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C’est doomanche, quoi de mieux à faire que de se rendre dans ce temple du doom (10) [rappel : le compteur du nombre de mots “doom” en est à 10 après la chronique du J1…] qu’aura érigé l’orga pour ces trois jours ? Rien.
THROW ME IN THE CRATER
Impossible de ne pas dodeliner de la tête pendant la traditionnelle fouille à l’entrée et alors que les hollandais entament tout juste leur set. Un sludge massif transparaît à travers les murs du Glazart qui s’apprête à trembler une deuxième journée complète. Confirmation une fois à l’intérieur, ça joue gras. On est en présence d’un quintet dont le chanteur nous éructe à la face toute sa rage, à la limite de l’aphonie, arpentant la scène de long en large. Imaginez un mélange entre Mike Williams et Barney (celui de Napalm Death, pas des Simpson), dans les vocaux comme l’attitude. Musicalement le rapprochement peut se faire aussi, et l’énergie hardcore déployée est plutôt bienvenue pour nous mettre dans le bain de ce deuxième jour. Palme d’Or de la Crasse.
MAMMOTH WEED WIZARD BASTARD
Étonnés eux-même de faire partie de l’affiche et de commencer à se faire un nom (et quel nom!), les gallois ont lancé un pavé dans la mare doom (11) avec leur premier LP Noeth Ac Anoeth, sorti l’an dernier. Malgré la voix lointaine et aérienne de Jessica difficilement audible pour celles et ceux qui veulent voir le quatuor jouer au plus près, une partie de l’audience va plonger dans la lenteur hypnotique du groupe, coincé entre deux formations plus méchantes. Il faut un peu s’accrocher pour rentrer et rester dedans mais le combo au sobriquet (volontairement) tragico-comique est véritablement capable de coups de génie. Tissant de longues (voire très longues) compositions sombres, l’alchimie entre les quatre fonctionne et nul doute que ce combo sans prétentions n’a pas fini de nous surprendre. Palme d’Or du Nom Improbable.
HANG THE BASTARD
Drôle d’événement que ce dernier concert en territoire gaulois des londoniens. Hang The Bastard va délivrer une prestation haineuse, la plus violente du week-end. Le split imminent annoncé par le groupe n’a pas entamé l’implication du groupe, mais une légère sensation de demie teinte va ressortir de ce show handicapé d’un son brouillon. Comme souvent le chanteur est difficilement discernable dans les premiers rangs, un frontman aux allures de Ben Ward, qui pourtant ne ménage pas ses efforts. Peut être un peu trop d’attentes placées dans un groupe sur la fin et qui souffre immanquablement de la comparaison avec Herder, champion incontestable en terme de mélange stoner/doom (12)/hardcore. Palme d’Or de la Hargne.
SAMOTHRACE
Ce qui s’annonçait comme un des moments les plus épiques du festival va malheureusement être entaché de soucis indépendants de la volonté de tous. Les pauvres américains vont voir leur set gâché par des problèmes techniques. A deux reprises le guitariste verra son son disparaître, et une fois le problème enfin réglé c’est la basse qui fait des siennes. Le lui aussi six-cordiste finira le concert branché en direct dans son ampli, amputé de son panel d’effets assez fourni. Compliqué du coup de se faire une opinion sur l’ensemble du set et du groupe, dommage vraiment car ce qui parvient à nos esgourdes semble plutôt inspiré. La guitariste s’occupe d’envoyer des riffs bien pesants et mélancoliques, parfois dans la veine d’un Pallbearer tandis que son acolyte s’attelle, quand la technique lui permet, du côté mélodique à coups de leads ou d’arpèges gorgés d’effets. Derrière les fûts, aux cymbales placées très hautes qui donnent un côté visuellement sportif, un (autre) dreadeux assure des parties bien appuyées. On a hâte de revoir ce combo de Seattle dans de meilleures conditions… Palme d’Or des Problèmes Techniques.
ALTERED BEAST
Annoncé comme la reformation d’un obscur groupe de doom des 80’s, l’amas d’amplis verts sur la gauche de la scène, l’imposante batterie (la seule du week-end équipée d’une double grosse caisse) et les capuches de rigueur ne tromperont leur monde que très peu de temps : Conan est en train de marteler la pauvre scène du Glazart ! Le trio anglais sans son bassiste, occupé ailleurs, se voit accompagné de la guitariste de Samothrace pour assurer cette date surprise. Devant le son énorme déployé, la sono semble à bout de souffle, la recherche perpétuelle du son tellurique de Jon Paul Davis est plus qu’en bonne voie, chaque apparition live le voit doté d’un arsenal encore plus impressionnant. Le rendu sonore est en conséquence, difficile de faire plus massif, appuyé par le jeu de batterie le plus technique du festival. Loin d’être au rabais, ce show surprise va atomiser joyeusement le public qui, considérant la fan-base grandissante des anglais, aurait peut être été plus nombreux si Conan avait été annoncé… Palme d’Or de la Surprise du Chef.
TONER LOW
Même rituel que la veille, nos résidents néerlandais se préparent paisiblement à nous asséner cette fois leur deuxième album. Projections plus spatiales que la veille pour un opus aux allures de référence en matière de doom (13) psychédélique, plus personnel mais aussi moins accessible que son prédécesseur. Un véritable voyage chamanique dans lequel le – de nouveau – trio va nous embarquer sans peine, Toner Low est autant un groupe de musique qu’un psychotrope puissant et addictif. De nouveau, une fois ses lunettes sur le nez, le batteur ne relèvera pas la tête de tout le set, complètement immergé dans son kit et dans sa musique. La bassiste impressionne de nouveau avec un son d’une rondeur incroyablement épaisse et son jeu tout en glissés. En trois concerts la pesanteur a considérablement augmenté dans un Glazart sous le choc. L’interprétation est à la hauteur, avec des tempos régulièrement ralentis, l’interlude au saxophone sur « Two » baignée d’un silence qui file des frissons, ces hollandais sont décidément hors normes, on a pu le constater hier et on le reconstatera demain. Palme d’Or du Jury II.
TROUBLE
Groupe culte, mésestimé et un temps presque oublié, Trouble passe montrer aux jeunes loups comment tenir une scène. En tournée avec Crowbar, les vétérans du festival n’auront même pas besoin d’un morceau pour mettre tout le monde d’accord. Leur doom (14) à l’ancienne fait mouche et leurs tubes sont attendus, acclamés et chantés par un public aux anges. Kyle, chanteur inénarrable, se met le public dans sa poche en moins de temps qu’il n’en faut pour dire doom (15), avec son charisme et ses vocaux haut perchés parfaitement maîtrisés. Musicalement on nage complètement dans la NWOBHM, sorte de chaînon manquant entre Black Sabbath (dont le « Supernaut » sera repris avec brio) et Iron Maiden. Riffs les plus metal des trois jours, duels de solos et leads harmonisés, parfaitement exécutés, sont de la partie pour le bonheur des petits et des grands, Bruce et Rick formant une paire de gratteux plus qu’affûtée. Rob, pas en reste, englobe tout ça avec son groove de bassiste, tout content d’avoir un petit coin de fans pour lui sur son côté de scène. Le set passe à toute vitesse dans une chouette ambiance ; la leçon. Palme d’Or de l’Expérience.
CROWBAR
Le moins qu’on puisse dire c’est que le groupe de la NOLA squatte les festivals et nos colonnes en ce moment, à grands coups de taloches dont seul Kirk a le secret. S’il est parti de Down, c’est pour privilégier son bébé, un gros bébé barbu et gras. L’occasion de remettre les points sur les « i » et réaffirmer que les parrains du sludge, c’est eux. Le groupe s’installe, balance pépère et envoie sans sommation un « Burn Your World » furieux et ralenti dans nos tronches. C’est l’anniversaire du mythique Broken Glass, vingt printemps déjà, alors on a droit à plusieurs morceaux tirés de l’album, sans oublier les incontournables « The Lasting Dose » et « Planets Collide » qui restent vraiment des monuments du genre avec leur patte mélancolique inimitable. Les compères de Sieur Windstein, quinquagénaire qui a tout de même cette fâcheuse manie de cracher sans cesse sur scène, assurent comme des chefs, mention spéciale à l’indéboulonnable Tommy Buckley à la batterie qui ne paie pas de mine mais envoie un sacré bois. Palme d’Or du Gras.
Ce week-end de Pentecôte est malheureusment déjà bien entamé et cette deuxième journée a tenu ses promesses. Les membres de Mammoth Weed Wizard Bastard n’en reviennent pas de rencontrer les gars de Trouble, dont le chanteur régalera l’assistance d’anecdotes hilarantes. Et dire que demain on va revoir Toner Low…
Quand même, c’est une sacrée chance d’avoir en France cette troisième édition des Doomed Gatherings, le pendant doom des fameuses Stoned Gatherings qui propose une affiche sacrément alléchante et pointue.
Un line-up qui va prouver la variété du style (le doom hein, pas Mika), loin d’être restrictif ni réducteur, car aucun des 21 groupes qui vont se succéder sur la petite scène ne va se ressembler. Avec tout de même un point commun, cette lenteur qui laissera des traces indélébiles sur les nuques et dans les cerveaux des participants, qui auraient sans doute été plus nombreux s’il y avait eu des têtes d’affiche plus aguicheuses. Pas grave, on est entre nous, on est au Glazart et on est bien. Visite guidée et non exhaustive de la planète doom, où la noirceur musicale contraste avec la bonne humeur et les sourires arborés trois jours durant par son public. Pour ce faire, nous aurons recours à des Palmes d’Or (du doom) et un compteur du nombre de références au mot “doom” (on en est déjà à 5 sur l’intro…).
Le temps d’arriver, de malheureusement louper les belges de Bathsheba et de prendre ses marques dans ce Glazart, dont la plage très agréable est fort heureusement ouverte et on fonce s’immerger dans cette salle aux faux airs de squat, sombre, longue et basse de plafond.
NNRA
Juste à temps pour le début du premier concert de ce projet electro-doom (6) naissant. Le groupe a fortement recours à des machines et le batteur, qui joue du coup rarement, est disposé sur le côté pour mieux laisser apprécier les projections monochromes lugubres balancées sur le drap blanc qui sera peu utilisé pendant ces trois jours. Dommage car les lights du Glazart sont plutôt sommaires. Le guitariste abat une grande partie du boulot, tantôt hypnotique tantôt plus aérien, et la basse renforce le côté monolithique de l’ensemble.
Une des prestations les plus sombres (musicalement et visuellement) du week-end dès le début, ça fait assez mal et immerge la salle dans une ambiance glaciale. Tout juste quelques touches post-rock viendront égayer par moments un set qui fait froid dans le dos et qui laisse présager du très bon pour la suite du groupe et du festival. Palme d’Or de la Noirceur.
DEMONIC DEATH JUDGE
Changement radical avec les finlandais qui vont s’employer à faire chauffer les nuques d’une audience qui n’attendait que ça. Leur sludge est sacrément bien balancé et se pare de contours plus stoner voire rock ‘n roll, notamment au niveau des solos de guitare, carrément blues par moments. On note même une patte hardcore dans le son et l’attitude scénique du quatuor qui nous offre un nouveau morceau et remporte logiquement les suffrages d’un public qui commence son activité favorite du week-end : headbanguer (lentement) comme un seul homme. Le groupe est visiblement heureux de fouler les planches, une de ses rares incartades scéniques de cette première moitié d’année puisqu’il nous prépare le successeur de « Skygods » (2012 tout de même…), qu’on attend de pied ferme. Palme d’Or Nordique.
EGYPT
Le premier trio ricain du fest, attendu, va baigner avec classe la salle de son blues très doom (7), ou l’inverse. Solos gorgés de feeling, basse nonchalante, ronflante ou assommante et voix frelatée seront les ingrédients de ce set bien maîtrisé. Fort de son nouvel album « Endless Fight », les gars de Fargo, la ville popularisée par les frères Coen, ne vont pas oublier leurs prédécesseurs, loin sans faut, et proposer une setlist loin d’être basée sur leur dernier rejeton. Une partie du public reconnaît et acclame chaque morceau, bien exécutés mais sans réelle folie. L’accent étant mis sur un groove gras, lent et foncièrement bluesy, on aurait pu peut être s’attendre à une interprétation plus envolée et moins copier-coller des versions studio qui semblent pourtant se prêter à des séquences de libertés sur les passages instrumentaux. Un bon apéritif tout de même. Palme d’Or du Feeling.
MANTAR
On peut commencer à parler d’un phénomène Mantar. Venu de Hambourg, le duo va occulter l’heure du repas pour nous infliger sa débauche d’énergie sacrément contagieuse. La tournée en cours est impressionnante et les prestations live sont remarquées, à juste titre. Face à face, les deux compères vont prendre le public à la gorge sans temps mort. Ce gratteux est totalement halluciné et hallucinant, quasi punk dans l’attitude et certains plans mais pas dans le son. Hanno déballe un attirail impressionnant, couplé à un ampli basse activable quand bon lui semble, une palette majoritairement black/doom (8) qui n’hésite pas à lorgner du côté indus, apportant un côté martial à la chose, renforcé par le jeu d’Erinc, cogneur invétéré. Disposé de côté donc, le batteur balance des parpaings derrière ses fûts et suit au mieux son comparse, qui nous assène ses vocaux possédés. Une bien belle baffe dont ces deux-là nous ont gratifié. Si ce n’est déjà fait, on ne saurait que trop vous conseiller de poser une oreille sur « Ode to the Flame », deuxième opus des allemands et de ne pas les louper plus ou moins près de chez vous. Palme d’Or de l’Énergie.
TONER LOW
Un grand batteur dreadlocké installe le drap blanc de fond de scène, sa grosse caisse se pare elle aussi de projections tournoyantes et le moment de la (première) messe est venu. A ses côtés, une grande bassiste, affublée de la même particularité capillaire, effectue des balances sommaires mais efficaces. Quelle idée improbablement merveilleuse de faire jouer à Toner Low un album chaque soir, intégralement et dans l’ordre chronologique, bien entendu.
Le premier (vrai) album éponyme joué ce soir voit réapparaître les anciens chanteur et guitariste (juste sur le solo du dernier morceau, l’énôrme « Nymrod ») de la formation batave. Un chanteur aux faux airs de Walter dans The Big Lebowski (en moins gros) qui va apparaître juste le temps de déclamer des sortes de mantrâ, et disparaître ensuite sur le côté de la scène en attendant sa prochaine intervention. Utilisant un micro stick minuscule et des effets de l’espace, sa manière de se poster immobile au milieu de la scène renforce le côté prédication de son chant. Certains passages instaureront même auprès du public une ambiance de cathédrale (“Interlude” et le drone mystique “Sunn Of”).
Bénéficiant haut la main d’un des meilleurs sons du festival, les hollandais vont faire chavirer le Glazart du côté psychédélique de la force doom (9). Un premier set, le plus stoner des trois, en forme de mise en bouche et en garde pour ce qui va suivre les deux jours suivants. Le guitariste, coiffé d’un casque anti-bruit, improvise le peu de solos qui saupoudrent la petite heure de set. On sent que certains morceaux ne sont plus joués depuis longtemps et que le groupe a du en rebosser certains pour l’occasion, merci. Palme d’Or du Jury.
RAMESSES
Après ce grand et unique moment, une partie du public quitte les lieux, plus pour une question de transport que de bouderie du trio anglais, formé en 2003 déjà mais inactif depuis 2013, qui va prouver pourquoi il clôture ce premier jour de festivités. On peut dire qu’ils ont bien fait de se reformer les bougres. Mené par un bassiste/chanteur au registre vocal varié, allant du chant clair au growl en passant par des voix criées typiquement black, Ramesses va faire montre de ses capacités scéniques. Un éventail musical allant de passages presque death (old school) à des ambiances plus psychés, aérant de fait son set, impeccable, rondement mené de bout en bout et baigné de stroboscopes.
Le batteur, au jeu en permanence décroisé, impressionne derrière son kit aux cymbales démesurées, grosses et lourdes comme des gongs et au tom alto épais comme un tom basse. On a même droit à quelques blast-beats. Guitare et basse empilent les couches de gras mais pas seulement, et le côté black cru de leur productions studio laisse ici place à plus d’épaisseur. De quoi avoir le riff de « Master your Demons » en tête pour la nuit. Palme d’Or de l’Epilepsie.
Fin du premier jour seulement et autant de baffes que de groupes. L’after party verra plus de membres de groupes déambuler sur un dancefloor qui vire au disco, que de spectateurs, Paris ayant cet inconvénient de sa taille et le Glazart de son éloignement relatif. Dodoom, à doomain.
Sleep, Clutch, The Atomic Bitchwax, Down, Eyehategod, COC, Motorpsycho, Karma To Burn, Orange Goblin, Colour Haze, Truckfighters, Church Of Misery… Voici quelques noms seulement qui ont orné l’affiche de ce modeste festival espagnol depuis 2011. Difficile de faire mieux. Et l’événement a lieu dans l’excellente salle du Santana 27, à Bilbao, soit à peine plus d’une heure de route de la frontière… Ca parlait pas mal français dans la salle cette année, manifestement pas mal de « sudistes » n’ont pas manqué cette occase. Et nous non plus ! Pour des questions bassement logistiques, on n’aura pas pu assister à la soirée du samedi, probablement plus en vue (qui accueillait Wolfmother, Elder, Black Rainbows, Carousel et Electric Citizen), mais le vendredi soir avait des arguments massue à faire valoir…
SANTO ROSTRO
Un trio espagnol (andalou, à plusieurs centaines de kilomètres – on ne va donc pas vraiment les appeler « locaux ») a l’honneur d’entamer la soirée devant un public pour le moment clairsemé (20h, pour un espagnol, en gros c’est à peine la fin de la sieste…), mais qui grossit petit à petit. Sans être terrassés par l’originalité du combo, on note quand même une vraie volonté de synthétiser dans son doom des influences prog, noise ou un peu tout ce qui peut se cacher derrière l’étiquette « post-quelque chose ». Et ça fonctionne pas mal. Le set est carré, et la performance des ibères impeccable : ils tiennent bien la scène, signe tout de même d’une expérience scénique sinon intensive, en tout cas enrichissante. On passe un vrai bon moment durant la grosse demi-heure de concert. Efficace.
TROUBLE
Premier « gros morceau » de la soirée, les ricains de Trouble montent sur scène devant un public qui, manifestement, connaît ses classiques. Quoi qu’il en soit, le quintette ricain, après une période un peu « perturbée », a gagné ces quelques années en stabilité et a (re)construit une assise robuste grâce au vocaliste Kyle Thomas et au bassiste Rob Hultz (respectivement des anciens Alabama Thunderpussy et Solace, entre autres). Votre serviteur n’ayant pas eu l’occasion de voir le groupe depuis de très longues années, il est rassuré dès les premières minutes du set : on est loin du groupe de vieilles gloires passéistes et encore plus loin d’un groupe parodique (volontairement ou pas). Ca joue, et ça joue même foutrement bien ! La paire de bretteurs-fondateurs Franklin / Wartell est impeccable, on n’en attendait pas moins : riffs sur-heavy, soli incisifs, ils sont sur tous les fronts, sans parler de ces parties harmonisées parfaitement exécutées. Sosie officiel de James Hetfield, Thomas ne sonne pas comme le frontman de Metallica, ni comme son illustre prédécesseur Eric Wagner, en fait : sa puissance vocale remarquable, un peu plus teintée « metal », se fond désormais impeccablement dans le style du groupe. Le chanteur assume par ailleurs son rôle de frontman sans réserve, tout en se mettant en retrait derrière ses ainés pour mieux faire briller ces gloires du doom. Seul Rob Hultz assure ses lignes de basse sans trop en faire, relax dans son coin, taciturne. Le son, comme souvent dans cette salle, est au top, et permet de profiter des perles du groupe ricain, dont on mettra en avant le classique « At the end of my Daze » ou à l’autre extrême de leur discographie, un « When the sky comes down » qui montre que même sur leur dernière production, Trouble n’est pas venu pour enfiler des perles. Evidemment, la traditionnelle reprise de « Supernaut » de leurs parrains naturels mettra tout le monde d’accord, quelques instants avant la fin d’un set qui aura réalisé un quasi sans faute. Pour parfaire l’histoire, on retrouvera les zicos dans le public jusqu’à la fin de la soirée ensuite, discutant avec tout le monde, signant des disques et posant pour des dizaines de selfies avec le sourire.
CROWBAR
On a déjà assisté aux sets rouleau-compresseur de Crowbar aux deux Desertfest, où le quatuor a laissé des traces rugueuses, voire des meurtrissures auditives encore bien vives dans nos esprits. On est en tout cas mieux préparé à une nouvelle salve. Niveau mise en place, zéro surprise, Windstein se pose penaudement derrière son micro et foudroie le public de son regard de tueur froid dès les premiers accords posés, tandis que ses deux piliers Brunson et Golden se postent à ses côtés, de part et d’autre de la scène, la mâchoire serrée, prêts à en découdre. Et c’est parti ! Un son bulldozer, une set list qui relève plus de la cartouchière que de la liste de courses… il n’en faut pas beaucoup plus pour emporter le public. Un public toutefois qui ne remplit pas la très grande Santana 27 (capacité de 1500 personnes… même avec plusieurs centaines de personnes, ça ne déborde pas – le lendemain l’affiche rassemblera plus de monde encore), et avec un public espagnol pas forcément le plus prompt à slammer et animer le pit… donc niveau ferveur, on n’est pas non plus dans un club de 50 places surpeuplé où les gars se montent dessus en beuglant. Mais bon, ça se bouscule quand même gentiment, ça headbangue dru et plus généralement, ça s’éclate. Niveau set list, on est habitués, ça donne dans la charcuterie de compèt’, et dur de faire la fine bouche. Au-delà de l’improbable mais toujours efficace enchaînement « All I had (I gave) » / « Planets Collide », on notera entre autres un bon « To Build a Mountain », et tant d’autres bûches à encaisser que l’on perd vite le compte. Pas le concert du siècle pour le quatuor louisianais (on préfère quand même quand c’est la guerre dans le pit), mais un excellent cru, et une nouvelle preuve si besoin en était de la véritable machine à tuer qu’est devenu le groupe sur une scène. A noter, à l’image de leurs partenaires de tournée sus-mentionnés, les bonhommes viendront à la rencontre du public, informellement, pendant un bon moment, relax.
UNCLE ACID & THE DEADBEATS
Il devient difficile de voir l’oncle acide et ses bon-à-riens live, la faute à un groupe qui d’une part cultive un peu la rareté et la discrétion, et d’autre part ne joue pas le jeu « classique » des tournées habituelles pour des groupes de cet acabit. Le groupe de Kevin Starrs est par ailleurs cantonné à une diffusion vinylique toujours assez modeste, chez les confidentiels Rise Above, sans l’appui d’une major. Difficile en conséquence de « calibrer » et évaluer la notoriété de ce groupe, et donc de jauger sa place sur l’affiche. Sauf qu’il ne faut pas longtemps pour comprendre que la tête d’affiche est bien justifiée : dès les premiers accords de « Waiting for Blood » qui introduit aussi le dernier album du groupe, on prend la mesure de la superbe machine qui déroule sa mécanique bien huilée sous nos yeux. Doté d’un light show superbe (encore une constante de la soirée), on notera en particulier l’absence absolue de lights en façade durant leur set, plongeant les quatre zicos dans un anonymat quasi absolu (tandis qu’on distingue les autres, Starrs est continuellement dissimulé derrière sa tignasse). Le paquet est donc mis sur la musique, et là on est tout simplement confronté à une exécution pas éloignée de la perfection : mêmes sons de guitare que sur album, mêmes vocaux légèrement nasillards de Starrs (à noter les superbes parties en chœur impeccablement justes, parfaitement exécutées par le bassiste et le guitariste rythmique), mêmes arrangements… Rien à redire. Même les soli, quand ils ne sont pas copié-collés, restent d’une efficacité déroutante, et souvent propices à des duos de six-cordes enthousiasmants avec l’un des frères Rubinger (l’autre étant bien occupé à marteler ses futs). Anonymat ne signifiant pas timidité, l’incarnation musicale fonctionne et les gars vivent bien leur musique (les collègues de Starrs ne ressemblent plus à un tas de mercenaires aseptisés). Dans le public, phénomène presque inédit, ça… danse… partout, aux quatre coins de la salle. D’ailleurs, regard subjectif ou pas, la proportion féminine de l’assistance se fait plus présente, notamment dans les premiers rangs, où les rythmes chaloupés du combo font mouche, et où les têtes et les corps ondulent comme rarement on n’en est témoin. Remarquable efficacité. Niveau set list, rien à redire, quasiment le même nombre de titres issus de chacun des trois derniers superbes albums du groupes (et même un peu de « Vol. 1 »), avec des fulgurances sur le redoutable « Poison Apple », le langoureux « Desert Ceremony » ou le très QOTSA-esque « Inside ». Et que dire du vieux « Vampire Circus », emmené sur sa deuxième moitié par des soli et jams parfaitement jouissifs ? Après ce titre, qui marque la première (grosse) heure de set, la messe est presque dite, et le groupe se carapate discrétos pour reprendre son souffle… mais personne ne croit vraiment à la fin du set, et quelques minutes à peine ils reviennent pour quelques titres supplémentaires. Une belle claque, élégante, classieuse, et redoutablement efficace.
Le festival (sur sa première journée) s’achève donc sur cette succession de faits d’armes remarquable, et cette affiche superbe sur le papier aura tenu toutes ses promesses. Gageons que la journée du lendemain aura fait encore plus d’heureux. En tout cas nous on regardera avec toujours le même intérêt la constitution de l’affiche 2017.
Invité au Roadburn, le désormais quatuor de Philadelphie aurait eu tort de ne pas en profiter pour se fendre d’une petite virée (de 24 dates) en Europe. Une tournée un peu décousue, donc fatigante mais ô combien prometteuse. Merci bonsoir les a donc attrapés en route et concocté un plateau en conséquence.
Un des trucs sympas sur Lyon, c’est le nombre d’endroits où il est possible de se produire. Entre les bars, les péniches, les salles, les MJC, les stades ou les squats, on peut assister à dix concerts dans autant de lieux différents. Ainsi Le Croiseur, plus habitué au théâtre qu’à ce genre de soirée distordue était à ce jour inconnu de la plupart des spectateurs du soir. Un lieu plutôt agréable, un peu roots mais cosy avec sa petite scène drapée d’un rideau rouge et son accueil convivial.
Il fait un temps agréable alors on profite, un peu trop largement, de la terrasse, ce qui entraînera un léger retard du début des réjouissances.
TORGNOLE
Tout jeune groupe par l’âge de ses membres et son existence de quelques répétitions seulement, Torgnole s’installe et entame gentiment son set. Évidemment on se demande bien se qui va pouvoir se cacher derrière ce sobriquet. Il va s’agir d’une petite demi-heure d’un set mené sans pause et de façon plutôt singulière. Faiblement sonorisé, le groupe va en effet interpréter ce qu’on pourrait appeler une symphonie drone, avec plusieurs mouvements et variations d’intensités. La base rythmique basse/batterie est secondée d’une cornemuse et d’une vielle à roue, instrument étrange qui se prête bien au style tournoyant. Le temps de laisser cette ambiance particulière se mettre en place et on se laisse happer par ces sonorités différentes et déroutantes. Mieux vaut ne pas s’absenter ou se détourner le moindre instant sous peine de risquer de décrocher, la chose étant présentée et exécutée comme un ensemble indivisible. Alors évidemment il y a quelques petites approximations dans les enchaînements, on assiste vraiment à la genèse d’un projet annexe pour un bassiste habituellement batteur et un batteur habituellement guitariste, qui mène la danse d’une façon très orchestrale. Le final monte doucement dans la plus grande tradition classique et les applaudissements ponctuent longuement une prestation sympathiquement atypique.
SUNDER
De retour du Desertfest londonien, Sunder continue son ascension de la planète stoner, ou tout du moins du continent. Bon, je suis dans l’obligation d’employer la première personne du singulier et d’admettre que j’ai un souci avec le combo pariso-lyonnais. Malgré leurs qualités individuelles en tant que musiciens et une interprétation au diapason, difficile de trouver quelque chose d’original dans leur musique, mis à part l’apport de ces claviers dépressifs. Impossible de leur trouver quelque chose de personnel quand je les écoute et ne pas penser à un énième ersatz de ce qui peut constituer actuellement le haut du panier en termes de stoner rock… Tant pis pour moi.
D’autant que le rendu en façade montre les limites de la sono, un peu limite pour mettre en valeur le matos onéreux installé sur les planches.
Le quatuor va interpréter honnêtement une bonne partie de son album éponyme, porté par un batteur loin d’être avare en dépense d’énergie, ces gars sont indéniablement proches du professionnalisme. On peut ainsi espérer une marge de progression dans les mois à venir, moyennant une digestion de leurs influences qui pourrait s’avérer intéressante d’ici quelques temps. A suivre avec attention…
ECSTATIC VISION
Fraîchement débarqué et remarqué par Relapse, le groupe de Pennsylvanie est assurément promis à un meilleur avenir de ce côté-ci de l’Atlantique. Son premier album Sonic Praise sorti l’an dernier est un mélange rafraîchissant de stoner et de krautrock, qui ne semble pas être le style d’infusion au pays de l’oncle Sam. Nul n’est prophète en son pays paraît-il…
A une semaine de la fin d’une tournée éreintante car zigzagante, Ecstatic Vision en a encore sous la pédale de fuzz. L’ex trio a désormais un saxophoniste/flûtiste dans ses rangs et est déjà parti pour composer un second opus qui s’annonce tellurique.
Doug, tête pensante à l’origine du groupe, a trouvé le line-up idéal tant tout le monde se fait visiblement plaisir sur scène. Le set sera malheureusement trop court (à peine plus de trois quarts d’heure) mais va embarquer l’assistance à coups de rythmes endiablés, frénétiques et répétitifs – même si la sono semble décidément peu habituée à cracher de la sorte. Doug, le guitariste chanteur, fera immanquablement penser vocalement aux jeunes années de Lemmy, Matt Pike ou encore Dave Wyndorf, tandis qu’il dispensera riffs endiablés ou soli aériens et balancera quelques sons de l’espace à l’aide d’un clavier.
Très dommageable, il faudra une panne de courant sur la scène pour qu’on puisse entendre Kevin qui n’hésitera pas à se lancer dans une impro de grande classe au sax’ le temps de régler le problème. Compliqué pour se faire du coup une idée sur l’ensemble du groupe. On se délecte néanmoins d’une assise rythmique possédée, hypnotique ou furibonde, les vibrations renvoyées des planches se font difficilement résistibles. Les ricains sont rentrés à la maison et vont s’atteler à un second opus qui promet un retour par chez nous dans de meilleures conditions sonores, on vous attend d’oreilles fermes les gars ! Photos : c’est devenu plus qu’une habitude, merci à Miss Sandie/Noodle, toujours dans les parages quand il y a de bons groupes à photographier !
Et hop ! Jamais deux sans trois ! Et cette troisième journée du Desertfest teuton de l’année vend carrément du rêve ! Du connu, du moins connu, du bourrin, du fuzz, des copines, des copains et toujours cette ambiance terrible qui fait de ce festival ce qu’il est chaque année : une réussite !
DESERT STORM
C’est un poil moins vaillants que nous nous pointons à l’Astra. Il faut dire que le manque d’heures de sommeil commence à se faire sentir grave et qu’il fait un putain de beau temps à Berlin (on a même aperçu des desert-rock-porters peu vêtus dans les rues de la capitale alors qu’ils s’adonnaient au tourisme, mais on n’est pas là pour balancer). Or donc, nous ne savions pas à quoi nous attendre avec la bande d’Oxfort et c’est parfois pas mal ainsi. Ces types pratiquent un heavy blues aux accents très metal teinté de sludge qui envoie sacrément du pâté. Programme burné donc pour les Britanniques qui ont chiné dans leur discographie honnête pour en faire le tour en quarante minutes chrono (c’était le temps alloué pour ce premier acte de la journée). Baignés par de timides spots et toujours dans une pénombre rappelant l’underground où ce mouvement s’est développé en Europe – puisque nous n’avions pas de génératrice dans le désert -, les guitaristes sortent particulièrement bien leur épingle du jeu lors de ce set. Le frontman paré de son shirt du Desertfest (anglais ça va de soi) sait chanter et vociférer et c’est assez notable dans notre monde. Nonobstant le temps radieux et les bars attrayants, les gens sont dans la place et s’en tapent une bonne tranche. Une mention spéciale aux rares extraits de leur dernière production en date, Omniscient, dont le heavy blues aux relents de Pantera « Queen Reefer » mit un gros boulet dans la place.
BLACK PUSSY
Après le show hargneux du quintet européen, nous changeons de salle, de décor et d’ambiance avec la formation de Portland qui, comme ses prédécesseurs, a sorti sa dernière production l’an passé. Exit les riffs couillus et bienvenue les constructions plus aériennes. Héritiers du mouvement hippie des seventies dans son look, le groupe étasunien l’est aussi dans sa pratique de la musique. La panoplie complète du baba est sur scène : chemises à fleurs, pattes d’éléphants, barbes, chevelure sans fin et lunettes de soleil (assez pratique ce jour-là, mais peut-être pas indoor) et c’est un bain de jouvence dans lequel sont plongés les vieux de la vieille qui se dandinent sur le rock vintage de Black Pussy durant un set peu pugnace, rondement mené. Les soli de guitare rappellent la grande époque du glam rock et les envolées aux claviers viennent parfaire ce rendu d’antan. Nous rétrogradons donc en terme d’intensité et le challenge de rester éveiller n’est pas aisé avec ce style à cette heure de la journée (en pleine digestion en plus !), même si nous ne sommes pas franchement obtus en ce qui concerne les minous noirs qui peuvent toujours rêver s’ils veulent voir leurs trognes en tapant le nom de leur groupe dans les moteurs de recherches d’images…
STINKING LIZAVETA
Retour aux alentours de la Foyer Stage pour un nouveau collectif ricain pas si connu que ça de nos services. Le trio pratique un style de jam doom aux relents psychédéliques dans le rayon instrumental. Habités par leur musique, les membres de la formation de Philadelphie se donnent à fond dans leur art. Ça fait plaisir visuellement et musicalement. Ils réussissent à capter leur auditoire même si, il faut bien l’avouer, la salle n’est pas blindée. Le bassiste a une maîtrise métronomique de son instrument et il apporte un soutien indéfectible au guitariste qui envoie de longs soli ainsi que des variations autour d’un thème plutôt plaisantes. La batteuse frappant au ralenti nous rappelle sa consœur de Earth quand elle se concentre sur ses cymbales ; dans sa gestuelle surtout car le tempo est un peu plus entraînant quand-même. Avec leurs dégaines de vieux briscards, les membres de Stinking Lizaveta sont au rendez-vous même si une foule plus nombreuse n’aurait pas été déméritée, mais la journée numéro trois est longue et certaines formations à l’affiche de ce dernier jour ont leurs indéfectibles suiveurs dans la place qui se grattent le crâne en se demandant bien comment ils vont pouvoir bouffer vu l’enchaînement mortel de début de soirée.
ASTEROID
Tant qu’à être dans la veine psyche, autant s’y vautrer à fond, et dans ce contexte la perspective de retrouver les suédois d’Asteroid est très séduisante. On n’est pas les seuls à le penser au vu du remplissage conséquent de la salle principale de l’Astra. Il faut dire que comme nous, le public les pensait probablement définitivement perdus lorsque le groupe s’est arrêté il y a trois ans environ. Les rumeurs de leur “renaissance” suivies par l’annonce de ces quelques dates nous ont rassuré, et c’est en tout cas avec une grande envie que l’on se tient désormais dans la fosse, tandis que le trio foule les planches. On passera pudiquement sous silence la robe de cérémonie chatoyante du dreadlocké Johannes Nilsson pour mieux nous baigner dans l’ambiance musicale proposée. A l’image de Monomyth la veille, Asteroid n’a besoin que de quelques minutes pour embarquer le public dans son trip, et l’y garder pendant quarante-cinq minutes planantes. Lançant son set par le très 60’s « Supernova », on aura droit à un quasi-best of dont on retiendra en particulier le très catchy « Edge » ou encore le très trippant « Disappear ». Sur scène, l’ensemble-trio est parfaitement incarné par ces trois gars tournés les uns vers les autres, qui enclenchent leurs jams au détour d’un clin d’œil et les clôturent d’un simple sourire. Ils n’en oublient pas pour autant le public, et leur pleine implication dans leur set est contagieuse : la moitié de la salle danse aux rythmes chaloupés ou plus énervés du trio scandinave. Dans le genre, on ne fait pas beaucoup mieux.
KALEIDOBOLT
Les allées du Desertfest bruissent du nom de Kaleidobolt depuis l’ouverture des portes. ZE groupe à voir, apparemment. Il n’en faut pas plus pour nous mettre en mode dubitatif et nous préparer, le sourcil froncé et la mâchoire serrée, à un énième groupe survendu, sans intérêt. Et bien il ne nous faut pas longtemps pour ravaler notre fiel et profiter du spectacle. Le trio finlandais ne prête le flanc à aucune critique, exemplaire en tous points : les bonhommes sont bien dans leur set, dès les premières notes à fond, Sampo aligne des riffs hargneux, des soli remarquables, des effets spacy parfaits, Valtteri farcit la rythmique de sa frappe de gros mulet impeccable de classe… Rien à redire. Musicalement, le groupe se situe dans une sorte d’évolution du psyche-rock chargé en roubignoles, dopé au blues rock, aux structures super variées, d’où des séquences limite prog parfois – sans jamais provoquer l’ennui ni ne se complaire dans le nombrilisme de tant de formations du genre. La plupart des titres peuvent donc partir sur des atmosphères cool et mélodiques, puis s’emballer furieusement sur quelques mesures, pour mieux atterrir sur une séquence cool, puis… Et tout ça sur des morceaux de cinq à dix minutes, en gros. Par ce biais, les musiciens se font plaisir, et maintiennent en tension un auditoire qui semble, comme nous, goûter à la performance du moment sur la petite scène. Kaleidobolt, l’avenir du psyche rock ? Pourquoi pas. Nous on est assez d’accord en tout cas.
DYSE
C’est en terrain conquis que le binôme allemand débarque sur scène devant une simple projection de leur logo en lettrage, tirant sur le pop-art, sur laquelle le batteur du combo a décidé d’ajouter un message politique (« Refugees Welcome » en l’occurrence) nous confiant qu’il trouvait regrettable que la scène stoner soit si vide de démarche militante. C’est un point de vue qui se défend et il est clair que DŸSE ne pratique pas exactement du stoner pur sucre. Ces types sont animés d’un certain militantisme contestataire fort présent dans la capitale allemande et ses alentours hérités aussi d’influences punk que nous retrouvons dans leur démarche artistique. Comme Mantar l’avant-veille, la formation est articulée autour d’un gratteux et d’un batteur, sauf que sur cet acte-ci, les voix sont partagées généreusement ainsi que les interactions – nombreuses – avec un public germanophone qui goûte bien à l’exercice pratiqué sur scène. Il faut dire que nous avons de la peine à capter certains jeux de mots qui émaillent les allocutions et les textes de ces rebelles. Même dans ces conditions, nous apprécions les brûlots trépidants débités sur la Grande Scène qui sied parfaitement à cette formation et à sa notoriété. Nous les avions déjà croisé il y a trois ans lors d’un précédent Desertfest berlinois, mais dans l’atmosphère plus chaotique de la petite scène. Ça tape vite et juste à la batterie et les riffs sont débités fougueusement. L’intermède composé d’imitations de cris de chats nous laissera un peu perplexes, mais des coups de boutoirs comme « Waldbart », « Sie ist Maschin » ou « Hans », toutes trois tirées de leur dernier long format bien nommé Das Nation, nous ont clairement plus convaincus. Au final, c’est une performance barrée livrée par des garçons charmants qui n’auront en rien galvaudé leur placement sur la scène principale sur un créneau plutôt très intéressant. On vous signale que le nom du groupe se prononce duzé si vous voulez vous coucher moins couillons ou briller en société (on vous connaît).
EGYPT
Changement de registre, d’ambiance, et de température en prévision tandis que nous gagnons, avec le sourire, la petite scène Foyer : faut dire qu’on l’attendait ce set d’Egypt, on l’imaginait lourd, fiévreux à souhait… Et bien on est un peu passés à côté ! Le trio du Nord Dakota s’est employé à nous servir son versant le plus bluesy, et le mid-tempo a été à la fête tout du long, à commencer par le pesant classique « Matterhorn ». Piochant assez peu dans sa dernière production, le combo dégainera quand même un entraînant « Endless Flight » qui, avec des titres comme « Dirty Witch », remportera quelques suffrages auprès d’un public qui apprécie ses affinités avec le boogie rock d’un célèbre trio de barbus texans. Donc oui, les compos sont quand même là, et l’efficacité d’un impeccable Aaron Esterby (perfection des lignes de basse) doublée du talent du sobre et ténébreux Neal Stein à la gratte (des solos toujours superbes) font le job. Mais la sauce ne prend pas vraiment. On est peut-être un peu tatillons… sauf que l’on ne doit pas être les seuls : le groupe ne revient pas vraiment dans les faits marquants de la journée quand on discute autour de nous. Créneau horaire malheureux ? (faut bien trouver un moment pour aller avaler quelque chose…) Peut-être. Trop d’attentes de notre côté ? C’est possible. Quoi qu’il en soit, on a apprécié ce set, mais on en attendait tellement plus…
ROTOR
Le temps est venu de rejoindre la main stage pour la séquence très attendue du palindromique quatuor berlinois, qui a sorti un nouvel album très intéressant, quoi que pas du tout révolutionnaire, il y a quelques mois. Il faut dire qu’on n’en attend pas vraiment, de révolution. Si le groupe parvient à retranscrire sur scène la puissance de ses compos, ça nous ira bien. Et là-dessus, on n’est pas déçus. Il faut dire que l’apport d’un nouveau guitariste au trio apporte une pêche fort bienvenue au son des teutons. Ça fonctionne bien. La configuration scénique atypique du désormais quatuor voit nos quatre musiciens en quart de cercle, avec un soin bien particulier néanmoins à leur configuration sonore et leurs interactions : les retours de chacun délimitent leur espace (faut dire qu’on ne s’attend pas à une mobilité énorme…) et leur placement à chacun semble étudié pour privilégier l’efficacité. Basse et guitare rythmique en duo à gauche, batterie (posée sur le sol) au milieu, tandis qu’à droite, Tim, leader du combo (qu’on avait vu l’an dernier au Desertfest improviser un set de son autre projet en duo) joue aussi le maître d’orchestre : il faut voir les autres le regarder pour structurer leur jeu, organiser chaque jam, etc… On rappellera que la musique du groupe est 100% instrumentale, la puissance de l’interprétation est donc la clé de voûte de la réussite scénique, et c’est ici impeccable : les assauts guitaristiques succèdent aux soli et impros en tous genres, le tout maîtrisé de main de maître par des musiciens qui sourient beaucoup entre eux, satisfaits – à juste titre – de leur interprétation sans doute. Un excellent set qui confirme tout le bien qu’on pense depuis longtemps de ce combo. Et en profiter aussi haut sur l’affiche, dans une si grande et belle salle (privilège aussi dû, on l’imagine, à leur nationalité : ils venaient en voisins aujourd’hui !) produit un moment très appréciable.
GREENLEAF
Quand on a appris que Greenleaf était rajouté à l’affiche dans les derniers groupes annoncés, on n’a pas caché notre joie. Quand on a vu le running order annonçant le groupe suédois sur la petite Foyer stage, on a déchanté, voire blanchi à cette perspective, même si l’on est bien conscients que les derniers groupes jouant chaque jour sont tous d’une notoriété assez importante – et cette édition du Desertfest nous l’a bien rappelé à plusieurs occasions (Wo Fat, Mantar, Monolord, Mothership…). Bref, en Desertfest-ers aguerris, on sait qu’il va falloir y être tôt pour profiter du set… Mais dès la fin de Rotor, le public est déjà massé devant la petite scène tandis que… le groupe soundchecke ?! Encore ? On sait que les musiciens sont tous là depuis deux jours (ils ont profité du festival), pourquoi ce retard ? On prend notre mal en patience et… tout se coupe ! Plus de son : le soundcheck est interrompu, les musiciens repartent et laissent faire les techniciens qui vont, pendant une grosse demi-heure, intervertir les câbles, les têtes d’ampli, etc… La tension monte dans le public, c’est palpable, et quand le son revient (bravo les techos !) les zicos remontent sur scène en mode no-bullshit attitude et dès les premiers accords, tout explose dans le public ; on n’avait jamais vu ça sur un concert de Greenleaf. Spectaculaire accueil. Si bien que dans l’émotion l’on ne se souvient même plus de quel était ce titre qui a déclenché le feu aux poudres… On se souvient par bribes de ce « A Million Fireflies » déclenchant au détour de chaque envolée de guitares des mouvements de foule complètement décalés au regard du morceau… Puis peu à peu l’on revient à un concert plus « normal » de Greenleaf, avec un public ravi mais plus calme, et durant lequel sur cette petite scène se démènent les quatre musiciens, avec toujours Tommi déchaîné sur son côté et Arvid tout en tension qui arpente les quelques mètres carrés mis à sa disposition en attisant un public qui n’en demandait pas tant. On notera pour la suite le toujours excellent instrumental « Electric Ryder » (où Arvid va se reposer derrière le mur d’ampli), et le bon doublon « Trails & Passes » et « With Eyes Wide Open » qui passe toujours bien. Le set se termine évidemment à un horaire décalé (à la fin du troisième jour, on peut bien faire un écart au parfait timing qui a régulé le festival…) mais le petit couac qui a présidé à ce retard est vite excusé, disparu derrière la sueur des musiciens et les sourires du public.
CROWBAR
Après les prestations en demi-teinte des deux têtes d’affiche précédentes, nous attendions les Etasuniens au contour tout en sachant que nous ne serions certainement pas déçus. Victimes du problème technique ayant décalé le show précédent comme vous avez pu le lire plus haut, c’est avec plus d’une demi-heure de retard que les Ricains vont débuter leur show. Pour la petite histoire, victime aussi des aléas de trajet du combo Londres-Berlin, ce n’est que très tard que la bande de Kirk Windstein s’est pointée à l’Astra et c’est avec la grande classe américaine que ces lascars se sont mis en place à la vitesse de l’éclair. On reconnaît les vrais pros à ce genre de détails aussi : ça ne chipote pas vingt ans durant pour soundchecker et ça assure même si tout ne roule pas comme prévu. Le public trépigne et il est chaud patate. Quand résonne le Sud du Paradis de Slayer dans la sono, c’est les dix premiers rangs qui hurlent en cœur « Before you see the light you must die » ; les spectateurs sont dans les starting-blocks et ils vont en avoir pour leur pognon. La machine de guerre attaque avec du très lourd, « Conquering », et va empiler les bûches tout au long d’une prestation lente et dévastatrice. Crowbar est exactement là où nous l’attendions et nous ne cachons pas notre joie. Il en est de même aussi pour le leader velu du quatuor qui esquisse à plusieurs reprises de larges sourires quand il ne grimace par pour amuser les gugusses qui le mitraillent depuis la fosse à photographes (et nous sommes bien placés pour en parler). Le pit est démonté et pour la première fois de ce festival plutôt calme, le service d’ordre est mis à contribution pour réceptionner des corps suants derrière les crash barriers. Le fait qu’il s’agisse de la dernière grosse sensation du festoche a certainement aussi joué un rôle dans la débauche frénétique qui a agité les premiers rangs qui, oubliant leur fatigue, ont tout donné dans cette ultime bataille plutôt bon enfant. Comme le stipulait le tatouage qui orne le mollet du guitariste de la formation – le lettrage « None Heavier » entourant l’état de Louisiane – les gars du bayou ont délivré un set sauvage d’une lourdeur imparable. Avec des titres comme « High Rate Extinction », qui a été impec, les rednecks ont mis tout le monde dans leur poche et le désert était bien présent, mais à l’extérieur de la salle qui avait vu la grande foule se rassembler comme il en avait déjà été le cas il y a quelques années avec le final assuré par Clutch.
10000 RUSSOS
Après le rouleau-compresseur de Louisiane, le moment est venu d’aller assister, dans la petite salle, au dernier show de ce festival. On va pas tourner autour du pot pendant cent-sept ans : comme nous n’avons pas pris de drogues, nous ne trouvons pas ce set stupéfiant et entre la créativité et le foutage de gueule il n’y a parfois qu’un pas… Dans le noir presque total, le trio a envoyé du son au rendu de boucles appuyées par des voix en mode reverb. Malgré l’affiliation psychédélique revendiquée, nous avons presque la sensation d’assister à une fin de soirée drum and bass des débuts. Pour être très clair, nous n’avons pas adhéré à cette performance des Portugais qui se sont ensablés sur la scène de l’Astra en proposant un show figé qui a fait se trémousser au ralenti, tels des épouvantails sous acides, une partie du public ramassée contre la barrière ainsi que divers pantins isolés dans l’arrière-salle qui s’étaient visiblement chargés pour passer un bon moment.
Encore une formidable journée partagée avec tant de têtes connues qu’on va finir par s’y sentir carrément à la maison grâce au public qui est fantastique, aux formations qui sont fort efficaces en plus d’être professionnelles et sympathiques ainsi qu’à nos potes de l’orga qui sont au poil. Merci encore pour cette réussite : surtout ne changez rien du tout !
Déjà deuxième jour de ce Desertfest, et le ciel berlinois est à la fête : le soleil baignera toute la journée un Biegarten décidément fort agréable… que nous devrons quitter à chaque fois à l’appel des guitares qui retentissent sur les deux scènes de l’Astra… La journée s’annonce pleine de découvertes et de groupes qu’on a envie de (re)voir live, et elle commence très fort, dès 14h…
SAMAVAYO
Depuis quelques semaines le nom de ce combo berlinois revenait à nos oreilles comme un groupe à surveiller de près. On sent d’ailleurs que l’attente est bien présente, dans un Foyer très correctement rempli, tandis que le beau temps est au rendez-vous et rend plutôt agréable la perspective d’une bonne bière sous le soleil. Tout ouïs, on voit les locaux de l’étape enchaîner les 2-3 premiers titres et…on n’est pas impressionnés. Mais très vite, la tension monte et les compos apparaissent plus efficaces, plus originales aussi. Le groupe était-il quelque peu sclérosé par la pression de ce festival dans sa propre ville ? Quoi qu’il en soit le problème est réglé, et le groupe nous cueille pendant 40 minutes tour à tour avec des passages planants plus rock, lardés de breaks punchy, jamais exempts d’une bonne dose de groove. L’efficacité est décuplée dès que pleuvent les riffs les plus lourds, véritable exercice de style où le groupe excelle, et où se révèle sa puissance. Content d’être là, le chanteur annonce vers la fin du set “on n’a pas assez de temps” – et sur ce coup on est d’accord : on en aurait bien repris une dose de la trempe de cette dernière demi-heure de set.
WE HUNT BUFFALO
Avec force expectative, on se presse devant la main stage pour écouter de quel bois se chauffent les bucherons canadiens de We Hunt Buffalo : ne les connaissant que sur album, on s’imaginait une furie live, à l’image des autres groupes de leur label, Fuzzorama (Truckfighters, Valley Of The Sun…). Ça ne commence pas terrible tandis que Ryan Forsythe rencontre quelques problèmes de guitare. Et puis très vite on réalise que l’ouragan scénique imaginé n’aura pas lieu : le combo est plutôt du type sobre scéniquement, et se repose essentiellement sur la puissance de ses compos. Légitime, et pas si stupide comme stratégie : leur musique, variée, enchaînant riffs nerveux, rythmiques massives et plans plus planants, accorde de larges plages instrumentales à des jams et soli toujours efficaces. En revanche, on reste un peu sur notre faim au regard de la transposition sur scène de compos qui ont prouvé leur efficacité sur rondelle plastique : journée « sans », stress, manque d’expérience ? Quoi qu’il en soit on n’y trouve pas complètement notre compte aujourd’hui. Et apparemment on n’est pas seuls, le public se montrant intéressé, mais pas non plus déchaîné. Tant et si bien que quand le trio dégaine une reprise du « Thumb » de Kyuss, c’est tout juste si l’on sent un frisson d’excitation dans la salle. Ça reste un bon concert, mais on espérait plus.
SOMALI YACHT CLUB
On avait entendu parler de Somali Yacht Club avant d’entendre leur album, le buzz entourant leur musique et leurs prestations scéniques étant tenace. Cette édition du Desertfest fut pour vos serviteurs l’occasion de vraiment découvrir ce groupe, dont, à l’image de leurs prédécesseurs sur l’affiche (cf ci-dessus), on attendait une petite claque scénique. Déflorons le suspense : la claque n’eut pas lieu. Et pourtant la qualité intrinsèque du groupe est indéniable : développant une musique très largement instrumentale, le combo ukrainien s’y entend dès qu’il s’agit de pondre des passages psyche bien planants, se reposant sur une rythmique basse-batterie pleine de groove. L’originalité pointe le bout du nez à travers des breaks imprévisibles ou encore des arrangements parfois étonnants mais jamais trop barrés. Mais pour un motif inconnu, l’ambiance n’y est pas complètement. Il faut dire que cette journée, moins chargée en « gros » noms, voit le public un peu plus apathique que la veille (ou le lendemain), plus enclin à profiter du Biergarten ensoleillé. La prestation est de qualité, ça joue bien, mais il manque quelque chose, un petit on-ne-sait-quoi, pour en faire une prestation remarquable.
MONOMYTH
Ces derniers mois ont vu le groupe hollandais redoubler d’efforts pour se confronter au public « occidental » (au-delà des Pays-Bas et de l’Allemagne, quoi…), à travers un nouvel album excellent d’abord, et avec quelques prestations qui ont laissé des marques (celle du Desertfest Belgium il y a quelques mois reste dans les esprits). On est donc assez confiants lorsque nos humbles bataves montent sur scène noyés dans une épaisse fumée. Confiants dans une discographie solide et cohérente, ils engagent leur set sur la douzaine de minutes de « Vanderwaalskracken », un morceau fleuve qui prend très vite son rythme de croisière. En moins de temps qu’il n’en faut pour finir sa bière, le public leur mange dans la main, avec des premiers rangs presque en transe : le facteur immersif et hypnotique des néerlandais est remarquable, semblable à ce titre à un My Sleeping Karma. Scéniquement bien présents (sans surjouer), aidés par un light show impeccable, le quintette produit une musique psyche teintée parfois de kraut rock (sur « 6EQUJ5 » surtout, le second titre joué) ou de space rock (« LHC », issu du dernier album). Les titres s’enchaînent sans un mot, les instruments changent au fil des ambiances, le second clavier prend parfois une gratte pour gonfler un peu le son des passages les plus puissants, et jamais la tension ne retombe. Le public sanctionne la fin du set d’une salve d’applaudissements qui voit le groupe manifestement heureux le saluer en retour. Monomyth repart en ayant fait aujourd’hui un bon paquet de nouveaux convertis.
THE LORANES
Après la performance de haut vol des Bataves sur la grande scène, nous regagnons le petit espace plongé dans l’ombre (et comme nous avons eu la bonne idée de faire un saut dehors vu que les Néerlandais ont terminé en avance pour rallier Londres, nous n’y voyons absolument rien). Il nous faudra quelques instants pour nous habituer à ces lieux sombres et à discerner les velus Germains qui ont installé leur grosse caisse flanquée de leur logo sur la petite estrade leur servant de scène. Avec une seule production à son actif, le trio régional est bien placé sur l’affiche pour conquérir de nouveaux fans avec son rock psychédélique très axé jam. Il faut dire qu’une vieille connaissance de nos services occupe le côté jardin de la scène avec sa basse : Mammut. L’ex-membre de Kadavar, la formation montante, s’agite comme un diable alors que son acolyte côté cours en fait de même en plaquant des riffs sur sa gratte vintage et en assurant les parties chantées. Comme bien souvent dans notre monde, la qualité du chant n’est pas le point fort du groupe, mais son groove vintage bien lourd est bougrement efficace ce qui est nettement plus important. Quand bien même le répertoire des Allemands n’est pas énorme, ils occuperont le temps imparti avec grande classe et une efficacité toute teutonne ; une affaire à suivre de près.
COOGANS BLUFF
Changement de décorum pour la suite des festivités, nous nous dirigeons rapidement vers la grande salle dans laquelle la configuration de scène a été passablement chamboulée. Il faut dire que c’est un set un peu particulier auquel nous aurons droit avec la formation de Rostock . Un ovni est à l’affiche de cette journée avec une section cuivre installée derrière le batteur qui se retrouve du coup sur l’avant de la scène avec sur ses côtés les deux hippies de service dont un joli spécimen en marcel. C’est très rock à ratissage très large dans l’ensemble avec une option psychédélique bien marquée et quelques insertions de cuivres à la ska ça et là, voire même durant de longs changements radicaux au sein des titres. Assez populaire dans ces contrées, les Allemands vont extraire des morceaux de la plupart des pièces constituant leur honnête discographie. Pas très open à ce type d’exercices de style nous tapons mollement le sol de nos semelles et passons un moment pas franchement désagréable, mais pas transcendant non plus malgré notre ouverture d’esprit légendaire ; les autochtones quant à eux font montre de plus d’enthousiasme. Il faut de tout pour faire un monde.
MONDO DRAG
La performance du type “école de musique avec collision de styles” étant terminée sur la main stage, nous venons nous insérer dans le Foyer qui aura montré ses limites durant ces trois jours de folie. L’espace n’a clairement plus la capacité de contenir des formations renommées (nous le constaterons plus tard avec le troisième groupe commençant par « Mo » de la journée : Monolord et surtout le lendemain avec Greenleaf ou Egypt) voire même d’être fréquenté aux heures de pointe. Mais laissons là ces considérations logistiques qui voient les premiers rangs couchés sur les barrières protégeant la scène, et immergeons nous dans le psychédélisme vintage que nous propose la bande d’Oakland. L’adjonction de claviers sur des riffs – pour certains hérités du Grand Black Sabbath – donne une bonne dynamique au set des chevelus qui renouent avec le rock psychédélique des seventies. Les spectateurs rentrent bien dans le set des Californiens dont le style est très abordable pour le grand public (ce qui n’a pas toujours été le cas lors de cet événement et c’est tant mieux pour nos gueules). Quelques passages bien inspirés émailleront la performance de Mondo Drag qui prouve une bonne maîtrise de leurs instruments ; une mention spéciale aux guitares et à l’orgue. En ce qui concerne la dimension comique : nous nous tordons encore de rire au fameux gag de l’organiste qui ose faire « santé » avec une tasse de thé au pays de la bière (il y en a qui n’ont vraiment peur de rien). En dehors de cette considération humoristique, nos lascars ont réussi à conserver un public compact et c’est un peu le minimum syndical lorsqu’on à la chance de se produire en début de soirée alors que les festivaliers sont tous dans l’enceinte du festoche.
ELDER
Elder ou le groupe à côté duquel nous sommes systématiquement passés durant leurs diverses prestations en festival. Nous nous étions promis de garder le focus sur la formation de Boston pour leur deuxième passage au Desertfest de Berlin. Il y a deux ans, le trio se produisait sur la petite scène et les desert-rock-porters que nous sommes avaient eu la désagréable impression de ne pas avoir su rentrer dans leur show. Cette sensation était plus à mettre en relation avec nos viscères qu’avec la performance délivrée par les Etasuniens. Il nous fallait donc briser cet enchantement sur ce coup-ci d’autant plus qu’Elder a, depuis son dernier show dans cette manifestation, a sorti une plaque énorme, Lore, qui a marqué toute la communauté l’an passé. Les Ricains vont fortement nous aider à adhérer à ce concert avec le soutien bienvenu de projections sur l’arrière de la scène. Chaque musicien tient sa place et entraîne dans son sillage le public ramassé devant lui. C’est surtout Jack, le bassiste de la bande remonté sur ressorts, qui attire les regards sur scène, car Nick, le chanteur-guitariste, était parfois fort concentré sur ses deux partitions qui, avouons-le tout de go, ne sont pas les plus simplistes de le galaxie. Si nous mettons de côté quelques rendus vocaux étouffés par la sono – lesquels ne composent pas la charpente principale des prestations de ce groupe – nous avons droit à un set qui frise la perfection. Ce show génial verra certains joyaux interprétés parfaitement avec une mention spéciale à « Compendium » tiré du dernier opus en date. De plus, ces jeunes gens ont choppé de la bouteille et ils font montre d’une certaine maturité scénique qui nous aura certainement plus séduite que par le passé. Nous ne serons pas les seuls dans ce cas puisque c’est sur une véritable ovation que le public prend congé des musiciens au terme d’une performance de haut vol qui les voyait idéalement placés sur l’affiche, bien avant une tête de gondole qui en laissera certains – dont nos pommes – sur leur faim.
MONOLORD
On a vu Monolord la dernière fois sur l’immense main stage du Desertfest Belgium, scène qu’ils avaient maîtrisée de main de maître. Les voir aujourd’hui programmés sur la petite Foyer nous laisse dubitatifs… mais pas eux ! La bave aux lèvres, ils montent sur le petit triangle de scène avec la même envie d’en découdre. Et dès les premiers claquements de basse telluriques de Mika – le bassiste est en furie et ne tient pas en place sur ce début de set – le public est en incandescence : les premiers rangs sont une véritable bataille rangée, une ambiance surréaliste dans un contexte de concert de doom ! Le jeune trio de doomsters suédois – ils existent depuis moins de trois ans, on l’oublie un peu vite ! – veut marquer les esprits, ça se sent, et leur set de trois-quarts d’heure passera à la vitesse de l’éclair. La tension du début, intenable, s’apaisera un peu par la suite, ce qui permettra au public de mieux encore rentrer dans les méandres lugubres créés par le groupe, qui pioche surtout dans son dernier album, Vaenir, pour constituer sa set list, mais n’oublie pas son prédécesseur : c’est d’autant plus vrai que la pièce maîtresse de ce set sera sans contexte cette version sournoisement heavy de « Empress Rising », désormais devenu le classique incontournable de la formation scandinave. Tirant le titre dans tous les sens, le groupe parachève son œuvre de destruction massive avec une efficacité qui ne souffre aucune discussion. Thomas, le guitariste, fera pour l’occasion un passage dans la fosse – probablement pour mieux goûter aux salves d’infrabasses et aux coups de massue décochés par sa section rythmique impeccable. Parfaitement brutal.
ELECTRIC WIZARD
Finie la rigolade, le moment est venu de retourner dans la grande salle, devant la grande scène pour le grand groupe qui est la tête d’affiche de la journée et qui bénéficie donc d’un temps de jeu allongé par rapport à ses petits camarades. Les Britanniques ont donc plus d’une heure pour convaincre le public allemand (ou francophone car il est bien représenté cette année) même si la différence de statut entre cette formation et certaines lui ayant précédé dans la journée (Elder, Monolord ou Monomyth par exemple) ne saute pas forcément aux yeux. Il faut dire que cette édition voyait une foule de groupes de haut niveau se succéder tout au long des trois jours et des healdiners un peu en deçà de ce statut (soit ils n’étaient pas de véritables têtes d’affiches soit l’affiche état de haut niveau point barre ; nous optons de notre côté pour la deuxième solution). Bref les vétérans du Dorset se sont radinés sur scène après avoir teasé le public avec sa projection de fond d’écran (une animation timide de leur logo sur fond noire) et des lights violacées mettant en avant le lettrage à leur effigie sur la grosse caisse. Bénéficiant d’un son d’une rare qualité, ces mythes de la scène (ou d’une partie d’entre elle en tous cas), ont eu tout le loisir d’exprimer leur art tout en lourdeur et en lenteur. Les soli de guitare, le look (très) soigné, les projections de nichons et de larges extraits de nanards datés en fond de scène, les éclairages lugubres ainsi qu’une atmosphère poisseuse, ont constitué les principaux atouts d’un set où la gaudriole n’était pas de rigueur sur scène. Madame a pris la peine de réarranger sa coiffure à plusieurs reprises parce qu’elle le vaut bien, Jus Osborn était parfois habité lorsque ses doigts arpentaient rapidement le manche de sa gratte, mais, quand bien même les standards du combo étaient au rendez-vous (« Dopethrone », « Black Mass », « Funeralopolis » ou « Dunwich ») en ratissant large dans leur disco, quelque chose a manqué à ce show. Un nous ne savons quoi de folie peut-être. Peut-être qu’entre les wallabies de la veille et le détachement de rigueur du jour avec la poker face (qui ne nous a pas rendu gagas), il y a possibilité, pour les têtes d’affiches, de positionner le curseur quelque part où c’est ni trop ni trop peu. Dommage car nous attendions un peu plus d’une formation qui a tellement compté pour la scène doom-stoner.
DEATH ALLEY
Après cette double salve de doom, les p’tits gars de la prog du Desertfest, toujours habiles et malins, jouent le contraste et proposent de terminer la journée avec les hollandais de Death Alley et leur high energy rock, seul capable de sortir le public de sa torpeur. Quitte ou double… mais ça passe ! Et haut la main… Faut dire que les bataves ne se démontent pas : au taquet, les bonhommes, sourire aux lèvres, captent l’attention de tous les festivaliers fatigués et nonchalants qui quittaient la main stage suite à Electric Wizard et comptaient gagner le bar au plus vite : raté ! Le rock irrésistible de Death Alley les tiendra en haleine encore quarante-cinq minutes. Difficile de ne pas apprécier ce groupe dont les influences ratissent large, en gros des Hellacopters au MC5. Même si chaque musicien fait le taf avec vigueur (y compris son créateur Oeds Beydals, ancien gratteux de The Devil’s Blood – pas vraiment le même genre musical – qui enquille quelques soli pas dégueux), tous les yeux sont sur Douwe Truijens : le chanteur sur ressorts se démène comme un beau diable, torse nu sous son petit gilet en cuir sans manche, slamme à l’envie, se déhanche et danse avec le sourire jusqu’aux oreilles. Un vrai showman ! Bref, le set de Death Alley procurera la dose d’énergie et de fun qui permettra de finir la journée avec le sourire, et pour certains (que nous ne citerons pas) d’entamer un after imbibé pour quelques heures encore…
Pour résumer notre journée :
la bonne surprise : Samavayo
la confirmation & la grosse claque : dans deux genres différents, les deux “mono” de la soirée – Monomyth et Monolord
Devenu une sorte de rituel majeur chaque année, le Desertfest Berlin est aussi l’occasion de sentir le pouls de la scène stoner internationale, faire des découvertes, ou encore apprécier l’évolution de certains groupes. C’est aussi devenu l’occasion de croiser des visages familiers chaque année plus nombreux (et notamment francophones – en grand nombre cette année !), de prendre des bières avec des musiciens qui ne rechignent pas à aller se détendre au Biergarten avec le public, et globalement de prendre du bon temps. L’édition de cette année n’a pas failli à ces bonnes habitudes, même si cette première journée a commencé étrangement : toute la matinée et le début d’après-midi, la météo nous a fait douter (pluie, soleil, grèle, bruine, soleil…) mais durant le festival, nous n’aurons pas eu une goutte de pluie, et avons passé le plus clair de notre temps en tee shirt… Les conditions étant finalement réunies, rentrons dans le vif du sujet.
HIGH FIGHTER
Alors que le soleil baigne la capitale allemande de ses chauds rayons, nous croisons les membres d’High Fighter attablés dans le Biergarten de l’Astra en pleine préparation psychologique de leur show. Les Hamburgers ont l’insigne honneur d’ouvrir les festivités et ils trépignent à l’idée de fouler une nouvelle fois la scène. Visiblement en manque, le quintet s’est concentré ces derniers temps sur la mise en boîte de sa deuxième production – « Scars & Crosses » – annoncée pour juin prochain chez Svart Records. Quelques instants plus tard, c’est le sourire aux lèvres que les Allemands se dirigent vers la petite scène pour donner le coup d’envoi du millésime 2016 du Desertfest de Berlin. Rompue à l’exercice live, après notamment des performances en compagnie de Conan, Greenleaf ou The Midnight Ghost Train, la bande envoie du gros bois et nous nous retrouvons immergé dans le festival dès les premiers accords. Pas de décollage en douceur : le lourd est à l’honneur ! La frontwoman Mona est très à l’aise dans les parties vociférées – la dame est parfois soutenue par son batteur dans les plans plus apaisés – et ses comparses font preuve d’une excellente maîtrise technique. Composé à parité de titres issus de son premier EP – « The Goat Ritual » – et de morceaux de la pièce à venir, le set du groupe de Hambourg est une excellente expérience que le public, encore rare à cette heure de la journée, a savourée. C’est tout excités que nous ressortons de la salle obscure après cette prestation qui sera certainement la dernière pour High Fighter sur un créneau aussi tôt tant le groupe maitrise son art et plait.
BABY IN VAIN
Après avoir serré quelques pognes et dispensé des bisous sur les joues de nos amis présents dans le jardin de la binouze, nous reprenons le chemin du Foyer pour faire connaissance avec le trio danois que nous ne connaissons ni des lèvres ni des dents. Pratiquant une version vintage de grunge-stoner (à moins que ce soit le contraire) à deux guitares, la très juvénile formation féminine trouvera quelques admirateurs parmi le public dans la place. Nous n’allons pas vous le cacher : nous n’avons pas vraiment goûté à leur style et leur performance carrée à chants, voire hurlements, superposés ne nous a pas vraiment emballé. Nous nous sommes demandés ce que foutaient ces gens sur la scène plus bas que les poulains de Svart et juste avant les vieilles gloires du stoner scandinaves qui les suivront. Cette énigme ne nous gâchera pas non plus la soirée, mais nous ne nous sommes pas non plus pressés au merch pour acquérir les nombreuses pièces déjà disponibles dans le catalogue de ces spécialistes de la coiffure à frange actives depuis six ans.
SPIRITUAL BEGGARS
Premier gros morcif du jour numéro un, les vétérans européens (peut-on encore les taxer de suédois ?) bénéficient de cinquante minutes de jeu sur la grande scène, mais à l’heure à laquelle les files s’allongent devant les stands de (mal ou bonne) bouffe plus nombreux cette année que par le passé. Plus vraiment dans le cœur des stonerheads suite à ses multiples changements de personnel et à des productions très inégales (la fin des années quatre-vingt dix – ou nonante pour les Suisses – et le début des années deux-mille demeurera la meilleure période de ce groupe), Spiritual Beggars voit tout de même un public nombreux venir s’agglutiner derrière les crash barrières pour leur performance. La bande à Michael Amott, véritable âme du groupe et seul rescapé des débuts, fait montre d’un certain professionnalisme en foulant la scène de leurs Vans et envoient d’entrée de jeu un titre de « On Fire » qui fédérera les vieux fans et les néophytes. Ils interpréteront plusieurs titres de cet album de la période JB, dont le formidable « Young Man, Old Soul » qui rabibochera certains avec ces néo-hippies. La prestation du groupe qui commit jadis Mantra III ou Ad Astra sera surpondérée de morceaux issus de sa récente production, dont le titre éponyme, et de la précédente. Dommage pour les nostalgiques de la période Spice que nous sommes, mais saluons les prouesses techniques de ces musiciens confirmés qui étaient les premiers de ce premier jour à proposer un stoner plus apaisé et mélodique.
MOTHERSHIP
Mothership a joint ses forces à Wo Fat pour venir botter quelques milliers de culs européens à l’occasion d’une tournée qui fait l’impasse sur la francophonie (dommage) mais ils profitent du déplacement pour venir poser tous deux leurs amplis à Berlin, en l’occurrence sur la petite scène du Foyer. Le trio texan monte sur scène avec le sourire, et décochent très vite leurs premiers riffs, comme autant de poutres jetées à la face d’un public qui se masse en nombre devant la scène. Très vite Kelley Juett le guitariste, direct torse nu (en même temps pas la peine de se tatouer tout le torse si c’est pour ne pas le montrer), grimaçant, se déhanchant en tous sens, se révèle être l’entertainer qui fait toute la différence entre un groupe de stoner rock sudiste graisseux et un excellent groupe de stoner rock sudiste graisseux : ces mecs savent tenir une scène, et le public répond bien. Musicalement, l’héritage texan est fièrement assumé, et les mid-tempo suintant la transpiration et l’huile de vidange alternent avec des passages de pure énergie, toujours chargés d’une bonne dose de groove typique des groupes issus de l’aride état américain. Les gaillards terminent leur set avec 5 minutes de gras (sans jeu de mot) sur leur horaire, mais le job est fait et bien fait, inutile de faire du remplissage. Impeccable.
PELICAN
L’excitation était à son comble dans les premiers rangs alors qu’un beamer projetait le logo du groupe de l’Illinois sur le fond de la scène. Très hard, cette journée faisait la part belle aux bourrins et ce n’est pas les volatiles étasuniens qui allaient emprunter une voie plus lancinante bien au contraire ! Sitôt la bande sur scène que les larsens et autres sonorités de mise en condition – avec la guitare frappée au sol tête en bas ; bien évidemment ça lui fait un bien fou demandez à votre luthier – nous font comprendre que la performance instrumentale à venir sera une débauche de sludge et pas de la guimauve pour midinettes. Ça tombe bien on est venu entre couilles ! Ça envoie du lourd sur la Main Stage en s’animant comme des épouvantails sous acide et c’est au poil en ce qui concerne la technique. En allant piocher dans toute la largeur de son répertoire, de « Mammoth » issu du premier simple à « The Tundra » issu de sa dernière production studio, ces Américains auront livré leurs masterpieces – pour la plupart présentes sur leur live arctique – dans un registre voisin de Cult Of Luna ou des défunts dieux antiques égyptiens de Boston. Un délice pour puriste d’un genre confidentiel à ses débuts et de plus en plus populaire auprès d’un large public.
WO FAT
Après leurs copains de Mothership, c’est au tour d’un autre trio texan de faire parler les guitares : Wo Fat déboule et vise clairement à coller une deuxième couche de gras sur le travail bien entamé par leurs prédécesseurs sur la scène du Foyer. Et le public ne se fera pas prier pour recevoir cette offrande : dès les premiers accords, les premiers rangs ressemblent à une bataille rangée (quelques individus un peu imbibés viendront faire chauffer l’ambiance, mais tout finira bien dans la chaleur cordiale d’un mosh pit viril). Comme on pouvait l’attendre d’un combo sudiste où le mot “Fat” tient bonne place dans le patronyme, des couches de gras sont enquillées à travers des compos majoritairement issues des deux derniers albums du groupe, que le public, qui semble bien connaître les classiques du groupe, apprécie. On notera ainsi aléatoirement une déferlante de soli rugueux venant contrebalancer des riffs patibulaires, à l’image de ce très fat “Read The Omens” qui ravit les grands et les petits. Apparemment fiers de leur méfait, nos gaillards plient les gaules avec le sourire – comme le public, encore un peu abasourdi de ce qui restera une des grosses claques de la journée.
TRUCKFIGHTERS
Reconnaissons-le, on est assez contents de voir débouler quelques bonnes rasades de fuzz bien chaud après le set robuste et efficace mais au son un peu “froid” de Pelican. Le trio suédois a tellement tourné ces derniers mois et années que l’on sait peu ou prou à quoi s’attendre. A ce titre, l’effet de surprise ne peut plus venir que de la set list. Et sur ce plan, on est mi-figue, mi-raisin : rien de révolutionnaire (s’y attendait-on vraiment ?) mais pas non plus la set list “pilotage automatique” que l’on pouvait craindre. On y retrouvera avec des ressentis variés des titres longs comme « Manhattan Project » ou « The Game » qui manqueront un peu du potentiel percussif du trio, mais aussi des petites perles comme « Mind Control », « In Search of (The…) » ou évidemment le très attendu « Desert Cruiser » qui vient clôturer le set. Scéniquement, zéro surprise en tous les cas : Ozo est bien dedans et abat le taf (rythmiques impeccables, chant maîtrisé – pour la plupart…) et Dango est dans son rôle de cabri guitariste, arpentant la scène en long et en large, tournoyant, sautillant, dansant, bondissant sans arrêt, et ce quel que soit le rythme du morceau ou l’ambiance développée… On sait que ce point fait débat au sein de la “stonersphère”, certains appréciant cette énergie authentique (le bonhomme a toujours été ainsi) et d’autres décriant une scénographie décalée, voire inappropriée. Préférant ce comportement à celui des musiciens qui se regardent les chaussures pendant une heure, on se rangera plutôt vers la première catégorie, et on notera par ailleurs que le bonhomme ne rate jamais une note ou un solo par excès de débauche physique, ce qui en soi est déjà remarquable. Le point faible du set en revanche viendra de la mise en son : un peu chaotique au début, elle alternera passages corrects et départs en vrille réguliers durant tout le set (basse vrombissante, chant bien trop présent dans le mix par moments, etc…). Bref, la prestation des Truckfighters ce soir, sans être calamiteuse, est loin aussi d’être mémorable.
MANTAR
Après les kangourous scandinaves dans le trend, le moment est venu d’aller se finir auprès de la petite scène obscure si propice aux danses de sauvage, et nous n’allons pas être déçus de notre voyage. Mantar grimpe sur scène en mode topless prêt à en découdre avec un public qui ne demande que ça. Erinç se cale derrière ses fûts à l’ombre de la tête d’ampli estampillée « power » – des fois qu’on oublie que la puissance est l’un des nombreux atouts de ce duo… – et Hanno – coiffé de son habituelle casquette à l’envers – s’agite comme un diable en se cognant contre les amplis. Le ton est donné : c’est cinquante minutes de sauvagerie annoncée, enfin cinquante minutes c’est le temps de jeu alloué à la formation d’Hambourg qui clôt la journée car, faisant fi du couvre-feu, le binôme va exploser le temps de jeu pour notre plus grand plaisir. S’étant approprié la zone scénique du Foyer, les compagnons de route de Mantar installeront leur stand de merch dans l’espace prévu pour les techniciens de cette scène dans la plus grande tradition punk. Adeptes du D.I.Y., le groupe de Hambourg va envoyer du – très – lourd en faisant la part belle à sa dernière production « Ode To The Flame » dont nous sommes raides dingues » – une tuerie si vous n’avez pas lu la chronique sur ce site. Le martial « Era Borealis », le brutal « Praise The Plague ainsi que d’autres petites merveilles récentes viendront croiser sur le setlist des titres à peine plus anciens puisque même si la formation se produit ce jour-là pour la seconde fois au Desertfest de Berlin, elle n’a pas encore atteint ses cinq années d’existence… Nous ne serons pas les seuls à goûter à l’art pratiqué sur scène puisque ce fut le gros bordel devant la scène et que l’un de vos serviteurs a carrément failli se prendre un élément de sono sur le pif alors qu’il captait des images pour émerveiller vos mirettes. La paire teutonne de doom, stoner, punk, crust, black etc. aura fait un carnage et cette première journée de folie s’achève comme elle a commencé : avec des Hambourgeois qui poutrent nous livrant un show de toute bonne facture. Ah quelle belle journée !
L’édition de cette année du Desertfest London est l’occasion de fêter le (déjà) cinquième anniversaire du festival anglais dédié à la musique que nous aimons tant. Trois jours de stoner non-stop, cinq salles de concerts plus ou moins éloignées, mais toutes situées dans le quartier de Camden, temple du punk et du non-conformisme. Et une programmation dense qui empêche malheureusement de pouvoir apprécier l’ensemble des groupes programmés. C’est ça le DESERTFEST de Londres.
JOUR 1
Il est 14H00 pétante ce vendredi 29 avril lorsque GURT investit la scène de l’Underworld pour ouvrir cette 5ème édition du DESERTFEST. Malgré l’horaire, les locaux font salle comble et déroulent trois quart d’heures durant leur sludge plombé à la Guiness, le tout devant le fameux Reece de STEAK présent pour l’occasion sur le côté de la scène (il est à l’origine de l’asso organisatrice Desertscene UK). Le choix d’ouvrir le festival par le groupe Londonien s‘avère être assez bon puisque ce set puissant va permettre au combo de gagner de nouveaux fans. Il va également donner le ton pour cette première journée marathon et servir de mètre étalon pour les groupes à suivre. Excellent.
Gurt
Préférant faire un peu de shopping après ce set, l’impasse est faite sur LOWER SLAUGHTER qui jouait au Black Heart. C’est donc de nouveau vers l’Underwold que nous nous dirigeons pour assister au set de THE GRUDGE, tout jeune combo pas encore aussi « bankable » que Gurt. Les anglais font également dans le sludge et réchauffent l’ambiance d’un Underworld pas complètement plein et anesthésié par l’alternance soleil/grêles qui rythme la météo du jour.
Le Desertfest Londonien n’étant pas aussi « amical » que son cousin germain, nous partons peu avant la fin de ce set pour nous diriger vers le petit Black Heart afin d’assister à la prestation des petits gars de Liverpool, les biens nommés BONNACONS OF DOOM. La salle est comble et il est difficile d’entrer pour assister au set des Daft Punk du stoner. Après une percée réussie, nous voilà donc au plus près pour entrer dans leur transe musicale, qui malheureusement ne fait pas réellement décoller le Black Heart, et nous non plus d’ailleurs.
Nous préférons donc nous diriger, après seulement dix bonnes minutes, vers l’Underworld où les américains de BLACK PUSSY sont sur le point de se produire. Fin (pour le moment) de l’intermède sludge pour laisser la place à un stoner vintage qui électrise l’Underworld. Le combo de Portland a déjà une sacrée renommée et fait danser les jeunes et les moins jeunes dans l’antre de Camden. Sexy à souhait, la musique proposée par Black Pussy va rafraîchir, le temps d’un set diaboliquement efficace, nos esprits et nos tympans malmenés depuis le début de l’après-midi par plusieurs couches de gras.
Malheureusement (choix Cornélien oblige), nous quittons les Black Pussy avant la fin pour nous diriger vers le Black Heart once again et voir GUAPO. Un problème logistique décale la prestation du groupe de près d’un quart d’heure (la scène étant trop petite pour accueillir claviers, flûtes et cornemuse) et nous ne pourrons profiter que de quinze minutes de rock expérimental assez intéressant où les instruments à vents se marient très bien au ronflement de la section rythmique (mon camarade de chambrée me dira le lendemain que le set était malheureusement très inégal) avant de nous rediriger au pas de course vers l’Underworld.
Car s’il y a un groupe que nous ne voulions pas rater aujourd’hui, c’est LIONIZE, le combo du Maryland et « petit protégé » de Clutch. C’est en pyjama (on exagère à peine) que Nate Bergman monte sur scène (pas ses compères, nous vous rassurons) pour balancer du reggae-rock qui va faire bouger un Underworld à moitié vide (EGYPT en simultané à l’Electric Ballroom oblige). Ceux qui auront préféré prendre le thé (où trainer au pays des pyramides) peuvent s’en mordre les doigts puisque la débauche d’énergie du groupe, qui enchaîne jams et titres, restera sans nul doute un des grands moments de cette édition 2015. Le quatuor est visiblement content d’être là et est littéralement habité par la musique qu’il propose. Surtout Nate (comme peut l’être un Neil Fallon) et Chris Brooks (clavier) qui malgré son statisme forcé est ultra présent, tant sa patte imprègne le son Lionize. Une excellente prestation.
Lionize
Direction ensuite l’Electric Ballroom, pour la première fois du jour, et pour le set d’ASTEROID qui a débuté un peu plus tôt. Il y a du monde pour voir les suédois qui vont, une heure durant, hypnotiser la « main stage » avec des titres anciens et quelques nouveautés (à paraître à l’automne prochain nous dit-on dans l’oreillette). La joie de vivre du combo est aussi communicative que sa musique et se propage à l’ensemble du Ballroom. Vivement la fin de l’été donc.
Après cette tranche « vintage », direction l’Underworld pour une louche de « gras » et RAGING SPEEDHORN. Première surprise, la salle a atteint sa capacité maximale et il faut faire la queue à l’extérieur pour attendre d’éventuels abandons de postes afin de s’approcher de nos furieux britanniques. C’est chose faite au bout de 10 minutes. L’Underworld a pris des allures de cocotte-minute prête à exploser. La faute aux deux bulldozers John Loughlin et Frank Regan qui se marchent presque sur les pieds tant la scène est minuscule. Le tout en malmenant nos tympans avec ces vocaux gutturaux. La machine de guerre Raging Speedhorn écrase tout sur son passage et fait naître les premières envies de slam de la journée. Bestial.
A peine remis de ce K.O. sonique, c’est l’heure d’aller voir CROWBAR, les rois du sludge 100% pur jus. L’Electric Ballroom est déjà plein à craquer alors que le roadie Kirk Windstein termine l’installation de son matos sous l’œil goguenard de son ancien compère de Down, Pepper Keenan, dont la prestation avec C.O.C. doit passer après la gifle que vont nous filer les 4 lascars de Louisiane. Kirk ne ment pas en prenant le micro : il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que nous sommes à un concert de Crowbar. La mauvaise, c’est que nous allons nous faire botter le cul. La pesanteur de Crowbar s’abat sur l’Electric Ballroom et sur nos épaules pour une heure de messe qui ferait pâlir d’envie les officiels du Vatican. Les vocaux, repris par un Ballroom tout acquis à la cause des américains, résonnent sur fond de sludge gras, lent et ultra lourd. Après à peine trois titres, Crowbar a déjà raflé la mise. Magnifique.
Malgré cette prestation dantesque, nous préférons quitter l’atmosphère pesante du gang de la Nouvelle Orléans pour retourner à l’Underworld afin de voir ROTOR. Quelle bonne idée tant nos amis teutons vont réaliser LA prestation de ce premier jour. Nos allemands préférés (qui sont les seuls à être présents sur le festival sans le déballer le moindre stand de merchandising) alternent titres anciens et matériel plus récent. Ce faisant, ils dénuquent littéralement tous les festivaliers présents dans les sous-sols de Camden (la salle n’est pourtant remplie qu’au trois quarts). L’Underworld oscille perpétuellement d’avant en arrière sous les coups de boutoirs du combo qui prend de plus en plus des allures de Karma To Burn européen. Rotor, avec son sens du riff bien germanique, terminera avec un plan de 20 secondes répété inlassablement pendant presque 10 bonnes minutes. Une performance monstrueusement exceptionnelle.
Rotor
Après cette claque, il est temps de retourner une dernière fois à l’Electric Ballroom pour (re)voir le CORROSION OF CONFORMITY version Pepper. Le line-up de Deliverance arrive vers 22H00 pour balancer « King of the Rotten » et se rappeler à notre bon souvenir. Woody, Reed et Mike sont en forme et visiblement très contents de clôturer cette première journée. COC va ainsi faire bouger l’ensemble de l a salle pendant plus d’une heure et quart, alternant le bon et le très bon. Bien réceptif en général, le public le sera vraiment plus chaque fois qu’un titre du fameux Deliverance sera joué (« Broken Man », « Heaven’s not overflowing », « Albatross »). Après un rappel dédicacé par Pepper à Donald Trump (« Vote with a bullet »), il est temps pour les plus courageux de se rendre à l’after-party et pour les plus fatigués de retrouver leur lit.
JOUR 2
La deuxième journée du DESERTFEST débute comme la première : par une tranche de gras servie dans un Underworld plein comme un œuf. Voilà donc BONG CAULDRON pour trois quarts d’heures de sludge entrecoupé d’un sens de l’humour so british. Nous n’attendions rien de précis de Bong Cauldron et pourtant cette débauche de riffs sera une très bonne surprise. Ce samedi s‘annonce déjà brutal.
Bong Cauldron
C’est d’ailleurs en quête de brutalité que la curiosité nous pousse à rester à l’Underworld pour capter un peu de COUNTERBLAST. Le combo porte bien son nom et fait exploser son sludge violent et décapant dans les galeries souterraines de la salle. Nous en aurions bien repris une louche, mais un timing serré nous fait abandonner notre poste au bout de deux titres seulement pour filer à l’Electric Ballroom.
Counterblast
C’est en effet l’heure de faire le plein de Kraut avec les excellents MONOMYTH. Guitare double manche et ambiance musicale hypnotiquement froide, telle l’attitude des néerlandais envers le public (pas un mot échangé durant le set) : voilà le programme pour l’heure à venir. Servi par des morceaux taillés pour la scène, ce froid nordique transcende et emporte les nombreux curieux présents dans l’univers psyché du groupe. Une prestation parfaitement maitrisée.
Après cet interlude plutôt « reposant », retour à l’Underworld où c’est au tour de FLESHPRESS, le combo finlandais, de maltraiter l’auditoire avec sa musique hors norme. Malheureusement, conflit d’horaires oblige (encore), nous quittons la prestation doomesque de ces barbares vikings sans pitié pour aller se faire brutaliser par d’autres de leurs confrères barbares.
Back to the Electric Ballroom pour le set de CONAN. Au vu du nombre de T-shirts faisant l’apologie du groupe, on sait d’avance que le public va être dedans à 200%. C’est brutal, gras, lourd et tranchant, le tout servi par un superbe visuel qui vient donner vie à chacun des titres joués ce soir. Bref, nous avons droit à du très grand CONAN et nous ne sommes pas les seuls à l’avoir compris. L’Electric Ballroom se réchauffe et en redemande. Conan est grand.
Ces derniers nous encourageant à aller jeter une oreille aux SLOMATICS, nous quittons donc le groupe peu avant la fin de son set pour nous rendre d’un pas guilleret vers l’Underworld où se produit ce trio atypique. Deux guitares, un batteur/chanteur et du sludge dégoulinant comme on l’aime : voilà ce que propose le trio irlandais qui va profiter de l’occasion pour dénuquer un grand nombre de festivaliers (rabattus comme nous dans la gueule du loup par ces filous de Conan).
C’est donc le cou endolori que nous retournons à l’Electric Ballroom pour nous frotter aux fameux TRUCKFIGHTERS que l’on ne présente plus. Fini le sludge, place au fuzz. Comme à son habitude, un Dango monté sur ressort en fait des caisses et capte l’attention tandis que son compère Ozo participe à cette débauche de fuzz en distillant la bonne parole, avant de se jeter dans le public pour un final fantastique. Les Truckfighters sont en très grande forme.
Sentant que le public est tout acquis à la cause du post-rock (il n’y a qu’à voir le nombre de bracelets « Saturday only pass »), nous préférons rester sur place pendant le switch et faire l’impasse sur Monarch. Un regret bien vite oublié avec ce qui reste à venir en ce samedi.
Car Camden se transforme pour la soirée en un Chicago du vieux continent. C’est d’abord PELICAN, en digne représentant de la windy city qui entame les hostilités. Trevor, fidèle à lui-même, balance son corps d’avant en arrière et de haut en bas au rythme de la musique de son combo. Plus volubile qu’à son habitude, le gaillard communique à plusieurs reprises avec le public, ce qui causera sans doute la fin prématurée du set du quartette : après un « Last day of Winter » qui résonne comme l’hymne ultime, Pelican se fera couper la chique faute de temps et ne jouera pas le dernier morceau prévu pour ce set surpuissant.
Pelican
La bûche du jour est signée RUSSIAN CIRCLES et va faire doublement mal. Mal à la nuque tant les secousses telluriques du trio de Chicago poutrent sévère (sous l’œil de Trevor et Brian de Pelican présents sur le côté de la scène). Tantôt duo de guitares, tantôt binôme basse/guitare, le tandem Sullivan/Cook tient la scène à bout de manches tandis que les barrières bloquant l’accès à la scène tremblent sous les frappes puissantes de Dave Turncrantz. Servis par un son surpuissant et un jeu de lumière hypnotique, les Russian Circles vont nous faire perdre la notion du temps pendant plus d’une heure et nous faire mal (deuxième effet kiss-cool) bien involontairement : piégés que nous sommes par une telle débauche sonore, et alors que nous avions prévu de partir avant la fin du set, nous arriverons trop tard au Black Heart qui affiche complet pour la prestation de Mantar. Dommage.
Russian Circles
Seule solution, se jeter dans la gueule de l’Underworld pour les deux derniers titres des revenants new-yorkais d’UNEARTHLY TRANCE histoire de terminer la journée comme elle a débuté neuf heures plus tôt : une bonne tranche de gras. Le trio fraichement, ressuscité après trois années passées dans l’au-delà, tabasse en règle les quelques tenaces présents ce soir avec leur doom oppressant. Il y à pire pour terminer une journée bien remplie.
JOUR 3
Dernière journée pour ce DESERTFEST 2016, journée placée sous le signe de davantage de choix cornéliens. L’introduction du Koko dans la « boucle » des salles va en effet certainement nous amener à faire quelques sacrifices (c’est en effet la seule salle qui n’est pas située dans un périmètre restreint d’une petite cinquantaine de mètres).
Nous commençons la journée avec WITCHSORROW, les doomsters anglais jouent presque à domicile dans un Electric Ballroom encore clairsemé vu l’heure matinale (14H00). Seuls quelques fans hardcore et des curieux sont donc présents pour la prestation poussive du trio qui ne restera pas dans les annales de ce Desertfest.
Sans remords, nous filons donc dare-dare dans la caverne Underworld pour assister à la fin du set d’OHHMS. L’on comprend à l’écoute de seulement deux petits titres que leur stoner/doom progressif a causé du dégât sous terre et l’on regrette de ne pas être venus plus tôt.
Cramponnés à la scène, nous restons sur place pour la sensation DYSE. Le binôme teuton a électrisé le Desertfest berlinois la veille et va réaliser la passe de deux avec cette poutre londonienne. En communion totale avec le public venu en nombre, nos deux gaillards plaisantent, communi(qu)ent avec le public, et débitent de la buche plus vite qu’une tronçonneuse Husqvarna. C’est grandiose et l’Underworld est à genoux. Vielen Dank.
Dÿse
Après cette claque, nous ne prenons pas le temps de respirer et filons voir THE MOTH dans la salle voisine du Black Heart. Le trio de Hambourg va tapisser ce minuscule cagibi de son doom/sludge sans concessions. Brutal.
Le temps de nous restaurer, et nous voilà parti en direction du Koko pour assister à la performance attendue d’ELDER. Fort de leur tuerie Lore (sans doute un des meilleurs albums paru en 2015), le gang de Boston joue en terrain conquis (devant un parterre de T-shirts CONAN : le combo a vraiment du écouler tout son stock la veille). Vue du balcon, la fosse est littéralement en feu et réagit sur chacun des morceaux jousé ce soir, même sur le nouveau titre inédit (dédicacé à Reece dont c’est parait-il l’anniversaire) que nous offre le groupe. Brillant.
Elder
Pendant ce temps là, dans l’étroitesse du Black Heart, BEAST MAKER doit envoyer du bois. Mais nous ne le saurons malheureusement pas puisque nous préférons rester au Koko pour la suite du programme. Car voilà TROUBLE, les vétérans du festival. Les gaillards dégainent l’artillerie lourde et offrent au public du Koko ce qu’il attend de pied ferme : du doom. La prestation est plutôt bonne (malgré un léger problème technique au bout de 3 titres). Mais malheureusement pour eux, passer après Elder n’est pas un cadeau aujourd’hui. Le Koko s’est très largement vidé et la fosse ramollie. Malgré 35 ans de doom au compteur, Trouble ne parviendra pas vraiment à réchauffer l’auditoire. Dommage pour eux.
Conflit de programmation « aidant », nous devons maintenant faire un choix. Après mûre réflexion, nous préférons quitter le Koko avant la fin de Trouble (et faire également l’impasse sur Electric Wizard) pour finir la soirée et le festival là où il a commencé. Dix petites minutes de marche nous ramènent tout droit faire l’Underworld où MOTHERSHIP va défourrailler. Par je ne sais quel miracle, nous arrivons à temps pour avoir une place juste devant la scène tandis que d’autres moins chanceux se verront certainement refuser l’entrée d’un Underworld qui dégueule de monde. Nous sommes donc aux premières loges pour nous gaver de pur rock’n roll et être aspergé de sueur par un Kelley tout en headbang. Un set tout simplement énorme qui nous fait oublier la relative déception d’avoir raté Blood Ceremony (qui jouait sur le même créneau dans la salle voisine).
Mothership
Même lieu, autre groupe : c’est à WO FAT de faire la fermeture de l’Underworld ce soir. Les américains jouent également devant salle comble et, contrairement à Trouble, réussiront à s’aligner sur la prestation du groupe qui les a précédé. T-shirts Nebula et Lowrider dehors, nos trois texans assurent le show et fuzzent à tout va. Vu le nombre de groupes représentés sur le côté de la scène, ce show de Wo Fat était un des plus attendus du week-end. Il tiendra toutes ses promesses.
Assoiffés de décibels, nous quittons quand même l’Underworld peu avant la fin du set pour tailler vers l’Electric Ballroom où les apôtres du metal industriel à l’anglaise viennent clore le festival. GODFLESH est là ladies & gentlemen. Déflagration sonore garantie. Justin Broadrick et G.C. Green, sous un jeu de lumière froidement apocalyptique, matraquent le Ballroom en règle juste avant minuit. La faute à WO-FAT, nous ne profiterons que du dernier quart d’heure de cette performance qui marque la toute fin de ce cinquième DESERTFEST anglais. Un DESERTFEST sans avoir vu le sorcier mais avec des riffs plein les oreilles.
Le printemps – pluvieux – s’installant, les salles de concerts refleurissent elles aussi. Après cette hibernation forcée, groupes et public prennent un foutu pied à se retrouver.
Birth of Joy, dix ans et quatre (excellents) albums, viennent nous faire faire un bon dans le temps d’une quarantaine d’années. Leur Rock Psyché de haute tenue à de quoi séduire une bonne frange de stonerheads, preuve en est qu’un certain nombre du coin y sera, dans le coin.
Le concert affichant complet, le remplissage se fait péniblement mais paisiblement.
Le Jack Jack, autre dénomination de la MJC de Bron, bourgeonne déjà bien quand Last Train prend possession des lieux. Rares privilégiés à ouvrir deux fois pour le groupe hollandais, qui n’a pas de « support » pour sa tournée et joue le plus souvent avec un groupe du cru, sympa.
Les p’tits gars de Mulhouse en veulent et s’en donnent les moyens, proposant une mixture assez habile de Blues et de Grunge dans une enveloppe bien Rock ‘n Roll. Une bonne présence et une attitude convaincante remportent à juste titre les suffrages de l’audience, en particulier grâce à un chanteur/guitariste mêlant voix éraillée et présence scénique plutôt au dessus de la moyenne. Le son est plutôt correct et la mise en bouche s’avère loin d’être désagréable.
Le plat principal, lui, sera fort, très fort. Birth Of Joy va assurément frapper à nouveau un grand coup avec son nouveau bébé « Get Well » et des prestations scéniques toujours aussi endiablées. Servis par un son implacable de puissance et de clarté, boostés par une énergie hors du commun, les dutchmen mettent tout le monde d’accord dès l’entame du set sur « Got Me Howling », axé bien entendu sur leur récente sortie qui pousse le bouchon encore un peu plus loin. Comme si trois illustres J., Bonham, Morrison et Lord, s’étaient penchés sur les hollandais, leur insufflant le meilleur des 70’s, sans toutefois omettre qu’il y a eu de sacrées bonnes choses dans la décennie précédente et même dans les années 90. Alors entre Rock à haute tension, Blues gorgé de feeling, ou riffs entêtants que ne renieraient pas bon nombre de groupes estampillés Stoner, tout ce que touche Birth of Joy se pare d’une patte unique. On sent trois musiciens à fortes personnalités qui s’expriment autant qu’ils le peuvent : Bob la tête dans le guidon tout le long, souple et solide à la fois, Kevin complètement à l’aise avec ses parties gratte et son chant varié, et un Gertjan qui fait tourner les têtes avec sa cabine Leslie et ses trois orgues dont un à sa gauche pour exécuter les lignes de basse.
En une heure et demi, on aura droit à l’interprétation quasi intégrale de « Get Well » et une sorte de résumé du répertoire précédent, forcément un peu lésé.
Tout juste sent-on que le groupe, pourtant au taquet, aurait pu être poussé encore un peu plus loin, notamment sur les passages improvisés, si le public, bruyant entre chaque morceau, avait été plus participatif pendant les chansons.
Déjà le temps du rappel et les bataves (re)quittent la scène, triomphants, et retrouvent leur public derrière le stand de merchandising pour serrer des mains, signer des trucs, et nombreux repartiront avec (au moins) un carré d’une trentaine de centimètres sous le bras, conscients du support sur laquelle la musique de Birth of Joy doit s’écouter. Chose que vous devriez, si ce n’est pas encore le cas, songer à faire derechef.
Baroness ou Blues Pills ? Ce fut le dilemme, pas si cruel que ça, à résoudre pour cette rentrée des classes de concerts dans la région lyonnaise.
L’évolution musicale du combo de Savannah l’aura vu glisser d’un sludge furieux à quelque chose de bien plus rock, voire pop sur certains aspects, mais toujours avec ce sens de l’alambiqué. Personnalité imputable à son capitaine John Baizley, désormais seul rescapé originel à bord.
Malgré cet éloignement des sphères stoneroïdes chères à nos cœurs, nous décidâmes tout de même d’aller jeter yeux et oreilles du côté d’un des groupes les plus intéressants à suivre de ces dix dernières années.
Le backdrop à l’effigie de la Baronne est déjà installé quand on rentre dans le club du Transbo qui sera plus que bien garni. Une salle qui affiche les mêmes défauts que ses charmes : sa disposition particulière (avec son bar sur le côté de la scène, aux consommations exorbitantes) et sa hauteur de plafond (cauchemar des ingés-son).
Pas de première partie donc : à 20h30 les gars, venus défendre leur nouveau rejeton Purple, montent sur scène sous les vivats de la foule, prête pour un grand moment de musique.
La sono un peu faiblarde se chauffe sur les premiers morceaux, et, joué quasiment en entier, le petit dernier passe admirablement bien en live. Son espèce de mélange bleu et jaune aurait sans doute été vert si cela n’avait pas déjà été pris. Varié dans ses ambiances, on passe de moments de beauté pure, chantants et chantés par une partie du public, à cette furie qui a fait la réputation du groupe, moindre certes mais du coup peut être plus marquante. Malgré ces indéniables qualités, les passages les plus attendus et acclamés sont les quelques extraits issus du Blue Record, « A Horse Called Golgotha » et son intro divine en tête.
Les maigres lumières se font donc majoritairement violettes ou jaunes, tentant comme elles le peuvent de renforcer l’atmosphère colorée de chaque album.
Si Cap’tain Baizley, toute barbe (noire) de cent ans dehors, s’est adouci musicalement, son attitude scénique, elle, affiche toujours la même fougue. L’homme arbore sourire large et passion dans les yeux à chaque instant, haranguant même désormais régulièrement un public – dont nombreux sont ceux qui voient le groupe pour la première fois – réceptif et enthousiaste. Passé du côté Fender de la force, le son du bonhomme s’en trouve de fait plus doux et feutré, laissant à Eric Adams, toujours aussi impressionnant fidèle second, le soin de contre-balancer avec plus d’agressivité.
L’équilibre est parfait : mélodies ou solos harmonisés, riffs puissants ou arpèges chiadés, ces deux-là se complètent à merveille en toutes circonstances.
D’autant que leur ancien point faible en live, la justesse des vocaux semble enfin en adéquation avec l’exigence qu’elle requière, poussés dans ses retranchements par Eric qui assure bien plus que des simples chœurs. On note toutefois malgré tout encore quelques signes de faiblesse et de fatigue sur la longueur du show.
La « nouvelle » section rythmique, en place depuis la moitié de la tournée précédente, si elle n’est pas dotée de la classe rare de sa prédécesseuse, n’en reste pas moins irréprochable. Parfaitement en place, Nick Jost se pare, en plus de ses quatre cordes, d’un orgue vintage qu’il fera sonner à plusieurs reprises durant l’heure et demie de set.
Précis derrière ses fûts inversés, gaucher oblige, Sebastian Thomson se révèle puissant, exécutant nouveaux comme anciens morceaux avec aisance, mais toutefois moins de folie qu’Allen Bickle.
« Anciens » étant un bien grand mot puisque aucun titre pré Blue Record ne sera interprété, plus même un petit “Isaak” ou “Grad” qui concluait jadis les concerts du groupe de la Géorgie chère à Ray Charles.
Alors autant on peut être nostalgiques des tournées Red et Blue, quand le quatuor magnifiait ses compos à l’aide d’improvisations et d’interludes ponctuant et enchaînant chaque morceau. Mais difficile de reprocher quoi que ce soit à ce Baroness « new look » qui transpire toujours autant la sincérité.
L’Oeil de Néron prend du galon. L’asso lyonnaise propose de plus en plus de plateaux différents et de qualité, dans de plus en plus d’endroits, et attire logiquement de plus en plus de monde qui gonfle petit à petit les rangs des déjà habitués. Retour au Warmaudio donc, avec une affiche à un prix décent, où 150 personnes vont terminer leur week-end dans une ambiance bon enfant, sous le signe de joyeusetés de type cervicales et houblonnées.
Sorensen
Nous arrivons (honteusement) sur les lieux un poil en retard, juste à temps pour assister tout de même à trois morceaux du duo lyonnais qui peaufine tranquillement son stoner instrumental, sludgy et travaillé. La progression en un an n’est pas fulgurante et quelques approximations dans l’exécution sont rattrapées par une implication qui fait toujours plaisir à entendre et à voir. La guitare de Martin peine étonnamment à sortir d’un mix où la batterie d’Arthur, qui cogne fort, remplit quasiment tout l’espace. Pas évident du coup de saisir toutes les subtilités des compos. Mais le potentiel est là et on a hâte de les voir passer l’étape supérieure.
Sons of Morpheus
De la Suisse, naturellement. Les trois gars de Sons of Morpheus, embarqués sur la tournée européenne des ricains, vont s’avérer être une plutôt bonne surprise. Plus Blues/Stoner que l’inverse, le trio n’aura eu besoin que d’un morceau pour se mettre dans le bain, et une bonne partie du public dans la poche. On passe rapidement outre le choc visuel à l’arrivée de Manuel sur scène, dreadlocks, pantalon slim et chapeau de sortie, mélange guitaristique physique et musical peu probable entre Jimi Hendrix, Slash et… Jamiroquai. Nul doute que l’esprit de ce premier aura plané durant ce très bon set, à coups de Stratocaster et de solos baignés d’un feeling bien identifiable et appréciable. Détail étonnant, son ampli est retourné sur scène…
Luka est un bassiste au jeu technique et au pedalboard improbable, qui lui permet de varier les sonorités tantôt claires, tantôt gorgées de fuzz.
Quant à Rudy, il tabasse ses fûts bien comme il faut, amenant des breaks bien sentis sur des morceaux parfois un brin décousus, aux changements de tempos et d’ambiances fréquents et surprenants.
On a droit à un très bon jam sur « Red House » du sus-nommé Jimi, un presque traditionnel solo avec les dents, un fort agréable deuxième tour de chauffe.
KARMA TO BURN
Simplicité, efficacité, riffs. On pourrait ainsi résumer la recette concoctée depuis deux décennies par le trio américain, ou tout du moins William Mecum, fondateur et tête pensante. Sa science du riff est imparable. Ici, pas de fioritures, pas de pedalboard envahissant, on est en mode « plug ‘n play ». Autre particularité, Karma to Burn(es) est devenu spécialiste des changements de membres depuis l’éclatement de son line-up originel et la reformation en 2009. Ainsi on a du nouveau à chaque fois qu’on les voit. Evan Devine est toujours fidèle au poste de batteur, une bonne chose tant il insuffle une dose d’énergie impressionnante et irrésistible au trio avec son jeu percutant au bord de la syncope. Rob Halkett ne sera pas resté bien longtemps au sein de la formation et son remplaçant Eric Clutter fait son taf honorablement, ni plus ni moins. On regrettera tout de même la présence scénique du bassiste de The Exploited aux dreadlocks interminables.
Comme pris au piège des morceaux qui ont fait sa renommée, K2B ne peut s’empêcher comme à chaque fois une set-list « best of », qui fait son petit ou gros effet sur le public. Rares sont ceux qui déchaînent les fans de Stoner, habituellement plus contemplatifs, qui se laissent pour le coup joyeusement aller à des pogos et autres slams. Attention, sol glissant.
Les deux nouveaux titres n’apportent rien de neuf mais le font bien en live, même s’il faut bien avouer que ce sont toujours ceux de « Wild, Wonderful… Purgatory » et « Appalachian Incantation » qui marquent le plus les nuques. Mention bien aussi au très bon « Arch Stanton », logiquement bien représenté.
William, grisonnant, commence à accuser le poids des années et n’a certes jamais été fantasque sur scène, animé par cette force tranquille qui le caractérise. Ça renvoie une légère sensation d’un show mené au métier, en roue libre, mais qui finira avec une dose d’adrénaline supplémentaire bienvenue à la suite d’un problème de gratte sur 32. Un jam sur le « Hand of Doom » de vous-savez-qui le temps de trouver une autre six cordes, forcément une Les Paul, et le set se termine endiablé sur 57 et l’obligatoire 20.
Une bonne réussite donc que cette soirée dominicale, et nul doute que les événements de ce type ont de beaux jours devant eux. Up the Néron !
La version itinérante du Up in Smoke, 7ème du nom et composée cette fois de Mars Red Sky et Stoned Jesus s’arrêtait donc cette fois-ci en la Gaule Capitale le 06 avril dernier. La France est plutôt bien fournie sur cette tournée, ce qui, convenons-en, est toujours très réjouissant.
C’est donc au Marché Gare que se déroulait la petite sauterie. Une salle située en plein cœur d’un quartier en pleine restructuration, un écrin salutaire pour le genre que nous affectionnons, à l’identité toute mignonnette. Stand de merch, bar, têtes connues et bien faites, gens souriant nous amènent tout droit vers le premier groupe.
Les locaux de Goatfather ont la charge d’ouvrir les hostilités. Et c’est une ouverture pleine de promesse qui s’offre à nous (je vous laisse digresser à votre guise). Les riffs du groupe s’accommodent bien du système son. Un poil de bourbon, un soupçon de sludge, une voix caverneuse (quand le micro ne vient pas y mettre son grain), le groupe profitera en plein de la petite demie-heure accordée pour roder ses nouveaux titres à sortir prochainement. La concentration fige un peu la prestation mais les titres passent l’épreuve du live sans trop de problème. Affaire à suivre donc.
Montée de manche, descente de bière et les ukrainiens de Stoned Jesus s’installent à leur tour. Le trio, sensation du moment, prouve que ses tournées incessantes lui ont fournit la couenne nécessaire pour tenir une assistance en haleine. Le set est un mix entre nouvel album et anciens titres (le très forcément « I’m the Mountain »), l’énergie est présente et la communication maximale. Ça pogote, ça slamme, et la formule « power-pop-stoner » fonctionne en plein auprès du public. Reste une prestation chancelante en terme de justesse et une impression de musique un peu facile pour ma part. Le public ressort suintant et lessivé, heureux comme jamais et c’est bien là l’essentiel.
La soirée étant sold-out, c’est donc devant un parterre plein que les bordelais de Mars Red Sky s’installent tranquiilou sur scène, la force tranquille faîte classe. J’étais curieux d’entendre les nouveaux morceaux en live, le nouvel album tutoyant par moments de lumineux sommets de grâce.
Force est de constater que Apex III tient la route sur scène. Le groupe a encore amélioré ses harmonies vocales. C’est fin et justement appuyé par des passages doom martelés par une section rythmique Matt/Jimmy à l’unisson. La set-list révèle un Hovering Satellite/Friendly Fire jetant un pont intéressant et logique entre les deux derniers albums. Les vidéos, l’exécution et le son de face (gloire à Dieu, leur sondier, une fois de plus) immerge complètement le public dans l’univers Mars Red Sky. Un univers personnel, forcément marqué, on adhère ou pas à leur musique, mais peu de groupes peuvent se targuer d’avoir créer leur propre grammaire et identité. N’en déplaise aux détracteurs, Mars Red Sky fait partie de cette catégorie.
C’est donc les oreilles pleines de joie et le tee-shirt de sueur que l’on quitte le Marché Gare et cette soirée savoureuse concoctée par Médiatone et L’Oeil de Néron. A la prochaine bande de Gônes ! Un immense merci à Sandie aka Noodle Photographie aka la marathonienne du live pour ses photos ! http://noodlephotos.weebly.com/
Les Stoned Gatherings, ces compagnons du devoir de la menuiserie, continuent de bâtir avec leurs plus belles bûches des soirées sentant bon la sève et la sciure. Pour nous, amoureux de la nature et des arbres, ces rendez-vous sont donc souvent immanquables. Cette fois encore, ils ont abattu un beau boulot (ou bouleau) avec une affiche 100% américaine. En tête, Brothers Of The Sonic Cloth, récent groupe de Tad Doyle, suivi de près par Behold ! The Monolith et CHRCH, tous trois ayant marqué l’année 2015 avec leur sortie d’album. Ceux qui connaissent les groupes susmentionnés commencent surement à flairer le doom à plein nez. Pour les autres, on vous laisse lire la suite.
Les bougies sont disposées sur le devant de la scène et une fragrance d’encens envahit la salle. C’est dans ce décor plein d’originalité que débute le set de CHRCH, groupe de doom extrême ayant sorti son premier album l’année dernière, intitulé Unanswered Hymns. La chanteuse entièrement vêtue de noir se déhanche dans une longue jupe et un haut laissant entrevoir son nombril de manière suggestive. Le visage est recouvert d’un léger voile et complète ainsi la panoplie de la danseuse orientale dans sa version plus mort-aux-rats que loukoum-à-la-rose. CHRCH livre un doom extra-lent et lourd, plombé par les cris hystériques de notre Shéhérazade gothique. Et quand elle ne crie pas, sa voix est presque inaudible. Il faut dire que la basse bourrée de distorsion, la frappe de brute du batteur et la guitare accordée 8 tons sous-terre n’aident pas à mettre en avant cette fréquence féminine. Le tout donne une ambiance assez angoissante, et c’est surement l’effet voulu par le groupe.
Après autant de lenteur, on attend Behold ! The Monolith avec impatience. Au premier morceau, la guitare et la basse manquent clairement de puissance et l’ensemble est sévèrement mollasson. Ô Dieu des troubadours électriques, pourquoi ? L’année dernière, Architects of the Void nous avais mis une grosse déculotté et c’est avec un plaisir non feint qu’on les retrouvait ce soir en live. Mais rien n’y fait, on commence à sérieusement s’inquiéter et à se poser des questions sur notre existence et notre place dans cet univers impitoyable. Heureusement, le problème est directement réglé grâce au chanteur himself, qui demande à ce qu’on monte le volume des deux instrumentistes, et aux doigts bénis de l’ingénieur son qui répondent à l’appel. Sitôt le problème résolu, le Behold ! The Monolith qu’on connait est de retour et notre frayeur est vite disparue. Des passages doom écrasants laissant la place à des envolées de riffs flirtants avec le thrash, des soli bluesy, voilà le pot-(pas du tout)-pourri que nous propose Behold ! The Monolith. Devant un batteur au jeu très varié, le chanteur Jordan Nalley, un pied posé sur l’enceinte, la chevelure au vent et l’aplomb du guerrier, excelle dans son rôle de leader à la tête de ce commando de guerriers du son. Un set à la puissance infaillible et la complexité insoupçonnée. On peut le dire puisqu’on l’a vu: c’est bien d’un monolithe dont il s’agit.
C’est une légende qui s’apprête à monter sur scène. Tad Doyle fut le guitariste et chanteur de Tad, groupe formé en 1988 à Seattle qui, en plus d’une discographie imposante, a laissé une empreinte indélébile dans le mouvement grunge de l’époque. Ce vieux singe du riff nous revient accompagné de son nouveau groupe, Brothers of the Sonic Cloth, auteur d’un premier album éponyme sorti l’année dernière. L’homme a évidemment gardé son goût des guitares saturées mais s’est à présent tourné vers une ambiance plus sludgienne, avec un chant résolument plus hardcore.
Le géant à la barbichette blanche arrive équipé d’une casquette visée jusqu’aux yeux et d’un jogging assez large pour y faire rentrer plusieurs sosies de Carlos. Le visage marqué d’un air de gros vilain, il semble tout droit sorti d’une bande dessiné, tant son personnage est à la fois caricatural et impressionnant, ce qui le rend contre toute attente particulièrement attachant. Avec Brothers of the Sonic Cloth, on a droit à un sludge crade à souhait ponctué d’épaisses ambiances doom. Mais surtout, on retrouve ce fil conducteur omniprésent, ce sens indiscutable de la mélodie qui nous rappelle que l’on à affaire à un savant du riff tripotant son manche (de guitare) depuis une trentaine d’années à la recherche de la bûche parfaite. Et on vous confirme, il en a trouvé plus d’une, le bougre.
Encore une fois une belle réussite pour les Stoned Gatherings qui étaient plus Doomed que Stoned ce soir. Mais comme a dit ce cher Alfred, qu’importe le nom, pourvu qu’on ait l’ivresse. Merci Alfred !
Une seule date française pour un des groupes les plus excitants et riches musicalement de ces derniers mois. Une seule date, donc, une date parisienne. Je ne suis plus totalement objectif avec All Them Witches, je me devais donc de faire le déplacement depuis ma Gaule capitale.
L’occasion pour le petit provincial que je suis de découvrir La Mécanique Ondulatoire. Et, merveille de timing, de tailler le bout d’gras avec Charles Michael Parks, Jr., le bassiste chanteur de la formation présent au stand de merch, débardeur sur les épaules et lunettes aux montures 80’s vissées sur les oreilles. L’occasion de parler de Elder, de la compilation hommage à Hendrix, de la frustration mais aussi de l’excitation du groupe à jouer dans la plus petite salle de la tournée, de l’enregistrement du futur album cet été, de l’importance des vinyls de papa et maman…
La bière descend tranquillement le long de mon gosier alors que mes pas me guident dans la cave voûtée de la Méca. Une quinzaine de mètres de long, une petite scène légèrement sur-élevée, un cauchemar pour le Hobbit que je suis. Et PAUW de s’installer. Hollandais, cheveux soyeux, dégaine 60’s, voix sucrée à la Tahiti 80. Une douceur psychédélique s’empare du public, les nappes synthétiques préparent habilement au concert suivant. Un choix judicieux que cette première partie, pas transcendante mais cohérente sur cette affiche.
Après un changement de plateau efficace et une discussion avec un grand autochtone chauve, grand et sympathique, s’installe All Them Witches.
Les quatre lascars vont nous gratifier de quasi 2 heures de show. 2 heures d’équilibre entre folk ciselée (le combo “Call me Star”/”Open Passageways”), impro hypnotique et rampante sur une dizaine de minutes, messe salace sur un “Dirt Preacher” qui verra naître quelques slams souterrains. La part belle est faite au dernier album. “C’est du sucre ça madame, de la pâtisserie dentelle de compétition ça m’sieur, goûtez-moi donc ce “Talisman-Blood and Sand”/ “Milk and Endless Waters” !”. L’entente entre les gonzes de Nashville est flagrante. Ça tricote dans la soie et l’écoute mutuelle est permanente. Les guirlandes de notes tressées par le claviériste trouvent le juste chemin entre les frappes sèches du batteur et les guitares tantôt blues ou aériennes. La richesse du combo trouve sur album un écrin de production propice à l’expression. Ce soir la Méca n’est pas en reste puisque le son est à la hauteur de la musique proposée. Précis, sec, à l’équilibre juste.
Le combo ne semble pas vouloir s’arrêter. A vrai dire, le public ne le souhaite pas non plus. On ressort tout émoustillé de la performance, heureux d’avoir vécu un moment privilégié dans ce petit lieu plein de charme. All Them Witches vient de me convaincre sur scène après m’avoir conquis sur album. Passe ton chemin, chercheur d’embrouille, je les aimeuh et te conseille vivement de les écouter ! Laisse parler ton cœur jeune loubard.
Pouvoir profiter de trois grosses têtes d’affiche le même soir et au même endroit, c’est quand même quelque chose de fort appréciable. Le Up in Smoke Tour ou Roadfestival nous a encore concocté un menu des plus exotiques : succulent tartare polonais, poulet à la Kiev ukrainienne et cannelés bordelais. Autant vous dire qu’on s’est régalé.
Tandis que la salle se remplit, que le bar du bas devient rapidement inaccessible et que les curieux repèrent leurs futurs achats de merchandising. Belzebong ne se fait pas attendre et ouvre dans une ambiance des plus verdoyantes. Amis photographes, bon courage pour réussir à capter un beau cliché. Les Polonais commencent dès lors à ronger la salle à coup de larsens et de cymbales qui frétillent, puis, c’est la grosse détonation sonore qui s’invite à la fête. Le quatuor était clairement attendu par un public conquis dès les premières notes. On remue la tête au rythme hyper lent et tellement jouissif d’un gros son tellement gras, lourd et hypnotique. Ici, pas besoin de teinte vocale, juste une ambiance instrumentale, qui chante bien plus que certains groupes, accompagnée de longs cheveux qui se balancent. Le show du groupe est d’une telle intensité que le temps passe beaucoup trop vite. C’est déjà la fin que le public reste perché et en redemande.
Pas de souci, Stoned Jesus ouvre très rapidement à travers un style complètement différent du Doom/Stoner des Polonais. Cette fois-ci le trio, aux sonorités tout de même bien puissantes et lourdes, donne dans un Stoner plus rythmé et plus chaleureux. Le chanteur n’y est pas pour rien, puisqu’il réussit très vite à entrainer le public dans une osmose plus groovy. Le groupe propose ainsi de nombreux titres provenant de toute leur discographie : « Rituals Of The Sun », « Wound », « The Mountain » ou bien encore « Stormy Monday ». Bien qu’il demeure quelques incohérences de mixages quant à la sous exploitation des effets sur la voix, Stoned Jesus passe bien au dessus de tout ça. En effet, le groupe n’hésite pas à rendre un fervent hommage aux victimes du Bataclan en 2015 en renchérissant sur une très bonne reprise de David Bowie : « Lazarus ». Enfin, même les plus sceptiques se voient envoutés par la superbe « Bright Like The Morning » qui engage le public dans une folle danse mystique. On en veut encore !!!
Puis le dernier tour arrive déjà ! Que ça passe vite ! Mars Red Sky affiche une grande classe et beaucoup de joie à jouer devant son public français. Rien d’étonnant quand on vient de sortir ce très bon album qu’est Apex III. L’ambiance globale est vraiment très bonne et bien maîtrisée. Et, pour ceux qui ont déjà eu le plaisir de voir le trio bordelais sur scène, il est clair qu’il maitrise de mieux en mieux le son : gras, lourd, mélodique à souhait et planant. Une grosse ovation est à faire au batteur Matgaz, qui s’est tellement intégré au groupe qu’il en est devenu une pièce maîtresse, de par son efficacité et sa perfection rythmique. Puis de manière générale, on ne peut qu’applaudir le professionnalisme du groupe victime de problèmes techniques (une panne de courant pour le bassiste Jimmy Kinast) et assurant tout de même le show. Sans oublier la sensible et limpide voix de Julien Pras et son jeu de guitare aux multiples effets. Comment ne pas en être autrement quand on enchaine des titres comme « The Light Beyond », « Curse » (malheureusement avorté par le problème technique), ou encore la grandiose « Strong Reflection ». Mais me direz-vous, et les nouveaux morceaux ? C’est un peu la seule chose que certains pourront reprocher à Mars Red Sky puisqu’ils n’interprèteront que très peu de morceaux appartenant à Apex III : « Alien Grounds/ Apex III », « Mindreader « , sans oublier l’exclusive « Shot in Providence ». Mais en une seule heure de concert, on ne va pas se plaindre.
Donc au final, un super concert avec une très bonne ambiance que l’on doit au public bien déjanté et aux trois groupes de la soirée qui nous ont offert une superbe soirée. Même s’il est vrai qu’un changement d’ordre de passage de groupes du genre Stoned Jesus, Mars Red Sky et Belzebong aurait certainement apporté une dynamique encore plus dense et mémorable. Mais bon, ce n’est qu’un détail et on a hâte de retrouver chacune de ces formations pour d’autres aventures musicales.