour que la veille puisque les Belges seront les seuls à nous divertir avec un patronyme de ce type en ce samedi fiévreux. En place sur la scène Vulture, la bande de Marcella trouve rapidement son public parmi les fans de formations genre Wucan et quelques autres qui puisent leurs influences auprès de la grande camée que fût Janis Joplin jadis. Les relents bluesy et la peinture de guerre de la frontwoman – genre Angela Gossow du southern blues – feront mouche et participeront à une immersion dans ce second jour de folie qui démarre pour le coup tout en douceur, mais avec force classe.
Mother’s Cake
Le concert de Mother’s Cake sur la main stage a été rajouté récemment (si bien qu’il ne figure pas sur le programme officiel distribué à l’entrée du festival, imprimé trop tôt sans doute). Toujours est-il que la très grande salle sonne creux, et on ne peut pas dire que la foule se presse au premier rang. Autre facteur d’explication : la notoriété du combo ne justifierait sans doute pas à elle seule un créneau sur la main stage, et c’est bien plus par opportunité que le trio autrichien se voit ainsi “promu”. Est-ce pour autant volé ? Non, les lascars sont solides, ça joue bien, et même s’ils apapraissent un peu paumés plantés sur une scène aussi grande, ils n’apparaissent pas mal à l’aise. Pour autant, on ne peut pas parler d’un enthousiasme démesuré dans l’assistance (voir les raisons sus-mentionnées…) et le rock fourre-tout du combo (stoner, rock indé, grunge,…) ne restera pas ce soir dans les mémoires de beaucoup de monde, quand on voit ce qui se profile sur l’affiche dans la journée…
Wolvennest
Avant le concert de Wolvennest, un type passe un gros quart d’heure sur la canyon stage non pas à faire le soundcheck (on présume que c’était avant) mais à allumer les dizaines de bougies, fixer les cranes et chandeliers sur les guéridons, allumer les batons d’encens, etc… Une sacrée logistique, pour un concert qui n’aurait sans doute pas bénéficié d’une franche caution des services de sapeurs pompiers de la ville s’ils avaient étaient sollicités pour évaluer les risques d’incendie… Toujours est-il qu’il y a pas mal de monde dans la salle pour voir ce que ce groupe / projet a dans le ventre : sorte de “all-star band” composé de musiciens pas trop stars (même dans l’underground), les forces en présence (des membres de Mongolito, La Muerte, Aqua Nebula Oscillator…) incitent à la circonspection. Les musiciens montent sur scène, sous le “commandement” de l’emblématique frenchie Shazzula (qui assume son rôle de front-woman, avec son Moog, ses effets et son micro), et les différentes strates musicales montent progressivement en puissance pour très vite atteindre la pleine puissance de l’objet musical qui évolue maintenant sous nos yeux. Difficile de définir la bête, d’ailleurs, on parle d’un truc un peu lancinant, tendance psyché, bien chargé en agressions guitaristiques (trois grattes et une basse, quand même) pour des passages bien puissants, avec de rares lignes vocales chargées en effets… Et ça passe bien ! le public apprécie tranquillement et headbangue ou ondule selon les plans déployés par le groupe, que l’on sent sérieux, appliqué, et carré. Un bon set, d’un groupe à surveiller de près.
Purson
Hasard ou réelle motivation dans la programmation : les combos avec une ou plusieurs femmes dans leur effectif sont à l’honneur cette année à Anvers, en particulier en tant que chanteuse. Purson rentre dans cette sous-catégorie et… c’est sans doute leur seule spécificité ? Derrière le bon mot, une part de vérité quand même, tant la musique développée par le quintette sur la main stage n’apporte pas franchement un vent d’originalité sur ce Desertfest : résolument orienté 70’s, tendance heavy rock à la Purple ou Cream, on passe le set à essayer de distinguer ce qui les différencie “du lot” (ce n’est pas les seuls sur ce créneau, dirons-nous avec ce sens de la litote emblématique de notre légendaire finesse rédactionnelle). Ca manque de riffs, ça manque de compos efficaces et marquantes, ça manque de prestance scénique, pour attirer vraiment l’attention. On peut facilement aimer ce que fait Purson, mais on a du mal à imaginer que quiconque puisse en devenir fanatique.
Giöbia
La déjà quatrième formation à se produire alors qu’il n’est pas encore l’heure de l’apéro (mais que certains en ont visiblement déjà abusé), peut s’enorgueillir d’avoir quelques fans dans la place. Le corbeau juché sur le synthé fait un peu cheap après la débauche d’artifices déployée par Wolvennest, mais ce n’est pas le visuel de leurs prestations qui est d’ordinaire le plus prenant. Étalant un garage rock ultra psychédélique et organique, leur style s’apparente au final à un doom ultra light qui fait dodeliner de la tête le spectateur jusqu’à l’hypnotisation totale quand ça marche et jusqu’à la porte de la sortie quand ça ne fonctionne pas. Ces gens étant rompus à l’exercice scénique, ils s’en sortent avec brio et laisseront globalement une bonne impression aux quidams ne les connaissant point d’avant. Une performance malheureusement dans le lieu le moins sexy de la fiesta, coincée entre deux formations des plus attendues.
1000 Mods
La dernière fois que votre serviteur a vu le quatuor grec, c’était il y a 3 ans, quand, en tant que “découverte”, ils ont botté le cul en intro d’un Desertfest Berlin qui n’en demandait pas tant. Depuis, le groupe s’est encore aguerri scéniquement, et vient d’enfanter un nouveau disque remarquable. Un disque dans lequel ils ont pleine confiance d’ailleurs, composant une bonne moitié de leur set list en piochant dedans. Pas sûr en revanche que choisir “Above 179” était le choix le plus judicieux pour rentrer dans un set de quarante minutes (on aime nos 1000Mods bien heavy, que voulez-vous…). Le heavy “Road To Burn” puis surtout l’énergique “Claws” viennent vite remettre les choses en place et lancent enfin comme il faut un set de bonne qualité. Pas plus ? Ben non, on attendait peut-être un peu trop la claque du siècle, ou alors l’usure du fest commence à se faire sentir, ou… Dans tous les cas, l’enthousiasme est palpable, et le public est bien présent et enthousiaste, mais on n’a pas assisté aujourd’hui au meilleur concert du groupe, que l’on sait capable de faire bien plus fort.
Elder
Après être allé se faire foutre chez les Grecs, c’est maintenant au tour des Ricains de nous gaver de leur heavy rock cosmique ultra efficace et ça a été putain de bon ! Comme à l’accoutumée dans ce type de configuration, les membres du trio sont fort éloignés les uns des autres durant la performance et ils ont l’air comme en transe chacun dans leur bulle (juste en ce qui concerne l’aspect visuel car ça joue carrément ensemble et nous ne sommes pas en train d’assister à une performance de free acid jazz pour épicuriens de ce sous-genre). On se demande en quoi le culte de l’huitre bleue a influencé le style du groupe de la Nouvelle-Angleterre pour que leur chanteur-guitariste se pare d’un pareil shirt, vu qu’on a droit à un set de grande classe du genre rouleau-compresseur en puissance, mais avec une qualité sonore remarquable. Les triplés se permettent de nous gratifier d’un titre inédit en annonçant leur retour en studio en fin d’année (youpie ! youpie !) en plus de ses classiques imparables en live (qui a dit « Compendium » ?) et surtout leur velu bassiste assure plus de trois minutes d’un titre fleuve avec une corde en moins sans abdiquer. Quand on connaît le niveau musical visé par ce groupe actif depuis déjà dix piges, on s’incline. Boston Strong !
Arabrot
Le quatuor norvégien, injustement méconnu dans nos contrés fête pourtant 15 ans et 6 albums d’existence. En tournée européenne avec Weedeater, le groupe profite donc du DesertFest pour rappeler que leur rock étrange, entre doom de fermier et psychédélisme allumé, est de toute première qualité. Difficile de décrire leur son mais le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils auront laissé la Vulture Stage en fusion.
Cough
En tournée avec Elder, le quatuor américain est très attendu sur la Canyon stage, à en juger par l’affluence. Il faut dire que son dernier album a bluffé pas mal de monde, même si le talent intrinsèque du combo n’a jamais été un secret pour quiconque avait déjà vu les gonzes live notamment. Illustration de fort belle manière aujourd’hui encore, avec une prestation de toute beauuuté. Force du groupe, les genres musicaux s’entremêlent, passant de plans doom hallucinés à des assauts sludge, au sein d’un même morceau la plupart du temps. Les tessitures vocales respectives du binôme derrière le micro (Chandler le bassiste dans le registre le plus guttural et Cisco le guitariste pour le chant plus direct, en puissance) viennent appuyer cette schizophrénie musicale, qui emporte le public dans un tourbillon doom de très haute tenue. Superbe set.
Colour Haze
Le trio allemand fait clairement partie des formations qui ont forgé le stoner européen que ce soit à travers leurs propres productions ou via les secousses qu’ils ont foutues dans le paysage avec Elektrohasch Records, label mythique fondé par leur guitariste. Le trio allemand possède une maîtrise totale de son art qu’il distille sur scène avec une haute technicité, qui s’inscrit clairement dans le haut du panier. Le trio allemand peut tout se permettre vu son statut y compris de débarquer sur la grande scène d’un festival en blazer pour certain et d’attaquer bille en tête avec un inédit fleuve à l’heure du repas. Le trio allemand a acquis une notoriété telle qu’il se cogne pas mal des règles et installe son stand de merch à l’extérieur de la zone marchande de la fête pour y vendre ses plaques et celles des poulains de son écurie. Le trio allemand a sorti des productions absolument fantastiques qui sont un véritable plaisir pour les oreilles lorsqu’on les écoute dans son salon avec une sono digne de ce nom. Le trio allemand a bénéficié, à Anvers, d’un son en lien avec son art et en a fait planer plus d’un. Le trio allemand nous a quand-même un peu gonflé à la longue avec une interaction verbale plus que mesurée avec son public (pourtant acquis d’avance) et un show d’un statisme phénoménal. Mais nous les aimons encore et leur adresserons encore longtemps des cœurs avec les doigts.
Hangman’s Chair
Est-il vraiment nécessaire de vous présenter Hangman’s Chair ? Devenus l’un des poids lourds de la scène française en 4 albums et une centaine de concerts toujours puissants, les quatre parisiens jouent à l’extérieur. Enfin pas totalement lorsque l’on sait le nombre de compatriotes à avoir fait, comme nous, le voyage jusqu’à Anvers cette année. Reste que les programmateurs du festival, ne sachant probablement pas encore vraiment à qui ils ont affaire, les ont programmé sur la Vulture Stage, sorte de bar à la capacité modeste. Le groupe n’en aura cure et déroulera trois quart d’heure de leur heavy rock aux relents 90’s, drogue et suicide, grunge et hardcore, doom, bières et relents de pigeons cancéreux. Si l’on peut regretter, nous autres habitués du groupe, de ne pas les avoir vu avec Back Drop, grosse scène, belles lumières et son de mammouth, ceux qui les auront découvert ce soir auront bien compris à qui ils ont affaire. Espérons que les programmateurs aussi.
The Atomic Bitchwax
Super stoner power trio de la mort qui tue, la formation du New Jersey ne bénéficiait pas de la grande scène pour son opération cornet d’frites, mais d’un placement optimal coincé entre deux formations de lourdingues actives dans un autre registre et d’une heure de rêve pour envoyer ses riffs tueurs. Le public est donc nombreux à converger devant la Canyon stage pour des sensations plus classiques que d’autres tornades dévastatrices croisées sur les planches de la salle de la ville du diamant en cette fin de semaine. Débutant son set sur une reprise d’un titre du mythique de « The Wall » engendré jadis par une formation au patronyme rose (ça change du black en vogue lors de ce Desertfest) qui sera ponctué d’une salutations aux motherfuckers que nous sommes, les Etasuniens ont tout envoyé durant un concert de grande classe intercontinentale. Loin d’être des débutants ou des manches, ils n’ont assurément pas surpris le chaland, mais ont confirmé une nouvelle fois leur efficacité scénique que ce soit au niveau de l’intensité du show, de la virtuosité ou du spectacle. Ils ont tapé de l’instrumental pur jus et aussi quelques perles issues de leur – plus qu’honnête – discographie et nous ont une fois de plus laissé un excellent souvenir (et certainement converti de nouveaux suiveurs).
Weedeater
C’est d’une autre limonade dont il s’agit à l’étage inférieur avec le trio de malades de Caroline du Nord. Dans le fait il n’y a pas vraiment de trace de limonade sur scène, mais une bouteille de Jack que le bassiste louche porte fièrement au bout de son majeur en adressant un fuck de soulard au public. Le trio (encore un !) est un peu perdu sur cette grosse structure vu son goût pour le positionnement ramassé au centre contre le bord de la scène avec la batterie au centre et installée perpendiculairement à la foule. Ces clowns (qui eux n’ont pas besoin de masques) se mettent en condition dans leur plus pure tradition en buvant, crachant sur la batterie et grimaçant. C’est du Weedeater habituel qui sera déroulé durant une heure à grands coups de mimiques appuyées par un strabisme convergent du bassiste redneck de la bande. Pas de grosse surprise, ça tombe bien, nous n’étions pas là pour ça, mais une confirmation du talent d’entertainer dont font preuve ces Ricains qui envoient un sludge des bayous enfumé et ultra efficace. La danse de la nuque a été omniprésente durant ce concert du type bourrin que nous chérissons tant.
Salem’s Pot
Désormais titulaires de la carte AOC Riding Easy, et avec un dernier album particulièrement jouissif sous le bras, les suédois sont bras dessus, bras dessous avec leurs partenaires de label Electric Citizen pour conquérir les scènes européennes au son de leur heavy rock psyché typique 70s. On attendait donc beaucoup de leur prestation du jour, et on était pas les seuls : le public, tassé, a la bave aux lèvres et est largement constitué de connaisseurs qui entonneront la plupart des titres à l’unisson avec le groupe. Un peu engoncés sur la microscopique Vulture Stage, le combo se marche un peu sur les pieds tant son attitude scénique est aussi festive que chaotique. Les masques de carnaval, comme sur la pochette de leur dernier disque, ne sont pas étrangers à ce sentiment de bazar… Et musicalement, on est pas loin de cet état d’esprit, avec bien souvent des intros ou passages presque chaotiques qui mènent, lorsque le groupe se prend en main et se ressaisit, à des montées en puissance d’une efficacité remarquable. Bref, Salem’s Pot ne ressemble pas à grand chose de connu sur scène, mais il se dégage quelque chose de leur prestation qui les rend atypique et hautement infectieux. Il faut vraiment les suivre de près…
Ahab
Après le bal masqué, nous retrouvons une avant-dernière fois la Canyon stage pour cet avant-dernier jour de festival. Les vestes à patch et les pentagrammes sont aux avant-postes pour ce grand raout métallique aussi obscur que l’atmosphère visuelle déployée de leur set. Les Germains balancent leur doom psychédélique à leurs apôtres dans la fosse qui semblent goûter à cette ambiance fort lancinante au final. On aimerait parfois plus de violence dans la musique envoyée par les Teutons qui sont particulièrement à l’aise dans les plans couillus supportés par les growls gutturaux du hurleur qui sait aussi être chanteur avec une puissance remarquée. C’est rudement bien ficelé et ça fonctionne plutôt bien. Il faut avouer que les lourds se font un trois à la suite d’anthologie avec Weedeater, Ahab et Pentagram qui débuteront leur show alors que la Canyon résonnera encore sous les assauts de la rythmique pachydermique des Allemands.
Pentagram
Tête d’affiche sur la Desert Stage d’une samedi soir aussi complet que du quinoa bio, les légendes du doom se présentent dans une forme éblouissante. Avec Victor Griffin à la guitare, et ce son chaud qui n’appartient qu’à lui, Pentagram réalise une prestation sublime. Bobby est en pleine forme (dans la limite de ce que peut donne une vieille sorcière lubrique de 62 ans s’entend) et la set list coule comme un bon best off, sans mic mac. Cerise sur le pentacle le groupe décide de balancer l’ensemble de son équipement durant « 20 Buck Spin ». Amplis, guitares puis batterie, tout y passe tandis que Liebling fait le mort allongé dans tout se désordre. Une fin dantesque pour un concert que l’on n’est pas prêt d’oublier.
Electric Citizen
Alors qu’Ahab termine d’envoyer du gras à l’étage et que Bobby et sa bande cassent la baraque au sous-sol, les Etasunien font parler le fuzz dans la Vulture et nous qui pensions être seuls, sommes frappés par une affluence certaine. Il faut dire que le quatuor fait montre d’atouts nombreux : ils maîtrisent bien leur style, pratiquent un rock accessible pour le grand nombre et ont une frontwoman qui ne passe pas inaperçue. La donzelle joue de plusieurs cartes pour ne pas laisser indifférent : elle a une coupe de cheveu absolument ridicule ainsi qu’une plastique absolument pas ridicule qu’elle a mis en valeur dans une tenue des plus sexy (ce qui marche souvent avec les lubriques que vous savez être quand vous peuplez les fest rock). Musicalement ça touche sa bille et surtout ça assume : le bassiste qui s’est blessé l’après-midi-même en chutant dans les backtages assure le show sur un tabouret avec une jambe écorchée mise au repos. Si le manque d’originalité a été avancé par certaines langues de pute, la formation régate avec Elder en ce qui concerne la palme du bassiste incarnant le mieux l’esprit du rock’n’roll lors de cette deuxième journée.
Monkey3
Enfin le tour des singes suisses déjà croisé au Up In Smoke lors de cette tournée consécutive à la sortie du petit dernier « Astra Symmetry », qui se distingue par une présence remarquée dans de nombreux charts européens. Pas de surprise pour les fins limiers que nous savons parfois être puisque nous sommes prêt pour ce show qui sera dans la lignée de celui déployé à Bâle deux semaines plus tôt. Les Helvètes font leur dernier album, mais pas entièrement puisqu’ils n’ont droit qu’à quarante-cinq minutes pour conclure cette journée de folie. Boris se colle au chant et il touche comme on dit par chez nous et on en vient à s’étonner de ne l’entendre chanter que maintenant vu sa prestance ainsi que sa capacité à moduler sa voix. Le garçon chante et beugle de manière assez naturelle sans forcer le trait et sans péjorer sa finesse à la guitare. Question rythmique : ça déroule avec une apparente facilité et une efficacité redoutable (c’est ce qu’on aime chez ces gens-là). Malgré l’incroyable section rythmique, les vocalises du plus bel effet et la gratte psychédélique, c’est un autre élément qui va carrément nous trouer le cul. Celui dont dB n’est pas le nom pour de vrai dans la vraie vie et qui se cachait naguère derrière ses claviers avec sa clope électronique (les temps changent), va nous gratifier d’un final qui écrase sa chatte en accomplissent un solo magique en harmonie avec le gratteux titulaire dans son ombre. Un énorme talent et une performance qui nous a scotché même si nous regrettons beaucoup son format beaucoup trop court.
La proverbiale fièvre du samedi soir n’est sans doute pas pour rien dans le flux de personnes qui montent dans la Canyon Stage après le set de Monkey 3 : l’after party commence avec un set de DJ qui emmènera les plus valeureux jusqu’à 3h du matin… Nous n’en ferons pas partie ce soir, préférant reprendre quelques forces avant la très grosse journée qui nous attend demain…
Troisième édition pour l’édition anversoise du Desertfest, qui a l’air de trouver son rythme et sa place dans le calendrier très chargé des festivals de stoner. Cette année encore, l’affiche proposée aura su convaincre le plus grand nombre, les rares billets restant en vente ayant trouvé preneur les derniers jours avant l’événement. C’est donc devant des pancartes « sold out » que nous ouvrons les portes vitrées du Trix cette année encore, bien motivés pour dévorer quelques dizaines de concerts… Clairement, et nous y reviendrons, le choix de la programmation pantagruélique de ce type d’événement est questionnable : tous les concerts se chevauchent sur les différentes scènes, et il est techniquement impossible de tout voir. Or faire des choix sur une affiche comme celle-ci est parfois facile, mais trop souvent cornélien : Yob ou Black Rainbows ? 1000 Mods, Elder ou Arabrot ? Hangman’s Chair ou The Atomic BItchwax ? Earth Ship ou My Sleeping Karma ? Uncle Acid, Lonely Kamel ou Castle ? etc… On a décidé de tout faire (au mépris de notre santé mentale et physique… pour toi, public !), et donc de tout « picorer », mais la frustration rémanente est un paramètre à prendre en compte dans l’approche de ce festival… Il faut en être conscient. Mais rentrons plutôt dans le vif du sujet.
Black Wizard
C’est les Canadiens de Vancouver qui servent d’appetizer pour cette nouvelle édition de ce Desertfest automnal dans le plat pays. Comme l’an passé – et comme ce sera le cas durant les trois jours de festivités – la foule est compacte devant la scène Vulture (la plus petite des trois scènes sur lesquelles les groupes vont se succéder jusqu’au dimanche soir). Si nous prîmes un coup de pied au cul l’an passé d’entrée de jeu avec une formation qui envoyait des grosses bûches (Planet Of Zeus), il n’en fût pas de même cette année – en ce qui nous concerne – avec le heavy metal très traditionnel de la Colombie Britannique certes bien envoyé, mais pas des plus excitants. La configuration de la salle, le stress d’une belle journée de course dans une Belgique qui a bien changé en une année, les plans tirant presque sur le Maiden des temps jadis ou le constat d’être déjà agglutinés comme des poissons dans une boîte qui conserve ne nous fit pas trop taper du pied ou remuer les cervicales.
Alkerdeel
On monte au premier étage pour retrouver la très bonne salle « Canyon », qui sera le théâtre de certains des meilleurs shows de cette année. Ce ne sera pas vraiment le cas avec Akerdeel malheureusement. Sans être inintéressant, leur set ne restera pas dans les annales. Proposant une sorte de metal bien barré, protéiforme (le tee-shirt du guitariste à l’effigie de Mr Bungle est sans doute une indication en terme au moins de « non-cohérence » musicale), le groupe balance ici ou là des plans de batterie blast-beattés ou presque, des lignes vocales beuglées, le tout dans des compos vaguement sludg-esques, aux structures torturées… Résultat : les zicos sont (légitimement) concentrés sur leurs instruments, prêtant peu d’attention à un public pourtant bienveillant. Desservi par une mise en son qui souffle le chaud et le froid, le set des locaux ne convaincra pas grand monde.
Torche
En première partie de Red Fang sur leur tournée européenne, Torche se voit naturellement ajouté à l’affiche du jour au Trix – leur notoriété justifiant quant à elle le choix de la main stage, qu’ils inaugurent pour cette édition 2016. Sans aucune surprise, le quatuor ricain déroule son set avec efficacité et professionnalisme. Leurs « hits » (généralement issus de leurs premières productions) remportent tous les suffrages, leur permettant de glisser ici ou là quelques titres récents moins connus (et par ailleurs moins efficaces, ça se voit dans le public). On retrouve par la même occasion le light show emblématique de la main stage, avec des vidéo projections envahissantes, certes (servent d’éclairages et viennent de fait se projeter sur tous les musiciens), mais généralement bienvenues et parfaitement adaptées aux groupes. Le son dans la salle aurait mérité d’être un peu mieux travaillé, en revanche. On a déjà vu Torche en live plusieurs fois, et même si ce set ne restera pas dans le top 3, la prestation délivrée était honnête, efficace, et aura contenté la large part du public présente.
Sub Rosa
Déjà croisés deux semaines plus tôt à Bâle, les belles Américaines et les Ricains montent sur l’estrade de la petite structure alors que la majorité du public (ça joue à guichets fermés) est encore en pleine torchée devant la Desert stage. Nonobstant ce placement qui paraît handicapant, quel n’est pas notre étonnement de voir un public nombreux se presser pour se taper une bonne tranche de doom bien dark (et parfois folk) balancé à grands coups de violons dévastateurs. A l’aise dans cette configuration qui sied bien à leur art, la formation mixte s’en sort plutôt bien sur cette scène dans le prolongement d’un bar qui est peu mise en valeur par les lights dans la plus pure tradition de l’underground (les photographes ont apprécié la chose).
Your Highness
Alors que SubRosa est en plein set, il est temps de décrocher pour la seconde prestation à envoyer du son sur la Canyon stage. Ce chevauchement – ni le premier, ni le dernier du week end – oblige à effectuer des choix entre une formation ou une autre voire entre une formation et un cornet de frites (et vous nous savez gastronomes). C’est du pays des frites (quand on parle de gastronomie…) que provient le quintette actif dans un registre des plus couillus et bien barré. Ça fait un putain de bien par où ça passe même si ça sort un peu du cadre stoner pur sucre en tirant clairement des ogives metal parfois entrecoupées de plans bluesy. Le rasé hurleur s’égosille et nous comprenons clairement pourquoi un des protagonistes arbore un t-shirt de Kvelertak, mais cherchons toujours le lien avec celui d’Orchid enfilé par un de ses collègues. Une bonne montée en pression avant de rejoindre une des grosses sensations de la journée deux étages plus bas.
Yob
C’est face à une foule compacte et enthousiaste que Yob prend possession de la Desert Stage à 21h précise. Le trio d’Eugene, Oregon verse sur l’assemblée son metal en fusion, à la croisée d’un death metal allumé et d’un doom des plus cosmiques. Si la set-list ne présente pas de surprises (elle est même, concert de festival oblige, amputée d’une voire deux chansons, telles « Atma » ou « Adrift in The Ocean »), elle se concentre sur l’essentiel. La puissance de « Ball Of Molten Lead » ou de l’incontournable « Burning The Altar » répondent à l’émotion absolue que procure « Marrow » perfection issue du dernier chef-d’œuvre du groupe sorti en 2014. Un live de Yob est toujours un moment à la charge émotionnelle indescriptible, bien au dessus du reste de la compétition. Reste qu’il faudrait au moins 3 ou 4 heures de show pour ne pas en ressortir un poil frustré.
Black Rainbows
Le deuxième orchestre “black-quelque-chose” sur trois à envoyer du gras aujourd’hui, le fait à nouveau dans l’espace le plus riquiqui. Tant pis pour les ceusses qui ont voulu entendre quelques notes de plus de la bande à Mike Scheidt car la salle est archi-comble quand les Italiens balancent la purée. Le son est au top et les épicuriens venus en force sont aux anges. Les Transalpins ne sont plus des débutants et ils savent comment faire headbanguer les quidams avec leur groove imparable entre vieux Aerosmith et space rock sous acides. Les fans ont apprécié les plans jams ajoutés à des compos comme « The Cosmic Picker ». Avec un final d’anthologie sur la reprise des légendaires MC5 (« Black To Comm »), ils provoquent presque des ruptures de la nuque auprès de certains mélomanes.
Coogan’s Bluff
Changement de décors avec la formation cuivrée du nord de l’Allemagne que vos envoyés spéciaux avaient déjà remarquée lors de la dernière berlinale désertique. Les Teutons adoptent leur configuration scénique habituelle : la batterie à l’avant-centre en bords de scène, les instruments à cordes sur les ailes et la section cuivre à l’arrière. Le public a le sourire aux lèvres ; il faut dire que nous avions croisé des festivaliers excités telles de jeunes pucelles carrément impatients d’assister à ce show. Le chevelu de devant balance sa rythmique métronomique comme structure centrale de compos progressives du genre krautrock si cher à nos cousins germains alors que les ailiers lui donnent une patine vintage et que le binôme du vent colorent ce son propice aux trémoussements d’une touche toute personnelle pas si éloignée que ça des grosses formations ska à cuivres. C’est dans la poche pour cet animal bizarre qui entraîne les premiers rangs dans des pas de danse au son du trombone à coulisse (l’instrument le plus rock’n’roll de la voie lactée). Carton plein pour un ovni qui semble avoir le vent en poupe ces derniers temps auprès d’un public plutôt jeune et festif (car c’est pas les corbeaux à pentagrammes qui se déhanchaient dans le pit).
Red Fang
La tête d’affiche de cette première journée est attendue au tournant : face à un public potentiellement un peu « die-hard du stoner », le power rock vaguement sludgy et fuzzé des natifs de l’Oregon pourrait être un peu trop « propre » pour certains. Très vite cette hypothèse est effacée, et c’est à mettre au crédit d’une parfaite maîtrise de la part du groupe dans l’exercice live. Dans l’attitude, d’abord : le serrage de pognes entre potes avant de commencer le set, comme d’hab’, et la machine à tubes démarre en enquillant certains de leurs plus grands classiques dans les premières minutes : « Wires », « Malverde », « Crows in Swine », « Blood Like Cream », etc… Aucune place laissée au hasard, efficacité avant tout. Le public, manifestement pas bégueule, se délecte. Le rythme étant bien lancé, des extraits du nouvel album du groupe sont disséminés ici ou là, sans faire trop baisser la tension. Le point d’orgue se situera toutefois pour beaucoup d’entre nous sur ce final où Mike Scheidt montera sur scène sur « Dawn Rising », sur lequel il apporte ses vocaux caractéristiques, comme sur album. Une rareté en live pour le groupe, et donc à mettre à son crédit en terme de prise de risque. Un très bon set, et une tête d’affiche pas volée.
Joy
Il aura fallu s’extirper difficilement de la grande salle pour rejoindre une dernière fois le lieu où nous demeurons serrés les uns contre les autres (c’est toujours le top avec l’arrivée de l’automne si propice aux ruissèlements de morve depuis nos naseaux) afin de faire connaissance avec le combo californien qui est en tournée avec les magiciens noirs qui ouvraient le festoche. Il est aussi nécessaire ici de mentionner que nos pérégrinations dans le Trix nous ont fait perdre quelques kilos (ce qui n’est pas un mal vu notre penchant pour la gastronomie), mais nous ont aussi vu croiser à plusieurs reprises des militaires en tenue de combat armés de fusils d’assaut dans l’enceinte-même du festival (un signe des temps qui terni un peu le décor d’une telle fête). Proche du stoner des temps jadis, le trio psychédélique nous ramène des années en arrière avec ses sonorités généreuses et seventies, sa basse chaude et groovie, sa gratte bien fuzzée, ses solis et la wah wah usée sans être abusée. Un vent sec et désertique qui nous aura rabiboché avec certaines de nos racines avant d’aller nous prendre une énorme déculottée sonique au premier étage.
Black Cobra
Trop rare sur nos terres, le duo nord-californien se retrouve sur l’affiche du jour en lien avec Yob, pour lesquels ils ouvrent sur leur tournée du moment. Beaucoup ont pu prendre la mesure récemment de la puissance dégagée par le combo sur scène (la tournée sus-mentionnée a fait quelques étapes en francophonie, et le groupe a aussi joué au Up In Smoke, entre autres), et pour les autres, la déflagration sera encaissée dans la douleur. Est-ce l’effet de manque qui accroît ce constat ? Toujours est-il que l’efficacité du groupe a pris une envergure remarquable : doté d’un son massif ce soir, leur puissance nous explose littéralement au visage. Après une journée de festival pas forcément la plus orientée « saturation », le contraste n’en est que plus marquant. Tandis que Jason Landrian déroule l’artillerie lourde sonique avec sa terrifiante six-cordes doublée de son chant perforant, Rafa derrière son kit impressionne tout autant sinon plus : sans effort apparent, le bonhomme bastonne ses kits comme une mule, et dérouille sa grosse caisse (d’une seule jambe, s’il vous plaît !) pour mieux produire sur les tympans abasourdis de l’assistance l’effet d’une bataillon de Panzer sur les terres gelées d’un champs de bataille soviétique au milieu de siècle dernier. Imaginez en gros l’efficacité de Mantar dans sa configuration binomiale, associée à la puissance de feu d’un High On Fire en pleine forme. Décoiffant ! Malgré la fatigue de cette fin de première journée, on reste subjugués par l’enchaînement de déferlantes qu’on prend en pleine gueule, au fil d’une set list sans temps mort, trop courte à notre goût : 45 minutes c’est à la fois suffisant pour botter un maximum de culs et insuffisant pour notre soif de décibels.
C’est donc exsangues, après une journée déjà riche en concerts de qualité, qu’on regagne nos pénates – en faisant l’impasse sur l’after party, dont les horaires sont clairement ce soir incompatibles avec notre métabolisme de vieux rockers. On va prendre des forces pour la journée de demain, prometteuse elle aussi…
Le 10 octobre dernier avait lieu à la Maroquinerie le concert des All Them Witches, groupe de 4 gringos tout droit venus de Nashville avec Santiag au pied et tabac à chiquer en poche. Non, en réalité rien de tout ça, mais le groupe est un tel produit de la culture américaine qu’on souhaitait grossir le trait et utiliser de vieux clichés bien ringard. Ces boys mixent en effet tout ce que leur sacro-sainte terre a pu leur offrir : du stoner, du heavy, et entre les deux, une bonne tranche de blues avec cheddar fondu. Leur troisième album sorti l’année dernière, il était temps de voir les gaillards à l’œuvre.
Notre emploi du temps serré comme un ristretto napolitain ne nous permet malheureusement pas d’assister à la prestation de The Great Machine, groupe de stoner israélien chargé d’assurer la première partie. Notre faute reconnue et auto-expiée, passons directement au vif du sujet.
La soirée a lieu à guichet fermé, et on étouffe déjà dans le sous-sol qui sert de salle de concert à la Maroquinerie, coincé entre ce qui s’avérera être le retour basse (RIP nos tympans) et le grand frère de Chabal. All Them Witches ratisse un public large, c’est indéniable. Les 4 membres arrivent sur scène d’un pas nonchalant, le style faussement négligé et cradingue, chose caractéristiquement américaine. Encadré du guitariste et du claviériste, le bassiste chanteur trône au milieu de la scène armé d’une magnifique Rickenbacker. Derrière, le batteur est déjà torse nu. Ok, ces mecs n’ont pas de temps à perdre. Comme dit plus haut, All Them Witches est le résultat d’influences assez variées, le paysage que l’on voit défiler est donc rarement le même. Souvent, la tiédeur du blues vient réchauffer nos corps déjà moites, et la voix de Michael Parks y est surement pour quelque chose. Le chanteur (appellation amplement mérité puisqu’il s’agit ici d’un VRAI chanteur) nous fait dresser les poils de sa voix doucement meurtrie sur des rythmiques ternaires du Mississippi.
Parfois aussi, un brin de pop suranné s’invite à la table, et cette fois-ci, le claviériste Allan Van Cleave en est le principal responsable. Le bonhomme, qui couple son clavier Rhodes avec des pédales d’effet, nous fait inévitablement penser au grand Ray Manzarek (claviériste des Doors jouant sur le même clavier et lui ayant donné ses lettres de noblesse), et ajoute un cachet et une classe incroyable à la musique du groupe.
Le guitariste Ben McLeod se charge quant à lui de nous assener du gros riff stoner soutenu par une basse très présente, et décolle parfois dans le ciel sur fond de trips acidifiés directement hérités des 70’s. Pour rester dans l’époque, on a même le droit au traditionnel et un peu dépassé petit solo de batterie, qui n’atteindra malheureusement pas le niveau d’un Moby Dick (n’est pas Bonham qui veut).
Le tout est servi avec une belle énergie et un son particulièrement bien équilibré, ne laissant aucun membre sur le banc.
Vous l’aurez compris, All Them Witches pioche dans plusieurs tiroirs pour composer une musique qui vient de partout, ce qui en fait un groupe venant de nulle part et plutôt atypique dans le milieu de la fuzz. On est donc heureux d’avoir fait ce voyage à travers les âges avec eux ce soir, et c’est avec plaisir qu’on remontera dans leur DeLorean.
En pleine tournée européenne, Fu Manchu est venu faire un tour du côté de Paris. Affiché complet, il était évident que ce concert allait nous laisser un sacré souvenir. Arrivé tout juste à temps pour le début du show, on prend le temps de se désaltérer après l’épreuve des bouchons parisiens endimanchés, et on peut enfin se lancer dans la fosse.
Les festivités démarrent timidement avec le groupe Mexican Six Shooter. Effectivement, la salle se remplit progressivement, mais on sent qu’il manque encore un peu de monde. On se demande si ce soir, l’ambiance va être électrique ?! Au fur et à mesure, on se prend un peu au jeu avec un power trio qui lance une musique teintée de garage rock, rockabilly et possédant une certaine légèreté Stoner. Il n’empêche qu’il manque un soupçon de groove, ce qui n’interdit pas les applaudissements qui s’intensifient après chaque morceau. Mais on comprend bien qu’ouvrir pour un monstre comme Fu Manchu, n’est pas forcément évident ; on dira que le contrat a été rempli.
Juste le temps de profiter de la charmante terrasse de la Maroquinerie, mais aussi de contempler cette très belle salle, que le roadie principal des Californiens est en train de tester tous les instruments. La salle commence déjà à avoir des frissons rien qu’en prenant connaissance des sons de guitares. Ça s’annonce Fuzz à souhait. C’est bon, tout le monde est présent, il n’y a presque plus moyen de se déplacer, sauf pour les courageux qui osent pénétrer dans la fosse.
Nos oreilles découvrent une bande son très pop rock style années 1980 : on se croirait plongé dans une bande son à la Scarface ou à la GTA Vice City. Et puis, le groupe monte sur scène avec un air décontracté, les guitares entre les mains et les baguettes prêtes à tout casser. Les amplis sonnent, crient et c’est parti ! Dès lors, l’ambiance générale est déjà énorme, tout le monde se déhanche et bouge. Le groupe enchaîne titre sur titre sans jamais s’arrêter : presque une vingtaine de morceaux. Alors difficile de tout retenir, bien qu’on se délecte de gros titres style « Hell on Wheels », « Boogie Van » ou encore « Drive ». Le public continue de s’approprier la salle en se bousculant, en slamant, en chantant (même les riffs de guitare). Le quatuor nous offre notamment cette superbe reprise qu’est « Godzilla ». Le ton est rythmé, lourd, et, le volume semble monter selon le choix des pédales du chanteur/guitariste Scott Hill. Puis d’un coup net, sans qu’on s’y attende, les premiers riffs de « Evil Eye » envahissent la salle parisienne : c’est le point de non-retour, la cerise sur le gâteau. Encore quelques titres et ce live de pure qualité nous laisse un sourire qui persistera encore le lendemain.
Donc il est clair que ce 9 octobre fut mémorable pour tout fan du groupe ou de l’univers Stoner en général. Encore un grand bravo à Fu Manchu et aussi à ce public d’enfer.
Comme un genre de Pari Mutuel Urbain, L’Oeil de Néron joue avec nos émotions et s’acoquine, platoniquement s’entend et pour la première fois avec le Jack Jack (Mjc de Bron flambant neuve). Une association de bienfaiteurs qui nous propose rien de moins pour son baptême que ce Bal Doom-Doom, poétiquement nommé et à l’affiche internationalement alléchante.
SUNNATA
La salle se remplit péniblement alors que les polonais entament leur set qui va devoir se dérouler devant une audience clairsemée mais concentrée. Grosse attente en effet à propos de ce groupe qui tente de s’extirper de la catégorie “espoirs” du doom alambiqué et introspectif. Son dernier rejeton Zorya ayant fait son petit effet au sein de la communauté, le cap du live se fait crucial pour le quatuor. Après un réglage de ventilateur capillaire, Sunnata peut s’employer à tisser ses ambiances. Noires bien sûr, souvent suffocantes ou à l’inverse aérée et planantes, tout semblait réuni pour passer un bon moment clair-obscur dans une quasi pénombre. Le nombre d’ampli sur scène est ahurissant pour ne pas dire démesuré, ce qui fait que la façade n’est que très peu sollicitée à ce niveau. Du coup le rendu global manque de l’ampleur présente sur disque, une sensation de compacité qui ne sied pas forcément à l’immersion suggérée par les compos. Dommage, d’autant que le travail sur les chants, remarquable sur l’album, ne se trouve pas retranscrit comme on aurait pu le souhaiter. Un concert pourtant pas inintéressant (le très bon “Beasts of Prey” qui ouvre le dernier album suscite clairement l’attention) mais sur la longueur une certaine monotonie a tendance à s’installer. Gageons qu’à force de travail et de prestations live le groupe trouvera une unité scénique et sa personnalité, comme peut le laisser espérer un “Long Gone” où les ombres disparates de Yob et Mastodon parviennent à se mêler.
COUGH
Il semblerait que le relatif déclin d’Electric Wizard fasse de plus en plus d’émules, comme un flambeau qui ne demanderait qu’à être repris. S’ôter le groupe anglais de l’esprit s’avère difficile mais avec sa décennie d’expérience et un Still They Prey aux petits oignons, produit par un certain Jus Oborn (tiens tiens…), Cough grimpe d’un gros échelon après quelques années de silence studio. Le son est copieux et les musiciens font preuve d’une complémentarité agréablement bien maîtrisée. Dans le monde du trio, ici deux guitares, réglées suffisamment différemment pour se distinguer individuellement, se partagent le soin d’élargir la lourdeur du propos déjà conséquente. Les nombreux leads et solos inspirés, gavés de wah-wah, se trouvent donc appuyés de rythmiques accroissant significativement l’attraction terrestre au sein du Jack Jack, qui s’est un peu plus correctement rempli. D’autant que le batteur martèle gros fûts et grosses cymbales plus que de raison sur des tempos qui, il faut bien avouer, s’y prêtent allègrement. Le chant clair et plaintif de David est contre-balancé par celui agressif, très black dans l’idée, de Parker, “Rickenbackeriste” de son état. Un set épais et bien mené qui propulse les ricains au rang de confirmation, prêts à retourner entre autres le Desertfest Belgium dont on vous parle très bientôt.
ELDER
Champagne ! Enfin Elder truste les salles de France et de Navarre et par conséquent les colonnes de partout sur le web. Nick nous confiera la difficulté de monter cette première tournée européenne, conjointe avec Cough. Bien leur en a pris, il était grand temps de pouvoir voir évoluer cette formation dans les meilleures conditions possible, à savoir en (co-)tête d’affiche et dans des salles dignes de son talent. En studio comme en live, le trio n’aime pas jouer la facilité, ce qui nous permet d’avoir chaque fois une setlist différente avec son lot de surprise. Ce soir ce sera l’énorme “Release”, extrait relativement méconnu du non moins obèse EP Spines Burn, déterré pour le plaisir de tous. La sono est au taquet et le pied dans la salle est intégral. Il faut dire qu’Elder joue fort, très fort, en plus très fort, très fort. Conséquence de quoi, en contexte live, il perd (un peu) en finesse et gagne (beaucoup) en puissance. Mr DiSalvo, six cordes bien en mains, écœure comme d’habitude autant qu’il émerveille, d’autant que son chant semble se faire de plus en plus dompté. Mr Donovan explore intégralement sa basse avec une facilité qui lui permet une implication scénique de tous les instants et qui laisse pantois. Quant à Mr Couto… L’homme qu’on ne voit pas assez mais qu’on entend bien a décidément le coup de baguette juste; y’a pas, ces mecs réussissent la prouesse de mettre la technique au service de la musique, et sa musique au service de son public. Progressif au sens noble du terme et cette sensation trop rare, irrésistible, qu’ils jouent et se donnent, à fond, pour eux autant que pour nous. Irrémédiablement le temps défile de trop et nos “p’tits jeunes” s’éclipsent déjà, rappelé dare-dare par un public loin d’être rassasié. La dizaine de minutes de “Gemini”, LE tube, en guise de rappel tentera en vain de combler ce creux inabreuvable. Conclusion : vivement la prochaine occasion de les voir et la suite discographique d’un groupe au top de sa forme, comme en atteste Sanctuary, le nouveau morceau expérimenté (pour nous) sur cette tournée.
Contrat musicalement plutôt rempli pour cette première qui en appellera, souhaitons-le, beaucoup d’autres, à commencer par le festival Grand Incendie (avec notamment Glowsun et Truckfighters) qui arrive fin du mois. Puissent les quatre-cents yeux et oreilles présentes pour ce dépucelage faire des petits pour les prochains évènements, histoire qu’on puisse se délecter sur Lyon de nombreuses autres soirées de ce genre.
Merci à Nico d‘Oofzos.fr – Photos pour le partage de son joli travail.
Le 5 octobre dernier s’est tenu une nouvelle édition des Stoned Gatherings, dont la programmation avait de quoi affoler tout être humain doté d’une sensibilité accrue aux fréquences chatouilleuses de côlon. L’événement de la soirée était sans conteste la présence du géant Yob, grand gourou du doom astral, dont la venue en France est aussi rare qu’un Golden Ticket dans une barre de Willy Wonka. La suite de l’affiche n’était pas en reste pour autant, puisqu’on y trouvait le duo roi de la taloche Black Cobra, les excellents Sunnata, et les post-blackeux de Au-Dessus.
Même s’il est encore tôt, le Glazart est déjà bien rempli pour accueillir les lituaniens de Au-Dessus, aperçus il y a quelques mois aux Blackened Gatherings. Les 4 compères sont habillés d’une tunique noire avec capuche sur la tête masquant leurs visages, et si on avait jusqu’ici un petit doute, le pied de micro aux formes géométriques nous confirme la présence d’une force occulte par ici. Pour l’originalité, on repassera. Côté musique, le groupe alterne passages agressifs d’influence black, à d’autres plus écrasants et plus low-tempo, le tout fonctionnant assez bien. Au-Dessus quitte la scène d’une manière tout aussi froide que l’a été leur prestation. Vous inquiétez pas les gars, Aleister Crowley ne vous aurait pas tenu rigueur de lâcher un petit signe de remerciement au public !
Après l’énorme Zorya, album sorti cette année et sans conteste un des meilleurs de 2016, c’est peu dire que l’on attendait impatiemment de (re)voir Sunnata en live. Pas besoin de plus d’une minute pour être directement plongé dans l’hypnose total, entouré d’une spirale de riffs et d’une basse dont la hargne fait même plier celui qui en joue, au sens propre du terme (attention à la scoliose tout de même). Le groupe est définitivement aussi bon en live que sur disque : “Beasts Of Prey” ou encore “Long Gone” nous le prouvent sans problème. Depuis leur dernière venue au Glazart il y a un an, on sent maintenant un groupe plus mûr, plus à l’aise, et s’accaparant la scène et son public avec une aisance indiscutable. Plus qu’une claque, un crochet du droit.
Quiconque a déjà écouté Black Cobra a certainement connu des douleurs aux cervicales. Ce duo guitare/batterie de Los Angeles brille dans un sludge rapide et tranchant, dont les fondations reposent sur une batterie excessivement énervée et un guitariste ne laissant que peu de place au silence et à la méditation. Les voir en concert est donc toujours l’assurance de se faire ramoner les tympans sans commisération. Un petit problème subsiste pourtant à chacune de leur performance live : les compositions sont tellement denses qu’il est parfois difficile de distinguer les subtilités de Jason Landrian à la guitare, pourtant nombreuses. Qu’à cela ne tienne, des titres comme “Chronosphere”, “Omniscient” ou “Five Daggers” faisant largement le boulot, on sort de là souillé et content de l’être.
Point d’orgue de la soirée, apothéose finale de toute beauté, les trois américains de Yob arrivent sur scène. La rareté du groupe sur nos terres explique une salle pleine à craquer, surement en grande partie constituée de paires d’oreilles venues effectuer leur dépucelage yobien, le cœur battant et les mains moites. En 20 ans d’existence, le groupe de Mike Scheidt a construit un doom extrêmement profond et intimement lié à la spiritualité et au mysticisme. Quand le groupe commence son set, la force de déflagration de l’ensemble surprend presque nos tympans, que l’on croyait pourtant habitués. Les 3 groupes précédents ne faisaient pas dans le bal musette, mais là, tout est plus… Grand. Cela constaté, vient l’heure de l’extase face à des compositions littéralement absorbantes et pleines d’émotions, faîtes d’arpèges poignants et d’autres moments plus écrasants et impitoyables. Une ode à la vie, qui ne nous fait pas remuer bêtement la tête mais nous laisse bien béat, mâchoire et yeux grands ouverts, filet de bave en commissure des lèvres et cerveau en ébullition.
Dans un tel contexte, on déplore sincèrement les quelques rigolos certainement émoustillés par la bière à l’eau du Glazart qui confondent concert et jukebox et qui entre deux morceaux hurlent à l’attention du groupe des titres à jouer. Toi le profanateur, as-tu déjà vu quelqu’un suggérer au prêtre quel extrait de l’Évangile lire durant la messe du dimanche ? Que ton nom soit maudit.
Comme souvent avec les Stoned Gatherings, il y en avait pour tous les goûts au menu de ce soir ; des amateurs de sludge épicé aux autres, davantage orientés doom enivrant et agréablement corsé. Une chose est sûre, le dessert a mis tout le monde d’accord. Une sacrée soirée, mais sans Jean-Pierre Foucault.
On ne savait pas trop à quoi s’attendre sur cette date à l’affiche atypique (Fatso Jetson en tournée avec Greenleaf ??!), sur un mois d’octobre rempli jusqu’à l’indigestion de concerts et tournées de grande qualité, dans une ville au public versatile et insondable, en plein milieu de semaine… Et pourtant !
BLACKBIRD HILL
Bon, lorsque les locaux de Blackbird Hill prennent la scène, on n’est pas méga rassurés par l’affluence dans la petite salle du Void : les premiers accords folk blues du duo sont entendus par une demi-douzaine de paires d’oreilles seulement. Heureusement, petit à petit le public – qui était essentiellement massé au bar à l’étage ou dehors à profiter d’une chaleur quasi-estivale – commence à garnir gentiment la salle, et semble apprécier la musique atypique de ce duo guitare-batterie pas inintéressant : reposant largement sur des accents blues-rock, le combo n’hésite pas à cracher quelques plans limite country-bluegrass pas déplaisants. Le set est maîtrisé et maintient l’attention d’un public assez bienveillant. Sympathique découverte (pour quiconque est assez ouvert d’esprit), on reverra ce groupe sans déplaisir.
FATSO JETSON
En quelques minutes à peine, une petite tornade vient débarrasser la minuscule scène pour voir s’installer pieds de micros, guitares et basses, et quelques pédales bien senties. Du coup, très vite les parrains du desert rock prennent la scène, dans une configuration quelque peu atypique en live : le groupe protéiforme s’appuie généralement sur une structure de power trio, or sur cette tournée Dino, le fils de Mario Lalli, vient épauler le groupe avec une seconde guitare. Avec l’indéboulonnable (et impeccable de bout en bout) Tony Tornay à la batterie, et Mathias Schneeberger, leur pote qui dépanne à la basse (il remplace le cousin Larry), Fatso Jetson se présente sous un jour nouveau… Et quelle (r)évolution ! Au-delà de l’énergie de la jeunesse (et du dynamisme qu’elle apporte aux compos), ce nouveau son, ainsi que le potentiel instrumental supplémentaire, sont un vrai bain de jouvence pour le groupe : il faut les voir jouer certains plans en parfaite synchro, ou alterner rythmique et lead (profitons-en pour louer le talent du pourtant encore jeune Dino) pour mesurer la valeur ajoutée apportée par cette combinaison familiale atypique mais bienvenue. Fatso n’a jamais été un groupe à jouer la facilité, et leur set list du jour en décontenancera donc plus d’un : la quasi-totalité du set est issue du nouvel album… qui sort quelques jours plus tard ! Personne ne le connaît donc encore, mais ils s’en foutent : leur confiance dans ces compos est inébranlable, et ils ont bien raison. Après une version un peu biscornue du classique « Magma », ils enchaînent les nouveaux titres, avec une efficacité qui va crescendo. Il faut dire que depuis le début de leur set, la salle du Void s’est blindée d’un public enthousiaste, et l’ambiance est au top. Les impeccables « Then and Now » et « Nervous Eater » constituent un enchaînement irrésistible, sur lequel le barré « Portuguese Dream » (avec Dino au chant bien destroy) vient s’appuyer. Les titres défilent sans temps mort, avec des zicos à fond, et le set se termine par un vieux mais furieux « The Untimely Death of the Keyboard Player », largement déstructuré mais toujours aussi jouissif. Carton plein !
GREENLEAF
Là encore, il ne faut pas longtemps pour préparer la scène à la configuration du quatuor suédois qui tient aujourd’hui la tête d’affiche. Il faut dire que nos lascars ont ces dernières années arpenté les routes d’Europe en long et en large et n’ont pas volé leur place privilégiée sur cette tournée des clubs (et quelques festivals). Dès qu’ils montent sur les planches, on prend acte de la robustesse scénique et du professionnalisme des scandinaves. Ils commencent par le dynamique « Our Mother Ash », et enchaînent les extraits de leurs deux dernières galettes (les albums avec Arvid au chant, quoi). L’efficacité est remarquable, et musicalement les bonhommes sont au top. Scéniquement aussi, tout le monde se donne à fond sur cette scène de 3 m², à commencer par le démoniaque Tommi qui fait voler sa casquette au bout du 1er headbang après 23 secondes… Le public semble apprécier, encore plus tassé que pour Fatso, le sourire aux lèvres. Il nous manque pourtant un petit quelque chose, à nous petits pinailleurs, difficile à définir toutefois : cet enchaînement de compos qualitatives laisse pourtant admiratif, mais leur transposition en live, même si impeccablement exécutée, n’apporte pas la fièvre que l’on pourrait espérer, et tout semble un peu téléphoné. Même l’instru « Electric Ryder » qui voit Arvid s’éclipser quelques minutes pour ce qui est finalement un long solo de Tommi (et ça fait toujours plaisir) n’apporte plus l’excitation des premières fois. Le titre serait pourtant possiblement prétexte à quelques passages jammés bien sentis… « Stray Bullit Woman », toujours aussi soul, apporte toujours une plateforme bien sentie à Arvid pour déployer tout son feeling, mais ces deux incartades sur la discographie pourtant riche de Greenleaf sont rattrapées par deux titres du dernier album en conclusion, « Tyrants Tongue » et « Pilgrims », encore une fois parfaitement interprétés. On finit le concert un peu partagé entre deux sentiments : la satisfaction d’avoir vu un très bon groupe interpréter de très bonnes compos devant un public enthousiaste est le sentiment qui prédomine. Mais l’on aimerait aussi voir ce groupe hautement talentueux se mettre un peu en difficulté, se confronter à de l’inédit, du old school, des compos moins « policées » que celles des deux derniers albums, de l’impro… Quand on voit le potentiel de ces musiciens, on regrette un peu qu’ils jouent la facilité. Mais on est très tatillons, avouons-le. C’était quand même du grand Greenleaf.
La soirée fut excellente, le public au rendez-vous, on peut donc remercier les Make It Sabbathy d’avoir monté ce plateau en terres girondines !
Quand Gozu a annoncé une tournée européenne pour le mois d’octobre, on les voyait déjà à l’affiche du Desertfest d’Anvers. Que nenni ! Direction Liège en ce samedi soir pour pouvoir apprécier, pour la première fois en chair et en os en ce qui me concerne, le groupe de Boston dont le Revival est sorti il y a peu.
Les Mølk montent sur la minuscule scène de la zone peu avant 21H00. Le quatuor n’a pas besoin de jouer la moindre note pour que l’on comprenne que la partie est gagnée d’avance pour eux : ils jouent en effet à domicile et comptent de nombreuses connaissances dans la salle déjà bien pleine. Bien en place, le groupe fait le job et balance des bûches (« Smoke », « Methamphetamine ») pour échauffer le public avant la suite des festivités. Suite qui, d’ailleurs, ne s’y trompera pas puisque Doug Sherman viendra headbanger discrètement dans la salle aux trois quarts du set des liégeois, bientôt suivi par son compère Mark Gaffney (moins discret vu son gabarit). Lorsque les lumières se rallument, ce dernier ira même féliciter le jeune groupe pour leur prestation.
S’ensuit alors le classique ballet du démontage/remontage de matos avant la prise de pouvoir de Holy Grove. Le gang de Portland, emmené par sa charismatique chanteuse Andrea Vidal, va dérouler un show d’une excellente qualité tandis que Gaff n’a pas bougé d’un centimètre et regarde le set appuyé tranquillement contre un ampli au premier rang tout en sirotant sa Jupi. Emprunt d’une grosse dose de blues, la musique des américains ne laisse pas indifférent, tout comme la bonhomie de sa frontwoman. Ayant découvert un peu plus tôt la spécialité du cru (la mitraillette ak(-47)a « the machine-gun sandwich »), les américains font feu de tout bois et écrasent tout sur leur passage, notamment avec l’excellent « Caravan ». Visiblement très content d’être sur le vieux continent, le groupe joue totalement décomplexé et mise sur le contraste douceur/brutalité. Les barbus gratteux Trent et Gregg tiennent la baraque et envoient du lourd, gras et fuzz. Pendant ce temps là, Andrea, telle une sirène stoner moderne, le visage caché par sa noire crinière, séduit le public avec son timbre heavy rock puissant et envoûtant. L’ambitieux « Nix » réussira à lui seul à rallier de nouveaux supporters à la cause de Holy Grove. Les américains vendront de fait une tripotée de CDs juste après leur set. Le combo de Portland est assurément un groupe à suivre de très près.
Également rassasiés par les mitraillettes, c’est avec des munitions plein les poches que les quatre de Gozu débarquent sur scène. Et il ne faut pas attendre plus de deux secondes avant qu’ils ne commencent à vider leur « Meat Charge(u)r ». Un constat s’impose d’emblée : le Gozu live n’a rien a envier au Gozu sur skeud et le « Bubble Time » qui suit détournera du bar et de la pause cigarette tous ceux qui s’étaient éloignés de la scène.
Le groupe pioche dans ses trois albums et varie les plaisirs en alternant des morceaux au groove ravageur (« Disco Related Injury », « By Mennen ») et les grosses tueries rentre-dedans (« Nature boy », « Meth Cowboy »). Au programme : « Jan-Michael Vincent » (hymne à l’acteur de supercopter) et son intro de basse identifiable entre mille. Après les quelques falsettos qui émaillent le titre, Gaffney s’appliquera à matraquer nos nuques avec le brutal riff final du morceau tout en se déhanchant lascivement avec sa guitare. Effet garanti.
La jeune paire rythmique Grotto/Hubbard groove remarquablement bien dans l’ombre du géant Gaffney, monolithiquement planté au milieu de la scène. Quant à Doug Sherman, il assure le show. Guitare portée très haute sur son T-shirt Death et tête oscillante, notre bonhomme bouge d’avant en arrière, de gauche à droite, en aspergeant de sa sueur amplis, setlist et spectateurs installés au premier rang et en rameutant les spectateurs qu’il juge un poil trop éloignés de la scène.
Autre morceau, autre claque : « Irish Dart Fight » débute par les légers cliquetis de baguettes d’Hubbard tandis que Gaffney se lance dans cette distinctive entame a cappella. Non content de posséder une des voix les plus sexy de la planète stoner, le géant barbu a également la chance d’avoir à sa droite un virtuose du solo en la personne de Sherman. Le gratteux apporte la touche finale à cette bombe live grâce à son toucher hors du commun. Ravi de l’ambiance qui règne dans la Zone, le groupe réclamera d’autres bières avant de jouer les prolongations. Ils dégainent alors l’arme fatale pour tirer une dernière cartouche, non prévue sur la setlist : « Tin Chicken ». Le morceau le plus complexe de Revival permet une dernière fois à Gaffney de démontrer l’étendue de ses possibilités vocales et vient clôturer en douceur une prestation éreintante.
En un peu plus d’une heure, avec un set composé de plus de la moitié de son catalogue, Gozu a fait des dégâts sur son passage. Pas de victimes collatérales ce soir mais très certainement de nouveaux adeptes de leur stoner unique et décalé.
L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt dit-on et il fallait bouger mes molles fesses de bonne heure pour assister au début des hostilités qui tapait dans le local (version élargie) avec des formations que je ne connaissais ni des lèvres ni des dents. Sachant que les organisateurs de cette fiesta ne souffrent pas d’une occlusion des conduits auditifs, j’étais certain d’y trouver mon compte et tel fût le cas, mais pas que !
EPHEDRA
Avec leurs dégaines de rockers orientés du genre bucherons du metal, les premiers régionaux de l’étape avaient une sacrée gueule en piétinant sur la petite scène avant d’envoyer voler les bûches. Je n’allais pas être déçu par cette excellente surprise qui allait foutre le feu sur les planches à l’heure du repas de la mi-journée ! Avec un premier album sorti il y a trois ans et la perspective future de la sortie de « Can’- Ka No Rey » en novembre prochain, les Suisses s’en sont formidablement bien sorti et ont même réussi le coup de force de faire se radiner Gary Arce dans le public ravi qui appréciait ce set entre Karma To Burn et Dozer (que de belles références). Vivement la sortie du prochain opus de ce groupe instrumental à (très) fort potentiel : ils m’ont fait foutrement plaisir !
MOTHER’S CAKE
On reste sur la scène extérieure (et les festivaliers à la mine moins vitaminée que la veille commencent à se pointer en plus grand nombre) pour le second round venu de la proche Autriche. Coutumier des scènes rock au sens large, le trio psychédélique balancera des pièces de toute sa disco, la clope au bec, sans me convaincre à me jeter sur leur merch en fin de set. La voix haut perchée de leur chanteur posée sur leur rock presque kräut m’a laissé un peu de marbre même si certains tires, comme « Gojira », par exemple, tiré de leur dernier opus, s’écoutent agréablement sur disque. On skippe jusqu’aux prochains.
DESERT MOUNTAIN TRIBE
Le prochain c’est la tribu des montagnards désertiques britanniques et c’est tout un programme en soit. Ils partagent avec leurs prédécesseurs sur scène l’affection pour les vocalises haut perchées et se distinguent dans des plans rock hérités des scarabées ou des pierres qui roulent donc ne sont pas si éloignés que ça de l’oasis du désert qui fit les belles heures de la pop anglaises il y a vingt piges. Ce n’est pas mauvais, mais franchement je n’ai pas accroché à la chose qui s’éloignait pas mal des plans bourrins ou doom trustant l’affiche de ce deuxième jour de festival. On skippe à nouveau (ben ça va aller vite comme ça).
WUCAN
La formation de heavy flûte était la première à se produire à l’intérieur le samedi. La fille spirituelle de Ian Anderson vêtue d’un pantalon du plus pure style tube de dentifrice scintillant a rapidement mis les mâles en mal de sensation dans sa poche (il est vrai que ça changeait des velus croisés précédemment sur scène), mais il serait injuste de ma part de m’arrêter là car, en plus de sa plastique, elle est loin d’être un manche à la gratte, à la flûte et au chant (ça fait pas mal pour une jeune personne). Le kräut psychédélique était de mise durant une prestation des plus efficaces menée de main de maître par un groupe qui sait être à l’aise autant dans les plans calmes que dans les montées en puissance (certes relatives comparées à ce qui suivra sur la petite scène). Les amateurs de rock seventies qui se respectent feraient bien de s’intéresser de très près à cette formation à potentiel plutôt qu’aller consommer le groupe qu’une major teuton veut absolument nous caser comme étant l’incarnation du rock des années septante – revisité avec la techniques du deuxième millénaire – à grands coups de marketing.
BLACK COBRA
Les sorciers de San Francisco pourront se targuer d’avoir fait tomber la pluie en même temps qu’ils nous ont gratifié d’un set d’une redoutable violence qui interpelle toujours autant en ce qui concerne leur capacité de foutre un tel bordel à deux seulement. Balançant ses ogives sur des labels s’adressant principalement aux gros lourds (que nous savons parfaitement être parfois), le binôme a fait preuve d’une incroyable maîtrise de son art en alignant quarante minutes durant le meilleur de lui-même dans une débauche de sauvagerie rarement atteinte durant ces deux journées pourtant adressées à un public peu farouche. Tel le métronome, Rafael a cogné sur sa batterie sans jamais faiblir alors que Jason vociférait dans son micro en s’acharnant sur sa guitare. Ce n’était pas une révélation, mais une confirmation de la grande forme de ces Américains dont la dernière pièce en date, « Imperium Simulacra », est une salve de bûches dont certaines ont agrémenté le setlist du jour qui aura bien fait se dandiner les metalleux à vestes à patch de l’assistance (vu l’évidente influence que des formations comme Slayer a eue sur ce combo étasunien).
LEGENDS OF THE DESERT
Respect et tout le toutim pour la suite du programme dont, tout comme d’hab en fait, on ne savait pas grand chose avant d’y être confronté. Comme la dernière fois (le petit malin qui a déclaré « C’est la dernière ; tant mieux ! » va se prendre une salade de doigts sur la joue gauche), la doublette Yawning Man et Fatso Jetson s’était vue octroyé un temps de jeu qu’elle allait agrémenter à sa guise. Sa guise sera, selon mon échange avec Gary, 20 minutes d’un groupe, un change over rapide et 20 minutes de l’autre groupe. En fait ce sera au final environ 20 minutes de Yawning Man, le change over pas si rapide que ça, 20 minutes de Fatso Jetson et un super retour sur scène de l’intégralité des protagonistes des deux actes ensemble pour un final de délire à deux batteries avec Mario qui sera resté sur scène tout du long vu son appartenance à l’entier des deux choses. La première phase baillante a été conforme à ce que la bande de Monsieur Arce nous livre depuis des années : sons très slide aériens avec un échange minimal avec le public, mais un savoir-faire exceptionnel (je signale que le fait que le show ne s’éternise pas a permis de ne pas lasser une seule seconde ce que certaines performances plus longues du groupe avait pu générer par le passé). La seconde couche – plus familiale – était réduite en ce qui concerne le setlist, mais pas l’intensité. Accompagné de ses fidèles, le Roi du désert a cédé le micro à son fiston pour le premier titre (l’ode aux Portugaises rêveuses issue de leur tour récent « Idle Hands ») avant de reprendre ses droits pour balancer quelques titres majoritairement tirés du petit nouveau. C’était droit bien tout comme d’hab avec ce groupe à géométrie variable qui se maintient au top depuis quasi le début de l’aventure stoner.
COUGH
On a failli chopper la toux (ça c’est très facile je le concède) à force d’attendre dans le froid que les légendes cessent de jouer et permettent à la formation de Virginie d’entamer leur set. Les bougres avaient pris du retard et les jeunes piaffaient d’impatience d’en découdre avec l’aile dure du public bâlois déjà chaud patate après la performance de Black Cobra. Faisant partie de la redoutable écurie de Relapse, la bande de Richmond est active dans un registre lent et asphyxiant qui extrait la quintessence du sludge et du doom puis y ajoute des samples malsains. Tout un programme et un programme qui a mal commencé puisqu’un guitariste a été arrêté durant le premier titre (« Haunter of the Dark » tiré de l’album de cet été « Still They Pray ») pour des problèmes techniques intervenus du côté cours de la scène. Heureusement solutionnés rapidement, les ennuis techniques ont laissé place à une déferlante assassine particulièrement inspirée par le groupe qui était en tournée avec ses compatriotes de Elder ; de la belle ouvrage comme on dit régulièrement dans les pits.
YOB
Du lourd encore, du lourd toujours ; la distribution de bûches entamée à l’extérieur allait se prolonger à l’intérieur avec le trio étasunien à qui nous devons l’incroyable « Clearing The Path To Ascend » sorti il y a tout juste deux piges. La rythmique ultra efficace des Ricains a fait mouche auprès d’un public nourri qui n’a eu de cesse que de les applaudir tout au long d’une performance stoner doom (ou le contraire ; je m’en cogne pas mal). Les chevelus ont interprété leurs gros standards sans créer trop de surprise, mais en créant une certaine proximité avec des bipèdes qui n’avaient pas forcément fait le déplacement rien que pour leurs gueules. Tant mieux – comme on dit par chez moi – car des pépites dévastatrices comme « Ball Of Molten Lead » font toujours mouche sur scène et qu’il serait dommage de passer à côté d’une telle formation.
GREENLEAF
Greenleaf avait déjà joué lors de ce festival il y a quelques années et c’est toujours avec un plaisir certain que nous croisons ces charmants garçons lors des diverses fêtes du riff auxquelles ils participent toujours de manière remarquée. La première remarque c’est que la formation Grandleaf est stabilisée depuis une année et que sa configuration actuelle est certainement la plus efficace scéniquement parlant que le groupe a eue à ce jour. La deuxième remarque est que la prestation du jour avait un quelques relents du dernier Desertfest de Berlin : Greenloom est sur la petite scène et les problèmes techniques rencontrés sur son aile gauche (certainement en lien avec ceux de Cough) l’empêchent de débuter son concert à l’heure convenue alors que le public est chaud telle la baraque à frites anversoise. Je devrai donc patienter avant que « Our Mother Ash » n’enflamme le public du Z7 qui fera une véritable ovation à la bande de Borlänge, réclamant en fin de partie un rappel qui ne viendra jamais en raison d’un spectacle de clown sur le point de commencer sur la grande scène. Bénéficiant d’une bonne cinquantaine de minutes de jeu, les nordistes ont envoyé le meilleur d’eux-mêmes (dont les hits intersidéraux du dernier-né « Rise Above The Meadow ») même si un incident technique (encore ?) vint couper leur set et donna l’occasion à leur incroyable chanteur, Arvid, de se lancer dans une improvisation d’obédience blues avec pour seul appui la batterie de Sebastian. Malgré un appel au public passé en début de show, nos amis n’ont pas réussi à récupérer les chaussures égarées par leur ancien bassiste lors de leur précédente venue, mais ils ont laissé KO le public du Up In Smoke avec leur final d’excellente facture sur l’énorme « With Eyes Wide Open ».
PENTAGRAM
Groggys après le show énorme de Greenleaf, pourtant sur scène riquiqui du festival, le public peina à rejoindre la grande structure sur laquelle un mythe allait envoyer son concert. Il faut dire que la formation originaire de BoWash entamait sa tournée européenne le jour même et que même si elle court depuis belle lurette après une reconnaissance légitime, elle ne sera certainement jamais adulée à sa juste valeur. Tant pis, il faut s’y faire. Débarqués plus tôt dans l’après-midi, les vétérans trépignaient d’impatience de jouer depuis quelques heures alors que leur charismatique leader errait à l’arrière du festival (et à l’abri de la foule) en solo (configuration dans laquelle je n’ai pas arrêté de la croiser durant la seconde moitié de cette folle journée). Bobby, seul rescapé des débuts de la formation, accompagné de Victor (pour sa quatrième apparition au line up) ainsi que leurs deux acolytes (dont le bassiste Greg Turley est dans la place depuis presque deux poignées d’années) avait mitonné un setlist couvrant l’entier de son œuvre conséquente. Nous eûmes droit à quelques titres de la première trace dans le sillon en guise d’amuse-bouche (« Death Row » et « All Your Sins ») avant d’aller nous perdre dans des méandres plus récents (« Dead Bury Dead » par exemple issu de la dernière fournée) pour nous finir en beauté sur du vintage (« Last Days Here » et « 20 Buck Spin ») durant un show où les vieux protagonistes furent bien mis en évidence sur le devant de la scène notamment grâce aux mimiques du père Liebling et à sa blouse qui pourrait être un bon sujet de mémoire pour les apôtres de Cristina Cordula.
ELDER
Après les vieux de la vieille, place à la jeunesse avec le trio de Boston qui totalise mine de rien déjà dix ans d’activité au service du riff. Comme à l’accoutumée, le public est nombreux à se presser devant la plus petite scène sur laquelle les Etasuniens s’apprêtent à envoyer du son. Coutumier de leurs prestations, je fais aussi partie des quidams qui voient d’un bon œil ce bain de jouvence au milieu de formations plus datées et nettement moins remuantes sur scène. Les trois lascars nous délivrent une fois de plus une prestation de haut vol dont « Compendium » (tiré de l’énorme « Lore » de 2015 pour ceux qui l’ignoreraient) a été le point d’orgue. Rondement menée, leur performance artistique s’articule autour d’un nombre – très – concis de titres et les interactions verbales avec leur public demeurent très limitées afin que les artistes restent focus sur leur son. Une fois de plus je n’ai pas été scotché par la tenue de scène d’Elder, mais transcendé par leur musique dont on aimerait bien avoir la suite rapidement vu la poutre totale qu’est leur dernière plaque. La petite scène n’aurait pas pu être fermée de plus belle manière qu’avec ces Américains qui ont transporté le – nombreux – public présent dans la place.
ELECTRIC WIZARD
Dernière transhumance devant la grande structure pour la tête d’affiche et le – déjà – vingtième groupe du festival. Les Britanniques débarqués tôt le matin avec leur matos dans les pognes s’était reposé à l’abri des festivaliers tout le jour et c’est en pleine forme qu’ils ont pris possession de la scène sur laquelle un énorme écran avait été fixé en lieu et place des habituels backdrop afin que les projections de la bande à Jus Oborn s’appuie sur un visuel de fond de scène pour se mettre en scène (vu les jeux de lumière et les chorégraphies de cette bande ça occupe un poil le regard des spectateurs). Question articulation du show, nous avons droit à un titre de Slayer – comme d’hab quoi – ainsi qu’un joyau du terroir local (« Procreation (Of The Wicked) » de Celtic Frost qui m’a ramené trente ans en arrière du temps où j’avais une frange blonde et le nez en trompette comme tous les gosses) puis le déroulé de la machinerie anglaise au statisme redoutable. Le quatuor adepte de la croix renversée a débuté avec deux titres issus de « Black Masses » (dont le titre éponyme) pour aller se plonger ensuite dans la totalité de sa discographie : « Dopethrone » forcément avec le titre phare, mais aussi « Time To Die » son dernier effort en date puis quelques perles des temps anciens avant de nous finir avec le mythique « Funeralopolis » en toute fin de set (et de festival). Le point final de ce set est intervenu pile poil à l’heure convenue et aucun rappel n’est venu perturber l’organisation bien huilée qui règne en ces lieux et voyait le staff s’affairer à plier le matos à peine le dernier accord craché par la sono.
Ce millésime a été – comme les précédents – une réussite totale à mettre au crédit d’une structure aussi sympathique qu’efficace (je les remercie encore) qui arrive à nous faire plaisir années après années en conservant le côté super convivial de la manifestation qui marque le début d’un mois de folie pour la galaxie stoner avec un nombre incalculable de grosses pointures, de moins grosses pointures et de grosses pointures en devenir sillonner les routes du Vieux Continent. Vous pouvez faire des grosses croix au marker dans vos agendas : l’édition 2017 se tiendra les 6 et 7 octobre et vous pouvez compter sur nous pour vous tenir au courant de l’actu de celle-ci !
Une nouvelle édition de la version immobile Up In Smoke prenait ses habituels quartiers d’automne dans les fines volutes de la chimie bâloise. Comme à l’accoutumée, c’est le sourire aux lèvres que je me suis rendu au Z7 de Pratteln (on va dire en gros Bâle pour les brêles en géographie) pour me ruiner ce qui reste de mon ouïe dans une démarche frisant le masochisme pathologique. L’affiche de cette fête vendait du rêve même si certaines défections viendront bouleverser le running order de ce vendredi qui était résolument orienté vers les formations à composante(s) féminine(s). Ce premier jour de festival fût aussi une belle occasion de recroiser les potes coutumiers de ce genre de rendez-vous et de revoir certaines formations ayant déjà agrémenté l’affiche du Up In Smoke suisse.
HIGH FIGHTER
Comme c’était déjà le cas lors de l’édition 2016 du Desertfest allemand, il revenait aux hambourgeois d’ouvrir les hostilités sur la petite scène de ce festival fantastique qui, en alternant les groupes d’une scène à l’autre, permet de voir l’intégralité des protagonistes sans choix cornélien si ce n’est celui de se nourrir ou de se désaltérer (on vous connaît depuis le temps !). High Fighter, qui a parcouru un chemin énorme depuis ses débuts pour se glisser sur les affiches les plus prestigieuses du style que nous bénissons, a envoyé du lourd et bien bourrin d’entrée de jeu. Ça a visiblement fait du bien par où ça passait vu le headbanging généralisé qui agitait le public présent à l’ouverture de la foire du décibel. En proposant un set regroupant des titres issus du premier EP ainsi que de son récent (et énorme) long format, les Allemands ont foutu dans leurs poches une poignée de nouveaux rockers et ils ne l’ont pas volé. Mona, la frontwoman au shirt de Kvelertak, a capté tous les regards en s’agitant au gré des titres et les lascars qui l’entourent ont sacrément envoyé du pâté ! « Darkest Days » (qui n’a rien à voir avec la version d’Obituary) ainsi que « The Gatekeeper » ont été énormes : merci les gars (et la fille) on a kiffé ce show autant que vous !
SINISTRO
Embarqué en tournée avec Subrosa, Sinistro a été remonté sur l’affiche ainsi que sur la grande scène suite à la défection de Leech. C’est tant mieux pour les Portugais qui n’étaient pas ensablés sur la scène étriquée dévolue aux formations rentre-dedans : ils ont pu déployer un show au visuel d’excellente facture. Il faut dire que la charmante Patricia et sa tenue de scène fort sexy n’étaient pas étrangers à ce rendu qui en aura marqué plus d’un (ou d’une, mais j’ai surtout vu du poil aux premiers rangs). Enrobée par un éclairage de type poursuite, la dame peu vêtue se détachait des spots rouges qui arrosaient le reste de la scène et c’est un peu le fantôme rock’n’roll d’Edith Piaf qui se démenait au son d’une musique lugubre et puissante pas typiquement stoner. Le fadoom déployé par les Lusitaniens, particulièrement mis en valeur par un mix subtil à la console, a été d’une efficacité plus qu’honnête et les torturés qui ont kiffé « Semente » – leur dernier opus – en ont eu pour leur pognon.
GIÖBIA
L’air revigorant du dehors – il ne fait plus très chaud en cette saison sur les bords du Rhin – nous a rappelé à son bon souvenir alors que les Milanais se foutaient en place en effectuant un dernier line check. Le quatuor, qui pouvait se targuer d’avoir de nombreux fans dans l’assistance, a balancé son rock de l’espace noyé dans la fumée distillée sur scène par les machines qu’affectionnent tant nos collègues photographes. On s’en cognait un poil quand-même car l’ambiance était présente et le corbeau ornant le synthé de la partie féminine du groupe transalpin finissait le rendu esthétique bien garage de la prestation. Les compos se sont suivies de manière cohérente durant le temps de jeu accordé et les Italiens ont pu se retirer avec la juste impression du travail rondement mené alors que les amateurs de sensations psychédéliques n’avaient pas besoin de redescendre de leur trip puisque la formation suivante nous avait annoncé un show très psyché (hahahaha vous me la recopierez celle-là bande de sales gosses !).
MONKEY3
Les helvètes étaient de retour sur ce festoche dont ils avaient déjà foulé les planches il y a quelques années (mon Dieu que le temps passe vite) et c’est toujours un sacré plaisir que de croiser ces garçons aussi sympathiques que talentueux. A la veille d’un jour off sur cette tournée, les Lausannois affichaient une forme certaine malgré les ennuis de santé récents pour un membre du quatuor. C’est avec un peu d’appréhension que je me suis rendu devant la grand-scène après que le groupe eut terminé son soundcheck lui-même (ce qui n’est pas le cas de certaines formations dont la décence m’interdit de citer le nom dans cette review). Mon appréhension était relative à la volonté du groupe de jouer un show presque exclusivement constitué des titres du nouvel album dans un ordre cohérent (dans l’ordre quoi et sans la dernière partie), moi qui chéris tant certaines compositions des temps jadis. Mais il faut s’y faire et les singes vaudois ne font pas partie des formations qui regardent leur avenir dans un rétroviseur vu leur capacité à innover encore et toujours sans jamais balancer ses influences psychédéliques aux chiottes. Mon appréhension était aussi en lien avec la nouveauté de cette tournée qui voyait Boris, le guitariste qui jouait en Marcel quand on était jeune, se coller derrière le micro pour se caler sur le rendu de leur dernier effort (« Astra Symmetry » qui est présent dans les charts de plusieurs pays : chapeau les mecs !). Il faut dire que le groupe, qui a du métier, avait sacrément bien fomenté son coup en embarquant en tournée l’ingé son qui avait capté son dernier album dans des conditions live : question cohérence on a été bien servi et c’est un show d’excellente facture que Monkey3 a délivré au Up In Smoke en incluant en fin de set un titre issu de « The 5th Sun » son avant-dernier album. Au rayon nouveautés : Boris a grogné comme un phacochère derrière son micro et dB l’a soutenu à la guitare pour enfoncer un peu plus encore le clou psyché dans nos boîtes crâniennes.
DŸSE
Exit le psychédélisme et welcome la pugnacité avec le duo bien barré. Le batteur et le guitariste de la bande, qui assurent les deux les parties vocales en alternance ou en superposition, se retrouvent à l’affiche d’un événement plutôt stoner alors que leur style lorgne vers un DIY fourre-tout qui puise son inspiration dans la plupart des courants underground de la galaxie rock. J’avais déjà bien aimé le style, et la sympathie, des Germains et leur prestation bâloise n’a pas été source d’une révision de mon jugement. Dÿse a envoyé un show en mode punk pour le plus grand plaisir d’un public au sein duquel les germanophones étaient en majorité (au passage : la représentation francophone était impressionnante ce qui fait toujours plaisir après plus d’une décennie de bons et loyaux services à la cause que nous avions débuté dans l’indifférence générale) et ces quidams ont donc pu chanter en cœur avec le groupe ses hymnes révolutionnaires et humoristiques. Une énergie énorme dégagée par un binôme rompu à l’exercice scénique : leur succès ils ne l’ont pas chipé !
1000MODS
Changement de décors avec les Hellènes qui, comme Sinistro plus tôt dans la journée, avaient profité de la révision de l’horaire pour se retrouver propulsés sur la grande scène à une heure idéale passant même devant le groupe suisse pour lequel ils ouvrent sur cette tournée (étrange). Pour des raisons cinématographiques ou télévisuelles (je n’ai pas obtenu des informations fiables à ce sujet au moment où j’écris ces lignes), 1000Mods avait foutu le paquet pour le visuel de leur show, qui ne s’est pas contenté de n’être qu’un pestacle à regarder. Baignés de bleu, la Rickenbacker pendante sur les genoux au centre de la scène et les regards concentrés, les Grecs – omniprésents sur les événements stoner européens de l’automne – ont profité de décocher quelques flèches issues de leur opus d’actualité (puisque sorti le mois même) « Repeated Exposure To… » dont le sensationnel « Above 179 » qui en plus d’être une pépite sur disque est une énorme baffe en live. Grands habitués des circuits stoner européens et fer de lance (avec quelques autres) de leur incroyable – et bouillonnante – scène nationale, la formation a acquis lors de cette performance suisse une foule de nouveaux fans conquis par leur style à la fois subtil quand il le faut et fort pugnace quand c’est nécessaire.
SUBROSA
Changement de décors et retour à l’extérieur pour une prestation d’un autre style. Les natifs de Salt Lake City en campagne européenne avaient troqué leur place sur la mainstage pour jouer en avant-dernière position juste avant la tête d’affiche de ce premier jour. Formation surprenante à plusieurs niveaux, les Américains s’adressent à un public d’épicuriens. Ça tombe bien : il y en avait une sacrée cargaison ! Majoritairement féminin, le groupe aux deux violons a balancé son doom d’une autre galaxie pour nous transporter durant un temps de jeu généreux (gagné en partie en raison de la nouvelle donne en terme de répartition scénique). Les amateurs de fuzz facile et abordable sont retournés à l’intérieur goûter la gastronomie locale, mais ils étaient peu nombreux. Les autres, les lourds, les bourrins et les barrés s’en sont donnés à cœur-joie à mosher du chef tout en lourdeur presqu’une heure durant sous les coups de boutoirs assénés par un collectif aux influences multiples et au rendu absolument unique. Déjà auteurs d’une prestation remarquée par le public français lors d’un récent passage au Hellfest, ces originaires de la capitale des mormons ont à nouveau marqué des points en déployant une énergie dévastatrice incroyable que je peine encore à mettre en relation avec la pratique de l’archet.
TRUCKFIGHTERS
Dango et Ozo avaient débuté un groupe sous forme de quatuor et avaient livrés par le passé des productions incroyables (dont « Gravity X » qui demeure une plaque énorme). Par la suite, devenu trio et changeant régulièrement de batteur, le groupe est devenu une des grandes sensations de la scène stoner. Il n’est donc pas très étonnant de les voir headliner cette journée d’Up In Smoke cuvée 2016. Il faut dire que depuis que le guitariste moustachu de la bande s’est mis à passer ses concerts à sautiller tel le mammifère australien féru de boxe, les Truckfighters se sont trouvé un nouveau public. Ils sont carrément devenus un acteur majeur en assimilant les gimmicks qui ont fait (ou défait pour les puristes) certaines formations d’un punk en vogue auprès des ados. Je ne vais pas me lancer dans le procès d’un groupe qui marche et qui a déjà suffisamment de détracteurs dans la scène parfois sectaire du stoner et il serait bon de rappeler à certains amnésiques que le succès de la formation n’a pas débuté avant-hier et qu’au-delà des insupportables sauts scéniques, ces types sont de véritables agitateurs de la scène avec leur structure. Il est aussi remarquable de constater que malgré le succès, les Suédois ont su innover avec « V », leur dernière prod, et se mettre en danger (surtout en ce qui concerne la partie vocale). Le parterre était un peu amorphe, ou peu en ligne avec les nouveaux titres du trio alignés sur le setlist, mais le final sur « Mexico » a raccroché les vieux de la vieille lors du rappel.Après cette journée trépidante, l’heure était venue d’aller ranger ma carcasse afin d’être en forme pour la seconde – et déjà dernière – journée de ce festival. Un résumé visuel (ci-dessous) vous résumera un peu cette journée de foufou à laquelle ne manquait qu’une température clémente, mais on ne peut pas tout avoir !
St Nolff et son site de Kerboulard fait partie de ces charmantes petites bourgades annuellement envahies par une cohorte d’individus peu discrets et en perpétuelle déshydratation : nous. Le Motocultor donc, ses trois scènes aux noms délicieux et sa programmation éclectique, qui laisse chaque année une place de plus en plus importante à nos groupes chéris. Il ne nous en fallait pas plus pour traverser la France et aller vous reporter ces trois jours en Britanie, parsemés de bûches et d’embûches, depuis le trajet jusqu’à la rédaction de cette chronique, en passant par la météo (toutes nos excuses d’ailleurs pour ce délai inhabituellement long et indépendant de notre volonté).
JOUR 1 : Papa c’est quoi le death metal ?
THE MIDNIGHT GHOST TRAIN
A peine (enfin) arrivé sur l’agréable site du festival qu’une voix bourbonnée nous fait hâter le pas pour rejoindre la Massey Ferguscene, le plus petit des deux chapiteaux. The Midnight Ghost Train y taquine comme à son habitude stoner du désert vitaminé et bluesy, mêls à une énergie aux frontières du punk hautement communicative. Un des points forts du combo du Kansas, qui participe grandement à faire entrer dans sa danse un public qui ne demandait que ça, c’est la proximité de l’intenable Steve Moss avec son audience, qui s’en donne elle aussi à cœur joie. Il faut dire que les compos du trio sont taillées pour le live et incitent clairement les festivaliers à se chauffer pour la suite. Ces derniers ne se font pas prier, répondant généreusement aux nombreuses sollicitations du frontman vers qui la majorité des regards sont tournés. Non pas que la section rythmique, pêchue et groovy à souhait soit inintéressante, mais ce trublion de guitariste/chanteur occupe quasiment à lui seul la totalité de l’espace scénique. Sa guitare parait toute petite et quand sa grosse voix rauque résonne, on a fatalement tendance à écouter ce que ce monsieur a à nous dire, encore plus spécialement lorsqu’il dédie le dernier morceau, un blues interprété à capella en forme de pied de nez, à son père… Un set déroulé à un horaire parfait pour TMGT qui aura assurément gagné de nouveaux fans malgré un son assez mal équilibré, faisant la part belle aux fréquences basses superflues et désagréables (une tendance qui apparemment se sera pourtant améliorée au cours de cette première journée).
Confirmation en passant voir Grave puis Rotting Christ sous la Dave Mustage, pour qui la technicité exige une propreté sonore autre qu’un déluge de grosse caisse…
ENTOMBED A.D.
Fort heureusement il en sera tout autre en découvrant la Supositor Stage, la seule (petite) scène extérieure idéalement entourée d’arbres et dont l’accès en pente est très agréable pour la visibilité de tou(te)s. En assistant aux balances d’Entombed A.D., on sent qu’il va se passer un truc costaud. Plus facile que sous les chapiteaux de gérer la diffusion des basses et le son va ici être à la hauteur de la carrière des suédois. Les craintes dues à l’éclatement du groupe s’envolent avant même les premières notes, les gaillards sont en grande forme et vont nous envoyer un petit best-of de leur death reconnaissable à l’accordage bien plus bas que la normale. Car depuis plus de 20 ans et le mythique Wolverine Blues, toujours bien présent dans ses playlists, le groupe s’est employé à alourdir sa musique, si bien qu’on est dans un groove régulièrement pas si loin de nos tumultes habituels. La bonhommie de L-G Petrov n’ayant d’égal que sa sympathie, tout le monde s’en donne à cœur joie de part et d’autre des crash-barrières.
Après une petite escapade champêtre aux abords du chapiteau où Fleshgod Apocalypse s’emploie à essayer de rendre son death technique et symphonique compréhensible, vient le tour les norvégiens de Shining dont la réputation accapare la majorité des festivaliers restants.
J.C. SATAN
Mais malgré des températures en dessous des normales de saison, la curiosité et le charme de la Supositor nous attirent plutôt vers J.C. Satàn. Les bordelais(es) vont remplir leur mission du soir en en surprenant plus d’un(e) à l’aide de leur mélange déluré. Bouffant à pas mal de râteliers, on passe en gros d’un garage rock punkisant pour glisser petit à petit vers un côté plus psyché au fur et à mesure du set, bienvenu pour éviter de frôler l’indigestion. Une chanteuse dans la grande tradition noise vit ce qu’elle raconte et prend un malin plaisir à triturer la justesse de ses cordes vocales. Un grand type s’amuse lui aussi à jouer avec les dissonances, planté derrière ses claviers et autres joujous. Une bassiste discrète mais impeccable dans son rôle de grooveuse, un batteur au kit minimaliste et au jeu très percussif forment une section rythmique qui sait insister sur la répétition sans trop lasser. Ce qui laisse la place au guitariste à la fière moustache d’exercer pas mal de facéties, batterie d’effets à l’appui, avec des riffs ou des solos plus ou moins noisy, mais souvent très blues au fond et que n’auraient probablement pas renié un certain Josh Homme. Qui plus est bien au delà du simple accompagnateur et taquin derrière son micro. Une surprenante et bien sympathique découverte, un set assurément bien rodé et pour lequel l’effort fourni afin de se mettre dedans aura été récompensé. S’ils passent près de chez vous…
Point bière/cidre : Bretagne oblige, outre les trois types de bières (la Motoc’ et l’ambrée étaient bien bonnes), on a le choix entre plusieurs cidres (tous artisanaux et fort rafraîchissants). Avec Modération bien sûr, celui qui n’est jamais là (il déteste les festivals…).
*****
JOUR 2 : L’apocalypse selon St Nolff.
Les “nuits” en festival étant ce qu’elles sont et le “pèlerinage” ravitaillement étant ce qu’il fut, un besoin irrémédiable de gras se dut d’être comblé.
FANGE
Et comme parfois les choses sont bien faites, c’est à Fange qu’est revenue la lourde tâche de palier ce manque. C’est qu’en termes de gras, les Rennais savent de quoi ils parlent, merci bien. Un gras crade et poisseux, qu’ils nous pressent vicieusement sur la tronche. Bien connus des services du coin et donc attendus, les quasi-locaux disposent de tout l’arsenal à sludger nécessaire. En particulier le guitariste qui comble l’absence de bassiste lui-même et constitue à lui seul une bonne partie de la tessiture du groupe. Un matos imposant exploité avec les accords et effets qui font mal, complété par un gars qui triture des sons à l’aide de pédales, ajoutant larsens et autres joyeusetés disgracieuses. Sont vraiment pas contents, et la sono de la Massey Ferguscene en gronde de plaisir. Le batteur cogne un peu trop fort pour des pieds de cymbales qu’il faudra sans cesse resserrer, quand ce n’est pas son chanteur qui fait tomber ses pieds de micros. Car ce dernier n’arpente pas seulement la scène sans arrêt, il la fracasse, la martyrise et semble vivre ces moments comme une torture exutoire, éructant de façon grave ou aigüe avec la même hargne, parfois même avec le micro plus près des cordes vocales, ou avec deux tours de jack enroulés autour du coup. Et puisqu’il n’y a pas que le sludge qui est dégueu, nos gentils amis n’hésitent pas à lorgner parfois côté d’un death voire grind poisseux (rappelant même certaines ritournelles d’Entombed A.D. la veille), alors que la pluie dégouline elle aussi de part et d’autre du chapiteau. “Eh ben putain ça fait du bien” serait-on tenté de dire mais y’a la bienséance, bordel.
Ce samedi est placé sous le signe du contraste (tant musical que météorologique) et les grands écarts stylistiques sont nombreux : on passe donc du sludge au hard rock rafraichissant de Giuda, puis au metal moderne fourre-tout mais bien foutu d’Hypno5e. On glisse à nouveau complétement, du côté punk rock aquatique cette fois avec les vainqueurs du tremplin, Sordid Ship, qui transforment la Dave Mustage en joli foutoir à l’aide de bouées et autres requins gonflables, toujours fun. Certains se retrouveront d’ailleurs devant Goatwhore, qui enchaînent là-bas dehors et qui va nous mettre une bonne taloche avec son black thrash vingt ans d’âge made in New Orleans, teinté de punk et d’un savoir faire indéniable.
VALIENT THORR
Mais revenons à nos moutons du désert sous la Massey Ferguscene, où Valient Thorr, visiblement remis de sa dure soirée de la veille, s’apprête à investir les planches. Le son du combo privilégie la puissance à la clarté, suffisante tout de même pour apprécier l’habileté des protagonistes. Déjà couillue sur album, la musique des Thorrs en prend une paire de plus en live. Survitaminés dans ce contexte, les titres sont immédiats, les breaks, bien sentis, marchent à tous les coups et malgré leur côté parfois téléphoné, ça suinte tellement le rock ‘n roll qu’on en a cure. Les solos, en duel ou harmonisés fleurent bon le heavy (crédo également du solide bassiste), sacrée paire de gratteux que nous avons là, poussée dans ses retranchements par un batteur disons sportif, qui castagne tout le long du set avec une intensité qui le fait lui même sourire et donne cette urgence punk aux morceaux. Et puis il y a ce frontman inénarrable, Valient “you know what I’m talkin’ ’bout” Himself, que juste chanter semble ne pas contenter du tout. Alors il fait son sport en même temps, et entre pas de danses/footing et pompes, finit vite par tomber quelques couches vestimentaires. Doté d’une longueur de barbe et de cheveux équivalentes, le sieur balance ses vocaux un peu braillards avec une rapidité de diction plutôt au dessus de la moyenne, qui fait une grande partie de son attrait. Et même essoufflé, ce joyeux drille ne perd pas une seconde de son temps de parole, usant de sarcasmes sur les quelques travers de notre belle société.
Conséquence logique de tout ça, le quintet de Caroline du Nord se taille un beau succès mérité sous une tente de plus en plus mouvante, et prouve qu’il est l’un des groupes qui montent actuellement, à suivre d’ailleurs en tournée avec Clutch.
CULT OF LUNA
Le constat est accablant : il est inutile d’assister à un show de Cult of Luna depuis les premiers rangs dans l’espoir de mieux voir jouer les musiciens, ceux-ci n’étant quasi jamais éclairés de face. Même chose concernant le so n: le septuor s’étant fait spécialiste de l’occupation de l’espace sonore, l’utilisation de la stéréo prend avec lui tout son sens en étant placé au milieu des enceintes. Pour capter au mieux les subtilités des véritables toiles sonores que tissent les quatre manches, les deux batteries et les différents artifices créateurs de climats. Difficile de décrire l’imposante unité du rendu provoquée par tout ce petit monde… La petite tente est déjà bien garnie lorsque le groupe entame la vingtaine de minutes de “Vicarious Redemption”. Risquée mais réussie, cette entrée plonge directement le public dans l’ambiance froide et hypnotique chère aux suédois, capable d’immerger chacun dans ses propres méandres. Le nombre de slams par minute en prend un sacré coup. Axé étrangement aux trois quarts sur l’album Vertikal avec les interprétations des excellents “I: The Weapon” et “In Awe Of”, le set sera ponctué par “Ghost Train”, planant et propice à un light show épileptique, lunettes anti-éclipses conseillées. Aucun titre de Somewhere Along The Highway, pourtant joué en intégralité sur la dernière tournée, mais des morceaux choisis et enchaînés méticuleusement pour faire de ce bien trop court concert un moment hors du temps. Seuls quelques légers problèmes de son très ponctuels n’entacheront qu’à peine une prestation proche de la perfection.
NEUROSIS
Dur d’enchaîner direct après ça, surtout avec les parrains du genre, qui vont enfoncer le clou sous la Dave Mustage d’à côté. L’atmosphère pesante est évidemment toujours de rigueur chez Neurosis, trois décennies au compteur, tout de même, au service de la chape de plomb, quand même. Une noirceur menée différemment de leurs fils spirituels que l’on vient de quitter. Plus brutes dans leurs constructions, les compos du quintet font l’effet d’un rouleau compresseur, qui sait se faire subrepticement oublier pour mieux vous aplatir. Scott Kelly, grisonnant mais toujours véhément, et ses fidèles sbires sont plus que rompus à l’exercice et se passent même depuis quelques temps de tout artifice lumineux, seuls quelques spots éclairent la scène et ne changent qu’à peine de teinte entre les morceaux. Une démonstration de gestion des ambiances uniquement musicale donc, et personne n’en met une à côté, certainement pas Jason Roeder (à ses heures perdues batteur chez Sleep…) qui sait mener une barque et allier puissance et finesse. Mention spéciale également à Steve Von Till à la deuxième gratte, qui appuie quelques vocalises, ajoutant encore en profondeur à l’ensemble plutôt bien mis en son, si l’on excepte quelques machines parfois difficilement discernables dans un mix qui défrise. Les californiens ont ainsi réaffirmé leur position dans le monde du post-hardcore plombé, si besoin était, “coincés” entre deux groupes dont ils sont une influence majeure.
Carpenter Brut va ensuite apporter fraîcheur et surprise avec leur metal electro dansant, en grande partie pour cause de perte du running-order manuscrit du jour. La toile tendue en fond de la Massey Ferguscene laisse à penser que c’est Amenra qui va investir les planches. Mais ce sont bien les frenchies, fans du John cinéaste dont ils empruntent patronyme et images, qui vont y mettre le feu. Kitch très 80’s et excellent son.
AMENRA
Pour parachever cette soirée du post, nous avons droit à l’étoile montante du style, les belges d’Amenra. Le côté visuel est soigné, alternant pénombre, visuels souvent fixes et glauques en fond de scène ou lumières plus présentes selon l’enveloppe musicale du moment. Côté sono ça crache très fort et le quintet va prouver qu’il a très bien étudié le style, qu’il pousse dans ses retranchements. On serait tenté de réduire leur musique à un mélange des deux groupes maîtres du genre passés un peu avant, mais il faut leur reconnaître une personnalité et une façon de composer qui leur est propre. Globalement plus violent, ce post-hardcore là est aussi plus abrupt dans ses enchaînements et ses breaks qui plongent la grande tente bien remplie dans un climat asphyxiant et donne envie de se (re)plonger dans l’œuvre des flamands. Cette nuit les rêves vont être étranges…
Excellente idée que de nous avoir proposé ce triptyque éprouvant, qui aura fait planer un parfum de Roadburn en terres bretonnes.
Point bouffe : Parce que oui de temps en temps il faut se sustenter avec du solide et le Motocultor propose une carte relativement variée et correcte au niveau qualité, aux prix conformes à ceux pratiqués habituellement en festival.
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JOUR 3 : Du gras, du thrash et du gras.
On quitte des belges la veille pour en trouver d’autres, pour le coup ceux de Leng Tch’e qui se sont occupés du traditionnel réveil en douceur du dimanche, à l’aide d’un death grind mené par un chanteur sacrément volubile. Ultra-communicatif derrière des musiciens indéfectibles, son growl est assassin et il fait presque à lui seul le charme de ce show. Partageant son micro avec ses fans, dans la fosse ou carrément sur scène, appelant ces derniers à un “gang-bang interracial” (comprendre wall of death avec lui en plein milieu, le bonhomme étant d’origine africaine). Sans oublier l’inévitable slam. Revigorant.
STONEBIRDS
Après leur apparition remarquée, entre autres, au Hellfest, les StoneBirds bénéficie d’une place de choix sur la Massey Ferguscene, forts d’un album sur lequel ils ont su s’émanciper d’un stoner assez classique pour tendre vers quelque chose de plus abouti et personnel. Les compos sont longues et pas forcément immédiates, avec des constructions plutôt alambiquées et variées dans leurs ambiances, globalement sombres et introspectives, aux confins du doom, du sludge et du post. On reste bien accroché dans le set, regrettant néanmoins de ne pas s’être préalablement imprégné de la musique du désormais trio centre-breton. La façade est plutôt bien réglée mais le chant, plus rock dans l’esprit et peut être mixé un poil trop en avant, va régulièrement souffrir de problèmes de justesse sur ses passages les plus ardus. C’est que le garçon a placé la barre très haut, avec ses vocaux intransigeants et recherchés mariés à un jeu de guitare riche et travaillé. On mettra donc volontiers cela sur un jour (à moitié) sans, d’autant qu’on peut se délecter d’un jeu de basse fretless et donc souvent en glissés, lui aussi minutieux et délicat, chacun se complétant ou se laissant le soin de donner la teinte du moment. Quelques chœurs venant de la gorge s’invitent de temps à autre, et derrière les fûts ça cogne juste et propre. En gros il semblerait bien qu’il faille compter sur StoneBirds, qui s’invite dans le club fermé mais ouvert des groupes, français ou non, qui poussent le bouchon pour développer une personnalité qui commence à faire souvent défaut ces derniers temps… Plus qu’à suivre.
En guise de goûter, les thrashers de Lost Society vont nous faire faire un bon dans l’espace temps pour nous rappeler avec plaisir et brio la fougue d’un Metallica des débuts. Les (jeunes) finlandais vont déployer énergie hors du commun, technique irréprochable et retourner la Dave Mustage. Le service de sécurité, irréprochabe durant ces trois jours, aura eu du fil à retordre.
Dommage pour Vektor dont le thrash, plus tarabiscoté, sera plus compliqué à déchiffrer, malgré des musiciens de très haut niveau, en particulier un batteur/viking spectaculaire.
CONAN
Épique, Conan l’est dans sa musique, bien sûr. Dans son rythme de tournée, aussi. Présent sur tous les fronts, le trio anglais taille vaillamment sa route, à coups de hache à trois mains. Retour de Chris Fielding à son poste derrière sa basse et son micro. La guitariste de Samothrace, Renata avait assuré l’interim avec brio ces derniers mois mais n’avait forcément pas l’amplitude vocale nécessaire pour compléter Jon Davis et ses phrasés scandés si particuliers. Si l’évolution du groupe sur son dernier rejeton Revengeance a pu décevoir certains fans, l’exécution live reste colossale de pesanteur. Servi par un mix impressionnant, une constante voire un point d’honneur chez Conan, ce doom massif nous transporte sans peine sur son champ de bataille, même dépourvu des excellents visuels qui renforçaient naguère l’immersion dans un concert du groupe. Rich Lewis est toujours aussi monstrueux derrière son kit qui ne l’est pas moins. Son jeu plus foncièrement metal, aux touches parfois jazzy et sa façon de tripoter ses cymbales ont vraiment apporté quelque chose de différent, qui explique probablement en partie la direction musicale empruntée et ses morceaux plus rapides. Blood Eagle est logiquement bien représenté avec ses “tubes”, mais les débuts sont boudés, au profit bien sûr du petit dernier. Les dix minutes de “Earthenguard” concluent d’ailleurs les hostilités comme elles concluent l’album, en plongeant avec brio le chapiteau dans une lourdeur planante.
GRAVEYARD
Surprise et volupté de retrouver Graveyard à l’affiche de ce Motocultor, probablement le groupe le moins “metal” de ces trois jours. Coutumiers du fait puisque régulièrement présents sur les plus gros festivals du genre, les suédois n’hésitent pas à introduire leur set par une ballade, “Slow Motion Countdown” en l’occurrence. Ils vont d’ailleurs insister sur cette facette de leur discographie avec quasiment un titre calme sur deux. Pari osé mais les festivaliers présents ne semblent pas s’en plaindre, loin s’en faut. Il faut dire que le son est plutôt bon et Joakim Nilsson est en voix. Axel Sjöberg va lui aussi marquer un bon paquet de points avec son jeu de batterie bien loin des codes du metal mais tout aussi (voire plus) impressionnant avec ses roulements insistants. Les extraits du dernier effort studio du groupe passent vraiment bien, notamment le très blues “Too Much Is Not Enough” (sans ses choeurs gospel) et un “From A Hole In The Wall” bien plus enlevé, chanté par Truls Mörck, le bassiste à la Rickenbacker. Une sensation de demi-teinte se dégage malgré tout de ce concert, de part le choix de la setlist, celui de la Dave Mustage un peu clairsemée et l’horaire, pas vraiment idéal pour apprécier au mieux du rock entre du doom et du sludge.
BONGZILLA
Mine de rien, l’heure est venue d’assister au premier concert de Bongzilla dans nos contrées, vingt ans de sludge cradingue et fumeux à son actif, à base de riffs propices au jam. Je m’en foutistes jusqu’au bout des ongles, les ricains débarquent plus que tranquillement, prenant comme à leur habitude le temps de (beaucoup) fumer avant de commencer à faire larsenner leurs amplis, qui vont eux aussi fumer. Bon, on adhère ou pas au côté apologie de l’herbe du combo mais il faut avouer que ça met une drôle d’ambiance sur comme sous la Massey Ferguscene (Je rêve où tout le monde autour de moi est en train de fumer !?). “Gestation” déboule, délicieusement plombée et les nuques se délient immédiatement, sous la surveillance de Jon Davis (de Conan) qui a prêté ses baffles au guitariste/”chanteur”. Un Mike “Muleboy” Makela en forme, dont on se demande comment les cordes vocales arrivent à supporter ce qu’il leur inflige. Le matos est très vert/orange, le son en façade est très bon et la petite heure de set va passer bien trop vite, pour le public comme pour le groupe, qui va un peu trop étirer des versions par ailleurs énormes de “Keefmaster” et “Grim Reefer”, dont les breaks centraux improvisés seront prétextes à s’en refaire tourner un petit. Un nouveau morceau, le premier depuis dix ans, nous est offert et apparemment les gars du Wisconsin ne sont pas encore prêts de lever le pied sur l’épaisseur. Au contraire même puisqu’ils ralentissent quasiment tous les tempos, à tel point qu’un dernier morceau n’aura pas le temps d’être joué. Conséquence de cette nonchalance extrême, le set se conclue un peu en eau de boudin sur un jam qui commençait à traîner plus que de raison. Un concert jouissif mais alors quelle bande de sales gosses…
Le temps ensuite de se dire avec Soulfly que Max Cavalera ferait peut être mieux d’arrêter de se ridiculiser, les Nashville Pussy s’installent à côté pour faire la fête. Indéboulonnable, le groupe reste fidèle à sa réputation et balance un set impeccable en forme de greatest hits. Ce fameux couple Ruyter Suys/Blaine Cartwright tire son épingle du jeu et met une bonne ambiance sous la Massey Ferguscene qui n’en demandait presque pas tant. Elle intenable et lui débonnaire, l’alchimie est toujours présente et c’est tant mieux.
La fatigue finit de commencer à opérer mais les organisateurs ont prévu de quoi nous maintenir en éveil et en émoi. Les vétérans du thrash Testament vont atomiser la pauvre Dave Mustage qui commencerait presque à se démonter toute seule tellement tout est imposant chez les ricains : le son, les lights, Gene Hoglan… Un groupe et un line up de tueurs qui n’a pas finit de faire headbanguer les foules.
Plus que compliqué après ça de rentrer dans le set de Batushka et son black doom théatral et intrigant…
Et histoire de se finir gentiment, Ministry va finir de nous fracasser le cerveau à l’aide de son metal indus très metal et très indus. Son violent, lumières violentes, images violentes et Al Jourgensen est définitivement un frontman hors pair. Rideau.
Point camping/orga : Apparemment un des points faibles des éditions précédentes, l’organisation très amateure semble avoir fait un bond en avant. Malgré ce problème d’impression de running order et le manque d’affiches récapitulatives sur le site, on retiendra une jauge tout à fait confortable que ce soit pour les concerts ou les commodités. Quelques heures de pointes inévitables aux bars ou au point restauration, des toilettes sèches en nombre suffisant, le site et le camping sont assez bien aménagés et pensés. Bon point aussi les battements entre les concerts permettant quelques pauses sonores bienvenues. Espérons que l’aventure puisse se poursuivre et s’améliorer dans les années à venir !
[Crédit photos : droits réservés Motocultor Festival / F. Lampin, G. Mathieu, M. Wino]
C’est pas compliqué, là où il y a de la hauteur, y a un château. Les ancêtres des amis clermontois de Black Owl étaient soient des gros flippés, soit possédaient des actions dans l’BTP moyen-âgeux, toujours est-il que c’est au pied d’une de ces majestueuses constructions qu’une petite centaine de privilégiés s’est retrouvée pour ces Volcano Sessions #2. Cadre majestueux, temps solaire insolent, Saint Nectaire salivant, un Jo Riou Graphic Designer de rigueur pour tout événement stoner et 6 groupes balayant un champs large d’influences stoner, grunge et psychédélique, voilà les ingrédients réunis pour ce cocktail fort en bouche et riche en fibres.
C’est sous les coups de 15h30 que débarque la ptite troupe de Fuzzy Grass, sa guitariste, son thérémine et ses riffs qui fleurent bon le zeppelin. La musique des toulousains passe crème en ce début d’après-midi et c’est sous les envolées vocales du chanteur que les premières blondes se font siffler la pinte comme il se doit. On craque des cigarettes, on fait le bisou aux copains, on croise Domadora qui chille tranquilou, on rencontre de nouvelles personnes en laissant le soin à Decasia de s’installer pépouze pour nous asséner ensuite ses jams maîtrisés. Ca groove collectif et le trio s’intègre parfaitement à la vue verdoyante qui s’offre à nous. Les notes, la ptite moustache, les envies rythmiques, ça elektrohash sévère chez le trio et ça n’est pas pour nous déplaire.
Bière-Clope-Jo Riou
Au tour de Space Fisters d’investir les quelques ptits mètres carrés de tapis-scène. Avec ces trois montagnards, la neige ne sera plus jamais en deuil tant leur musique jouissive rouste les séants et désarticule les moindres jonctions osseuses. Déstructuré, violent et gras, un régal pour les oreilles, un calvaire pour les headbangueurs. Soulevons nos gobelets en plastique à leur ingé son, Frank, qui à l’instar de celui de Mars Red Sky, nous concocte toujours un mix aux ptits oignons.
Le gaillard restera d’ailleurs aux manettes pour Sunder. Et le set des lyonnais résonnera parfaitement dans cet écrin naturel. Leur psychédélisme 60s vibrera de manière nouvelle, la voix faisant toujours des merveilles soutenue par ces claviers vintage. On va pas se mentir. On est foutrement bien. Black Owl détient un ptit diamant avec ce festoche.
Saint Nectaire-Jo Riou-Bière
La nuit est tombée, il fait un peu plus froid, il est temps pour Abrahma et ses riffs noir pétrole de débouler. Finie la gaudriole, on est là pour les tourments de l’âme et l’introspection. Le public est présent, abasourdi par les riffs et les litres de bière qu’il s’est enquillé. 5ème groupe de la journée, 5ème ambiance et l’environnement qui change lui aussi. Magique.
L’alcool et la fatigue faisant leur effet, une spécialité culinaire à base de patate viendra sauver l’immense creux en nos estomacs chamboulés.
Et de finir cette journée par Blaak Heat et ses envolées orientales et dynamiques. Un ptit mix claudiquant ne viendra pas à bout des compos riches en vitamines du combo. Le dernier album se fera dérouiller de belle manière et l’on se sera ravi de les recroiser sur la route, les gaillards.
C’est des étoiles pleins les yeux, de la bière plein le sang, des patates plein l’estomac et des orties plein les pieds que l’on regagne le camping Quechua sauvage, tout content que nous sommes de nous être fait déniaiser par la chouette noire et ses belles idées. Merci Black Owl, à l’année prochaine ! Un grand merci à Red Door pour les photos ! Vous pouvez retrouver son travail par ici: https://www.facebook.com/reddoorbdx/about/?entry_point=page_nav_about_item&tab=page_info
Non, la rentrée n’est pas réservée qu’aux enfants. Nous aussi, après une disette musicale de quelques mois sous le soleil, la Maroquinerie nous propose de ressortir nos bouchons d’oreilles et nos plus beaux t-shirts pour rempiler une nouvelle saison de décibels et de bière à l’eau. Au programme ce soir, Mondo Generator, la fameuse formation de Nick Oliveri, et les frenchies de Bukowski et de Loading Data.
Qui dit rentrée dit également météo catastrophique (équation scientifiquement prouvée), c’est donc sous le crachin que l’on rejoint la Maroquinerie. La salle pour l’instant boudée pour le bar extérieur va vite se remplir dès l’arrivée de Loading Data. Formé il y a maintenant 17 ans (!), ce groupe français s’est construit une belle réputation au fil des années, faite de nombreuses tournées européennes et américaines et de tubes de Pento. Lo, chanteur gominé à la voix de baryton, se déhanche sur des rythmiques simples et hypnotiques, et sa bougeotte est sérieusement contagieuse. Souvent qualifié de « crooner desert rock », le terme est en effet parfaitement exact concernant Loading Data. La voix, l’attitude, les riffs, l’influence blues, la sueur… tout est là.
Seule une question demeure : le nom du groupe. Parce qu’il n’existe rien de plus chiant qu’un chargement de données.
Ceux s’intéressant à la scène parisienne ont déjà entendu parler de Bukowski, puisque le groupe formé il y a bientôt 10 ans est assez connu de la sphère metal, après avoir à ses débuts un peu penché du côté du stoner. Entre quelques conneries balancées au micro par Matthieu Dottel, le guitariste, Bukowski livre un power-rock sous amphétamine responsable des premières excitations dans la fosse. Si la musique manquant parfois d’originalité ne convainc pas toujours, l’énergie scénique du groupe est plus que louable. Tout ça sent bon le punk et ça fait plutôt plaisir. On tenait aussi à adresser une grosse pensée au guitariste Clément qui a perdu environ 120 fois sa sangle de guitare durant le concert, et au pauvre roadie s’évertuant le même nombre de fois de la lui remettre tant bien que mal. La vie peut parfois être injuste, on compatit.
L’histoire de Mondo Generator s’avère plutôt mouvementée. Initialement fondé en 1997 par Nick Oliveri comme un side project, le groupe sera rapidement mis de côté au profit d’un nouveau né, Queens Of The Stone Age. Malgré un emploi du temps plutôt bien rempli (carrière acoustique, Vista Chino, Dwarves et autres projets), Oliveri maintient le groupe cahin-caha avec quelques sorties sporadiques dont aucune n’a vraiment marqué son temps. Résolument plus punk que stoner, Mondo Generator et ses morceaux aussi courts qu’efficaces pourraient convaincre si le concert de ce soir n’était pas à moitié constitué de reprises de Kyuss et de QOTSA. Quand le concert s’ouvre sur « Molten Universe » et qu’il se termine « You Think I Ain’t Worth a Dollar… », et qu’entre les deux on trouve du « Gonna Leave You », et bien on ne sait plus vraiment si l’on est face à Mondo Generator ou à un tribute band. Certes, on ne cache pas notre plaisir d’entendre en live ces morceaux légendaires. Le problème, c’est qu’ils éclipsent toutes les autres compositions du groupe, à tel point que l’on n’attend qu’une seule chose : la prochaine reprise.
Si John Garcia ou Brant Bjork ont réussi à s’affranchir du géant Kyuss, difficile donc d’en dire autant pour Nick Oliveri qui continue de resservir les mêmes morceaux depuis 25 ans, malgré tout le talent qu’on peut lui accorder.
Les deux premiers groupes sentaient la joie de vivre, mais Mondo Generator nous a laissé un léger goût amer : impossible de choisir entre le bonheur d’avoir perdu 3 litres de sueur (et un tibia) sur « Green Machine », et entre la tristesse de voir un groupe toujours debout grâce à des morceaux qui ne sont pas de lui. C’est comme si le public de Beyoncé venait entendre du Destiny’s Child. Ou si le public de Michael Jackson venait entendre du Jackson 5. Cette dernière proposition s’avère difficilement réalisable, mais vous avez compris le principe.