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Voilà certainement l’un des concerts les plus attendus (voire surveillé ?) de l’année. Les Eagles of Death Metal et White Miles, présents au Bataclan lors des attentats du 13 novembre 2015, viennent finir ce qu’ils avaient commencé, et en partie en présence de leur public de survivants, invité pour l’occasion. Ceux qui suivent et apprécient les EODM le savent, les écouter au casque c’est bien, vous taperez du pied et un léger déhanché pourrait vous faire bousculer votre voisine de galère dans le métro. Mais les vivre en live, c’est la promesse d’une communion avec l’un des frontman les plus cool qui soit : Jesse Hugues. Il y a déjà dix ans, je pouvais lire des interviews où Jesse racontait qu’il se considérait d’abord comme un performer plutôt que comme un chanteur. La différence tient principalement dans le fait que sur scène, il n’est pas dans la concentration ou l’émotion pure, mais dans l’énergie. Une énergie qu’il injecte directement dans son public. En peu de temps, il s’est construit une chapelle, entouré de ses amis (Dave Catching, Joey Castillo, Brian O’Connor, Josh Homme, etc.), et de ses fidèles (son public), même si aujourd’hui la frontière n’existe plus.
Qu’est-ce qu’on cherche en allant voir les EODM, nous ses fidèles amis ? Le renouveau d’un genre un peu old-school ? Des moustaches ? L’amour de la balance parfaite ? La virtuosité peut être ? Bien sûr que non. On ne cherche rien. On sait que pendant 1h30 on va se prendre une dose d’énergie, d’amour collectif et un peu d’espoir en prime. Tout cela mené par l’un des derniers artistes rock capables de faire ressentir au public une réelle proximité, non feinte, non intéressée. Et ce même en étant caricatural à l’extrême avec ses classiques « vous êtes le meilleur public de tous les temps », affirmation génératrice de sourires, de rires et de bons mots dans l’audience. Et surtout, peu importe tout le reste, qui intéresse tant les individus mal informés et incapables de différencier un homme de sa musique, incapables de respecter ce qu’ils ne comprennent pas. Bien sûr, le groupe en lui-même, parfois mouvant mais avec des nouveaux toujours bien accueillis par le public, participe à cette ambiance. En particulier Dave Catching et ses concours de guitar-hero contre Jesse en fin de show, un autre classique. Évidemment, mes propos sont subjectifs, la musique c’est d’abord les tripes. A vous de voir si vous vous y retrouvez un minimum mais ici, je ne cherche pas le consensus. Enfin voilà ce que j’attends, moi et quelques autres certainement, des EODM sur scène.
Et c’est exactement ce que nous avions le 13 novembre dernier. Pour mon septième concert face à eux, il faut bien dire qu’ils m’avaient presque surpris. On ne va pas se mentir, la communion avec le groupe se fait plus ou moins en fonction des concerts. Cette fois, et dès leur entrée, c’est l’ensemble de la salle qui semble prendre son pied. Pas besoin de se trouver comprimé aux premiers rangs, l’énergie est conductible. Jesse en fait des caisses. Lorsqu’il nous dit qu’on est le meilleur public, cela à un arrière-goût de vérité. Les tubes s’enchaînent. On retrouve les classiques que nous connaissons par cœur (et on le fait savoir) et les nouvelles passent l’épreuve du live sans ciller. La suite, c’est un gâchis. L’écrit n’est plus tolérable. Mais du fond de l’abysse, certains s’en sont sortis et survivent.
Trois mois plus tard, à entendre Jesse entre deux de ses sanglots, l’ensemble des personnes touchées par les évènements sont en droit d’exiger la guérison. Il promet qu’on laissera, comme lui, cette merde aux portes de l’Olympia. Il promet un spectacle à nul autre pareil, l’apothéose nous attend. Jesse reste un gourou, que peut-il dire d’autre ? Le public est différent. Évidemment, chacun avait ses raisons pour venir. Les victimes côtoient les familles de victimes, les potes de victimes, les fans, les journalistes et les personnes venues soutenir une idée. Étrange ambiance forcément. Il semble que tout le monde se regarde plus que d’ordinaire pour tenter de capter un fragment de quelque chose chez l’autre. Une fois dans la salle, la sécurité, les services de santé et les caméras de télévision sont moins visibles, les personnes moins distinguables les unes des autres, les repères plus classiques. Résonne alors « Il est cinq heures, Paris s’éveille ». La communion est forte et sincère, le plaisir palpable des deux côtés. Le groupe, accompagné de Josh Homme à la batterie, venu uniquement pour la date parisienne de la tournée et alors que son fils vient tout juste de naître, démarre sur « I Only Want You », tube parmi les tubes. Le groupe interrompt alors le morceau pour laisser place à un moment de silence. Silence lui-même stoppé par deux sacs à merde. Événement révélant que, définitivement, tout le monde ne cherche pas la même chose ce soir.
Heureusement, cet état de grâce de la bêtise, qui aura interrompu le moment d’émotion de la soirée le plus connecté aux évènements, sera étouffé par la prestation scénique du groupe qui fait son maximum pour nous gaver d’énergie et d’amour. Comme au Trianon en 2014, il y a deux batteries sur scène, Julian Dorio prenant rapidement le contrôle de la deuxième. Des batteries pas forcément en action simultanée d’ailleurs, Josh et Julian se permettant alors de feuilleter un magazine tout en donnant l’air d’être passionnés par ce qu’ils y découvrent. Un moyen comme un autre de détendre l’atmosphère. Dave Catching sera un brin plus présent que d’habitude et entrainera sans cesse la foule à acclamer presque tout et n’importe quoi. Julian Dorio et Matt McJunkins font le taff et le second, qui porte la basse, est bien plus à l’aise avec la scène et le public que lors de la date au Trianon. Eden Galindo viendra prendre de temps à autres la guitare et Tuesday Cross fera une rapide apparition en fond de scène, pour tripoter quelque chose qui fait du bruit. Jesse est complètement habité. Il nous gratifie de sa très fameuse danse de la poule qui reste une curiosité gênante et originale. Il s’acharnera également à détruire sa guitare sur scène dans une attitude « classic rock » ; mouvement d’humeur résultant peut-être de la frustration générée par un problème de santé à la main, qui vient de leur faire annuler la tournée européenne. Un moment assez jouissif, il faut bien le dire. Deux grandes banderoles sont déroulées pour habiller la scène de fioritures, pas nécessaire mais pas désagréables. En somme une première partie de show très propre qui se termine sur « Wannabe in Paris », où l’énergie semble gagner une bonne part de l’audience, une partie aussi très classique. Les morceaux de leurs quatre productions s’enchaînent, le groupe est heureux d’être là, Jesse est loquace, mais il manque encore quelque chose.
Pour ma part, les deux rappels qui suivent sont autrement plus intéressants. Le public semble avoir pris ses marques, s’être un peu détendu. L’urgence qui suintait de quelques endroits dans la fosse est plus contrôlée. L’ambiance est plus saine. Jesse revient d’abord seul sur scène avec sa guitare tricolore. Un moment d’échange plus intimiste et nécessaire à mon sens. Ce premier rappel se termine sur l’habituelle et toujours fédératrice reprise de « Brown Sugar ». Le second démarre avec la reprise de Duran Duran « Save a Prayer », l’un des meilleurs morceaux du dernier album, l’un des plus originaux de la carrière du groupe et une énorme réussite sur scène. Quand enfin « Speaking in Tongues » démarre, on sait trois choses. Que c’est le dernier morceau de la soirée. Que le morceau est énorme. Que le morceau voit Dave et Jesse s’affronter pour le concours du « meilleur » solo. Pendant une dizaine de minutes, le groupe va donc, certes interpréter le morceau, mais surtout improviser un concours de solo général. Les musiciens s’en amusent et Matt répond d’abord de manière ironique avant de se laisser aller quelques secondes. Josh quant à lui invente presque devant nous un genre de comique de répétition : multiplier ad nauseam les solos de batterie avortés tout en mimant un air de connard. On arrive à un point où des blancs musicaux s’installent, où ils enchaînent les blagues et il ne manque plus rien pour se sentir avec eux dans une salle de répète, ou au Rancho de la Luna tant qu’à faire. Ils veulent faire durer le plaisir et nous aussi, définitivement. Jesse vaincra finalement Dave en utilisant un stratagème, celui de s’éclipser pour réapparaitre sur le balcon face à la scène, de manière à lui asséner son style avec une autre envergure. Quelques fortes embrassades avec le public plus tard, le groupe finit par finir le morceau, et le concert.
Je ne crois pas que ce concert devait agir comme la catharsis ultime, comme l’a présenté Jesse. En tout cas, il n’était certainement pas obligatoire. Leur simple venue reste un symbole fort qui en dit beaucoup sur les liens qui nous unissent désormais. Il reste que ce concert a surement été utile pour nombre de personnes et tant mieux. Mais c’était avant tout un concert de rock. En cela, son pouvoir est malheureusement limité.
Deux ans après la première édition, les Blackened Gatherings sont de retour au Glazart avec une affiche assez… noire, en toute logique. Au delà du genre musical, le « black » dans son sens le plus large vient ici qualifier le penchant de chacun des groupes pour les ambiances sombres. On retrouve donc une programmation assez éclectique, avec Au-Dessus, Wheelfall, Saturnalia Temple et Hooded Menace. Chronique de l’obscurité ci-contre.
Malheureusement, nous ratons la prestation d’Au-Dessus, qui, comme son nom ne l’indique pas, est un groupe lituanien de black metal. Dommage, les retours de nos amis présents à ce moment sont très bons.
Dans une fumée épaisse masquant chacun des 5 membres, Wheelfall développe un post-metal teinté de sludge aux multiples ambiances, rappelant la noirceur d’un Neurosis. La présence du clavier tenu par Thibaut, qui alterne aussi avec la guitare, portant au nombre de trois les 6 cordes du groupe, enrichit à merveille la musique du groupe. La section rythmique basse/batterie est très présente et relaye parfois au second plan les trois guitares, qu’on regrette de ne pas mieux discerner. La voix de Fabien, éraillé et sonnant comme étouffé, colle parfaitement à l’atmosphère sombre, dans laquelle on est très rapidement emporté. Une bonne mise en bouche pour la suite.
Entre vieilles reliques et longues bougies noires, la scène s’est transformée en véritable autel chamanique. Des vapeurs d’encens envahissent la salle et Saturnalia Temple débute son set.
Les trois mousquetaires du doom (comparaison facile au vu de la petite barbichette de Tommie, le guitariste/chanteur) nous font trembler les organes avec des riffs tout droit sortis du tréfonds des Enfers et nous emmènent dans des contrés plus planantes à renfort de soli bien barrés. Tommie utilise pour ça une multitude d’effets dans laquelle il se perd un peu. Il semble parfois ne pas trop savoir quoi faire de tout ça, et l’utilisation du pedalboard se révèle légèrement hasardeuse et souvent superflue. On est franchement plus conquis par les passages en clean avec de bonnes vieilles sonorités blues. Le chant est quant à lui volontairement mal articulé et retentit comme les incantations d’un vieux mage noir grigou. Résultat, une séance de doom occulte tout de même assez convaincante.
Comme le veut le nom du groupe, les membres d’Hooded Menace ont tous vissé leur plus belle capuche et font dos au public. Les sinistres cloches de l’intro du dernier album « Darkness Drips Forth » retentissent et ouvrent la procession funéraire. L’accordage est bas, très bas, et le son est caverneux. Les 4 finlandais refont surface pour l’occasion mais dès le concert terminé, ils ne tarderont pas à rejoindre la crypte envahie par la poussière et les toiles d’araignées qui leur fait office de lieu de vie. C’est l’impression que l’on a face aux vocaux death du bassiste et chanteur Markus, et face aux lugubres guitares et au tempo proboscidien de la batterie. Parce que Hooded Menace, c’est un groupe de death à qui l’on aurait refilé une boîte d’anxiolytique et un exemplaire du Necronomicon, l’un pour anéantir une quelconque envie de dépasser les 80bpm, et l’autre pour leur donner ce goût de l’horreur et du macabre. Le résultat n’a plus vraiment grand chose à voir avec l’original, mais c’est pas grave, ça fonctionne tout aussi bien. Seul bémol, les conditions du live nous permettent moins d’apercevoir les subtilités au travers de ces sonorités ténébreuses qu’une écoute d’album, le casque hi-fi en guise de capuche et le potard des basses sur 10.
Mais cela ne gêne apparement pas grand monde, puisque le public réclame même un rappel, auquel le groupe répond positivement, évidemment.
C’est un fait, les Blackened Gatherings n’ont ce soir pas attiré autant de monde que ne l’aurait fait son réputé grand frère des Stoned Gatherings. Peut-être l’appellation a-t-elle rebuté certains habitués, pensant à tort que la soirée serait trop différente qu’à l’accoutumé. Pourtant, on trouve quand même une grande cohérence musicale entre tous ces Gatherings, avec toujours cet inépuisable amour du gras et du riff. Le tout dans une bonne ambiance. Alors la prochaine fois, ne soyez pas frileux, foncez, parce que c’est du bon.
Face à l’affluence devant le Divan du Monde à pourtant une heure du début du concert, le constat s’impose : le Up In Smoke 6 était très attendu. Un an après la dernière édition, le festival revient dans la même salle parisienne avec à l’affiche Mammoth Mammoth, Greenleaf et My Sleeping Karma. Dans la longue file d’attente, on s’interroge sur cette soirée à guichet fermé. Un regain d’intérêt pour le stoner en France ? Une folle envie de déguster une onéreuse mais néanmoins désaltérante (c’est bien sa seule qualité) bière brassée à l’eau ? Ou tout simplement la présence d’un groupe finalement assez rare dans l’Hexagone et pourtant très apprécié, j’ai nommé My Sleeping Karma ? Ouais, cette dernière proposition semble quand même la plus probable.
Veste en jean, bière et Jack dans les mains, le chanteur de Mammoth Mammoth fait son entrée sur scène entouré de ses musiciens, un bassiste masqué par un bandana tête de mort, un batteur aux gros bras qui tient ses baguettes à l’envers pour mieux maltraiter sa caisse claire, et un guitariste avec une Flying V et une veste en peau… de mammouth, on suppose.
Le spectacle ne laisse pas vraiment de place au doute : aucun interprétation de la symphonie en mi bémol de Stravinsky n’est au programme. Uniquement du gros hard qui tâche comme savent si bien le faire les australiens. Tiens, d’ailleurs, c’est de là que vient le groupe. Power chords simples et entêtants, morceaux concis et rapides, voix criarde, saturation au poil… tout y est. Il manque juste le port du short d’écolier. Et l’originalité. En tout cas, le groupe déborde d’énergie et les ébats du chanteur descendu dans la fosse font plaisir à voir et suffisent pour chauffer le public comme il faut, surtout après la reprise du célèbre « Kick Out The Jams » du MC5 qui vient clôturer le concert.
Alors qu’il vient de pondre un album tout chaud, Greenleaf choisit d’ouvrir avec le titre éponyme de leur précédent album, « Trails & Passes ». Un choix qui peut paraître bizarre mais qui à vrai dire n’a pas trop d’importance puisque le titre joue parfaitement son rôle de « coucou-c’est-nous-Greenleaf-on-vient-vous-botter-les-fesses ». Greenleaf, c’est le savoir-faire ancestral du riff par un maître du genre, Tommi Holappa (guitariste de Dozer, excusez du peu), rehaussé par la voix lisse et propre d’Arvid Jonsson, pour emmener le tout dans un registre rock heavy qui remue les esgourdes. On a donc droit à des moments où Arvid a toute sa place pour nous démontrer ses capacités de vocaliste, ce qu’il fait admirablement bien, mais aussi à des moments plus instrumentaux qui déchainent la foule. La communion entre ses membres semble parfaite, et c’est probant sur le very bluesy « Stray Bullet Woman », qui donne lieu à une petite improvisation démontrant toute l’aisance du groupe. Les titres du nouvel album, finalement peu nombreux ce soir, se prêtent à merveille au condition du live et viennent agrandir la liste des tubes du groupe, comme « A Million Fireflies » ou « The Golden Throne ». Né à l’origine comme side project de Dozer, Greenleaf nous donne décidément l’impression d’être maintenant un groupe à part entière tant il fonctionne bien.
Accompagné d’images vidéos projetées sur une toile au fond de la scène, My Sleeping Karma nous met directement dans l’ambiance avec les premières notes de son magnifique « Ahimsa », qui résume à lui seul l’étendue sonore du groupe : ambiances méditatives et relaxantes noyées dans la reverb et le delay et passages plus pêchus avec toujours un fil mélodique bien distinct. Le tonnerre d’applaudissement et les véritables ovations entre chaque morceau confirment nos suppositions : le public est ravi de voir les allemands ce soir et en profite pour leur faire savoir. Du genre « putain, ça faisait longtemps qu’on attendait ça, merci ». Matte, le bassiste, répond à l’appel et hurle un « putain de merde bonsoir Paris ! », et balance le pied de micro à plusieurs reprises, que Seppi, le guitariste, ramassera calmement. Certaines personnes ont aussi commencé à prendre l’intitulé du festival au pied de la lettre et quelques effluences cannabiques se font sentir. La magie opère et tout le monde est emporté dans l’univers envoutant du groupe. Moins perceptible sur album, la virtuosité du batteur est flagrante en live. Son jeu est fin, subtil, intelligent, et dynamise énormément la musique du groupe. Les bombes « Tamas » ou encore « Ephedra » s’enchainent, jusqu’au rappel sur « Hymn72 », avant lequel le public souhaitera en choeur un joyeux anniversaire à Matte, qui semble très ému de l’attention.
My Sleeping Karma est un groupe authentique, qui reste sincère même face à 500 personnes et qui en aucun cas ne joue de sa notoriété, pourtant bien plus importante que d’autres aux pieds ne touchant plus le sol. C’est peut être une des raisons pour lesquelles il fédère un si large public, et que l’on ne croisait pas que des gros barbus en veste à patch ce soir au Divan du Monde.
De bons groupes et un public très réceptif, super soirée et belle reprise pour le Up In Smoke, qui remet le couvert le 4 mars avec Mars Red Sky, Stoned Jesus et Belzebong. On y sera aussi !
« Un tapage Diurne pendant les balances », bienvenue dans le monde de Truckfighters. On peut le dire de suite, ceux qui étaient présents à ce concert, placé sous le signe de l’exclusivité, vont s’en souvenir pendant encore très longtemps. Accueillis chaleureusement au Carré de Saint Cloud (d’un effectif allant de 350 à 400 personnes) et peu habitué aux tons ravageurs de la distorsion Fuzz, c’est dans une ambiance dégageant la bonne humeur et le sourire que nous avons pu assister à un concert extraordinaire.
Juste le temps de discuter avec l’équipe technique bénévole qu’on ressent une certaine crainte de trop gros «volume» tant ils nous avertissent que ça jouera très fort. Sommes nous étonnés ? Pas vraiment quand on sait que le guitariste Dango donne tout d’un point de vue scénique et sonore. On apprend par ailleurs que les Scandinavesnous font un grand honneur de venir jouer ce soir, en ayant fait un aller-retour Suède-France. Car étant en plein enregistrement studio pour leur nouvel album, il n’y a aucune autre date de prévue pour le groupe.
Ce sont les Français de Livingstone, donnant un Rock aux sonorités Blues sudistes, qui ouvrent le bal. Ce power trio, qui rappelle des groupes tels que Rival Sons ou encore Black Keys, dégage une très bonne énergie. On sent qu’une partie du public est venu les soutenir et le groupe le rend vraiment bien. Le duo chanteur/guitariste et bassiste fonctionne à merveille : une bonne présence scénique doublée d’une qualité instrumentale au top. A cela s’ajoute une très bonne voix qui s’équilibre autour d’un chant puissant et mélodique, avec quelques brièvetés plus intimes. Le seul petit hic réside dans la prestance rythmique qui est bonne mais qui ne donne pas assez dans la nuance, voire qui se répète en ne s’extirpant pas de son schéma Blues. Mais au final, le groupe remplit avec brio le contrat d’ouvrir pour les Suédois, car le public est déjà bien chaud.
Juste le temps de reprendre un verre que déjà Truckfighters envoie un énormissime « Mind Control ». Déjà bien puissant en ouverture de leur album Universe, le titre prend tout son sens en live puisque déjà, les slams et divers pogos s’invitent à la fête. Le guitariste Dango est possédé par le démon de la Fuzz, le batteur El Danno contrôle le rythme à la perfection en dégageant une réelle puissance et un groove certain. Et, le chanteur/bassiste Ozo, de nature plus discrète, n’en demeure pas moins un formidable capteur d’attention. S’enchaine alors la très bonne chanson « Monte Gargano » qui nous en met plein les yeux. Vous avez dit trop fort ?! Tout le monde semble ravi, et déjà on se dit que le volume sonore est génial. On regrette seulement de ne pas entendre assez la voix d’Ozo, qui aurait mérité quelques petits effets et autres chorus. Mais l’arrivée du morceau « Mastodont » nous fait oublier ce petit souci. Ce qui est vraiment frappant, c’est cette prestance scénique et la grande classe que le groupe a en réinterprétant chacun de ses morceaux. En effet, les Suédois maîtrisent leur show à la perfection, tout en nous proposant de voyager différemment que sur leurs différents albums, et ce, sans jamais nous ennuyer.
En plus d’être énergique et chaleureux, le groupe nous offre un magnifique cadeau en interprétant deux nouveaux titres (dont les noms m’ont échappé) qui respirent la fraicheur. Ce qui est sûr, c’est que le successeur de Universe s’annonce comme une future nouvelle pépite. Puis avant de marquer une courte pause, le trio interprète avec toujours autant de brio « The Chairman ». Enfin, on se dit qu’il manque la pierre angulaire du groupe. Pas de panique, ils reviennent nous interpréter deux chansons du premier opus : « Manhattan Project » et la très attendue « Desert Cruiser ». Un final des plus puissants pour un trio authentique et tout bonnement enchanté de pouvoir jouer devant son public français.
Vous l’aurez compris, Truckfighters a fait une prestation scénique des plus honorables, eux qui souhaitaient pouvoir venir jouer plus souvent dans l’Hexagone. A cela s’ajoutent de très beaux cadeaux en ayant pris la peine de faire l’aller-retour et d’offrir deux nouveaux titres. Puis avant de partir, un petit remerciement auprès du groupe qui me confiera que le prochain album sera « normalement » disponible pour septembre-octobre 2016. On a hâte !!!
Un concert acoustique donné par John Garcia ? Il était impossible de louper ce concept monté par l’homme du désert qui aura tant bercé nos années Stoner. Accompagné de son guitariste et ami Ehren Groban (avec qui il a composé et enregistré une partie de son premier album solo), le duo nous a embarqué pour un moment fort en émotion, le tout dans une ambiance des plus intimistes.
Car pour ceux qui connaissent l’Archipel (ce n’était pas mon cas), on peut dire qu’il est fort intéressant de recevoir un grand ponte de l’univers Stoner-Rock dans un endroit qui servait autrefois de couvent au XIXème siècle. Mis à la disposition de l’association Aurore depuis 2012, cet espace ‘’atypique’’, comme ils le décrivent eux-mêmes, nous offre un cadre mélangeant édifice religieux et bibliothèque de la Belle Epoque. On ressent tout de suite quelque chose de très solennel, comme une agréable pesanteur.
Le concert s’ouvre avec Bellhound Choir, projet solo lancé par Christian Hede Madsen (l’ex frontman de Pet The Preacher) qui nous fait découvrir son décor musical des plus personnels. Bien qu’au départ, il faut un certain laps de temps avant de rentrer dedans, l’artiste nous emmène dans son univers. Une guitare électrique, une petite distorsion qui se suffit à elle même, et, une voix envoutante, grave, pleine de saveurs. La salle se remplit tout doucement, que déjà, Bellhound Choir sursaute de titres en titres avec une grande authenticité artistique. L’homme est heureux de jouer en ce lieu, de vibrer dans une ambiance chaude et parsemée de lights aux teintes bleues et vertes. Le public est conquis, il s’évade tout doucement et ses applaudissements retentissent dans toute cette pièce aux teintes médiévales. Car l’Archipel y est pour beaucoup, la réverbération est juste parfaite pour un line up acoustique. Tout le monde sourit, le musicien nous offre ses chansons à des rythmes très proches mais qui diffèrent en vélocité selon la prestance vocale : Douce, rocailleuse voire très émotive. Le tout révélant une couleur musicale dark, blues, un peu Stoner et surtout remplie d’humanité. Après une bonne grosse demi-heure de set, c’est donc sur une très bonne impression, et un tonnerre d’applaudissements, que cet artiste prometteur nous laisse. Juste le temps de respirer cinq minutes avant l’arrivée de Mister Garcia.
Verres à la main et acclamés de toute part, arrivent le duo John Garcia et Ehren Groban. Le concept est simple : une guitare, une voix, quelques percussions. Le tout joué autour d’une petit table basse où sont disposées différentes boissons (alcoolisées ou non), ainsi que de charmants fauteuils et un canapé du temps de nos grands-mères. Un arrière plan composé d’un fond de bibliothèque et de ses milliers de livres ; c’est comme si on se faisait une bonne soirée entre amis à la maison. Ce qu’on ressent tout de suite, c’est cette envie de jouer, ce sourire et cette bonne humeur que dégagent les deux hommes. Ce soir, on est vraiment en train de tailler une bavette avec l’ancien chanteur de Kyuss, car d’une manière très humble, il n’hésite pas à nous parler entre chaque chanson, non pas seulement pour savoir si tout va bien, mais pour nous raconter des bribes de vies. La sienne, celle de son guitariste, de sa joie de donner ce concert acoustique empruntant les sonorités de toute sa carrière.
Ainsi John Garcia commence en expliquant qu’il entend donner un petit show sympa, tranquillement, comme ils ont l’habitude de le faire chez eux à Palm Springs. Le public est tout de suite invité à s’approcher et à profiter pendant plus d’une heure. Le show démarre fort avec un « Phototropic » de Kyuss des plus ravageurs. Car en effet, même en acoustique, les deux comparses arrivent à retraduire, tout du long, la fougue Stoner, habituellement amenée par du gros son électrique bien lourd. Ici, le génie artistique suffit à nous plonger dans les morceaux issus de la discographie du chanteur, et, surtout de l’album solo du Californien. On y retrouve respectivement « Her Bullet’s Energy »,« 5000 Miles » (ce dernier en profite pour nous rappeler que c’est son copain Danko Jones qui l’a écrit), « Argleben » et « The Blvd ». L’exclusivité est d’ailleurs à l’honneur, puisque qu’ils nous proposent plusieurs nouveaux morceaux : « Kentucky », « Don’t Even Think About It » ainsi que « Cheyteilla » dont Garcia ironisera en nous demandant de ne pas chercher à l’épeler.
Et c’est vraiment dans une ambiance bon enfant que l’ensemble de l’Archipel se délecte de ce moment tellement exceptionnel, porté par une voix parfaitement maîtrisée, qui n’aura jamais été aussi mélodique et spirituelle, et, par un guitariste virtuose. Ce dernier dispose même d’un moment à lui, en nous offrant une charmante improvisation instrumentale. On entend même certains spectateurs user de “Chuuuuuut” afin que seul l’homme et sa guitare remplissent cette beauté architecturale qu’est l’Archipel. Puis l’humour de l’ancien frontman de Kyuss n’aura jamais été aussi bon où il se permettra d’avouer qu’ils ont préféré limiter les adaptations acoustiques de certains morceaux, notamment d’Hermano, avant de nous embarquer pour la grosse chevauchée avec « El Rodeo ». Après le morceau « Dark », il en profite d’ailleurs pour offrir au public quelques verres de vodka bien fraiche, puis de Jack pour “ceux qui préfèrent”, avant de repartir sur « Gardenia ».
Alors qu’on pense que c’est la fin, le groupe continue à nous faire redécouvrir du grand classique à la Kyuss en nous infiltrant directement dans les veines un bon « Green Machine ». Sans basse, sans batterie, quelle étrange idée me diriez vous ? Et bien, pas de problème, l’habillage musical est tout aussi rythmique et endiablé que la version électrique. Un grand moment, on vous le dit !!! Enfin, John Garcia termine ce show acoustique par la très attendue « Space Cadet », invitant par la même occasion quelques filles à se reposer sur le canapé derrière le groupe. Le public est aux anges, il en redemande, il s’affole de bonheur, conscient d’avoir vécu un grand moment de la musique et espérant un dernier rappel. Il n’en sera rien, Garcia a tout donné, et, que ce fut bon !!!
Difficile de se dire que c’est déjà la dernière soirée Stoner lyonnaise de cette étrange année. Difficile aussi de s’en attrister tant cette cuvée 2015 aura été riche en bûches, celle de Noël même pas encore dans les assiettes, tellement nombreuses qu’il serait fastidieux de les énumérer ici.
Histoire de tenter de finir en beauté, Mediatone nous a chopé ce joli plateau au Ninkasi Kao : 3 nationalités, 4 groupes établis et autant d’assaisonnements différents. On est lundi, ça commence tôt et ça tombe bien, on y est, tôt.
HORISONT
Horisont, qui s’est planté de destination, confondant Lyon et Léon, éloignés d’à peine 700km, sera tout de même à l’heure pour donner le coup d’envoi de la soirée devant un parterre clairsemé, l’apéro étant à peine entamé. Pas de première partie locale traditionnelle ce soir donc, mais des suédois fin prêts à en découdre avec énergie, une forte connotation Hard Rock 70’s, des solis de rigueur et des claviers kitchs, datés à souhaits, saupoudrés avec plus ou moins de parcimonie par Axel, le chanteur (pas Rose). L’implication du quintet de Göteborg fait plaisir à voir et à entendre, ce qui aura tout naturellement pour effet des applaudissements et même quelques timides “wouhous”, de plus en plus nourris au fur et à mesure du (court) set.
SATAN’S SATYR
Place au premier combo ricain de la soirée, après cette mise en bouche maltée bien agréable. Après une apparition remarquée au Desertfest Belgium l’année passée, Satan’s Satyr sera ce soir handicapé par le pire mix de la soirée. La soupe d’instruments et les vocaux haut perchés quasi insupportables feront fuir une partie du public vers l’extérieur, vitrine improbable sur un tout autre type de soirée : une initiation à la salsa… Décalage immédiat et assuré, avec un effet aquarium hilarant pour les deux parties, c’est déjà ça. La salle du Kao a, à juste titre, ses détracteurs, capable du meilleur comme du pire selon qui est sur scène, qui est aux manettes de la console et qui est en tête d’affiche. Regrettable au vu de l’équipement soigné du lieu. Même remarque concernant les lumières, variant d’inexistantes à superbes. Bref, un petit tour en fin de set, court lui aussi, pour constater une légère amélioration du son à l’intérieur, que l’ombre de Black Sab’ flotte plus que de raison, trop peut être, que le batteur envoie valdinguer son kit et qu’une inversion des deux premiers groupes aurait potentiellement été plus à propos…
THE SHRINE
On grimpe d’un coup dans les tours quand The Shrine s’installe, sourires malicieux de sortie, probablement conscients de ce qu’ils vont dégager sur les planches dans quelques minutes. Les californiens, malheureusement loupés de peu en interview malgré une discussion très drôle de part et d’autre du stand de merch, ont ces influences et cet héritage venus tout droit du Punk Rock (des années 80), mouliné avec la NWOBHM et, bien sûr, ce côté Stoner cher à nos cœurs de Desertrockers. Alors dès l’entame ça balance sévère, le Kao s’est un peu rempli et peut commencer à shaker joyeusement son booty sur les tempos les plus enlevés de la soirée. Décontraction et plaisanteries sont de mise entre musiciens et public, mais musicalement ça rigole pas vraiment. L’accent est mis sur les deux très bons derniers disques, “Bless Off” et “Rare Breed”, et malgré une sono pas encore réglée au poil, l’énergie communicative des américains fait la fosse avoir du mal à tenir en place. Encore un set trop court cependant et un léger sentiment de retenue, comme si le trio en avait gardé un peu sous la pédale pour ne pas faire d’ombre à la tête d’affiche. Un concert vraiment bien qui aura fait quelques adeptes de plus, mais en deçà du set survolté au Desertfest Belgium l’an dernier (encore lui) où les bougres avaient littéralement foutu le feu.
KADAVAR
Illustration visuelle et sonore de l’aparté quelques lignes plus haut, quand Kadavar (lui aussi présent à Anvers en 2014) et ses triangles rentrent sur scène, acclamés, après une attente assez longue, le son et les lights se font miraculeusement impeccables. Les allemands, leurs trois albums et leur réputation live font rapidement oublier qu’ils ont du annuler leur date bordelaise de la veille, pour nous proposer un set travaillé et rodé, piochant (heureusement) dans l’ensemble de sa discographie. Les morceaux du petit dernier “Berlin” passent bien en contexte live, notamment “Lord of the Sky” en intro et “The Old Man”, bien appuyés par le meilleur des deux premiers albums, dont un prenant “Purple Sage” et un indispensable “Come Back Life” en rappel. Capillo-pileusement au top, le trio a pour lui de savoir composer de vraies bonnes chansons et ainsi se faire pardonner un certain manque d’originalité, mais pas de personnalité. Tradition germanique oblige, tout est millimétré, peut être même un peu trop pour un style de musique où un brin d’impro et d’adaptation “live” sont toujours les bienvenus. Reste que ça joue impeccablement bien, ça chante juste (oubliée la vilaine maladie de Lupus) et les berlinois peuvent compter sur leur botte (plus tellement) secrète, qui répond au doux nom de Tiger. Le batteur géant est aligné avec ses comparses sur le devant de la scène et captive l’audience avec son jeu costaud, sa gestuelle presque exagérée et son kit acrylique transparent. Ses coups de baguettes sans retenue insufflent aux prestations de Kadavar une puissance pas forcément perceptible en studio. En tous cas on tient là une valeur sûre et solide en concert, qui maîtrise fort bien son sujet.
On aura passé une soirée globalement bien sympathique, malgré quelques petits bémols et ce constat que quatre groupes, surtout en semaine, c’est trop. Quel est l’intérêt, franchement, de faire jouer 30 minutes des premières parties avec un son dégueu et devant pas grand monde ? Vous avez 4 heures.
Un monde. Voilà ce qui sépare les deux performances parisiennes en deux jours de Clutch. La première, évoquée précédemment dans nos pages, a eu lieu au Studio 104 pour l’enregistrement de l’émission de Canal + “L’Album De La Semaine”. Mécanique, impersonnelle et frustrante au possible malgré une efficacité indéniable des morceaux joués (la quasi intégralité du dernier album “Psychic Warfare”), la performance n’a en réalité fait office que d’avant-goût premium pour tous ceux qui se rendraient au Trabendo le lendemain. Nombreux, ces derniers s’entassent le 27 novembre au soir dans la salle du Parc de la Villette. Avant le concert, l’ambiance y est bon enfant, quoique quelque peu tendue, ce pour des raisons évidentes. Soyons clairs ici : depuis maintenant deux semaines, les reportages écrits de concerts parisiens intègrent tous des mots liés aux divers événements tragiques ayant eu lieu sur Paris le 13 novembre. Ici, nous prenons le parti de ne parler que de musique, d’ambiance live et de slams enragés, simplement parce que c’est ici ce que la plupart des personnes présentes dans le public étaient venus chercher avec ce concert.
Débutons par le commencement : si l’on avait demandé à de nombreux fans de Clutch quel groupe serait parfait en guise de première partie pour le quatuor américain, beaucoup auraient probablement répondu Planet Of Zeus. Ce sont la même science du groove, le même esprit malin, parfois ironique, la même furie en live et les mêmes riffs endiablés qui motivent les grecs, que quelques parisiens enjoués avaient déjà pu découvrir l’année passée à la Mécanique Ondulatoire. Peu d’amateurs étaient surpris, dès lors, de découvrir les grecs en première partie de Clutch, tant le line-up fut cohérent. Et personne ne s’y est trompé : Planet Of Zeus a assuré devant un public rapidement acquis à sa cause, pendant un set d’une heure environ. Tous les gros tubes du groupe y sont passés, et la salle déjà compacte saute à l’unisson, déjà conquise pour le reste de la soirée.
Après une pause d’environ 10/15 minutes, Clutch fait son arrivée. Les membres du groupe ne peuvent pas savoir combien ils étaient attendus : certains ont leur place depuis plus de six mois, d’autres ont réussi à trouver une place le jour-même, voulant profiter d’un excellent concert grâce à une valeur sûre du genre. Tout débute avec “X-Ray Visions”, comme la veille au studio 104. Mais il ne faudra pas dix secondes au public présent aux deux événements pour comprendre que ce 27 novembre n’aura rien à voir avec la veille. Dès les premières notes, le public quitte l’unisson mouvementée dont elle faisait montre pour Planet Of Zeus, signe d’un bon concert de rock, pour vriller dans une hétérogénéité salvatrice folle : les slams se font par dizaines (il a dû y en avoir une cinquantaine en tout au terme du concert), la fosse prend toute la partie intérieure de la salle (comprenez : toute la surface inférieure aux marches dans le Trabendo), nombreux sont ceux qui tombent, qui perdent des affaires…
La folie rugissante du public fait directement écho à la setlist du groupe, principalement composée de morceaux issus des deux derniers albums, outre exceptions (le duo “Escape From The Prison Planet” + “Spacegrass” et “The Mob Goes Wild” en final post-rappel). Force est de constater que le dernier album est tout aussi efficace que les précédents en live : tous dans le public scandent déjà les paroles d’un bouzin sorti il y a tout juste deux mois. Les balances sont parfaites, tout y est limpide malgré les mouvements désordonnés du public.
Pour beaucoup, ce concert aura eu un effet aussi bien cathartique que libérateur, et les quelques mots du frontman Neil Fallon sur les réseaux sociaux le lendemain résument assez bien l’ambiance qui régnait ce soir là : “Rien hors de l’ordinaire ne s’y est passé : les gens ont dancé, les gens ont chanté. Les gens ont jeté 3 litres de bière à travers la salle. Par tous les aspects, il s’agissait d’un concert de rock normal. Mais ces attitudes apparemment ordinaires étaient extraordinaires ce soir là. Ce show n’était pas à propos de Clutch. Il était à propos de Paris. Il était à propos de l’indomptable esprit de l’humanité qui se vengeait de ce qu’elle a de pire… avec de la joie”. Il est cependant une chose sur laquelle Neil Fallon a tort : le show de ce 27 novembre était bel et bien à propos de Clutch, qui ont su plus que n’importe qui d’autre donner aux parisiens un exutoire sans pareille.
A l’occasion de leur passage sur Paris lors de leur tournée en Europe, Clutch s’est arrêté au studio 104 la veille de leur très attendu concert au Trabendo, jeudi 26 novembre, pour enregistrer quelques morceaux pour l’émission “l’Album De La Semaine” de Canal +. Les membres du groupe en ont profité pour célébrer l’une de leurs rares apparitions médiatiques en France avec quelques fans, ces derniers d’abord agglutinés sur les marches impersonnelles inévitables dans n’importe quel studio de télé, mais très vite levés face à l’événement.
Avant l’apparition de Clutch, captation télévisée oblige, un chauffeur de salle agréable, visiblement habitué de ce type d’événements, pousse la centaine de spectateurs présents à agir comme si le groupe venait de jouer, à savoir applaudir, crier, rugir de joie, ce complètement à froid, sans n’avoir rien vu. Vous l’aurez compris, pas de place à la spontanéité ici, vive la post-production ! Une fois les nombreuses prises terminées (environ 5 ou 6 à faire semblant de célébrer Clutch, qui n’étaient même pas encore arrivés), le groupe a fini par se montrer et Neil Fallon, fidèle à lui même, a l’œil complice avec le public, lequel comprend dès lors qu’il va passer un bon moment.
Le groupe est présent pour enregistrer quelques chansons de leur dernier album, Psychic Warfare, unanimement salué par les critiques et le public (il a fini n°1 des ventes d’albums de Rock la semaine de sa sortie aux USA). Ainsi, se succèdent rapidement “X-Ray Visions”, depuis quelques mois le puissant opening de la plupart des dates du groupe, puis “Firebirds”, les excellentes et très groovy “Quick Death in Texas” et “Your Love is Incarceration”, “Doom Saloon”, “Our Lady of Electric Light”, “Behold The Colossus”, avant de finir sur l’intense “Son of Virginia”. Bref, quasiment tout l’album y passe pour notre plus grand bonheur.
Si nous sommes évidemment ravis de pouvoir découvrir ces morceaux pour la première fois en live, nous sommes vite ramenés à la réalité frustrante, le contexte castrateur dans lequel nous devons profiter de l’expérience : debout sur des marches, que nous ne pouvons pas quitter de peur de tomber sur du matériel télévisuel à gros budget, juste devant nous. Impossible de bouger, impossible de se lâcher complètement, et pourtant nous en avions envie !
Pour la plupart des personnes présentes, c’est le premier semblant de musique live depuis plus de deux semaines, depuis qu’elles ont la sensation de risquer leur vie en se rendant à un concert de rock, a fortiori américain. Dans ce contexte, se voir contraint à l’inertie face à la musique d’un groupe aussi communicatif et libérateur que Clutch relevait de la quasi torture. Même le groupe semble quelque peu frustré de la situation, incapable de réellement interagir avec le public pourtant présent pour lui, malgré son aisance habituelle dans le domaine sur scène. Clutch n’est clairement pas un groupe fait pour la télévision et les projecteurs, et tant mieux. En réalité, cette expérience agréable quoique quelque peu frustrante nous aura permis de bénéficier d’un avant goût plaisant de ce qui attendra tous les amateurs impatients le lendemain au Trabendo. Ce 27 novembre, tous les frustrés de la veille et du studio 104, rejoints par de nombreux frustrés de l’étouffante vie parisienne actuelle, ont relâché toute pression.
Alors que la grisaille s’installe tranquillement au dessus de nos têtes, le Sombre Novembre Tour a saisi l’occasion pour faire son retour au Klub le 11 novembre. Il y a un an, cette tournée réunissait Barabbas et Goatess pour 3 dates françaises. Cette année, Barabbas est toujours de la partie mais Goatess a cédé sa place à Lord Vicar, la mythique formation doom finlandaise. Pour accompagner ce séduisant duo sur cette date parisienne, Ataraxie et The Bottle Doom Lazy Band ont également fait le déplacement. Au total, 4 groupes et beaucoup de doom. Récit d’une soirée à guichet fermé où la vitesse était encore plus limitée que devant l’école d’un petit village de Dordogne.
Le caverneux Klub semble parfaitement approprié pour accueillir cette soirée : salle six pieds sous terre avec voûte de pierres apparentes et d’une exiguïté idéale pour une ambiance intimiste. La scène est même trop étroite pour accueillir Barabbas au complet. Le chanteur Rodolphe, à la carrure rappelant celle d’un Ben Ward sous stéroïde, se place donc par défaut en pleine fosse, à quelques centimètres des premiers rangs, accompagné de son imposant crucifix lui servant de pied de micro. Si l’on retrouve les sonorités lourdes et lentes caractéristiques du doom, la musique de Barabbas est plus dynamique que léthargique. La puissance des riffs portés par une impeccable section rythmique emmène le groupe aux frontières du stoner. Cette énergie communicative est en partie aidée par Rodolphe qui harangue les premiers rangs tout au long du concert, leur crachant sa bière ou leur hurlant à la face ses douces paroles. Et en français, silvouplait. Car oui, Barabbas a le culot de chanter en français. Sur ce genre de musique, un tel exercice peut sembler aussi périlleux qu’un malvoyant jonglant avec des couperets. Et pourtant, le groupe s’en sort étonnamment bien. En reprenant toute l’imagerie liée au genre (occultisme, religion, etc), Barabbas vise juste sans pourtant tomber dans le pathétique. Et pour ça, chapeau. Après un baptême à la bière sur les têtes de quelques heureux élus du public par Saint Rodolphe en personne, le concert prend fin. Sacré claque !
The Bottle Doom Lazy Band prend la suite. La scène est définitivement trop étroite pour accueillir 5 personnes, et les membres du groupe doivent redoubler d’attention pour ne pas se marcher dessus. Le quintet de Poitiers a sorti cette année un nouvel album intitulé « Lost N Drunk », qui vient marquer ses dix années d’existence. Autour d’un doom dans la droite lignée des grands du genre comme Saint Vitus, dont le chanteur arbore un tatouage sur l’avant bras, le guitariste soliste tisse des solis psychédéliques et cosmiques, épaulé d’un impressionnant pedalboard aux multiples effets. La voix du chanteur paraît possédée, comme venue d’un autre temps, et donne de l’emphase à l’ensemble. Si la musique fonctionne bien, le show est quant à lui un peu volatil et fouillis. Le chanteur quitte la scène, y revient, va saluer un ami, le guitariste s’arrête de jouer et tente un slam raté, donne sa guitare à un spectateur puis s’en va… Bref, tout cela respire la franche rigolade mais dessert un peu le groupe et sa crédibilité, puisqu’on a finalement du mal à rentrer pleinement dans les compositions pourtant bien foutues du groupe. Dommage.
Curieusement, Lord Vicar qu’on pensait être la tête d’affiche du jour ne joue pas en dernier. La salle a presque doublé son auditoire, les Finlandais sont bien les plus attendus de la soirée. Et pour cause. Groupe né des cendres du légendaire Reverend Bizarre, Lord Vicar perpétue la tradition d’un doom assez classique au chant clair. Le public a d’ailleurs la chance de voir deux des membres du Reverend réunis ce soir : Peter Vicar, le guitariste chanteur, et son pote Albert Witchfinder à la basse. Autant dire que ces deux là ont roulé leur bosse dans les contrées du doom et en connaissent un rayon quand il s’agit de pondre des riffs d’anthologie. Et les premières notes de « Down The Nails » qui ouvrent le concert nous en apportent la preuve sonore. Le groupe assène ses hymnes doom dans une bonne humeur éthylisée qui contraste avec l’apparente gravité du genre, et nous offre un spectacle mélodramatique proche du burlesque. Parce qu’après tout, la musique, ça n’est que de la musique, même quand elle parle d’apocalypse et de désespoir. Une autodérision qui fait plaisir à voir et surtout à entendre.
La salle a quelque peu désempli pour le dernier groupe de la soirée, Ataraxie, qui viendra clôturer la soirée sous le signe du death (concert auquel nous n’avons malheureusement pas pu assister).
Suave moiteur, douce lenteur, riffs acérés et saveurs houblonnées, voilà le bénédicité de cette soirée doomeuse. Amen !
Un mardi soir d’octobre comme les autres sur Lyon, à ceci prêt que Tonton Acide est en ville, accompagné de son orchestre aux Temps Morts et d’Araignées dans ses bagages. Enfin en ville, en banlieue plutôt, L’Epicerie Moderne ayant cet inconvénient d’être assez excentrée du centre de la ville des lumières.
De manière assez étonnante et malgré une tournée en adéquation avec son rang et la qualité de son nouvel album, « The Night Creeper », Uncle Acid figurait aux abonnés absents des affiches des festivals d’automne sur lesquelles il eut pourtant été plus qu’à sa place. Hasards du calendrier ou négociations avortées en hauts lieux, cela ne nous regarde pas…
Quoiqu’il en soit, cette première visite en terres rhodaniennes de Kevin et ses acolytes se sera fait attendre. Étant donné le CV étoffé qu’ils peuvent se targuer d’avoir à proposer, il parait même incongru que les anglais ne soient pas encore passés dans le coin.
Spiders est en charge de chauffer la sono. On peut dire que ces suédois, qui viennent nous présenter leur nouveau EP, ont pour le moins le vent en poupe puisqu’après cette tournée de 34 dates ils s’embarqueront pour les USA avec, excusez du peu, leur compatriotes de Graveyard. Classe, sur le papier ça présente bien. Sur les planches, où on ne peut pas tricher, on a droit à un rock un peu stoner, un peu psyché par moment, avec une chanteuse qui danse et qui tambourine. Évidemment le parallèle avec un certain Blues Pills sera inévitable, et bien réel. La demoiselle a beau se démener à l’aide de son bel organe (vocal), d’une jovialité et d’une implication sincère à chaque instant, il deviendra rapidement assez vite difficile de trouver le petit plus dont le groupe aurait besoin pour se démarquer de ses influences, aussi bonnes soient-elles. Musicalement les gars font leur boulot honnêtement, légèrement handicapés par un mix brouillon et déséquilibré, sympatoche en somme mais hautement téléphoné, un téléphone avec cadran rond et fil tortillé. Espérons que le néanmoins fort agréable revival 70’s ne se morde pas déjà la queue même si forcément il va être compliqué à réinventer…
Autant dire qu’on change de cour de récréation avec la tête d’affiche du soir. Malgré un public bizarrement attentiste mais attentif, les Tontons vont assurer leur statut en phase avec un rendu sonore, comme souvent dans cette salle, d’excellente facture. A l’instar du travail de mixage sur les albums, la grosse caisse n’est pas sur-dosée comme il est (trop ?) souvent proposé, comme une sorte de coutume, à nos fragiles mais avides esgourdes. Le modernisme de l’équipement du lieu n’empêche donc pas la patte « vintage », chère au groupe, de rester de mise. Bien sûr les amplis et manches d’époque sont aussi de la partie, renforçant cette sensation de flash-back musical. Progrès depuis leur apparition remarquée au Hellfest il y a deux ans et même si elles étaient déjà largement correctes, les lignes de chant, marque de fabrique pour le moins exigeante du quatuor, sont désormais parfaitement assurées et équilibrées, à deux voire à trois. On sent qu’un line-up enfin à peu près stable et constitué d’excellent musiciens a du aider à développer cette cohésion qui fait plaisir à voir et à écouter. Ajoutez à ça un jeu de lumières sobre mais travaillé en fonction des ambiances des morceaux et vous obtenez un show maîtrisé de mains, doigts et voix de maîtres.
Quand on a aisément de quoi piocher dans une discographie fournie et haut de gamme, on peut se payer le luxe de proposer à l’audience une set-list aux allures de best-of, compilant les tubes attendus et presque devenus inévitables (« Mind Control », « 13 Candles » et un toujours jouissif « I’ll Cut You Down » en tête) avec tout de même une grande partie allouée au dernier bébé, dont les chansons passent comme on pouvait s’en douter le cap de la scène avec le brio qu’on commence à connaître. Mention toute spéciale à ce « Melody Lane » lancinant et entêtant.
Et bien, pour un début de tournée l’ensemble est déjà sacrément bien rodé, et il serait très intéressant d’assister à l’une des dernières dates de celle-ci, histoire de voir si le groupe a encore une marge de progression et confirmer qu’il est en passe de devenir un très grand, un incontournable de notre ère. A bientôt Tonton.
Pas de citation de l’illustre André Gide pour entamer cette chronique du dernier jour de festivités du dernier événement de la franchise Desertfest se déroulant cette année. Pas non plus de citation des illustres poètes belges que sont François Damiens ou Jean-Philippe Smet, mais une pensée émue à l’adresse du Roi du désert : Monsieur Mario Lalli qui apprit le décès de son père en posant, à Prague, les pieds sur le Vieux-Continent et décida tout de même de mener à terme la tournée européenne pas encore entamée. Nous lui adressons nos meilleurs messages et tenons à le remercier de nous avoir offert cette prestation Anvers et contre tout.
A part ça, une partie de l’équipe a guinché nuitamment après les derniers riffs dispensés la veille et l’autre partie (en charge des vidéos qui vont bien et des photos qui pètent) est partie sagement se coucher (enfin on s’entend, vus les horaires de la manifestation) afin de s’adonner quelque peu au tourisme durant cette seconde matinée dévolue à la culture (sans son gros cul). Ainsi, la suite de la Vieille Ville, les rives du fleuve, les quartiers où pullulent les hipsters et autres bobos, les vitrines réputées de certaines ruelles ainsi que les devantures des bars chassant à la mi-journée les derniers assoiffés à la démarche peu assurée constituèrent la partie culturelle. Outre les bipèdes titubants, les touristes et les nombreux scouts, nous eûmes même la chance d’assister à une représentation musicale qui n’aura pas échappé aux esprits affûtés qui ont regardé notre compte-rendu vidéo. Bref c’était le dernier jour et l’affiche était carrément bandante ; en route pour le Trix !
BLACK-BONE
Pour se remettre dans le bain en ce (déjà) troisième jour, c’est (encore) un trio à qui revient l’honneur de décrasser la très bonne et très forte sono de la Vulture Stage. Et on peut dire qu’il le fera avec brio, même si niveau originalité on repassera… Au moins la musique de ces jeunes néerlandais transpire la sincérité et le hard rock de nos chers précurseurs. C’est l’implication toute particulière du guitariste/chanteur qui aidera à faire se mouvoir à nouveau nos cous endoloris, communicant bien avec le public et bien appuyé par une basse solide ainsi qu’un batteur qui cogne fort à cette heure de digestion. Une sympathique mise en bouche.
CRYSTAL HEAD
Alors que le show du trio d’Eindhoven bat son plein dans la plus petite salle du festival, le trio londonien fait parler la poudre à l’étage. C’est malheureusement devant un public assez peu impliqué que les Britanniques vont exercer leur art dans un Canyon assez mort. Ce troisième jour de foire aux riffs paraît être une épreuve assez douloureuse pour certains (que la pudeur m’interdit de citer ici car j’ai une putain d’éthique !). Malgré le manque d’enthousiasme assez marqué au pied de la scène, c’est une autre limonade sur la scène. Les Anglais sont à fond dans leur stoner rock heavy lorgnant sur l’indé. C’est énergique quand il le faut et ces garçons savent lever le pied juste ce qu’il faut quand il le faut. Le chanteur, dont le charisme est remis en question par certains pâles types, assure bien son rôle de pièce centrale malgré la convergence des regards vers l’impressionnant batteur tatoué qui tape sur son instrument avec la précision chirurgicale d’un bombardier supersonique rétablissant la paix dans des terres éloignées. L’exercice est mené à bien à l’anglaise et ces garçons loin du brouillard de la Tamise auront réussi à extirper quelques têtes des arrière-trains où elles s’étaient foutus à force de consommer les cervoises locales. On quitte rapidement la salle pour aller supporter nos potes qui fourbissent leurs armes à l’étage inférieur.
GLOWSUN
Quel plaisir de retrouver Glowsun en ouverture du dimanche de la Desert Stage. Armés d’un « Beyond the Wall Of Time » fort goutu et d’une tournée conséquente, nos Ch’tis vont prouver qu’ils méritent (enfin) une certaine reconnaissance et faire honneur à leur rang. Le mix terrible fera partie des meilleurs du week end, tout comme les effets en fond de scène, travaillés essentiellement à partir des pochettes élaborées par Johan, guitariste et chanteur à ses heures perdues. Le set passe très vite : les morceaux, quasi-instrumentaux, mélangent stoner psyché à des passages plus doom, toujours de haute volée. En quarante minutes, le trio interprètera une poignée de titres issus de son dernier album (à l’image du très efficace “Behind The Moon”) mais aussi plus anciens, comme les classiques live que sont devenus “Dragon Witch” et “Death’s Face” de Eternal Season. Parfait pour recueillir les suffrages du public présent, assez nombreux proportionnellement à cette heure de la journée. Une réussite en tous points qui confirme si besoin était encore l’étendue du talent du trio du Nord, chapeau.
FEVER DOG
On savait que la journée serait lardée de choix draconiens, et donc de frustrations. La première sera la conséquence de notre souhait de ne pas rater la fin du set de Glowsun, ce qui nous contraint à manquer le début de Fever Dog qui prend la petite scène Vulture avant que les nordistes n’aient terminé leur prestation. Autre effet de bord de cette situation, la salle n’est pas très remplie devant le trio californien, qui fait partie des bagages de Fatso Jetson sur leur petite tournée européenne. Dès qu’on ouvre la porte de la petite salle, les volutes psyche nous absorbent avec une belle efficacité, reconnaissons-le. Petit à petit, on se laisse capter par les subtilités bluesy et les nappes rythmiques planantes dressées par « Thunder Child »(!), le bassiste – une basse un peu trop sur-mixée, disons-le, ce qui laisse trop peu d’espace aux plages psyche portées par « Golden Dove » (!!) le guitariste. Le trio, scéniquement un peu monotone (le genre musical ne se prête pas à la gaudriole ou au headbanging-le-pied-sur-le-retour, reconnaissons-le) fonctionne très bien, et la dynamique instrumentale s’en ressent, avec des passages propices à quelques jams bien senties. On aime bien, mais le planning trop tendu (coincé entre deux groupes) rend l’expérience trop stressante pour parfaitement apprécier ce set. A revoir.
TANGLED HORNS
Les régionaux de l’étape – comme on dit dans l’enfer du nord – débutaient leur set à l’étage alors que les clébards avaient encore des poussées de fièvre sur la petite scène. Étrange placement pour ce groupe qui, je dois l’avouer, ne bénéficie pas d’une aura très impressionnante en dehors de leurs plates contrées : ils sont sur la scène médiane à une heure où le festival est plutôt bien fréquenté. Je ne vais pas m’éterniser sur ces quelques considérations et décide de ne pas perdre une miette de la prestation de ces gens qui sont pour moi de parfaits inconnus. Je suis quelque peu déconcerté quand je vois un des quidams en place sur scène arborer un shirt de Lulu Reed – comme on dit chez Hetfield – mais, ne sachant pas à quoi m’attendre, me prépare à tout ! Bien joué – comme on dit chez Saint-André – car les Belges attaquent en force. Ça vocifère sévère derrière le micro et le responsable de tout ça va assurer une sacré prestation qui s’avérera une excellente mise en jambe – comme on dit dans les travées du Bosuilstadion – pour la performance énergique de Valient Thorr qui les suivra au rez-de-chaussée. Le sludge, aux accents stoner, de ces bipèdes dépote sacrément et leur chanteur bousculant les retours, se suspendant à peu près partout et se projetant presque de la scène pour hurler sera un élément central, voire le premier contributeur, à la réussite de cette performance même si ce type a plus de don pour foutre le feu – comme on dit chez les Smet – que pour délivrer des performances de haute technicité vocale. On s’en tamponne carrément car ça a été foutrement bon de se cogner une prestation jouée pied au plancher par des esprits barrés qui ont envoyé toutes leurs forces dans cette bataille. Le bilan de cette bataille ne supportera aucun protêt – comme on dit en Ecosse – tant ce groupe a marqué des points en envoyant un set nettement plus couillu que ce qu’il délivre sur disque. Un chaos organisé qui transpirait l’urgence par tout les pores un peu dans la tradition des grands courants alternatifs – comme on dit dans la fratrie Young – pas nécessairement empreints de virtuosité, mais foutrement efficaces : ça fait résolument du bien par où ça passe.
VALIENT THORR
Un petit moment sacrément rock ‘n roll en cette fin d’après midi ? Avec grand plaisir, mais alors avec une bonne de de heavy metal SVP ! Servi par un groupe en pleine forme physique, Valient Thorr va rapidement réussir à faire bouger sévèrement les têtes et les popotins des festivaliers présents devant la grande scène. Le son est assez brouillon mais sied finalement pas mal au style pratiqué, hautement corrosif. On bat les records de tempos des trois jours avec des accents quasi punk et le chanteur Valient Himself va accaparer l’attention de l’audience avec ses incessantes déambulations, ses discours « engagés », ses vocaux enragés et sa barbe. Derrière, ça bastonne du fût, ça solote comme dans les années 80, ça bouge comme il se doit. Le concours officieux du plus grand nombre de sourires au mètre carré a un vainqueur potentiel. Les cinq z’amis ricains auront prouvé que le nombre assez important de t-shirts à leur effigie dans le public n’est pas usurpé.
MAUDLIN
Chaud devant ! Ne connaissant les belges ni des lèvres ni des dents, je m’infiltre discrètement jusqu’à devant la scène après la prestation énergique – et empreinte de politique – des Ricains. Je découvre un pédalier impressionnant devant moi et quand un t-shirt de Minsk se radine sur scène je ne peux retenir un large sourire : on va s’en prendre plein la chetron ! Nickel bleu ciel, je suis aux anges, les cinq belges envoient d’entrée de jeu des samples qui me rappellent les Dieux Isis. S’enchaînent ensuite des plans limites doom qui donnent un rendu très proche du défunt combo US cité précédemment, voire des premiers efforts de Cult Of Luna (j’ai pu le placer !). Sous leurs airs d’hipsters gentillets, les types d’Ostende ne tirent pas au stand pour gagner des alouettes ; ils allument Anvers avec un déluge sonique bidouillé par une flopée d’effets que leur vocaliste manie (tout comme la cymbale de son camarade du fond de la scène en fin de set). Je me déplace quelques instants au premier étage pour me plonger dans une autre ambiance puis dévale les escaliers quatre par quatre pour assister à la fin de ce concert orgasmique en compagnie des épicuriens qui partagent mon – bon – goût : c’est clairsemé certes, mais bien fréquenté. On en a pris plein les oreilles et c’est clairement une des découvertes de ce festoche pour moi.
PAPIR
La journée est propice en atmosphères psyche-planantes, et les peu-connus Papir tiennent haut l’étendard musical du genre. Il suffit par ailleurs de se rendre dans les premiers rangs de la Canyon Stage (difficilement : la salle est bien remplie) pour s’immerger dans l’ambiance musicale (et pas que, les volutes herbiacées étant prégnantes…). Le trio instrumental danois ne brille pas par le charisme dévorant de ses protagonistes, ni par leur jeu de scène outrancier : calés en face à face derrière leurs rangées de pédales d’effets respectives, le bassiste et le guitariste du trio échangent groove de basse pour le premier contre soli quasi-continus pour l’autre, ordonnés par le batteur, véritable arbitre musical, qui sanctionne les échanges par des breaks bien sentis. Complètement immersive, la musique du trio fait mouche devant un public qui ondule, l’œil mi-clos et le sourire aux lèvres. Il en faut peu parfois : on a beau ne pas être ébahi par la performance intrinsèque dispensée sur scène, force est de constater que c’est d’une efficacité redoutable…
UFOMAMMUT
Histoire d’enfoncer encore plus un clou déjà bien profond, Ufomammut pose ses (gros) amplis verts sur la Desert Stage et s’apprête à faire honneur à son nom, qu’il porte si bien. Quel son ! Le trio transalpin va s’employer à transcender et hypnotiser l’assistance à grands coups d’un doom gorgé d’effets, sonores et visuels (signés Malleus bien entendu). Les deux aspects se complètent à merveille, le glauque des images appuie parfaitement l’épaisseur musicale ininterrompue pendant une heure de grande classe grasse. Le batteur Vita semble avoir le regard vaguement perdu mais n’en met pas une à côté et Poia, concentré à tout faire bien sonner avec sa guitare, arbore un sourire qui en dit long sur la satisfaction de la puissance déployée. Les regards vont régulièrement se tourner vers Urlo, bassiste/chanteur plus extraverti dans son attitude et probablement habité par quelque chose ou quelqu’un, rappelant même en cela un certain Mike Scheidt… Bigre, qu’il va être difficile de se remettre d’une des plus grosses bûches du week-end !
3rd EAR EXPERIENCE
On quitte les projections, les riffs martiaux et le grand espace pour changer carrément d’ambiance en rejoignant la Vulture Stage afin d’assister au set de ces Ricains que Mario – un épicurien – a amené avec lui pour tourner en Europe. C’est dans un tout autre univers musical que leurs prédécesseurs que ces types vont s’illustrer avec brio. Pas d’artifices, pas de débauche de décibels, mais une excellente maîtrise musicale et une énergie savamment dispensée durant un set bref, mais remarqué. Remarqué parce que ces hippies – vieux me souffle-t-on dans l’oreillette droite – ont un putain de talent pour interpréter leurs compos très jams qui laissent pas mal d’espaces aux démonstrations de style. Ça joue – pieds nus- dans un registre psychédélique tirant sur l’acid, et le claviériste (qui pourrait être le gamin de n’importe lequel de ses acolytes aux crins blanchissant) juché sur un tabouret de bar fait un bon spectacle en gesticulant dans tous les sens. Le bassiste, qui occupe une position centrale sur scène, se fait plus discret quand son collègue à la six-cordes envoie ses soli d’un autre temps et, malgré un énième chevauchement entre la Vulture et le Canyon, ce groupe arrive à conserver un public nombreux dans le lieu exigu qui est en plein karma avec ses prouesses techniques de haut vol.
SIENA ROOT
On a quand même l’impression de se faire un peu enfumer par le « concept » Siena Root : derrière une pseudo-philosophie revendiquée de groupe à géométrie variable, de concept multi-instrumentiste, etc… à chaque fois qu’on les voit c’est les mêmes musiciens ! Donc c’est dans cette optique qu’il faut aborder le groupe. A une nuance près : le chanteur a (encore) changé ! Bienvenue à Samuel Björö, qui apparemment rejoint désormais les trippants suédois. Le jeune vocaliste chante bien mais fait montre d’un charisme proche de celui de son pied de micro. D’ailleurs plus personne ne se le cache : le chanteur, de par son rôle dans le spectre musical dispensé par le groupe, est en quelque sorte la cinquième roue du carosse… Symptomatique : dès que le combo s’embarque dans l’une des sections full-instrumental dont il a le secret, le chanteur s’éclipse discrètement finir sa partie de Candy Crush derrière les amplis. Pour autant, il n’y a pas mensonge sur la marchandise, et le public, qui encore une fois remplit bien la Canyon Stage, goûte chaque minute de ce set efficace. Peu de groupes sont aussi performants dans le genre musical, et les amoureux transis de pattes d’eph’ et de hard rock 60’s sont aux anges. La performance du jour ne surprend pas les afficionados du groupe, mais c’est un peu la garantie sans risque, et on n’est pas déçus.
BONGZILLA
La surprise du chef ce dimanche se nomme Bongzilla. Annoncés parmi les derniers sur l’affiche du Desertfest, pouvoir voir ces gars du Wisconsin, trop rares en Europe, dégouliner sur la Desert Stage ressemble un peu à la cerise sur le gâteau, un gâteau très spécial… L’ambiance très fumeuse et la crasse musicale développée ici sera purement jouissive, portée par la voix d’écorché vif de Mike Makela, casquette vissée et sourire en coin. La façade se règlera très vite pour se faire proprement crade à souhaits. Jeff “Spanky” Schultz, le deuxième guitariste semble se cantonner étonnamment à son coin de scène tandis que le bassiste ne fait qu’un avec son compère de couvre-chef. Et que dire de cette complicité avec ce batteur hallucinant, Mike “Magma” Henry, portant les riffs assassins de ces pionniers du sludge avec son jeu technique et nuancé ? En une heure aux allures de best-of (« Greenthumb » et un énorme « Grim Reefer » en tête), Bongzilla va juste nous rappeler qu’il est l’un des patrons de ce style, en somme un rock ‘n roll bluesy ultra dégueulasse qui en laissera plus d’un sur le carreau (de chemise).
CHILD
Le trio des antipodes a le vent en poupe ; il n’était donc pas démérité de les voir sur scène lors des trois événements majeurs du mois d’octobre : le Up In Smoke, le Desertfest Belgium et le Keep It Low. Ce qui était un peu moins compréhensible c’est leur placement sur l’affiche. Je m’explique : ces lascars plaisent à un grand nombre d’aficionados du style que nous chérissons par ici, et, bonne chose, ils jouent au moment de la pub durant le premier film (ou la joute culinaire ça dépend), ce qui est plutôt cohérent avec leur statut. Par contre, ils jouent alors que tout le monde va se tirer un verre de quelque chose après la fort attendue prestation tout en vert des chantres du chanvre et sentiront, du haut de leur scène, les escaliers trembler au beau milieu de leur show tandis que le plus grand nombre rejoint le Canyon pour admirer Fatso Jetson. Dommage je dis ! Rageant même, car leur prestation bluesy et psychédélique, avec ce qu’il faut de plans heavy pour corser le tout, était du meilleur effet. Gonflant parce que sur la petite scène le trio s’en sortait à merveille et avait réussi à convertir un public quelque peu sonné par les accords abrutissants de Bongzilla (à moins que ce soit par les cigarettes vertes fumées sous les encouragements des Etasuniens). Et putain qu’est-ce que j’étais content d’avoir assisté à toute leur prestation bâloise la semaine précédente quand j’ai dû moi aussi entamer ma transhumance au Canyon avant la fin de leur set aujourd’hui, afin d’être bien placé et fin prêt à filmer (et photographier aussi un peu) la prestation de Mario et de ses acolytes. C’est chiant d’avoir écourté ma présence alors qu’un véritable collectif hyper prometteur – et très au point techniquement – envoyait du blues distordu avec la manière. C’est nul, mais c’est ainsi : personne ne pouvait m’empêcher d’assister à la performance du King Lalli. Je peux par contre témoigner, sans commettre de parjure, que les Australiens aux chemises à carreaux ont délivré une première partie de set qui envoûta bien au-delà du cercle d’amateurs de plans apaisés avec ses plans bluesy suintant la testostérone.
FATSO JETSON
Mario Lalli monte sur scène quelques minutes avant l’horaire prévu (pour notre plus grand plaisir) et salue le « Belgium Fest… euh Desertfest, pardon ». Un peu déstabilisé le Mario ? Il ne perd pas plus de temps et jette en pâture au public « Magma », l’un des classiques du combo emblématique du desert-rock originel (et original). Le grand guitariste est évidemment accompagné de l’indéboulonnable et remarquable Tony Tornay derrière les fûts, ainsi que d’un bassiste inconnu (mais excellent). Le trio ne tarde pas à (é)prouver ses compétences musicales en terminant le titre par une section jammée de plusieurs minutes. Et les titres suivants s’enchaînent de manière un peu déstabilisante, car dans la même tendance chargée en sections instru quasi-improvisées. Déstabilisant, car on est habitués avec Fatso à des titres charpentés, très structurés, aux mélodies complexes et intriquées. Des set lists bariolées, chargées de compos bien distinctes, or là, les morceaux se fondent quasiment les uns aux autres, les structures s’étiolent, et l’ambiance en devient vraiment particulière, atypique en tout cas. Il est bon de préciser (ou rappeler) que le talent des musiciens permet à cet exercice de ne jamais tomber à plat et le trio est complètement en phase sur scène. On se délecte de la poignée de classiques composant cette set list évidemment impeccable brassant toute sa carrière (« Light yourself on fire », « Salt Chunk Mary’s », un ou deux inédits, …), bien qu’interprétée de manière un peu particulière.
(sans s’appesantir on notera le courage de Mario qui se trouvait sur scène avec le sourire et le respect de son public, alors qu’il était confronté à un décès dans sa famille qui pour 99% des musiciens aurait suffi à annuler la tournée).
GOATSNAKE
Point d’orgue du festival pour beaucoup (pas forcément la majorité d’ailleurs, la salle principale n’apparaissant pas forcément aussi remplie que la veille par exemple), Goatsnake n’aura besoin que de quelques secondes pour mettre tout le monde d’accord : l’enchaînement old school des imparables « Slippin’ The Stealth » et « Flower Of Disease », associés au lourd et gras « The Orphan » terrassent la fosse. Le son qui sort des amplis de Greg Anderson n’a tout simplement aucun équivalent à l’heure actuelle : colossal, rond, agressif, il caresse l’oreille et laboure le cerveau (à moins que ça ne soit l’inverse). Chaque riff est un nouveau boulet rouge, et il tient quasiment seul les fondations instrumentales de l’édifice. Il serait injuste pour autant de passer sous silence la section rythmique (même si Anderson contribue aussi en rythmique autant qu’en lead), avec en particulier un Scott Renner à la basse lui aussi doté d’un son énorme, tellurique. Les instrumentistes ne sont pas uniquement en place sur un plan musical : la scène leur appartient, ils y évoluent avec aisance en pleine conscience de leur force de frappe. Mais difficile de concurrencer le charisme Pete Stahl, qui ne mettra qu’une dizaines de minutes à être complètement habité par sa performance. A vrai dire, on ne le tient plus, il capte tous les regards notamment grâce à son comportement habité : il évolue dans chaque recoin de la scène, va sans arrêt au contact des premiers rangs pour chanter avec le public, s’empare de ses instruments d’appoint (harmonica, tambourin…), joue avec son micro, se contorsionne… Hanté. Inutile probablement de mentionner la qualité de sa prestation vocale : même si certaines notes furent difficiles à atteindre, l’émotion et la puissance véhiculées n’auront jamais failli. Niveau set list, que du tout bon. On notera en particulier un superbe « House of the Moon » (où le chauve chanteur nous rappellera que c’est une allusion pas vraiment dissimulée à un certain ranch-studio du haut-désert californien au nom hispanisant où il a eu ses habitudes…) et une conclusion sur « Elevated Man », qui verra Mario Lalli venir taquiner la guitare avec ses potes, dans une ambiance de camaraderie qui représentera un sommet de ces trois jours de festival. Poum.
WHEEL OF SMOKE
Il paraît que tout a une fin. La fin de ces trois jours d’excès et de musique est marquée par la prestation d’une formation belge a qui il appartiendra la lourde tâche de mettre un terme à un excellent festival. Tandis que ça se trémousse à l’étage, que ça erre dans les couloirs du complexe anversois et que ça démonte tout le bazar – les stands de bouffe sont fermés et il ne reste que trois pauvres LPs de Goatsnake là où quelques heures plus tôt s’étalait le merch des formations de la journée sur plusieurs panneaux -, le quatuor envoie un set de quarante-cinq minutes devant un parterre concis, mais content. Leur stoner rock flirtant avec des plans post rock, voire alternatif, trouve son public. Pour être très franc – et c’est le style de la maison – c’est pas le délire non plus devant l’estrade surélevée et ça pue la fin de la fête, mais le groupe assure jusqu’au bout son job. C’est bien dans le ton du festival, même si un peu dissonant et la construction du set est fort cohérente : ça ne verse pas dans le pathos du genre “c’est la fin” ; ça tient bien la route et nous passons d’agréables minutes alors que les Belges alignent leurs compos brèves qui me font penser à certains de leurs compatriotes pour ce qui est du subtil mélange de retenue et de débauche d’énergie articulant des titres construits avec l’intelligence des grands de la pop (oui je parle ici de dEUS pour ceux que ça intéresse). Au terme de leur prestation les musiciens sont en osmose avec leur public : ils sont ravis et c’est un excellent point final pour ce festival avant d’aller rejoindre le dancefloor où sont englouties les dernières boissons achetées avec les token grattés aux fonds des poches.
Le bilan de cette dernière journée est donc excellent. Il est en parfaite adéquation avec l’impression générale que nous laissa ce festival avec ce petit plus, en ce dimanche, qu’ont constituées la présence de Goatsnake (qui a conditionné la venue de certains), de nos amis de Glowsun et de quelques formations majeures (Bongzilla, Fatso Jetson, Ufomammut, etc.). Comme on dit par ici : dank u wel à tout ceux qui ont contribué à cette réussite : l’organisation sympathique et efficace, les agitateurs de la scène stoner européenne qu’on croise un peu partout et qui bougent leurs culs pour ce style sans vendre leurs âmes aux démons ainsi que le public vraiment très cool au sein duquel nous avons à nouveau fait des connaissances pour notre plus grand plaisir. Sortez vos agendas les enfants : il faudra être à Anvers du 14 au 16 octobre l’an prochain !
Comme me le rappelait André Gide (croisé à l’entrée du Trix, mais c’est une trop longue histoire pour la narrer ici) « choisir, c’est mourir un peu ». Cet adage n’aura jamais mieux trouvé sa parfaite application qu’en cette seconde journée du Desertfest Anversois. En effet, aujourd’hui plus que la veille, plusieurs concerts étaient planifiés simultanément, forçant vos serviteurs à des sacrifices hautement frustrants. Problèmes de riches ? Oui, certes… Heureusement, nous nous sommes démenés pour assister à tous les concerts, et collectivement, nous avons adoré !
PENDEJO
L’honneur d’introduire cette seconde journée revient à Pendejo, un groupe hispanophone en directe provenance… des Pays Bas ! Ben quoi ? Cette forte empreinte latine est retranscrite dans des paroles en espagnol, donc, au même titre que les interventions du chanteur El Pastuso à destination du public entre les chansons, ou encore via des passages de trompette d’abord saugrenus, puis finalement qui trouvent bien leur place dans le son du groupe. Musicalement le quatuor ne se résume pas à quelques gimmicks : ça défouraille pas mal sur scène, les riffs sont puissants et efficaces, et un gros groove jaillit régulièrement au détour d’un break ou d’une intro irrésistibles. Le public est encore peu nombreux (la soirée de la veille a laissé des traces) mais les présents ne regrettent pas et repartent avec le sourire.
PROGERIANS
Après un premier épisode soutenu par du cuivre, le moment est venu de se refaire un petit plan step – notre penchant pour le sport nous perdra – pour nous blottir contre la scène de la Canyon Stage afin de se taper une nouvelle histoire belge. Celle-ci est très cohérente avec la performance que nous venons de quitter puisque la formation de Bruxelles s’illustre aussi avec une trompette (sous effets). Nettement plus sludge en ce qui concerne le rendu final, ces Belges peuvent compter sur un batteur qui envoie un bois énorme derrière son instrument. Le stoner très hargneux de ce groupe trouve son public parmi les amateurs de sensations fortes interprétées avec des grosses paires de couilles.
BELZEBONG
Le doom sera finalement assez peu représenté ce week-end, alors pour tous ceux qui aiment à headbanguer le plus lentement possible, ces coquins de BelzebonG sont immanquables et même spécialistes en la matière. Déluge de larsens et gros riffs sur gros riffs, la Desert Stage plonge dans l’ambiance très verte des bûcherons polonais. Car chez ces gens-là voyez-vous, tout est vert, des lumières aux cigarettes… Ça joue sur les genoux (gras) et ça secoue la tête jusqu’au sol, les morceaux instrumentaux flirtent, bien entendu, au moins avec les dix minutes et les riffs prennent leur temps pour exploser, ou imploser, c’est selon. Et vu que pour une fois c’est pas un trio, on a même droit à un deuxième guitariste plutôt balèze en solos et autres usages d’effets. Le dernier album « Greenferno » va certainement s’imposer comme un must du genre et on a probablement pas fini d’entendre parler d’eux. Merci pour la taloche les gars !
DEVILLE
Retour devant la petite Vulture Stage pour y retrouver un groupe que nous affectionnons depuis fort longtemps, Deville. Nous sommes d’ailleurs plutôt surpris de retrouver ce groupe si tôt dans la journée, sur la plus petite scène, alors qu’il a déjà prouvé son efficacité scénique depuis des années, à arpenter les scènes d’Europe sans relâche, et a lâché au fil de ses plus de dix ans de carrière de belles rondelles chez Buzzville, Small Stone, et désormais Fuzzorama, la maison de Truckfighters. Mais pas vraiment le temps de réfléchir, puisqu’Andreas nous prend à la gorge dès les premiers accords du heavy « Burning Towers », issu d’Hydra, sa production pour le label US. A noter que tous les titres de la set list du jour seront issus de ce disque ou du nouvel album, Make It Belong To Us (sacrément couillu de proposer plus de la moitié des chansons que la plupart du public ne connaît pas encore), à l’exception du toujours bienvenu « Deserter ». Confiant sans être arrogant, le quatuor hyper-énergique enquille les assauts presque sans interruption. Véritables baroudeurs du live, Deville déroule (encore une fois) un show sans accro, orienté efficacité, grâce à son heavy rock subtilement fuzzé, ne souffrant d’aucune lacune dans l’interprétation, où chacun se donne sans compter. Quel regret de ne voir ce set honoré que par un maigre public, beaucoup de monde restant hypnotisé par la fin du set de Belzebong, et/ou choisissant de privilégier Banda De La Muerte, préférant ne pas prendre un set au milieu… Mauvaise programmation dans tous les cas de figure.
BANDA DE LA MUERTE
Après les lumières vertes et la fumée et une incursion en terres plus traditionnelles, le moment est venu de se taper une bonne tranche de stoner aux gros relents de punk (à moins que ce soit le contraire). Le Canyon anversois est investi par des Argentins furibards qui vont envoyer leurs brulots hyper speed pendant quarante minutes qui compteront pour certains festivaliers (dont je fais partie si ça intéresse quelqu’un). Véritable bulle d’oxygène parmi des formations au style parfois assez convenu (oui je parle de certains adeptes du psychédélisme n’apportant pas grand chose de novateur), le gang de Buenos Aires fera partie des bonnes surprises de cette édition. L’homme au bonnet qui se tient derrière le micro s’avérant un showman de qualité supérieure, il permettra à ces Sud-Américains de faire bouger les culs et les nuques durant un set foutrement énergique qui verra se succéder des compos mixant savamment stoner rock et influences punkisantes sur lesquelles seront braillées des paroles dans la langue ibère (qui est rude comme chacun le sait). « 8894 », leur production sortie en avril dernier saura convaincre les plus sectaires des adeptes de stoner convenu en partie grâce à la patte magique de Monsieur Jack Endino qui a tourné les boutons pour que ça sonne juste bien. Comme leur show quoi !
MONOMYTH
Avec deux excellents albums au compteur, les space-rockers hollandais ont de quoi de nous proposer quatre morceaux en une petite heure de la crème du genre. L’orgue très seventies est de sortie et le son de la grande salle fait encore une fois honneur au talent des musiciens. La batterie sait se faire présente et appuyée mais demeure souvent hypnotique et répétitive, insufflant un côté krautrock pas dégueu. On est encore dans le pur instrumental, les trois quarts du dernier effort, « Further » y passent et les effets en fond de scène sont parmi les plus immersifs du festival. Tout le monde est à sa place, s’exprime confortablement et le concert, encore une fois, se déroule un peu trop rapidement car ouais, définitivement ça reste toujours un plaisir de se ré-embarquer dans les seventies…
SUNDER
Cocorico ! On revient du côté de la Vulture Stage pour une spécialité lyonnaise : Sunder. Avant-même que ces dignes représentants de la relève du rock psychédélique francophone ne débutent leur set, on se pâme d’admiration devant le Mellotron blanc que ces garçons ont amené dans leurs bagages. Il en jette, l’instrument, et on se réjouit de l’entendre accompagner ses camarades durant la demi-heure de jeu accordée aux Gones. Nous allons vite être gâtés comme des coqs en pâte : l’orage psychédélique hexagonal est d’excellente facture et le clavier est bien présent dans la sono. Il l’est tellement qu’on se mettrait presque à chercher Jon Lord tant le rendu final a des accointances avec le son de Deep Purple. La set list est exclusivement constituée de titres de leur nouvelle incarnation, et les fans de The Socks n’auront rien à se mettre sous la dent ; la page est tournée, qu’on se le dise ! On tape du pied dans l’assistance et, victime d’une fenêtre de tir un poil trop brève par rapport à leur style, on regrette vite de n’avoir pas pu passer plus de temps avec cette sympathique formation qui paie le prix d’une grille horaire blindée en ce deuxième jour où les chevauchements entre les scènes Canyon et Vulture se succèdent. Tant pis je me rattraperai c’est promis !
VANDAL X
J’ai failli porter plainte contre Vandal X ; c’est à cause de ces deux Belges que je n’ai pas assisté à la totalité de la prestation qui les précédait sur la Vulture Stage et se télescopait dans mon planning pourtant mûrement préparé (on ne badine pas avec ça du côté de chez Desert-Rock.com). Il avait intérêt à être à la hauteur, le duo qui jouait en hauteur sur la Canyon Stage. Et bien mes cadets, je n’ai pas été déçu du voyage au premier étage : ces vandales confirment l’excellente santé du rock du Plat Pays qui est le sien. Un bipède à la guitare et un autre à la batterie qui s’échangent les parties chantées. Enfin j’écris chantée là où j’aurai pu écrire criées parce que nous sommes en plein dans le screamo avec ces lascars plutôt très au point techniquement. Parler de références dans la galaxie stoner n’est pas chose aisée les concernant et la filiation avec des génies étasuniens comme Sonic Youth est nettement plus adaptée à leur art. Ça a bien cogné durant quarante minutes et ouvert encore un peu plus le spectre musical de ce week-end de folie. Pas le temps de s’éterniser trop longtemps que, déjà, il faut s’engouffrer dans ce maudit escalier pour rejoindre la Desert Stage où une grosse sensation de cette fin de semaine nous attend.
GREENLEAF
Retrouver Greenleaf en antépénultième place sur la main stage fait chaud au cœur, et illustre bien le chemin parcouru ces derniers mois par nos (presque exclusivement) suédois. Très vite, il ne fait aucun doute que cette exposition n’est pas volée, l’expérience scénique accumulée par le groupe leur donnant une assurance remarquable. L’occasion nous est aussi donnée de retrouver le bassiste des excellents (feu-)Grandloom, Hans, qui après un intérim de luxe assuré par Johan de Dozer, tient désormais officiellement la basse ; musicalement, le casting s’avère impeccable, le groove du jeune bassiste allemand s’intégrant à la perfection à la musique du combo. Le rouleau compresseur de hits stoner-blues déroule donc sa belle mécanique, enquillant une set list en tous points impeccable, à commencer par l’habituelle reprise chargée de soul du « Going Down » de Don Nix. Évidemment, les meilleurs titres de leur dernière galette en squattent les meilleures places, avec en particulier les catchy « With Eyes Wide Open » et « Trails & Passes » en conclusion. Mais au milieu, le groupe s’aventure enfin à déterrer de vieux bijoux, la timidité et le spectre vocal d’Arvid, le nouveau vocaliste, ne les y aillant pas incité jusqu’ici. Triste erreur tant on déguste entre autres le bluesy « Alishan Mountain » ou encore le rapide instrumental « Electric Ryder » (issu de leur premier album il y a presque quinze ans quand même). Mieux encore, le groupe nous réserve une paire de surprises sous la forme de deux nouveaux titres qui s’intègrent dans la set list comme un charme. Une heure de groove absolu, passée sous nos yeux et dans nos oreilles avec un infini plaisir.
BATHSHEBA
Changement de ton un peu brutal, du coup (et c’est aussi ce qui fait le charme de ce festival) alors que l’on s’engouffre dans la lugubre (l’ambiance musicale y fait beaucoup) Vulture Stage pour assister au set de Bathsheba. Avouons-le : on est plutôt surpris de retrouver ce groupe un peu obscur (dans tous les sens du terme) aussi haut dans la hiérarchie de la journée. Le fait qu’ils soient belges est probablement entré en ligne de compte, à défaut de leur réelle notoriété (le combo ayant fêté récemment sa première bougie…). On n’y va pas non plus à reculons, curieux notamment de retrouver Jelle derrière les fûts, l’excellent frappeur de la machine de guerre Sardonis. Rien de démonstratif de ce côté-là, le batteur se révélant plus sobre dans cet exercice plus classique. Car oui, on assiste bien à une prestation de doom assez traditionnel, se démarquant de la « masse » grâce à sa vocaliste Michelle : bon, c’est pas Jex Thoth non plus, même si la ténébreuse chanteuse évolue dans un registre plus proche du metal que du growl guttural. Au final, le set passe bien, le doom classique du quatuor est très bien exécuté, et on se penchera sans doute avec curiosité sur leur premier album à paraître chez Svart Records.
MARS RED SKY
Jamais encore vus, réputés en live et malgré mes réticences quant à leurs albums studios (la voix y est pour beaucoup, j’avoue), je déambulai vers la Canyon Stage sans a priori aucun, pour voir un des rares groupes frenchies à l’affiche cette année. Décollage imminent et voyage réussi , le trio nous embarque sans peine dans un set planant et maîtrisé de A à Z. Le chant si particulier de Julien, doux et aigu, porte finalement à merveille les morceaux épais et aériens des bordelais. Ce serait même une sorte de prouesse de parvenir à allier tant de mélodie avec tant de puissance. La basse ronfle grave et le jeu de batterie est à l’avenant. La confirmation du savoir faire de Mars Red Sky se fait donc sans accroc, plutôt même avec brio, et le set proposé ce soir donne clairement envie de se (re)plonger dans leur discographie.
ORANGE GOBLIN
On ne pourra pas dire que l’on a eu le temps de se languir d’Orange Goblin cette année, encore moins dans un contexte festival, puisque nous les avons vus en tête d’affiche des deux Desertfest d’avril, ainsi que du Hellfest. Inutile de mentir, on n’avait pas la bave aux lèvres en arrivant dans la Desert Stage, même si, et les contre-exemples sont rares, le groupe déçoit rarement en live. Première non-surprise, « Scorpionica » ouvre le bal, comme d’habitude, et comme on s’y attendait ; enchaîné à « The Devil’s Whip », l’entame est redoutable. Sur scène les lascars sont à fond, souriants, le headbang au bord de la nuque au moindre riff (et ils pleuvent, ce soir). Le public s’y retrouve, pas de soucis. Histoire de nous déstabiliser un (tout petit) peu dans nos convictions et notre cynisme de vieux cons blasés, les anglais dégainent une poignée de titres moins souvent joués, notamment un heavy « Cities of Frost », mais globalement, on tourne autour d’une set list « taillée pour la route ». L’assurance tous risques, en gros. Soniquement, comme toujours, le mix live du groupe gagne en puissance et en gras ce qu’il perd en clarté, et on met systématiquement une poignée de secondes à reconnaître les riffs emblématiques des maîtres britons de la bûche. La conclusion, ô surprise, voit s’enchaîner un dévastateur « Quincy The Pigboy » et le rituel « Red Tide Rising » – titre qu’ils s’acharnent à garder comme conclusion systématique à leurs sets alors qu’une bonne torgnole heavy casserait bien plus efficacement les tibias d’un public qui, soyons honnêtes et observateurs, en redemande la bave aux lèvres. Bref, comme on pouvait s’y attendre, carton plein de la part des anglais, même si notre sens critique exacerbé (et notre petit côté fanboy, avouons-le) aurait adoré être surpris par une set list un peu plus aventureuse. Mais le groupe joue légitimement sur ses points forts, c’est probablement ce que 90% du public attendait ce soir, et il en a eu pour son argent.
USA OUT OF VIETNAM
Après celle que je considère comme la véritable tête d’affiche de la journée, le moment est venu de se presser dans le mouchoir de poche du Trix : la Vulture Stage où la formation de Montréal bénéficie d’un temps de jeu un peu plus long que les groupes qui l’ont précédée en ces lieux. Couvrant la totalité de la superficie de l’estrade haute d’une dizaine de centimètres, les Québécois seront un peu bloqués pour se déhancher comme il le faudrait (ça tombe bien : côté public on l’est aussi). Il est amusant de mentionner ici que certains (que je ne nommerai pas ; il faut pas déconner non plus) ne s’apercevront qu’en fin de concert que le groupe était constitué de trois bonhommes et deux gentes dames. Bref, musicalement ça tape cogne entre stoner, psychédélique, doom voire drone donc c’est la pâtée dans nos faciès durant trente-cinq tours de cadrant. Ça passe de plans planants puis le chauve au micro envoie du lourd sur fond de post-doom. On aime ou on n’aime pas, mais avec une quantité impressionnante de quidams venus se taper un concert de Earth, on est pile poil dans le registre qui fait mouche ce soir et la frange radicale du public ne bougera son cul au premier étage que quand les derniers copeaux seront tombés au sol.
CAUSA SUI
On continue notre tour du monde en faisant étape par le Danemark. Au tour de Causa Sui d’essayer de nous faire nous envoler vers les hautes sphères du psychédélisme instrumental. La Canyon Stage est fort bien garnie, en dépit d’une affluence somme toute moyenne durant l’ensemble du festival, probablement due à la « concurrence » Up In Smoke, Keep It Low et peut être aussi d’une programmation moins attirante au niveau des têtes d’affiche que l’an dernier, qui affichait complet. Malgré un côté peut être un poil démonstratif, le quatuor à cordes, peaux et touches va se fendre d’une (courte) visite dans son riche répertoire. On a néanmoins la sensation d’une sorte de retenue, peut être le temps de jeu inadapté à l’improvisation, souvent suggérée dans leurs compos et appliquée à l’envie en live. Ainsi le set va se dérouler tout naturellement au travers de versions quasi identiques à leurs pendants studio. Les gars sont quand même bien à fond dans leur truc respectif et l’ensemble sonne méchamment bien, même si chacun semble un peu jouer dans son coin. Peut être des exigences trop importantes et les conditions pas forcément idéales pour découvrir ce groupe en concert, mais une sorte de demie teinte frustrée ressort alors que ces 50 minutes furent plus qu’agréables. A revoir, vite.
EARTH
Joie et interrogations à l’annonce de Earth en tête d’affiche ce samedi. Certes, le groupe a la bouteille et le talent adéquat, mais est-il réellement à propos à cette heure et dans ces conditions ? On aurait déjà pu s’attendre à un côté visuel plus travaillé au vu des possibilités de l’équipement de la Desert Stage et de l’ambiance cinématographique chère au trio, environ le 312ème en seulement deux jours. Du coup on aura juste droit à la pochette du dernier album stagnant sur l’écran et un light show minimaliste ; soit, les ricains ont dû décider de tout miser sur la musique. Le jeu tout en gestuelle et en toucher de la batteuse est aussi agréable à regarder qu’à écouter, mais sur la longueur les plans proposés se ressemblent énormément, si bien qu’on peut avoir la désagréable impression d’écouter toujours le même morceau. « Monsieur Earth » à la gratte en fait en peu des tonnes, manifestant probablement son contentement d’être parmi nous mais créant une espèce de décalage avec le calme et l’introspection de sa musique. L’excellent et rallongé « Omens and Portents 1 » fera quand même son petit effet, et la nécessité de revoir le groupe en salle toujours d’actualité.
HARSH TOKE
La planète Earth vient de terminer sa lente révolution. Que faire ? Aller se trémousser sur les plaques passées par les deux DJs britanniques aperçus plus tôt sur scène en orange, ou bien se reprendre une rasade de plans psychés ? Entre les deux mon cœur a balancé, mais c’est du côté de la Vulture Stage qu’il a penché pour ce dernier set live de la journée (alors qu’il était déjà le lendemain pour ceux que ça intéresse). Les Californiens, qui se définissent comme des apôtres de l’acid rock, nous ont proposé un bon set bien long composé de plans à la fois saccadés et planants. Un cocktail savamment dosé qui a fait merveille pour clore cette avant-dernière journée de festival. Un mélange de Earthless pour les envolées à la gratte et de Danava pour la rythmique carrée qui s’avéra au final un compromis plus que correct pour satisfaire toutes les tribus encore présentes en ces lieux de perdition. Une gourmandise pour les cages à cérumen pour reprendre ensuite le chemin de nos pénates belges en arborant des sourires satisfaits sur nos minois plus tout à fait frais.
AFTER PARTY “SPAHN RANCH”
Pour la fin de soirée, Ben Ward et Martyn Millard prennent en charge les platines de la Canyon Stage et accueillent dès la fin de soirée les derniers festivaliers qui terminent petit à petit leurs concerts et rejoignent le bar ou le “dance floor”, avec le sourire. Bonne ambiance, bières, bonne zique (des classiques metal, de la NWOBHM, des vieux classiques doom US ou UK, des classiques stoner, etc…) ont permis à chacun une fin de soirée bien sympa ! Bon esprit !
S’alignant sur les Desertfest, c’est à 3 – donc à six pognes – que l’équipe s’est relayée pour vous rendre compte de cette édition des festivités anversoises.
A peine arrivé à Anvers, la veille du Desertfest, on fonce vers la pre-party à l’ambiance très Jupiler qui se tient dans un lieu improbable. On assistera aux deux derniers morceaux de Gigatron 2000 qui a l’air d’avoir bien envoyé. Les copains de l’an dernier sont déjà là et les nouveaux de cette année aussi, cool.
C’est un plaisir de retrouver l’enceinte du Trix un an jour pour jour après une première édition du Desertfest Belgium franchement réussie. Au programme encore cette année : marathon de bûches, mojitos très épicés, bûches, bières, découvertes, tour du monde de la bûche et bières. Youpie !
PLANET OF ZEUS
Le choix du premier groupe d’un festival est toujours important : il donne le ton du festival et accueille les festivaliers qui vont s’en cogner quelques dizaines d’autres derrière (autant dire qu’il vaut mieux éviter de les gaver dès le premier groupe). On va donc plein de circonspection mais aussi plein d’envie rejoindre la minuscule « Vulture stage » (le coin de la zone bar, en fait, un truc plutôt intimiste) pour assister au set des grecs. On vient d’apprendre que le groupe a été retenu pour accompagner Clutch sur les premières dates de sa tournée européenne, ce qui nous laisse imaginer que le combo tient la route. Postulat vite validé, tandis que les Héllènes balancent les premières mesures d’un « Macho Libre » qui suffisent à rameuter le public qui hante les différents recoins et couloirs du Trix. Le quatuor enquille une bonne part de titres de son dernier album en date, sans oublier ses prédécesseurs (miam, ce riff de « Leftovers ») et le public qui se masse désormais devant les remuants musiciens apprécie ce qu’il entend (beaucoup) et voit (un peu – la scène ras-du-sol étant peu visible passés les premiers rangs). Les gars se démènent et ont de l’énergie à revendre, ce qui convient bien à leur heavy rock festif, enjoué et punchy. Babis communique bien avec le public, expliquant le thème de chaque chanson (réel ou pas…). Le set défile pied au plancher, tant et si bien qu’il leur reste quelques minutes en fin de set pour proposer un dernier titre jouissif, avec complément jam et solo. Très bonne entrée en matière.
PSYCHONAUT
L’odyssée ayant bien débuté, j’ai à peine le temps de monter rejoindre le Canyon Stage – la salle moyenne du Trix – et son ambiance club avec des projections psychédéliques latérales pour me projeter du côté obscure de la force. Le trio malinois a du mordant : c’est bien sludge avec un bassiste en charge du chant clair et un guitariste aux vociférations. La débauche de stroboscopes – considérée comme pénible par certains festivaliers – amplifie le côté carrément bourrin des Belges qui arrivent à se foutre dans la poche une bonne partie du public plutôt branchée psychédélique alors que les bourrins présents s’en tapent une bonne tranche lors des parties barrées. La batterie disposée du côté à droite de la scène permet d’apprécier la haute technicité du musicien en charge de cet instrument. Lorgnant parfois vers le post-machin-chose-core, Psychonaut aura délivré une prestation intéressante qui n’aura pas non plus déclenché l’hystérie parmi le public qui commence à se faire plus nombreux en ce début de soirée. Pas le temps de se taper une portion de la spécialité régionale – les frites quoi – qu’il faut déjà rejoindre la grande scène pour le premier set à s’y dérouler.
MONOLORD
Quelle judicieuse idée d’avoir permis aux suédois d’ouvrir l’excellente Desert Stage, la “Main stage” du Desertfest, en quelque sorte. Le fond de scène est intégralement occupé par un écran sur lequel seront projetées de chouettes images tout le week-end, renforçant l’immersion. Les balances de Monolord audibles depuis les abords de la salle présageaient du lourd et effectivement le trio nordique va nous balancer du parpaing par boîtes de douze. Servie par un son énorme et un chant impeccable, l’assistance qui n’attendait que ça se prend un doom monolithique de haute volée en pleine poire, confirmation scénique des deux très bons albums du combo. Le niveau est monté d’un gros et gras cran et le dévastateur “Empress Rising” restera à coup sûr un des tubes de ces trois jours.
THE HEAVY CROWN
Après cette petite baffe doom dans la grande salle, on s’engouffre à nouveau dans la minuscule « Vulture stage » pour découvrir un petit groupe de régionaux, The Heavy Crown. Niveau mise en place, disons-le tout de suite, le contraste ne joue pas en faveur du trio belge : même si leur set n’est pas décousu, on sent que le groupe est jeune et même si son stoner 70’s occasionnellement psyche est assez efficace, on est loin du rouleau compresseur scénique. Musicalement, le set de quarante minutes tient la route, on ne s’ennuie pas franchement, car même si le groupe ne transpire pas l’originalité par toutes ses pores, il ne plagie jamais et apporte quelques plans et gimmicks intéressants. Un peu trop statiques (intimidés ?) ils gagneraient à se lâcher un peu, même si le public, assez nombreux, semble apprécier.
THE MACHINE
Avantage et inconvénient de ce type d’événement, pas le temps de se remettre d’une bûche qu’une autre déboule illico. Changement de décor avec le trio batave qui va combler les attentes avec brio. Tout y est, le son, l’attitude et bien sûr la qualité des compos du trio qui va nous régaler de son stoner tournoyant, jazzy voire punky par moment dans une débauche d’énergie baignée par des projections hypnotiques. La machine est bien huilée, le jeu parfois démonstratif du guitariste est impeccable, bien appuyé par une basse épaisse, gorgée de groove et un batteur pas loin de l’autisme. Dédicace aux frangins de feu Sungrazer (dont le guitariste vient de tristement nous quitter), le set défile plein pot, on profite de “Awe”, “Off Course”, d’un “Come To Light” propice à l’improvisation et c’est déjà fini.
MOON DUO
Les menteurs de l’Oregon – ils sont trois sur scène – avaient suscité pas mal d’interrogations parmi vos envoyés spéciaux. Pas franchement au fait des réalisations de la formation, je me suis pointé du côté des premiers rangs de la Desert Stage ne sachant pas trop à quoi m’attendre (c’est ce qui arrive quand on ne potasse pas la matière avant de rejoindre un festoche). Ce qui était, sur le papelard, annoncé comme une expérience psyché ira rapidement s’égarer dans des plans pop très eighties. C’était bien ficelé, mais, à l’image de Crippled Black Phoenix au dernier Freak Valley Festival, ça détonnait sur l’affiche. L’esthétisme très soigné a foutu une sacré dynamique à ce show plus new wave des temps jadis que psychédélique et les martellements de batterie très robotiques (des beats en fait) ont accompagnés des projections martiales emballant bien les sonorités envoyées sur scène. Les membres, de blanc vêtus, servant eux aussi de supports aux visuels typés clips d’il y a trente piges ont réalisé une performance redondante et envoutante qui n’a pas convaincu les bipèdes partis se désaltérer en d’autres lieux en attendant des effluves musicales plus en adéquation avec ce qu’ils étaient venus chercher à un Desertfest. Les esprits ouverts – et âgés – ont quant à eux passé un bon moment en compagnie de ces Etasuniens proposant un sabbat très prenant avec leur combinaison synthé vintage, martellements métronomiques et nappes de guitares planantes.
WUCAN
Après les extra-terrestres nostalgiques des années quatre-vingt, j’en ai pris pour dix piges en rejoignant l’étriquée Vulture Stage où prenaient place les allemands. La formation de Dresde dont la dernière plaque, « Sow The Wind » était sortie depuis quelques petites semaines allait foutre une sacrée ambiance avec ses influences hippies vintages. Le chant féminin puissant de la frontwoman aux relents très woodstockiens ainsi que la patine folk apportée par la flûte ont séduit un public assez large qui s’entassait péniblement dans la place en cette seconde partie de soirée. Pas trop propre, la formule a sacrément convaincu puisque le chant des sirènes d’Ukraine qui débutaient sur la Canyon Stage ne réussit pas à vider l’endroit qui resta bien garni jusqu’au terme de cette prestation. La scène riquiqui sur laquelle se démenait le quatuor, et surtout sa charismatique chanteuse, agit comme un aimant auprès de la foule très compacte qui ne perdit aucune miette de la débauche babacool flirtant avec le jam qui constitua le final de grande classe (avec l’instrument à vent) d’un groupe qui n’aurait pas juré sur une scène de plus grande taille.
STONED JESUS
Visiblement attendu, à juste titre au vu de la qualité de ses albums, c’est encore un trio qui s’apprête à faire ronfler la sono de l’étage. Un petit morceau pour se mettre dedans et les ukrainiens vont nous ravir d’un stoner hautement énergique qui sait se faire quasi doom par moment. On note des accents blues bienvenus, notamment au niveau des solos, très bons. Règne sur scène une bonne humeur communicative qui aidera le public à accueillir les gars de l’Est comme il se doit. Il faut dire que le concert (comme plusieurs des quelques dates de cette tournée) est un peu particulier, étant donné que des problèmes administratifs ont empêché Viktor, le batteur du trio, d’y participer. Un “session drummer” (dixit Igor) prénommé Artem assure donc le job, de fort belle manière. Est-ce la raison qui a incité le groupe à proposer une set list aussi étrange ? En effet, les ukrainiens jouent l’intégralité de leur premier album en début de set, pour ensuite seulement jouer quelques titres plus récents. Quoi qu’il en soit, l’efficacité est bien là et le set sous cette forme aura clairement marqué les esprits et les nuques.
DOZER
Après la sensation du moment dans la petite galaxie stoner, l’heure était venue de rejoindre la grande salle et sa Desert Stage pour se taper un set du quatuor de Borlänge. En avance sur leur temps, ces rockers ont réalisé, il y a de nombreuses années, des performances et des plaques qui leur permettraient aujourd’hui de bénéficier du succès qu’ils n’ont jamais connu de leur vivant. Bien que déjà vus à plusieurs reprises depuis leur « reformation », c’est à chaque fois avec pas mal d’excitation que j’aborde un show de Dozer que j’ai pourtant vu de leur vivant sur quasi toutes leurs tournées dans nos contrées (et même au-delà). Mon avis sur la performance du groupe à la grande fête belge est donc très partial, mais il faudra faire avec.
Je ne serai d’ailleurs pas le seul à être aux anges avec ce concert, mais il faut avouer que mes alliés et moi-même ne constituons pas la totalité du public du festival et que certains esprits fâcheux n’y trouveront pas leur compte. La faute à un setlist discutable certainement un peu et aussi à un manque de pratique évident puisque le groupe n’est plus vraiment en activité depuis un paquet d’années. Tommi très en forme livrera une prestation impeccable (comme d’habitude en fait) et son collègue Johan (ayant quitté Greenleaf remplacé par le bassiste de feu-Grandloom) en fera tout autant alors que Fredrik ne sera pas au top au chant par moments. Cette première tête d’affiche vit apparaître les premières figures de style parmi le public et des titres assez récents comme l’énorme “Big Sky Theory” ou “Until Man Exists No More” ont parfaitement fonctionné. D’autres, comme “Exoskeleton” envoyé en deuxième position, peinèrent à convaincre. Une mention spéciale aussi à “Supersoul” issu de leur première plaque – « In the Tail of a Comet » sur le mythique Man’s Ruin Records – qui fit monter la pression d’un cran. Au terme de leur concert, les Suédois balancèrent vite fait un rappel convenu alors qu’une partie non-négligeable du public avait déjà déserté les lieux pour rejoindre l’Aftershow ou la petite scène. Dommage pour eux, et aussi pour les fans du quatuor, car cette fin en queue de poire laissa une impression de mission pas carrément remplie jusqu’au bout de la part d’un élément fondateur du stoner européen.
CARLTON MELTON
Honteusement jusqu’alors inconnus au bataillon par mes services, j’oserais qualifier le set des californiens de “leçon psyché de papys”. La frange de festivaliers pas encore rassasiée va se fendre d’un voyage aussi délicieux qu’inattendu, à travers de longs morceaux durant lesquels l’excellent guitariste se permettra de placer des notes de clavier entre ses plans de six cordes à en faire pâlir plus d’un. Le quatre cordiste, lui, ronfle tranquille dans son coin pendant que le batteur/guitariste passe d’un instrument à l’autre, renforcé au besoin par une boîte à rythme. On serait tentés de fermer les yeux devant la musique carrément trippante proposée par le sixième trio du jour mais impossible de perdre une miette du jeu du gratteux, débordant de classe et de sincérité. De très sympathiques messieurs que j’aurais l’occasion de saluer le lendemain.
Un petit tour par le traditionnel after party où l’on a l’impression de ne croiser que des potes de longue date et c’est déjà la fin d’une première belle journée bien remplie. Dodo.
Il est toujours difficile de se remettre d’un premier jour de festival. Malgré toute la bonne volonté du monde, les nombreuses bonnes résolutions (“jvais pas trop boire”, “jvais apprendre l’allemand”,…), il est finalement difficile de faire passer la barre qui nous éclate le front, celle qui vous dit “toi mon con, tu ne t’es pas respecté hier !”. Pourtant en ce 2ème round du Up in Smoke, il va falloir se requinquer, trouver les ressources nécessaires, parce que, on vous prévient, va y avoir du gros gros, du gras gras, du lourd lourd.
SPACE FISTERS
Et le premier sulfatage ne se fait pas attendre puisque le combo français (le seul sur cette édition) va nous ouvrir le fiacre en deux à grand coup de compo alambiquée. Car oui, les fulgurances stoner sont présentes chez le trio, elles permettent d’ailleurs de remettre un coup de boost au public qui répondra de plus en plus présent au fil des minutes. Mais ces fulgurances sont puissantes car elles sont mises en avant par l’amour de la déstructuration. Le trio y va de ces arythmies, puisant ses syncopes dans le math-rock, ouvrant sa musique à de plus vastes horizons. Les gonzes n’avaient pas joué le set depuis plus de quatre mois, et donc ? Bin rien, grosse perf. Une ouverture de 2ème jour parfaite. Respect.
SUN & THE WOLF
Après cette première prestation décapante, l’heure était venue de bouger nos popotins rebondis à l’intérieur de la salle pour assister à la première performance de la journée sur la grande scène. La chambre à coucher préférée des festivaliers orientés roots avait reprise ses allures de salle de concert baignée dans la pénombre et c’est le quatuor berlinois, auteur de « Salutations » cette année, qui a envoyé les premiers riffs saturés de la journée sur la Main Stage. Le rock – puisque c’est de ça dont il s’agit – aux accents à la fois indés et psychédéliques pratiqué par le quatuor teuton s’apparente par moments aux plans mi-seventies mi- alternatifs de Crippled Black Phoenix (vus cet été au Freak Valley et provoquant auprès du public les mêmes ressentis partagés). L’heure à laquelle se déroulait la performance et le style ni doom, ni stoner, ni toussa toussa n’a pas provoqué le délire auprès du public, mais certains – dont vos serviteurs – y ont particulièrement goûté. Une affaire allemande à suivre (pas comme les tribulations des bagnoles du peuple).
BLOODNSTUFF
Duo sur la petite scène en vue. BloodnStuff, c’est de l’américain, de la guitare loopée, de la batterie rentre-dedans et roule ma poule. Le style est efficace et direct, entraînant à l’image de ces 2 titres “Fire out the sea” et “Oh you petty failures”. Rien de bien novateur cependant et au bout de 4 morceaux la formule s’essouffle. Il faut de plus adhérer au chant “très américain” (normal me direz-vous) à classer entre Incubus et Fall Out Boy. Une semi-déception car le binôme joue juste et précis mais l’ensemble est un peu trop propret. Reste qu’une grosse baffe doom ou stoner cracra n’aurait pas servit le groupe suivant. On se dirige donc vers la grande scène, les sens ne demandant qu’à être chauffé à blanc.
MOANING CITIES
La bande de jeunes hippies débarqués de Bruxelles avait l’honneur de se produire sur la grande scène comme à Berlin lors de l’édition 2015 du Desertfest. Cette configuration s’avère très compatible avec le style pratiqué par ces francophones dont la performance n’aurait pas eu le rendu club que d’autres groupes – plus agressifs certes – avaient sur la Side Stage. La musique apaisée du groupe fonctionne plutôt bien dans la salle bâloise et visuellement le coup de la sitar en début de set ça pique toujours la curiosité des bipèdes peu familiers avec Moaning Cities. On ajoutera que visiblement ça la fait aussi d’avoir la batterie descendue de son podium – le groupe fera des émules par la suite – et une disposition à trois en ligne devant la batteuse aux pantalons de babas improbables. En quarante-cinq minutes la formation mixte est passée d’apaisée à délurée ! Le final furibard proposé par Moaning Cities a relevé sa performance et s’est inscrit comme une parfaite transition avec le duo mixte – et paritaire – qui lui succédera à l’extérieur quelques minutes plus tard.
POWDER FOR PIGEONS
Cohérence du running-order donc. Le duo australien déboule avec un stoner binaire très teinté de grunge et efficace. On commence à connaître la paire de zicos, ces derniers ayant posé leurs riffs à carreau au Rock in Bourlon ou au Crystoner Fest cette année. S’abat donc sur nous une set-list seattlesque aux riffs inspirés. Le chant est maîtrisé, et l’unité présente. On reste tout de même sur la même impression qu’avec BloodnStuff. La faute cette fois à un son moins calibré en façade, une batterie un peu linéaire et un manque de prise de risque. La musique est efficace, manque un peu de folie tout de même. La gymnastique vous est maintenant connue, vos gentils reporters tournent donc l’arrière train vers la grande scène.
MARBLEWOOD
Trois à la suite comme dirait l’illustre Julien ; trois formations intégrant autre chose que des couillus poilus se seront succédé en ce samedi après-midi dans la pas si progressiste que ça suisse alémanique (il n’est pas inutile d’étaler ici notre culturisme en informant la communauté stoner que les femelles n’ont le droit de voter partout en Suisse que depuis 1990 ou nonante comme on dit par ici). Le trio zurichois (c’est en Suisse si jamais) se pointa sur scène à l’heure de la collation (qu’est-ce qu’on peut bouffer comme saucisses par ici) et n’était clairement pas attendu. Dommage pour eux car leur style – certes un poil redondant – très groovy et pas bourrin pour un poil de cul n’a pas contribué à rameuter la foule à l’intérieur. Ni la disposition des membres alignés au plus proche du public, ni la batterie à paillettes et ni la charmante bassiste foutrement efficace n’ont pu inverser la tendance en matière de fréquentation. C’est pas franchement mérité pour ce tiercé empreint d’un style proche du jam, mais c’est ainsi et après le temps de jeu accordé le groupe a quitté la scène alors que le public surexcité se pressait contre les barrières de l’estrade extérieure.
BELZEBONG
Voilà, donc à ce moment, l’orga du Up in Smoke a dit “stop à la finesse, on va coller les polonais sur la petite scène histoire qu’ils roustent bien l’assistance comme il faut”. Mission accomplie, Belzebong balance son doom/blues/instrumental/opiacé, déclenchant un va et vient langoureux et collectif des nuques de l’assistance. Baigné d’une ambiance verte, le quatuor récite ses odes sabbathiennes pour le plus grand plaisir des afficionados du genre, assénant un rythme bluesy gros “comme ça”, déclamant l’éloge de l’impact comme personne. Dans Up in Smoke, il y a “SMOKE”. Dans Belzebong, il y a “BONG”. Le résultat est un aigle poilu (oui oui) qui plane à 10000. On est bien là. Allez ! Saucisse !
SAMSARA BLUES EXPERIMENT
Arrive le moment de déception. L’effet que donne le live de Samsara est le même qu’au Hellfest de cette année. Une impression de gâchis tant le groupe allemand a sortit de beaux albums, inspirés, inspirant mais où la perte de deuxième guitariste se fait Oh combien ressentir. En effet, là où devrait se trouver une base rythmique et pleine lors des solos, n’existe plus qu’une basse insuffisante. Dès lors chaque titre comporte un instant de creux faisant sortir le public du mood. On sent le soliste emprunté, gêné. Emprunté sur son clavier aussi. Gâchis oui, car les bougres ont du talent à revendre. Une finesse d’écriture qu’on trouve rarement, un savoir-faire dans la composition et l’exécution. Ce soir on est juste triste de voir le groupe tourner en rond et se perdre dans cette configuration.
MONOLORD
L’insoutenable légèreté de l’être. Parfaitement. On avait besoin d’une claque, d’un seau de saindoux après Samsara. Monolord l’a offerte. Sans fard. Le trio nordique s’est appliqué à alourdir l’ensemble de l’assistance par un quintal de notes grasses. La recette n’est pas originale mais la force du combo réside dans le fait de la suivre à la lettre. Une guirlande de 5 à 7 notes sur lesquelles on applique tous les effets inhérents au genre. Il n’y a qu’à prendre le “Empress Rising” monumental dont nous a gratifié le trio pour s’en rendre compte. 15 minutes de fuzz lourde, de wah malsaine, de supplications ozzyesques où l’étouffement confine à la jouissance. Un set gros comme un poing laissant l’arrière-train chancelant, les jambes fébriles et le souffle court. Chapeau bas messieurs.
MY SLEEPING KARMA
Après cette énième incursion en territoires heavy, l’heure était venue de rejoindre le parterre de la Main Stage pour le quatuor allemand transcendantal que nous adorons tant. Ces quatre chevaliers de l’apocalypse trépignaient d’attaquer leur show et ils n’étaient, de loin, pas les seuls à se réjouir. Seppi attaqua le show d’entrée en se trémoussant comme un beau diable et il ne cessa de se démener durant l’heure de jeu qui leur était accordée. Ce guitariste talentueux est de plus en plus extraverti ; il fini le set par malmener les consoles de son acolyte Norman en arborant un large sourire qui en disait long sur la satisfaction du bonhomme après sa performance de toute grande classe.
La formation instrumentale aura communié avec son public durant la totalité de son show et Matte empoignera le micro à quelques reprises pour communiquer verbalement dans la langue de Johann Wolfgang avec l’auditoire (qui était plutôt bien garni). Ce show constitua un des grands moments de ce millésime du UIS. Les compositions abouties de My Sleeping Karma – auteur cette année de l’extraordinaire « Moksha » – semblent être passées de lubies d’extra-terrestres au rayon des classiques du genre que nous vénérons. La virtuosité de ses membres ainsi que leur précision – chapeau à Steffen le métronome – alliées à leur créativité en ont fait, au fil des années, un classique du genre.
Cette deuxième prestation bâloise pour un Up In Smoke nous aura permis d’entendre des titres anciens, du temps où ce groupe hantait les petites scènes d’événements de ce type, et aussi du neuf issu de leur cinquième pièce. Une mention spéciale aux perles jouissives que sont « Ephedra » et « Psilocybe » tirées toutes deux de la magique quatrième pièce « Soma ». Une ovation générale salua les Teutons au terme de leur set et ce n’était que mérité. Mais nous n’eûmes guère le temps de nous pâmer durant des plombes car des choses plus lourdes reprenaient leurs quartiers au dehors et le hard ça n’attend pas !
BLACK RAINBOWS
L’efficacité. Le back to the future de la journée. Les italiens remettent ce soir la fuzz au centre du village, convoquant l’esprit du MC5, de Hawkind et Fu-manchu en une ribambelle de riffs stoner. Le trio emporte un public heureux, venue en masse pour l’obscure groupe américain en tête d’affiche. Les titres s’enchaînent, une bonne part issus du dernier skeud en date, Hawkdope. On ferme enfin les yeux. Se laissant porté par les compos simples et efficaces des italiens, les solos rock’n’roll. Ouais, il sont bons ces déliés, libres. La guitare hurle ses envies et finalement il est là le bonheur du stoner. Une bière fraîche à la main, entouré de potes, à écouter du son qui ne s’emmerde pas, ne se prends pas la tête. Merci messieurs pour cette grosse bouffée d’air frais ! Place maintenant à la dernière claque du festival. Je vous propose une dernière fois de tourner les talons vers la grande scène de la Z7 messieurs dames.
MELVINS
Bam ! Les Melvins – aussi pressentis pour d’autres événements mondains de l’automne stoner – étaient la tête d’affiche de cette deuxième et – déjà – dernière journée de festival. La grosse foule a (de manière fort étonnante) attendu sagement le milieu de la nuit pour se taper une bonne tranche du phénomène musical étasunien. La formation à géométrie variable n’a plus grand chose à prouver à qui que ce soit et elle peut se targuer de faire partie des références majeures de nombreux bâtards de la grande et belle famille du rock. Il ne s’agit clairement pas d’une formation stoner pur sucre (n’en déplaise à certains), mais leur présence sur l’affiche ne tient pas non plus de l’acte obscène voire iconoclaste. De ce grand fatras lorgnant vers le génie absolu, deux batteries ont été extirpées pour une formation à quatre orientée Big Business.
Les deux kits de tambours ont été placés de manière centrale sur la scène et, après une intro digne des lubies de ce culte, débarquent un fakir à la basse qui tiendra le flan gauche et King Buzzo affublé de sa robe dans la plus pure tradition des illuminati sur la droite. Ce maître de cérémonie, à la capillarité aussi délirante que sa musique, va mener le pow-wow d’une heure et demi durant lequel les batteurs ne cesseront presque jamais leurs martèlements tribaux. A quatre chanteurs, la formation va foutre un boulet énorme et terminer de la plus belle des manières ces festivités. Ces lascars ont sacrément du métier : ça se voit et surtout ça s’entend. On passera des plans à la Black Sabbath aux chants scouts avec la basse brandie de manière belliqueuse en frisant la transe dans le public. Quelques crowdsurfing des premiers rangs viendront même compléter le show intense proposé sur scène.
Les percussions omniprésentes s’arrêteront lorsque Buzz aura rangé son instrument (rapidement lustré par un tech à l’affût) et que l’enturbanné aura clôt de belle manière ce show en s’adonnant à ses vocalises – soutenues par une reverb impressionnante – depuis la foule. Il nous faudra ensuite plusieurs heures pour nous remettre de cette performance, extirper de nos têtes la masterpiece « Youth Of America » et effacer de nos visages des sourires béats dans le prolongement desquels coulait un léger filet de bave.
Voilà, le Up in Smoke cuvée 2015 est terminé. Ce fut intense, avec des gros hauts et des petits bas. Ce fut saucisse, avec un personnel de la sécu toujours aussi peu souriant et une orga toujours au poil. Ce fut fuzz, avec des performances de hautes volées et des sérigraphies de Elvisdead toujours classieuses. Familial, amical et intime, le Up in Smoke sédentaire se démarque vraiment par son identité. Et puis, vous en faites ce que vous voulez, mais Electric Wizard est annoncé pour 2016. Voilà. Bisous les loulous.
Si l’affiche des Stoned Gatherings du 7 octobre est entièrement de vert vêtue, ce n’est certainement pas en référence à l’AS Saint Etienne mais plutôt à la tête d’affiche du soir, Belzebong, mot-valise dont la signification ne nécessite pas beaucoup d’explication. Pour ceux qui ne font vraiment pas d’effort, le logo avec une corne de bélier, une queue de démon et un bang pourra les mettre sur la voix. Nos amis amateurs de botanique et de pipe à eau sont ce soir accompagnés par Grey Widow et Sons of Tonatiuh. Autant dire que la quantité de boue drainée ce soir peut égaler celle du sud de la Louisiane. On espère que vous avez pensé aux bottes, ça risque d’être poisseux.
À 19h30, le Glazart est encore bien vide. On a du mal à croire que Sons of Tonatiuh va monter sur scène dans une petite demi-heure. Le concert débute et l’on regrette rapidement de s’être placé en face du bassiste. Le potard à 11, il prend le dessus sur le chant et la guitare à tel point que ceux ci sont quasi-inaudibles. On a beau changer de place, rien n’y fait : la baffle pourtant imposante de la guitare est impuissante. Dommage. Le doom/sludge des trois américains trouve son originalité dans une ponctuation de punk hardcore, où le tempo s’emballe et le chant est hurlé. L’idée est bonne mais le son ne suit pas vraiment en live. Le doom joue sur les résonances dues à une grande distorsion, la même configuration sur un tempo plus rapide et ne laissant plus de place aux échos peut rapidement donner un gloubi-boulga où l’on ne distingue plus grand chose, dont même Casimir ne voudrait pas pour dessert. Et c’est malheureusement cette sensation de manque de maîtrise sonore que nous laisse Sons of Tonatiuh, surement renforcée par une basse bien trop présente. C’est d’autant plus frustrant que lorsque la basse se calme et laisse respirer la guitare, la musique se fait tout de suite plus entrainante et intéressante. Preuve en est du mouvement des masses capillaires du premier rang, échelle de mesure du groove on ne peut plus fiable.
Grey Widow continue la soirée et on se réjouit rapidement de retrouver un bien meilleur équilibre sonore. Ce quartet anglais caractérise sa musique comme du « nihilistic sludge blackened noize ». Avec une telle appellation et un visuel n’arborant que des nuances de gris (une cinquantaine), on comprend vite que Grey Widow n’est surement pas un bon remède contre la dépression. À grand coup de riffs surdimensionnés et taillés dans le marbre, le groupe est capable d’alterner des passages explosifs avec d’autres très lourds, lents et assommants. L’ambiance est évidemment sombre, lugubre et aussi accueillante qu’une pierre tombale un soir de pleine lune. Au travers des vocaux d’un chanteur qui remplace volontiers son chant par de simples cris, on ressent une réelle expression de la douleur et de la souffrance. C’est poignant et en parfaite adéquation à la musique du groupe. Pour couronner le tout, le groupe s’implique et se donne à fond pour servir ce set dont l’énergie est très contagieuse. Au gré des différents morceaux et d’une sudation croissante du batteur, Grey Widow nous plonge dans un tourment cauchemardesque et jouissif. Une sévère claque !
Les lumières passent au vert lorsque les quatre polonais de Belzebong entrent en scène. Cheveux longs et pantalons de lin bariolés, le groupe reconnaissant en Marie-Jeanne une sainte patronne peut faire en apparence penser à une formation très 70’s. Musicalement, on est bien loin du compte. Une fumée artificielle jaillit et se met à envahir la salle, si bien que l’intégralité du Glazart se retrouve rapidement plongée dans un brouillard à écraser une biche sur une nationale. On peine même à se frayer un chemin jusqu’au bar, pauvre de nous. Sur scène, on ne distingue plus que les deux guitaristes et le bassiste, trois silhouettes alignés impeccablement. Le batteur, lui, est noyé dans la fumée. Le rendu est du plus bel effet, et l’on ne peut imaginer meilleur cadre pour assister à un concert de Belzebong. Leur musique est une bonne synthèse des effets du psychotrope qu’ils mettent en exergue. D’abord, prenez un doom écrasant et abrutissant qui plonge dans une profonde léthargie, où remuer la tête devient l’unique mouvement envisageable. À cette base bien solide, ajoutez des trips psychédéliques portés par des soli cosmiques sur wah-wah pour un voyage hallucinatoire. Bravo, vous avez trouvé la formule chimique de Belzebong, alliance d’engourdissement et d’euphorie, d’excitation et de relaxation à forte teneur en THC. La formule est tellement efficace qu’elle nous fait décoller du sol et nous captive du début à la fin, comme possédés par ces quatre fantastiques dessinés sur un écran de fumée verte.
Une soirée qui s’est ouverte en demi-teinte mais s’est vite rattrapée en assenant deux grosses bûches fatales pour les cervicales. On sort du Glazart la tête enfumée, mais sans les yeux rouges cette fois-ci.