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C’est avec un bel enthousiasme que l’on se met en chemin pour cette nouvelle édition du Sidéral fest : cette année encore, l’événement (de son petit nom “Bordeaux Psych fest”, qui comme son nom le laisse intuiter vise à valoriser les innombrables facettes de la musique psyche) est encore bien vivant, avec une prog bariolée et audacieuse. Première bonne surprise : le nouveau lieu (volontairement ou non, le festival change de lieu chaque année dans l’agglomération de Bordeaux) s’avère une excellente salle de concert, parfaitement équipée et dotée d’un très bon son, en pleine cité universitaire. Bonne pioche ! Dans l’incapacité d’assister à la deuxième journée, nous nous concentrerons uniquement sur cette première journée, dont la tête d’affiche est un groupe transalpin bien connu… De quoi se préparer à un beau festin, à l’italienne.
Magic Castles
La soirée commence avec en guise d’apéritivo à la cool le groupe Magic Castles. Gardons à l’esprit qu’on est en festival, donc la continuité stylistique n’est pas forcément au rendez-vous, même si le noyau “psyche” reste le fil rouge de la soirée. Illustration directe de ce constat avec le set des américains, qui proposent une sorte de pop-rock psyche assez sympathique : relativement dénué de saturation, le combo délivre un set carré à haute densité mélodique, qui le voit piocher aléatoirement dans la pop anglaise de la fin du siècle dernier ou dans celle des USA des années 80. Bonne musique de mise en appétit.
Do Nothing
Place à l’entrée, avec Do Nothing en antipasto grand-briton, qui propose un rock un petit peu plus nerveux, mélange de dandy rock anglais (les gars sont de Nottingham) classieux, bercé d’influences psyche plus lointaines, le tout baigné de quelques rasades électro. En tous les cas le public (assez jeune globalement) apprécie, et ça se dandine gentiment dans la fosse, où les sourires satisfaits sont au rendez-vous.
Titanic Bombe Gas
Tradition italienne : le plat principal est proposé en deux services. Le primo piatto ce soir est livré par les locaux (d’Hossegor) Titanic Bombe Gas, qui emballent rapidement le public avec une sorte de garage rock psyche-surfisant (un peu cliché pour un groupe de Hossegor… en même temps, il ne sert à rien de lutter contre ses racines…). Initialement prévus pour jouer sur une scène extérieure envisagée hors du complexe, le groupe se retrouve bombardé sur la scène intérieure, l’orga ayant dû revoir ses ambitions du fait des orages s’étant abattus dans l’après-midi ! La configuration du groupe à deux batteurs est un peu anecdotique (votre serviteur peine à trouver la valeur ajoutée des double batteurs en général…) mais pas leur musique, qui cartonne ce soir et chauffe parfaitement une fosse désormais très bien remplie. Les compos empreintes d’un garage rock énergique (on pense parfois aux Hives des débuts quand la guitare en son clair stridente vient surnager sur les rythmiques) emmènent un public incandescent jusqu’à improviser une sorte de wall of death incongru plein d’une énergie libératrice.
Black Rainbows
On arrive au secondo piatto et on n’a plus vraiment faim finalement, on se demande si on va avoir assez d’appétit pour faire honneur à Black Rainbows. C’est à ce moment-là que Gabriele et sa petite troupe entament leur set sur le duo riffu “Evil Snake” / “The Prophet” qui met tout le monde d’accord dès les premiers accords ! Le public est à fond, la salle est bien remplie, et la tension restera au taquet sur toute la grosse heure du set.
Scéniquement, on est sur du basique, ça reste Black Rainbows : c’est joué avec conviction, c’est carré, et c’est fait avec goût. On est sur du gros riff, quelques vocaux ici ou là, et des décharges de wah-wah fuzzées pour armer des soli qui emmènent pendant de longues minutes le public dans des virées cosmiques qui donnent tout son sens à la présence du trio dans ce festival, dédié aux trips spaciaux. Côté set list, c’est du solide, ça va piocher un peu partout dans leur discographie, et même dans le nouvel album à venir dont pas moins de trois extraits seront joués ce soir (mention spéciale au groovy “Superhero Dopeproof”), avec une incartade du côté des MC5, avec leur traditionnelle reprise de “Black to Comm”.
Après un petit soucis d’ampli vite réglé pour Gabriele, le groupe prépare sa sortie sur un “Grindstone” un peu (trop) lent, pour finir sur le gros “The Hunter” pour un final impeccable. Une belle sortie pour un set maîtrisé et solide. On aura rarement vu le groupe aussi efficace, et le public, en sueur, ne nous contredira pas.
Black Rainbows
Il ne nous reste plus de place pour le dessert dans une soirée aussi dense et roborative ! On quitte la salle rassasiés, avec un sentiment de satisfaction assez franc : le Sidéral fest semble toujours fringant. Le public est au rendez-vous, la ligne musicale de la prog, toujours aussi audacieuse, reste cohérente et offre une large place aux découvertes… Evidemment on regrette de ne pas pouvoir assister à cette seconde journée, avec notamment Radar Men from the Moon, on espère juste que le succès aura couronné cette nouvelle édition… pour tracer la route d’une nouvelle édition 2024 !
Cela faisait un bout que nous n’étions pas allés écouter quelques bonnes notes de musique à l’ex-Scène Michelet, ex-Michelet et désormais nommé Décadance. Le lieu porte bien son nom pour le metalleux de passage car oui le remplacement de la déco d’origine par de douteuses couleurs criardes à de quoi laisser dubitatif pour ne pas dire pantois. Mais laissons ces considérations à Valérie Damidot et venons en à l’objet de notre visite, une soirée sous pavillon de Crumble Fight oú sont l’honneur Ecstatic Vision et Weedpecker.
Le maître de cérémonie vient battre le rappel sur la terrasse, c’est la tradition et alors la horde des spectateurs déjà chargée de houblon se rend devant la scène du club à l’étage.
Le quartette qui se définit comme la seconde venue de Hawkwind attaque le set par le seul bout qu’il connaisse, c’est-à-dire celui d’un heavy acide et psychédélique. Bien que la musique de américains aie de quoi en décontenancer plus d’ un, la salle comble est vite happée par le vortex. La frappe métronomique et quasi monotone du batteur est hypnotique. La section rythmique tient la salle dans sa main grâce à un jeu répétitif mais aux patterns pourtant séducteurs.
On en prend plein les oreilles et plein les pieds. La salle fait corps avec le groupe, son plancher renvoyant aux auditeurs toutes les vibrations pendant que les stroboscopes illuminent le visage torturé et satisfait du chanteur. Accompagnés de saxo ils descendent au milieu du public, se roulent par terre, font le show sans concession, haranguant le public où lui filant même sa gratte à l’occasion (Ce qui vaudrait à l’heureux élu de se faire acclamer au nom de Bernard Tapping). Avec de telles conditions suintantes d’absence de clim, la salle devient vite un sauna et nous replonge quelques années en arrière du temps ou cette particularité était une marque de fabrique du lieu. L’heure de set est vite écoulée et on se retrouve à devoir atterrir pour aller se désaltérer encore essoufflé d’une prestation toujours aussi folle et puissante.
Bien évidemment quelques-uns dont je suis se sont interrogés sur la personne de programmer Weedpecker en seconde partie. Comment les Polonais vont ils pouvoir assurer l envol du public après le rouleau compresseur précédent? Cela ne semble pas désarçonner les cinq compères que certains sont venus voir de loin ce soir. Après des balances qui impatientent une partie du public dont je suis, le set démarre sans crier gare. Curieuse approche mais après tout, quoi de mieux pour remplir la salle que d’envoyer un bon son hypnotique et éthéré ?
L’astuce fait mouche et il faut peu de temps avant que les rangs ne se resserrent. Le set me semble tout d’abord un peu poussif, cela manque de transport. Le son est bien là, les lights ambiancent la scène à merveille pour un si petit club mais quelque chose ne prend pas tout de suite. Cependant d’un titre à l’autre on monte d’un cran et probablement que le taux d’alcoolémie moyen montant lui aussi la salle se laisse convaincre par ce son à la fois massif, enveloppant et pourtant si léger avec son chant dans les aigus et le clavier qui fait son office avec subtilité tout en jouant les mimes pour exhorter le public à entrer plus loin dans la musique délivrée. Tout cela ne sera pas diminué par une coupure de courant au milieu du set et le groupe reprend de plus belle pour une seconde partie de show qui soulève le public et le conquiert totalement. Les titres les plus massifs font goûter des plaisirs presque proches de Dopelord sans qu’ on ne puisse vraiment l’expliquer. La musique est enivrante à souhait et on s’y plonge totalement, personne ne semble être exempté de ce bain de psyché.
Weedepecker tient 50 minutes de set avant de rendre les armes et malgré un organisateur qui crie depuis le premier rang qu’il reste 10 minutes, malgré les vociférations du public et le rappel scandé durant bien cinq minutes personne ne réapparaîtra sur scène. Clairement une déception pour une fin de set que je n’ose qualifier de fonctionnariale pour ne pas salir les agents de l’État.
Ne soyons pas mauvaise langue cependant, cette soirée était une réussite et clôturait un week-end de pont avec brio. Deux claques musicales pour deux groupes qui loin d’être des découvertes pourtant leur styles avec originalité et talent d’une fois sur l’autre. Je ne sais pas combien de temps vivra encore le lieu mais ce soir il écrivait encore une page de son histoire avec une soirée faite sur mesure par un organisateur bien à la barre de son affaire. Merci Crumble Fight pour cette soirée si réussie.
« Hey Mathieu, pourquoi tu n’organises pas un festival stoner rock sur Paris ? » Si on m’avait donné un dollar à chaque fois que l’on m’a posé cette question, j’aurais aujourd’hui pas loin de 10 dollars, ce qui n’est certes pas non plus une somme délirante, mais ça veut aussi dire qu’on m’a posé la question 9 ou 10 fois. Paris n’a pas des infrastructures adaptées à ce genre de projet ou, si c’est le cas, pas à un prix suffisamment raisonnable pour qu’un tel projet soit viable. Alors quoi de plus évident que de retrouver les redoutables Garmonbozia, responsables – entre 1000 autres choses – de la venue des tournées Up In Smoke sur Paris, à la manoeuvre derrière le Grand Paris Slugde Fest, bel événement consacré aux musiques avec pédale de distorsion, à presque Paris, soit Savigny-Le-Temple, Seine et Marne, communauté d’agglomération du Grand Paris. La tenue du festival à l’Empreinte est, après réflexion, une évidence. Jugez plutôt :
La salle et son équipe est habituée à la musique lourde et la coloration metal et fuzz de l’endroit est évidente.
La salle possède un « club » permettant de faire jouer deux scènes en alternance, à 10 mètres d’écart.
La station RER est en face. Plus près, tu fais le fest directement sur les rails.
La présence d’un espace extérieur « chill » avec lac et grande terrasse rend l’ambiance assez cool, comme une impression de petit espace hors du temps, à 40 minutes de Paris.
Le matériel mis à dispo par la salle permet des petits miracles dont nous reparlerons à la fin de ce report.
Donc le Grand Paris Sludge à l’Empreinte s’est vite imposé comme une heavydence. Et « Grand Paris » souhaitant montrer aux Parisiens que Paris n’est plus uniquement intra-muros, des moyens ont été alloués afin de prouver qu’il est possible de transformer les cités-dortoirs en cités-foutoir, et ce, sans 49.3. Quelques groupes internationaux (Conan, 1000 Mods, Rotor) alliés à la fine fleur de la cause grasse française ont – deux jours durant – été les gardiens du (Savigny-Le)-Temple.
Samedi 22 avril
19h, les portes s’ouvrent, la table de merchandising est généreuse, la bière locale et le public au rendez-vous. On parle de 250 tickets en préventes et le compte se perd sur place, dans les volutes de fumée d’un… (bref j’ai oublié de demander). 20 minutes plus tard c’est à DECASIA de monter sur scène. Le trio, à l’instar de tes Choco-BN, a été fabriqué à Nantes mais tu peux l’acheter à Paris. Le son est gros, le riff est lourd et le bassiste joue aux doigts et a l’œil rivé sur les spectateurs, déjà nombreux à garnir la salle. Leur stoner rock est de facture classique, rond comme un ballon et donne le ton du week-end. Deux nouvelles chansons sont jouées, et le public dit merci avec la nuque. Et puis bon, le chanteur guitariste a un tee-shirt Black Sabbath, donc c’est validé. En même temps, qui refuserait 40 minutes sous la couette avec une Big Muff ?
La suite se passe au Club, avec FÁTIMA en version acoustique. Fátima a grimpé de nombreuses marches de l’underground avec ses trois premiers albums et notamment Fossil, le petit dernier, aussi attachant que référencé. Un petit bonbon qu’il nous faudra déguster en acoustique, la faute à pas de chance, le batteur s’étant esquinté les doigts de la main gauche, en faisant quelque chose d’esquintant, probablement. Ce dernier tient tout de même son rang mais, à deux doigts de pouvoir taper fort, il tape le jam avec ses collègues, dans une configuration qui nous transporte immédiatement 30 ans auparavant, à l’époque des MTV Unplugged. La ressemblance entre le timbre vocal d’Antoine Villetti et celui de Kurt Cobain accentue forcément la sensation. 45 minutes hors du temps, dans ce temple de nouveau sacralisé.
Barabbas
Mais qui a libéré BARABBAS ?!?! Les bandits investissent la scène principale et savez-vous ce qu’ils font du public ? « De La Viande », évidemment. Les titres de leur dernier et excellent album La Mort Appelle Tous Les Vivants se mêlent aux meilleurs extraits de leurs deux précédents albums et cet évangile électrique, au pouvoir salvateur, nous purifie par la force du « Saint Riff Rédempteur ». Bref, en un mot comme en cent, Barabbas a crucifié l’Empreinte et rappelé qu’il n’y a pas beaucoup d’équivalents sur scène, en ce moment, dans les sphères doom.
THE NECROMANCERS est un groupe qui a grimpé vite et doit désormais gérer sa carrière, ainsi que définir la coloration qu’il souhaite donner à sa musique. Parti d’un rock occulte, rétro/satanico/acide, le groupe tend vers quelque chose de plus heavy, tout en gardant une appétence mélodique plutôt intéressante. Leur live du soir déborde d’enthousiasme et s’il manque une petite étincelle (un peu d’entrain par ci, un peu de coffre par là), le public du Club ne boude pas son plaisir et remue bien du croupion!
Conan
CONAN ? Quels sont tes hobbys ? Boarf j’ai toujours aimé écraser mes ennemis, je n’ai rien contre le fait de les voir ramper devant moi, éventuellement entendre les lamentations de leurs femmes, mais je ne vous cache pas que mon truc c’est surtout le gros doom des cavernes. 22h30, Conan transforme le petit lac de l’Empreinte en gros marais putride pour une heure de boue aux vertues apaisantes. Le trio ouvre avec « Levitation Hoax » titre issu de son dernier et très bon album, puis pioche dans sa longue discographie de quoi réduire la salle en bouillie. Mission accomplie, à l’heure de déverser ses spectateurs vers les RER et le parking, l’Empreinte toute entière tremble encore de la déflagration sonore qu’elle vient de subir. Et nous avec.
Dimanche 23 avril…
…au soir, de retour au temple (de Savigny-Le) et à l’Empreinte pour une seconde fournée de fuzz.
La soirée commence pourtant par un extrait de « Grand Paris » de Medine, avant que BRUSQUE ne prennent la scène d’assaut. Le duo est devenu trio, pour trois fois plus de sludge/doom/post trucs gras. Leur premier album, Boîte Noire, est à l’honneur et le boucan perpétré par le groupe remplit de joie l’assistance, venue, de toute façon, pour se faire molester.
La suite se joue au Club où MAUVAISE FOI lance un sample du très sain d’esprit Bone Crusher dans le film Deadbeat At Dawn puis décide de nous saper le moral pour les 45 prochaines minutes. Leur sludge convoque EyeHategod, Acid Bath ou n’importe quelle autre saleté du genre, le tempo est à l’agonie et nous aussi. C’est la poutre, la joie de crever entre amis. Je ne m’attendais pas à un tel niveau de maîtrise et de noirceur. Bravo, tout simplement.
7 albums – nommés de un à sept – de stoner instrumental aux inflexions psychédéliques, voilà ce que propose, depuis 2001, la formation allemande ROTOR. Si tout ça paraît opaque, c’est parce que c’est par le live qu’il faut commencer, histoire de prendre dans le bas ventre le son robotique du groupe, du riff qui tournoie à la section rythmique qui flamboie. Et le concert de ce soir a tout simplement des allures de démonstration.
A peine le temps de dire « geschwindigkeitsüberschreitung », soit « excès de vitesse » en allemand, et nous voici au Club pour le concert de DJIIN, l’une des belles surprises de ce festival. Dans une ambiance aussi chaotique que frénétique, le groupe met la petite salle en sueur, au son d’une harpe électrique que Chloé Panhaleux maltraite comme Hendrix le faisait avec sa guitare. Les Rennais sont complètement allumés et régalent avec quelques extraits de Meandering Soul, sorti chez Nasoni Records, label allemand réputé pour l’audace de ses choix.
1000Mods
La suite et fin du festival a lieu sur la scène principale que les grecs de 1000 MODS investissent en conquérants. J’ai beau ne pas goûter spécialement leur stoner basique, je me dois de reconnaître que la salle est en feu et que je suis moi-même en train de gigoter debout sur une table. Le groupe semble pourtant un peu fatigué, à l’image de la voix de Dany G. sérieusement endommagée par la grosse tournée que les hellènes (qui s’appellent hellènes) effectuent en ce moment, mais la musique du quatuor emporte tout sur son passage notamment quand résonne le riff de « Super Van Vacation ».
Lorsque l’heure est venue de rejoindre les rails ou les roues de son moyen de locomotion, le public du Grand Paris Sludge Festival a la tête pleine de fuzz et ne souhaite qu’une seule chose : revivre tout ça encore une fois. En attendant de savoir si le festival va se pérenniser (il y a intérêt !), sachez tout de même qu’il est possible de voir ou revoir l’intégralité des concerts sur ma chaîne Youtube :
Le Westill est un petit festival sur les terres de son grand frêre, le Hellfest. Ce Petit Poucet commence d’ailleurs à faire entendre ses ambitions, en 6 éditions il est passé du hall du Champilambart, la salle de spectacle de la ville de Vallet à l’exploitation de la scène de taille conséquente bâtie juste à côté. L’affiche de l’an passé nous avait permis de passer un excellent moment et celle de cette année nous promet une fois encore peu de répit malgré l’annulation de dernière minute de Greenleaf excusé pour raison médicale. Dès l’entrée d’ailleurs on se sent gâtés, quasi aucune file d’attente, une amélioration remarquable. Le merch permet de filtrer une partie du flux des festivaliers avant l’arrivée à l’achat des jetons pour les consommations. On trouve sur place des stands de tatouage, un barbier, un luthier et autres stands cannibales pour le portefeuille. Oui vraiment ce cru s’annonce particulièrement bon et on croise bon nombre de festivaliers qui auront franchi plusieurs centaines de kilomètres pour venir voir de quoi il retourne.
MONAS
C’est devant une salle encore éparse que démarrent les hostilités avec pas loin d’une demie heure de retard sur l’horaire attendu. Un démarrage en douceur qui laisse le temps de retrouver nombre de nos camarades que la raréfaction des concerts de notre genre de prédilection en région nantaise nous fait un peu perdre de vue. C’est donc avec bonne humeur que l’assemblée reçoit Monas, une jeune formation Rochelaise de stoner qui depuis quelques temps prend ses quartiers régulièrement pour l’ouverture de diverses programmations. Une fois de plus ils viennent faire le boulot, livrant leur stoner un rien élégant et qui ouvre la tranchée pour les groupes à venir. Ils jouent sans excès, l’acquisition de la scène est un rien timide mais le jeu est propre, accompagné d’une balance bien faite. Le public valide et communique sa satisfaction, mission réussie pour ce trio qui sait démontrer qu’il a bossé ses classiques.
DUSKWOOD
Après un nouveau détour par le bar où s’étalent les offres de bières craft à des prix que l’on rêverait de trouver dans tous les repères de hipsters, Duskwood vient fouler les planches du Champilambart. Le quartette anglais fonce tête baissée avec ses vocaux braillards et sa section rythmique qui envoie le bois. On pourrait craindre au premier titre que cette dernière n’empiète sur le reste de la formation mais il n’en est rien. L’énergie qui fait tourner Duskwood s’appelle Kyuss, cela vient frapper les auditeurs lorsque la voix se fait plus mélodieuse et se superposerait a la perfection sur celle d’un John Garcia. Malgré tout on est loin du copy cat et alors que la salle finit de se remplir sans doute au-delà des 700 personnes, le groupe convainc son auditoire malgré une tendance à laisser mourir ses morceaux plutôt que de leur offrir une vraie conclusion à chaque fois. Une affaire à suivre sur album comme sur la scène donc.
WITCHFINDER
Après des balances et une mise en place qui semblent interminables, c’est à Witchfinder de venir alourdir l’atmosphère de leur doom sludge joliment charpenté. Ils ont dû faire venir leur fan base de Clermont-Ferrand ou bien ils ont gagné une notoriété qui a échappé aux programmateurs, toujours est-il qu’avant même que le set ne débute, la fosse qui était restée timide et vide sur deux mètres devant la scène se trouve remplie de rangs compacts et braillards. La playlist est centrée autour du dernier album et n’a vécu l’expérience du feu que lors de la release party du jour d’avant. Accompagné d’une balance très pro, soulignons-le encore, et d’une scénographie brumeuse où les spots sont légion, Witchfinder déroule des titres comme “Marijuana” ou “Lucid Forest” qui passent le banc d’essai avec leur lourdeur éthérée où l’adjonction d’un clavier ponctue au coup par coup les compositions. Cette approche permet à ce dernier de ne rentrer sur scène que quand il est nécessaire. Carton plein pour le quartette qui nous aura offert un set qui aura convaincu même les plus réfractaires à leurs précédentes productions.
SAMAVAYO
Nous avions déjà eu la chance de pouvoir capter Samavayo cette année lors du Desertfest Berlin et pour les 17 bougies de Sound of Liberation. Pour cette date le débit du set est placé sous le signe du heavy psychédélique et après deux ou trois titres la batterie sort ce qu’elle a de plus saccadée à grand renfort de blasts sur-amplifiés, quelque chose semble mal tourner de ce côté car la violence des futs va devenir une constante de la soirée. Les notes orientalisantes issues de l’album Payan adossées (faute à un excès de d’ivresse de jouer sans doute) aux frappes de batterie quasi technoïdes trouvent de l’écho dans la fosse qui reste d’un bout à l’autre du set bien proche de la scène. La consécration intervient comme à chaque fois sur le titre phare du groupe, “Rollin” repris en chœur loin derrière les premiers rangs, mettant au jour le fait que ce festival draine une population de fans réels de la scène stoner. Tout ceci apporte une fois de plus crédit à la potentielle longévité future de ce rendez-vous.
MR. BISON
Pour parachever ce que l’on pourrait considérer comme la première partie de ce festival, c’est au tour des très loquaces italiens de Mr Bison de venir enjailler l’auditoire. Le trio Heavy Psychédélique après une intro floydesque dérive rapidement sur la tonitruance saccadée d’un blues rock assassin. L’épopée du groupe de titre en titre est psychédélique et saturée et flirte plus d’une fois avec un acid jazz libéré, surtout du côté de la batterie. Souvent on se prend à se demander ce qu’il en serait si le batteur était moins présent, mais les deux guitaristes qui l’accompagnent ont tôt fait à chaque fois de démontrer leurs talents et de refuser de se laisser vampiriser. La formation transalpine fait mouche, la salle est aux anges et se régale de ce qu’elle reçoit y compris lors des longues tirades du chanteur à son adresse. A cette heure il est devenu compliqué de s’adosser à la scène, signe que l’œuvre est bonne. You Win, Perfect!
Les deux têtes d’affiche de la journée vont pouvoir tenir le pavé de la soirée. L’amertume de l’absence de Greenleaf s’entend dans beaucoup de discours, la cohorte qui était venue principalement pour les suédois est importante, on espère également pouvoir les retrouver une énième fois aux portes de la maison, mais séchons nos larmes car arrivent Hangman’s Chair et Witchcraft.
HANGMAN’S CHAIR
Enfin, séchons nos larmes…est-ce bien à propos lorsqu’il s’agit d’aller ouïr Hangman’s Chair ? Les vieux routiers de la scène doom dépressive ne font jamais dans la joie et la bonne humeur. Il n’en sera pas autrement ce soir. Ils sont venus déverser le son du désespoir et semble-t-il même de la colère. Sous un set light méticuleusement préparé les corps sont brutaux, propulsés avec leurs instruments aux rythmes des accords implacables qu’ils distribuent à un public assez différent des précédents sets. En effet, la jeune génération de leurs auditeurs s’est rapprochée et plante ses crocs luisants dans le bois de la scène. La force de Hangman’s Chair réside pour les autres, plus anciens acteurs des fosses doom et stoner, dans la puissance du son qui ce soir atteint une apothéose destructrice qui va en pousser plus d’un vers la sortie. On sent que les amateurs de la première heure se sont pour une part détournés du groupe parisien. Mais qu’importe il a gagné de nouvelles recrues là où il en a perdu et que les vents les meilleurs lui en apporte encore.
WITCHCRAFT
De larmes il en sera encore question pour le final, Witchcraft. Il n’y a pourtant rien de larmoyant dans le style ou dans le discours. Certes, mais le groupe arrivera à tirer des larmes de tristesse à ses fans. Le trio livre comme à chaque fois que l’on a pu les voir cette année un set maîtrisé. L’habitude est là et ils sont attendus. On sent qu’ils ont creusé leur trou et que la configuration de la salle ainsi que les efforts portés côté consoles ne devraient que mieux leur servir la soupe. Mais à vouloir continuer à trois ce qui demanderait une formation plus nombreuse, les suédois diluent leur doom mélodique à l’eau déminéralisée. Les compositions se disloquent et chaque partie peine à raccrocher l’autre. Les amateurs du groupe font grise mine, ayant même du mal à reconnaître les titres phares. Perdu dans les brumes d’un rose laiteux de la scène on espère juste que le groupe n’aura pas trop perçu le siphon qu’il a ouvert au fond de la salle et qui petit à petit créé de grands vides. N’allons tout de même pas jusqu’à parler de naufrage, car les ayant vus trois fois cette année j’ai ressenti la même chose à chaque fois. De l’intention mais des moyens qui ne sont pas portés pour poursuivre l’effort des albums. Ce qui ce soir n’empêche pas les fans les plus opiniâtres de rester fixement au pied de la scène pour applaudir et encourager son favori a la moindre occasion.
Le Westill est la preuve qu’on peut avec beaucoup de volonté, de courage et sans doute d’inconscience, réussir là où tant d’autres se cassent les dents. Comptant sur un public bien vivant de fans du genre, une fois encore la réussite est totale et même si comme c’est notre habitude nous trouvons trop facilement le chemin de la critique pour les petits accrocs, il faut saluer bien bas ce festival qui sans solliciter grand monde creuse son trou et fait enfler son nom d’année en année sans jamais se rengorger. Vivement l’année prochaine, nous avons je pense trouver une nouvelle halte live avant les fêtes de fin d’année !
La petite tournée de Mudweiser a choisi pour son avant-dernière date de faire escale au Haillan, à quelques encablures de Bordeaux, dans une petite salle de concert fort sympathique, le Salem. Même si le cadre (zone commerciale voire industrielle) n’est pas vraiment bucolique, l’ambiance en arrivant dans la salle se fait plus chaleureuse, en terrasse ou dans le bar.
Bombtraxx
Le temps de commander un verre et Bombtraxx lance les hostilités dans la salle de concert. Le quatuor bordelais ne manque pas d’énergie et de bonne humeur. Les compos distillent toutes sortes de rock/hard rock, avec des plans très variés, piochant même parfois dans différentes variétés de metal, funk, neo metal, vaguement stoner… On a du mal à voir où ils vont en réalité et à qualifier la ligne directrice musicale du combo, mais en s’essayant à tous ces styles, les musiciens semblent s’éclater, et c’est communicatif, c’est bien l’essentiel.
Lust
Changement d’ambiance pour le second groupe de première partie, les locaux de Lust. Solide et carré dans sa mise en place, le quatuor délivre une musique plus homogène musicalement, développant un genre hybride entre metal, indus, post metal, neo metal… C’est efficace et ça fonctionne pas mal, d’autant plus que le groupe inclut une reprise du “Paranoid” de Black Sabbath et conclut sur une réinterprétation sympathique du “Personal Jesus” de Depeche Mode.
Mudweiser
L’heure est venue de passer au gros calibre, avec les sudistes de Mudweiser. Comme vous le savez, le chanteur du groupe est Reuno, le locace frontman de Lofofora, qui joue son rôle de meneur à la perfection. Gouailleur, blagueur, le chanteur a ce talent de se connecter à son public, qui lui mange dans la main. Mais c’est bien avant tout pour ses cordes vocales qu’il est là, et il met son chant rocailleux, en anglais, au plein service du groupe. Efficace, chaleureux, puissant ou subtil selon le besoin, il n’est pas un simple faire valoir.
A ses côtés les trois autres musiciens sont loin d’être des guignols. Saïd, taciturne, abat un travail de titan avec une seule guitare, bien aidé par un son à décorner des boeufs. Ses compères à la rythmique ne sont pas non plus là pour cueillir des paquerettes : Xav distille ses patterns puissants et/ou groovy sans faille, ce tandis que Jey (par ailleurs guitariste de Verdun), avec son son de basse ultra-saturé, vient opérer la parfaite jonction entre socle rythmique et support mélodique, renforçant la touche de groove typique du groupe.
Le quatuor est là pour défendre son dernier album, le très bon The Call sorti il y a quelques mois, et s’y emploie gaiement, avec pas moins de six extraits joués dans la soirée, dont les excellents “Invitation” en intro, le furieux “High Again” ou le chaloupé “Sad Man”. Pour le reste, le groupe fait complètement l’impasse sur ses deux précédents albums pour ne piocher que dans les galettes réalisées avec Said, à savoir son premier album Holy Shit, et un EP sorti il y a une douzaine d’années, Drug Queens. Un peu étrange cette impasse temporelle, mais compréhensible compte tenu qu’il s’agit de chansons écrites par l’ensemble des musiciens sur scène ce soir. Il y a en tout cas de quoi faire, et le groupe alterne morceaux costauds et mid-tempi, le tout mélant groove et influences stoner et rock sudiste assumées.
L’ambiance est bonne et le groupe est en forme, et la set list défile à vitesse grand V. Du coup, arrivé à la fin, Reuno se renseigne sur l’heure qu’il est : il reste 10 minutes avant le couvre-feu ? On en rejoue deux pas prévues ! On a donc droit aussi à “Bumper Hunter” et “Tied Up” pour un final graveleux-suave du meilleur goût. De quoi regagner nos pénates avec le sourire après ce concert, où Mudweiser, hédoniste et généreux, a encore une fois convaincu.
La galaxie des DesertFest continue son expansion : après Londres, Berlin, Anvers et New York, sans oublier l’éphémère séquelle hellénique, à Athènes en 2016 et 2017, voici venir l’édition de Ghent (Gand), se tenant deux semaines après celle d’Anvers, dans les entrailles du Vooruit, institution des arts vivants du quartier ouvrier de la ville. L’édifice abrite une salle de théâtre, une salle de concert et une autre modulable, les trois étant ici affublées des mêmes noms qu’à Anvers, à savoir Canyon, Desert et Vulture stage. Et croyez-moi le terme « entraille » n’est pas ici galvaudé, la Desert stage se trouve à 200 bonnes marches plus bas que le hall qui accueille le merchandising et le bar principal. Et même si l’ascenseur permet de sauver quelques chevilles ankylosées (en sus de l’évidente priorité PMR), l’idéal reste d’avoir travaillé les quadriceps et autres ischios-jambiers.
Autre fait notable, la présence cocassed’une scène sur une scène. En effet, la salle de théâtre du Vooruit, superbe avec ses fauteuils rouges et ses multiples balcons, sert de décor à la Vulture Stage, consacrée aux groupes plus modestes. Avec la scène de musique installée sur la scène de théâtre, endroit sur lequel s’installe aussi le public, l’endroit à des allures de secret show, et le charme qui s’en dégage est un plus indéniable, notamment pour apprécier pleinement les concerts de Tau & The Drone Of Praise et Wyatt E, deux formations jouant, à leurs manières, la carte du métissage.
Tau & The Drone Of Praise
La première est menée par Sean Mulrooney, multi instrumentiste mêlant le folklore de son Irlande natale avec diverses influences rappelant l’acid rock 60’s, piochant du côté du Mexique par exemple. Accompagné par un groupe appliquant un tempo inspiré des prises de LSD, Tau & The Drone Of Praise convoque un désert dans lequel s’ingère le peyotl en quantité non négligeable. Et ce concert aura été, à ma connaissance, le seul du festival à proposer de le flute et de la mandoline. Très belle découverte pour ma part.
Wyatt E
Wyatt E., venu de Liège, donne dans le doom/drone mêlé de références babyloniennes. Vêtu de tankakat (habits bédouins), le trio installe une transe empruntant autant aux gnaoua qu’aux compositions d’Al Cisneros, le désert ici convoqué étant celui du Sahara. L’univers de Wyatt E. agit alors comme un trait d’union entre deux mondes et le public, massif rapporté à l’endroit, ne s’y trompe pas, se laissant transporter 50 minutes durant. Un autre moment fort du fest.
En début de soirée se sont enchaîné sur la Desert stage, trois ex-grands espoirs de la musique plombée, tous trois apparus à l’orée des années 2010, apportant un vent de fraicheur dans le genre : Pallbearer, Monolord et Elder. Il est interessant de constater, dix ans plus tard, ce qu’ont été les parcours de ces formations :
Pallbearer
Pallbearer pour commencer a creusé le sillon du doom émotif à lourdes guitares et mélancolie affichée, n’ayant pas à mon sens réussi à dépasser la qualité de leur premier album, battus sur leur propre terrain par le retour aux affaire goth/doom de Paradise Lost ou l’émergence d’Hangman’s Chair sur la scène internationale. Peu aidé par un jeu de scène extrêmement statique et les blancs infinis entre leurs morceaux, l’ex espoir Pallbearer est devenu une formation de complément pour festival à riff lent. Frustrant.
Monolord
Monolord est un groupe de petits malins. En agrégeant les meilleurs ingrédients du genre stoner/doom – toute fuzz dehors – et en maquillant leur manque flagrant de qualité de composition par un son plus massif qu’un séquoia, le trio suédois s’est taillé une réputation solide, plus ou moins sur la base d’un seul riff, celui – impeccable – d’« Empress Rising ». Si à mon sens leur discographie jouit d’une trop grande clémence auprès des spécialistes es stoner, on ne peut rien enlever à la puissance qu’ils dégagent une fois sur scène (et passer derrière Pallbearer est un plus indéniable). Exemple frappant : « I’ll Be Damned » en live frappe par sa lourdeur, sa double pédale féroce et transforme le chaton Monolord en tigre flirtant avec le death metal. Merci pour ce moment.
Elder
Elder a par contre acquis un tout autre niveau. Les quatre américains, berlinois d’adoption m’ont toujours frappé par l’aisance technique et la grande cohérence dont ils font preuve. Leur discographie, ne souffrant d’aucune faille majeure et ne ressemblant – au final – à rien d’autre (on sent l’influence Colour Haze mais après ?) est sublimé une fois leurs meilleurs morceaux portés sur scène. En quatre titres Elder transforme la salle en grande vague d’énergie pure, avec, comme toujours « Dead Roots Stirring » en point d’orgue (cette reprise de riff, qui peut résister à ça ?). À voir si le nouvel album du groupe, annoncé pour fin novembre ne va pas encore faire passer un palier à une formation amenée, à mon sens, à régner sur le genre.
Je n’ai malheureusement pas pu assister au live d’Orange Goblin (convaincu qu’ils ont, comme toujours, gagné le prix Motörhead du concert le plus énergique de la journée), pour ne pas rater une miette des deux principales raisons de ma venue en Flandres Orientales : Coven et Candlemass.
Coven
Les deux concerts de Coven qu’il m’a été donné de voir jusqu’ici m’avaient toujours laissé un goût étrange dans la bouche. Entre un set approximatif au Roadburn et une prestation certes bien meilleure mais tout de même un peu tapée au Fall Of Summer, le retour de Jinx à la musique a, jusque-là, plus tenu du moment d’Histoire que du plaisir mélomane. Les choses sont désormais réparée grâce à la prestation très touchante du groupe au DesertFest. Avec un backing band renouvelé, s’articulant autour de musiciens d’Indianapolis, notamment Alex Kerchal (clavier, ingé son au studio Postal Recording) et Chris Owens (ex-Cursed Blade), Coven semble habité par une volonté nouvelle. Sur scène tout le décorum satinico-kitch est de sortie, bougies, crânes et cercueil évidement, dont Jinx sort comme à chaque show. Si Witchcraft Destroys Minds & Reaps Souls, son album culte, est à l’honneur avec 7 titres joués, la set list du groupe pioche également trois morceaux sur Coven (2013) en plus de « Blood On The Snow » titre ayant donné son nom à l’album publié en 1974. Mais mon bonbon du concert est « The Crematory », enregistré en 2016 pour l’EP Light The Fire, porté par une mélodie arabisante aussi envoutante que l’est Jinx, avec son masque et sa lanterne. Ma meilleure soirée d’Halloween et un excellent concert que je dois malheureusement quitter prématurément à cause d’un chevauchement de 10 minutes avec le début du set de Candlemass (SERIEUSEMENT LES ORGANISATEURS ??)
Candlemass
Les suédois de Candlemass, sur le point de publier le très honnête Sweet Evil Sun, leur 13ème album, clôturent la Desert stage avec autorité. 75 minutes de doom épique pur et racé. Une setlist sans surprise, se concentrant évidement sur Epicus Doomicus Metallicus (1986) et piochant dans le meilleur de la période Messiah Marcolin, un groupe sûr de sa puissance de feu (quel son, quelle voix de Johan Langqvist), tous les ingrédients sont là pour un concert parfait. Bien sûr j’aurais aimé quelques surprises dans le choix des morceaux, notamment entendre live « Scandinavan Gods » le banger du prochain album à venir, et déjà sorti en single sur la toile, et pourquoi pas « House Of Doom » de l’album précédent, mais comme l’a constaté le groupe en effectuant un sondage à main levée : une bonne moitié du public présent voyait Candlemass pour la première fois. Une raison bien suffisante pour dérouler les classiques, et finir par l’irrésistible doublette « Demon’s Gate » et « Solitude » (à noter d’ailleurs que la setlist prévoyait « Dark Reflection » qui n’a pas été jouée, probablement par manque de temps). Tout ceci n’empêche pas Leif Edling et les siens de sortir sous l’ovation d’une salle exsangue, conscient d’avoir passé un moment d’une rare force. Le concert du fest, mais j’étais conquis avant même qu’il commence.
Candlemass
Immense succès pour le DesertFest version Gand, avec son lieu chargé d’histoire, son public nombreux et des prestations plus que convaincantes. A l’année prochaine ?
Le set de Bongripper a fait l’effet d’une déflagration hors normes lors du Desertfest Anversois le dimanche soir, proposant un set d’une densité et d’une maîtrise qui en a laissé plus d’un – nous inclus – pantois. Impossible d’en rester là et d’attendre l’une des prochaines éventuelles tournées du groupe, super rare sur scène ; il nous fallait une nouvelle dose, et nous avons donc sauté dans un véhicule pour parcourir les routes sous vents et pluies pour rejoindre cette belle (!) ville de Dortmund, pour la date suivante de leur petite tournée.
NOORVIK
Premier changement notable : après le vaste confort de la grande salle du Trix, retour à une configuration plus habituelle pour le groupe, le JunkYard étant un club rock d’une capacité de quelques centaines de personnes, en banlieue de Dortmund. Et pour l’heure, c’est à Noorvik d’ouvrir les hostilités. Le quatuor de Cologne déroule un set de presque une heure fort plaisant, proposant une sorte de post-metal instrumental assez lourd, à velléité progressive. L’une des spécificités du groupe tient à leurs intros, quasiment toutes constituées de longs plans rock atmosphérico-mélodiques, avant de monter en pression pour le reste du morceau. Sur le set complet, on pourra s’interroger sur ce principe quasi-systématique, mais on ne fera pas la fine bouche, en ayant quand même bien goûté ces séquences bien pesantes qui nous ont mis dans l’ambiance.
NOORVIK
L’heure de Bongripper arrive vite et comme à l’accoutumée c’est sans effet ni mise en scène que les quatre musiciens de Chicago montent sur scène, démarrant le bruit de fond qui se transforme progressivement en intro au classique “Hail” – déja intro du set de la veille. On ne va pa rechigner à se prendre la même claque une seconde fois ; on est plutôt du genre à tendre l’autre joue après avoir pris une telle mornifle la veille. Même cause, mêmes effets : malgré une sono qui ne rivalise pas avec celle du Trix anversois (celle du JunkYard n’est pas à la peine pour autant), le son dévastateur du groupe vient nous cueillir et nous écraser au sol pendant le gros quart d’heure que dure le morceau.
Baignés par un light show modeste mais efficace, les musiciens occupent leur place et leur rôle habituel : sous le regard de O’Connor qui l’air de rien mène les débats derrière ses futs avec sa frappe gigantesque, les deux guitaristes Dellacroce et Pleckham jouent avec implication leurs parties imbriquées, et Ron Petzke, élément fondamental du son Bongripper, joue ses lignes de basse avec force en milieu de scène, frappant ses cordes sans les ménager. Le tout est bien en place et redoutable d’efficacité.
Comble du bonheur, le groupe choisit ensuite d’interpréter “Slow” issu de leur dernier album, un beau bébé de 25 minutes rempli jusqu’à la gueule de riffs plombés, de séquences aux dynamiques variées, le tout balancé avec la subtilité d’un sac de parpaings. Le public headbangue comme un seul homme pendant le reste du set, qui se conclut classiquement (et presque ironiquement au vu du titre) par le colossal “Endless” pour un dernier très gros quart d’heure de triturages de cervicales.
Le concert se termine via un feedback des guitares et le traditionnel petit rituel d’extinction via leur pédalier respectif. Quelques salutations et il est temps pour chacun de retrouver le cours normal de sa petite vie… après un passage au merch.
Requinqués après quelques heures de repos et de tourisme sous un soleil radieux, nous revoilà gagner le Trix pour la dernière journée du festival. La programmation de la veille était dense et riche ; celle d’aujourd’hui s’annonce sur le papier du même acabit… mais dans un style différent ! A l’annonce des groupes quelques semaines auparavant, cette journée nous a quelque peu interloqué, avec quelques incursions notamment dans le metal extrême un peu déstabilisantes, et il nous tardait de voir ce que cette savante mixture allait donner…
POLYMOON
Point de choc pour commencer, on est cueillis à notre arrivée par les volutes sonores de Polymoon qui envoute déjà les premiers arrivants, dans la petite salle Vulture. Les jeunes finlandais développent un efficace rock psyche, space parfois, qui fonctionne très bien sur un public encore peu garni malheureusement. Le quintette part parfois défricher quelques autres sentiers musicaux avec un peu moins de réussite toutefois. Scéniquement, menés par un talentueux vocaliste vestimentairement un peu androgyne, le groupe est bien en place et ne démérite pas. Même s’il est un peu difficile de distinguer le groupe de la quantité de groupes officiant dans un genre proche, leur prestation nous aura agréablement surpris.
PLAINRIDE
Sur disque, le trio “presque quatuor” allemand nous avait modérément convaincu. En voyant avec quelle énergie ils engagent ce set, la séduction prend immédiatement ! Le guitariste et bassiste, enjoués et charismatiques en diable, tiennent bien la scène et le (petit) public répond présent. Au bout de quelques titres toutefois, la machine semble tourner un peu en rond… et à vide ? Symptomatiques, ces 2 titres qui voient un percussionniste venir sur scène à leurs côtés n’apportent pas grand chose de significatif. Plainride n’est pas mauvais ni inintéressant : son stoner énergique et empreint de rock/blues est intéressant. Mais il a du mal à tenir la distance et à apporter quelque chose de neuf.
INCANTATION
Se démarquant des festivals stoner pur sucre, (ce Desertfest nous avait par exemple marqué avec la prestation “hors sujet” des Belges de La Muerte lors de son édition de 2016), et avec le succès de manifestations comme le Roadburn, nous ne sommes pas étonnés de croiser des pionniers du death metal à l’affiche. Franchement pas notre rayon, la prestation aux voix gutturales et aux passages ralentis semblait poussive et peinait à convaincre son propre public.
SLEEPWULF
Les jeunes suédois de Sleepwulf ont sorti récemment leur second album chez Heavy Psych Sounds. Leur prestation sur la petite Vulture stage en est une bonne illustration : mélodies catchy et lignes vocales prépondérantes viennent soutenir leur psych rock gentiment vintage. L’ensemble est bien fait, dynamique et bienveillant, et le public n’en attend guère plus.
SLOMOSA
Etrange constation faite par Slomosa en début de set : non seulement ils jouent pour la deuxième fois consécutive au même Desertfest, mais de plus celui-ci occupe une place bien à part dans leur histoire, s’agissant l’an dernier de leur premier concert hors de leur Norvège natale. Que de chemin parcouru depuis par le talentueux quatuor ! Des festivals à la pelle (dont un Hellfest), des tournées partout en Europe… Joli palmarès en une année. En tous les cas, il ne faut pas longtemps pour prendre la mesure des progrès du groupe et de l’aisance scénique qu’il a acquise ces derniers mois. On pouvait noter quelques flottements sur leurs précédentes prestations, imprécisions ou légères faussetés ici ou là (qui ne nuisaient pas vraiment à leurs concerts) ; cette époque est révolue, et le set de ce soir est solide, en maîtrise, et exécuté avec confort par des musiciens sûrs d’eux, que l’on sent se faire de plus en plus plaisir. Un plaisir partagé, assurément. Espérons voir Slomosa continuer à gravir les échelons : ils ne manquent pas d’envie, ça devrait aider.
BELZEBONG
Que dire d’original d’un concert de Belzebong ? Difficile pour un groupe de doom instrumental, dont la prestation scénique s’est toujours cantonnée à un trio d’irsutes polonais dans une sorte de headbanging perpétuel, pas toujours synchronisé… Le tout vient au service d’un stoner doom d’école, lourd et énervé comme il faut, sur lequel on ne peut décemment pas formuler la moindre critique. Leur prestation prend une toute autre dimension aujourd’hui, dans la très grande Desert stage, où étonnamment, le groupe plutôt habitué aux petits clubs sombres se retrouve à l’aise devant un public venu en nombre headbanguer en coeur. Prévisible musicalement, mais impeccablement exécuté. Challenge réussi !
CITIES OF MARS
Le trio velu manque de pot en ce qui concerne son placement à l’ordre du jour. Un quidam désirant assister aux prestations entières de Belzebong et de se taper un steak à l’étage se devait de faire l’impasse sur les Suédois ce qui est bien dommage, mais n’a toutefois pas déstabilisé ces lascars. Ces derniers sont les auteurs du super gag de la journée voire du festival : une fois le linecheck terminé pile poil à l’heure du début du set, le public s’est un peu exprimé et le frontman a déclaré un truc du genre merci les gars on se voit dans 40 minutes en virant son instrument puis son collègue lui a dit que non en fait ils devaient commencer (on est encore tordu de rire à l’heure d’écrire ces quelques lignes). Bref ça a envoyé de la buche après le quart d’heure déconne et ça l’a fait avec brio le temps que nous y avons assisté.
STEAK
Les anglais de Steak entament leur set dans le noir (récurrence de la Canyon stage : les lights dégueulasses, poussées ici dans leurs derniers retranchements), seulement éclairés par la projection d’extraits de vieux Kurosawa sur leur backdrop (rappel un peu cliché de la thématique samourai présente dans leur dernier disque). L’occasion de voir qu’un second guitariste vient désormais garnir l’effectif (live) du groupe – pour un apport marginal dans les faits. Les premiers titres, mid tempi mélodiques issus de leur dernière galette, sont bien exécutés par des musiciens sérieux et passent bien l’épreuve de la scène, mais peinent à susciter une fougue énorme de la part du public. Un peu plus loin dans le set quelques titres provoquent un peu plus d’applaudissements, mais globalement, le public est plutôt curieux (et le fond de la salle peu dense). Le constat en fin de concert est mitigé, surtout si l’on met en perspective ce groupe vétéran en comparant ce set avec le succès public bien plus franc des quatre jeunes talentueux et fougueux qui sont passés juste avant sur cette même scène.
LUCIFER
Bénéficiant d’un slot particulièrement intéressant, les rockers venus du nord ont proposé un set séduisant tant au niveau de la forme que du fond. Pour la forme, une projection du genre devanture de cabaret d’un autre temps et des lights particulièrement abouties ont servi d’écrin à ces personnages soignant bien leur apparence (et celle de leurs accessoires scéniques). En s’excusant d’entrée de jeu de ne pas être un groupe de stoner – on a pris l’habitude de ne pas avoir que du stoner lors de cette fête du désert anversoise – la frontwoman Johanna a ouvert les festivités après une mise en bouche instrumentale et le show des scandinaves s’est déployé avec maestria. L’ex-agitatrice de The Oath et l’ex-batteur d’Entombed ou le chanteur-guitariste de The Hellacopters (vous choisissez en fonction de votre éducation musicale, nous ne sommes pas là pour juger) se sont entourés de camarades talentueux et diablement efficaces. L’excitante curiosité autour du duo infernal qui nous agitait à leurs débuts a laissé la place à un focus sur l’exécution musicale et la tenue de scène qui sont les atouts fondamentaux de cette formation, constituant toujours un bon moment pour tout amateur de heavy rock teinté de doom à l’ancienne.
Mr BISON
Embrayant sur la petite scène au moment où les estomacs commençaient à crier frites, au moment où Lucifer terminait une prestation de haut vol au sous-sol et au moment où les spécialistes se dirigeaient à l’étage pour la curiosité du jour, les Toscans ont délivré un set fort sympathique. Contrairement aux déclarations de leurs prédécesseurs, ils n’ont pas eu l’obligation de déclarer que eux faisaient du stoner, car de stoner il était bien question tout au long de ce set mené tambour battant par un batteur puissant et technique. Affublé de son couvre-chef de grande classe, le guitariste a déployé de son côté ses riffs psychédéliques, soutenus par la basse, qui ont fait taper du pied les quelques festivaliers dans la place qui se sont payé une bonne tranche de pizza durant un set peu gâté question placement horaire, mais terriblement en lien avec l’intitulé du festoche.
STYGIAN BOUGH
Quelle hérésie de programmation que de proposer Stygian Bough en chevauchement avec le créneau de Bongripper : les deux groupes évoluant dans un doom exigeant partagent inévitablement une part de la même fan base… On sait donc que l’on ne pourra pas voir le set en entier, mais l’on se laisse aspirer par son entame sans réserve : le trio composé de Bell Witch (duo basse – batterie) et de Aerial Ruin (Erik Moggridge, guitare) propose d’emblée la pièce maîtresse de leur album, à travers les 20 minutes de “The Bastard Wind”, un titre épique et lent, tout en puissance retenue, où la guitare de Moggridge vient compléter la basse 7-cordes (!!) de Dylan Desmond, qui apporte un spectre de sonorités inédites, tout en puissance. Scéniquement, l’ensemble est aussi dynamique que la musique : peu mobile, calme, concentré, propice à l’introspection. L’exécution est en tout cas impeccable et retranscrit bien les nuances de l’album. C’est le coeur lourd (avec un mélange de frustration et de colère) que l’on doit quitter la Canyon stage pour redescendre dans la main stage pour ce qui s’annonce comme l’inmanquable de la soirée…
BONGRIPPER
Le quatuor de doomsters de Chicago a fait le plein : l’assistance dans la Desert Stage durant leur set sera la plus dense de la journée, avec un public plus nombreux encore que la supposée vraie tête d’affiche. Toujours en mode low profile absolu, ils montent sur scène dans la pénombre et branchent leurs instruments en laissant monter la tension avec le feedback de leur guitare, pour voir se matérialiser l’intro du classique “Hail”. Et là, le bulldozer est lancé et n’interrompra son ouvrage qu’une heure plus tard, de la même manière. Et au milieu : du riff, du riff, du riff, assénés par cette paire de bretteurs concentrés sur les bords de la scène. Au centre, la paire rythmique basse / batterie vient faire office de marteau pilon dans ce qui ressemble littéralement à une entreprise de destruction très massive de nos deux tympans (et de ce truc spongieux entre les deux). Le son dans la Desert stage est absolument massif et le public, plusieurs centaines de corps qui headbanguent non-stop en osmose, prend en pleine face les deux autres obus que sont “Satan” et “Endless”. Il est trop tôt pour faire des bilans, mais il est évident au sortir de la salle que le set absolument dévastateur de Bongripper est l’un des moments les plus incroyables du week-end.
HIPPIE DEATH CULT
Après avoir ramassé nos ratiches sur le sol de la Desert Stage tombées durant la distribution de moellons, nous avons osé le retour dans l’ambiance bar-rock du rez pour une nouvelle prestation de hard rock fuzzée. La formation de Portland, Oregon, qui pratique un style peu en lien avec la dentelle nous a semblé aussi légère qu’une bière light US, assommés que nous étions encore. C’est frustrant car les soli proprets étaient en place, le public était dans la place (comme quoi il n’y avait pas que des lourds en ce dernier jour de festivités désertiques) et la frontwoman proposait autre chose que certaines de ses homologues tapant dans le registre fluet. Pas révolutionnaire certes, mais tonique et cohérente, la prestation était à la hauteur de ce qui était attendu aussi bas sur l’affiche. Merci à ces Ricains ne nous avoir ramené aux basiques durant 50 minutes.
WUCAN
Pour ceux qui ne sont pas passés par le « sas de décompression » de la mini-Vulture stage (cf. concert précédent) la transition entre le rouleau compresseur Bongripper et la légèreté de Wucan pique un peu… En tous les cas, le quatuor germanique ne manque pas de dynamisme et tout est fait pour régaler le public : leur frontwoman extraordinaire (dans le sens littéral) Francis (!) Tobolsky mène clairement les hostilités, que ce soit en terme de prestation (sa présence scénique écrase ses comparses) ou même musicalement – son chant puissant est l’une des caractéristiques fortes du groupe, de même que ses apports à la flute traversière (!!) ou encore à la guitare. Le heavy rock 70s dynamique du quatuor fait tout pour envoûter une salle très correctement remplie. Malheureusement pour vos serviteurs, le choc de a transition est un peu brutal à digérer et on a du mal à rentrer dedans. Mais reconnaissons au groupe un réel talent pour produire un set de qualité, ce qui leur permet de se démarquer (notamment par rapport aux autres groupes du week-end évoluant dans un genre musical proche).
WOLVES IN THE THRONE ROOM
Tête d’affiche de ce dernier soir en Flandres, le quatuor d’extrémistes du metal n’a pas besoin d’annoncer qu’ils ne font pas du stoner au début de leur prestation vu leur dégaine et celle de leur batterie. En cherchant très loin, il y a bien cette adhérence due à leur passage chez Southern Lord durant leur longue carrière, mais c’est tout, basta, point final ! Ces Etasuniens de la Côte Est pratiquent un black metal redondant qui honnêtement n’a pas rameuté les foules du grand jour dans la salle. Ça blast en continu, les volutes de fumées emplissent l’espace, ça pose les pieds sur les amplis quand la fosse à photographes est pleine, les morceaux sont introduits par des intros pour metalleux classiques, le bassiste et les deux guitaristes se succèdent au micro, les tenues de scène sont pittoresques, etc. tout l’attirail est sorti pour la grande messe noire des dévots du malin et nous on est sorti de la salle aller humer l’air ailleurs en se disant que si quelqu’un avait eu le bon goût de montrer son cul on se serait cru à la Temple en juin.
TONS
Après les frites mayo dans les foodtrucks du Trix on s’est rendu une dernière fois dans la minuscule salle de plein pied qui prolonge le bar des lieux, pour se taper du Tons. C’est la première fois durant cette fête du riff que nous pouvons évoluer à loisir dans cet espace d’ordinaire si peu propice aux déplacements. Le public est très clairsemé pour le set des Transalpins. Le public est par ailleurs très réduit durant ces dernières heures de festivités et le gros de la troupe a rejoint le premier étage pour se presser devant la scène où se déroulera le dernier set qui contribue à la ligne stoner de la manifestation. La formation de Turin nous a balancé, à grands coups de basse jouée aux doigts, du matos inédit qui sera au sommaire de sa toute chaude dernière production. Le show déployé dans l’espace réduit a à nouveau été propice aux mouvements de balancier des fidèles hypnotisés par la lourde rythmique et ils ont pu en profiter jusqu’au bout puisqu’il n’y avait pas de chevauchement avec la prestation du bigfoot qui allait suivre.
SASQUATCH
Il est en quelque sorte de tradition de clôturer le Desertfest Belgium dans la Canyon stage, pour un dernier concert généralement propice au « lâchage complet » comme on dit techniquement, une sorte de baroud d’honneur. Cette édition n’y fait pas exception, avec les ténors du stoner californien Sasquatch comme maîtres d’ouvrage, l’affaire semble bien embarquée. Plus triste tradition anversoises, ce créneau tardif et en fin de week-end fait aussi office de voiture-balai pour toute la viande saoule du Trix qui tient encore sur ses jambes (et a encore la force de monter l’escalier)… Quoi qu’il en soit, le set du trio étasunien entame avec professionnalisme un set qui reposera sur les classiques et raretés de l’ensemble de leur carrière, alternant mid tempi roboratifs (“Roller”, “Just Couldn’t Stand the Weather”…) et déflagrations nerveuses (un décisif “Chemical Lady” qui mettra le feu au pit, “Rational Woman”…). L’enchaînement des missiles sol-air vient faire exploser le pit comme aucun autre set du week-end… ça moshe et ça slamme dru ! A noter que les salves successives n’auront pas réveillé le responsable des lights de la canyon stage, qui n’a toujours pas trouvé le bouton pour allumer les spots en façade sur les groupes, baignant encore et toujours les musiciens dans une pénombre violacée un peu usante… Mais le groupe n’en prend pas ombrage (vous l’avez ?) et déroule son set avec une efficacité qui force le respect. Keith Gibbs pète sa pédale en cours de set et de dépit branche son son en direct sur une seule pédale fonctionnelle, sans que ça n’ait le moindre effet « audible » sur la qualité des riffs qui se succèdent dans nos esgourdes (comme quoi, la technique…). Comme on le prévoyait (et l’espérait), ce fut l’un des plus gros sets du week-end.
Un peu difficile de faire la synthèse à chaud d’un festival aussi bigarré : la variété de la programmation (et notamment ses incartades « hors sujet ») n’a pas nui globalement à l’intégrité du fest (il faut dire aussi que les groupes concernés n’ont pas vraiment fédéré les plus grosses foules), qui ne se « roadburn-ise » pas encore (comme on l’a plusieurs fois entendu au détour des couloirs). Au final la proposition de bons concerts nous aura convaincu, et vient supplanter les désagréments (un public flamand peu aimable, des concerts qui se chevauchent générant pas mal d’énervement et peu de temps pour se détendre, une petite salle trop frustrante où seule une poignée de spectateurs peuvent vraiment voir ce qu’il se passe…). Bref, le bilan du week-end est encore une fois positif, et il ne serait pas étonnant de se recroiser lors de la prochaine édition dès l’année prochaine… et les suivantes ?
Cette nouvelle édition du Desertfest Anversois sur le papier propose les mêmes atouts qui font son succès depuis plusieurs années : son lieu de festivités (le Trix, un complexe de presque trois “vraies” salles parfaitement adapté aux concerts), son emplacement (Anvers, proche de la France notamment), son affiche pléthorique… Pourtant elle se distingue des éditions précédentes, notamment par une programmation audacieuse, avec un certain nombre de groupes dont l’affiliation aux sonorités qui nous sont familières apparaît pour le moins discutable (death metal, black metal, rock…). Mais l’affiche globale aura fini de nous convaincre (encore une fois) et c’est le coeur léger et l’esprit ouvert que l’on se rend en terres flamandes.
Pour des raisons bassement logistiques, nous n’arriverons sur place que le samedi, 2ème jour du festival, et prendrons donc le train en route…
HALF GRAMME OF SOMA
C’est sur les sonorités du groupe grec que nous sommes accueillis dans le complexe. Première signature du prometteur label Sound of Liberation Records, le jeune quintette sort dans quelques jours son troisième album, dont il interprète une bonne part sur scène cet après-midi. C’est l’occasion de confirmer la qualité d’écriture dont ils font preuve, proposant des titres qui, au bout de quelques écoutes seulement, restent en tête pour longtemps ! Le groupe a aussi pour caractéristique de ratisser assez large musicalement, et en particulier de frôler des terres plus soft qui nous font un peu décrocher parfois, avec l’effet d’un concert un peu sur “courant alternatif”. Toutefois le groupe est solide sur scène et laisse entrevoir un bon potentiel.
GNOME
C’est sur la Canyon Stage, la structure ayant la capacité club, que l’histoire belge suivante s’est déployée. Les bonnets du trio ornaient leurs têtes d’ampli avant même que la formation n’attaque son set de manière fort virile. Les passages doom étaient pleins de promesses et furent appréciés par vos dépêchés, mais les incursions répétées sur d’autres rivages musicaux peinèrent à les convaincre totalement. Au final, nous avons délaissé le registre jam doom qui tape tous azimuts, y compris dans les plans presque jazz, au profit d’un placement adéquat pour déguster le set de Unida qui commençait deux étages plus bas. L’inconvénient des chevauchements de concerts !
UNIDA
Hallucinante place réservée dans le running order au quatuor américain : il y a quelques années, Unida était headliner du week-end sur un autre Desertfest, et même headliner de la Valley au Hellfest. Les voici aujourd’hui ouvrir la journée en début d’après-midi sur la main stage… Certes, John Garcia, concentré exclusivement sur sa carrière solo, n’est pas là, mais les connaisseurs savent que le groupe est essentiellement le bébé d’Arthur Seay et Mike Cancino… Frustrant. D’autant plus que le groupe assure : épaulés à la basse (un poste “volant” chez Unida) par Collyn McCoy (bassiste de Ultra Electric Mega Galactic le groupe solo de Ed Mundell, Aboleth…) le groupe bénéficie de fait d’un atout indéniable, McCoy délivrant des lignes de basse puissantes, groovy et envoutantes, élément clé de la musique de Unida (à noter que par fougue il ira même jusqu’à casser l’une de ses cordes de basse, obligeant le groupe à improviser un peu autour de riffs divers, AC/DC, Sabbath…). Seay assure pour sa part des parties de guitare impeccables et un lot généreux de mimiques en tous genres, à son habitude. Quant à Mark Sunshine, le nouveau chanteur (que vous aurez peut-être entendu chez Riot God) il n’est jamais à la peine, et a le bon goût de ne pas mimer Garcia. Côté set list, pas de faux pas non plus, le groupe tape dans la valeur sûre : “Wet Pussycat” pour commencer, un rugissant “Black Woman” pour finir, et entre les deux, du riff, du mid tempo, du groove, des soli à la pelle… Classique ! Bref, sans être magique pour autant, ce set justifiait d’une place plus haut sur l’affiche, plutôt que de se voir reléguer face à ce public insipide de début d’après-midi. Frustrant.
IRIST
L’atmosphère sombre soutenue par un jeu de lights hyper basique, la promiscuité et la chaleur faisant luire les corps ont été propices à la prestation de la bande d’Atlanta. Une frange de vos envoyés y a trouvé son compte, mais il faut être honnête : si ce show a été une énorme tuerie mixant des influences d’Isis, de Cro-Mags et de Celeste, il ne s’agissait pas de stoner du tout.
SLOMATICS
Les trop rares Slomatics s’emparent de la Canyon stage et il leur faut bien peu de temps pour se mettre le public dans la poche. Il faut dire que l’énergie déployée par le trio irlandais est au rendez-vous, de même que l’originalité : proposant un stoner pêchu et lourd, aux confins du doom bien souvent, le groupe se distingue aussi par un second guitariste qui fait aussi office de bassiste (par un truchement technique dont votre serviteur vous passera les détails). Dotés d’un son bien gras, le groupe s’appuie sur son efficace batteur-vocaliste, dont le chant est parfois étonnant (voire même dissonant) mais néanmoins efficace. Le public ne s’y trompe pas et réagit très favorablement.
NAXATRAS
Encore un combo grec aujourd’hui, et c’est cette fois aux jeunes virtuoses du psych rock de s’emparer de la main stage. Maîtrisant son art sur le bout des doigts, le groupe jouera sa meilleure carte ce soir, celle de l’efficacité : entamant son set par son hit intemporel “On the Silver Line”, ils convainquent rapidement le public qui ne tarde pas à monter en tension. Les sourires se déploient dans l’assistance au fil de ces dodelinements de têtes irrépressibles que génère la musique de Naxatras. Scéniquement pourtant, il ne se passe pas grand chose (lights anémiques, musiciens concentrés et assez statiques…) mais l’enchaînement des titres psyche instrumentaux envoutants prouve une nouvelle fois son efficacité. On aimerait pour notre part voir le groupe apporter un peu plus de folie à ses sets… mais sa musique s’y prête-t-elle ?
ROSY FINCH
L’ibère a été rude sur la minuscule Vulture Stage de ce Desertfest flamand et la technique a été rude avec la riot grrrl d’Alicante. Les aficionados piaffaient d’impatience à l’heure du début prévu de la fiesta, mais des problèmes techniques ont retardé celui-ci. Une fois la salsa balancée, on goûte à quelques plans doom enchevêtrés dans des gimmicks punk et on se barre ailleurs en raison des chevauchements et aussi parce que c’est un peu hors sujet pour nous.
RADAR MEN FROM THE MOON
Ailleurs, c’est à l’étage, pour un nouvel exercice annoncé comme mélangeant de nombreuses influences dont certaines dans nos cordes. C’est la fête quand on découvre les deux batteries sur scène : ça ne sert pas à grand chose musicalement, mais question visuel et propension à faire bouger les corps c’est du meilleur effet. Les instrumentistes effectuant leurs derniers réglages nous rappellent agréablement le Kvelertak des temps jadis. Au taquet nous sommes pour nous démener comme des diablotins lorsque déboulent les bataves, mais rapidement nous sommes désorientées par ce post tout accompagnant des lignes de voix faiblement mixées et un peu perdues dans leurs reverb. Ça chie, mais ne nous convainc pas à prolonger au-delà du délai nécessaire pour rejoindre la Desert Stage.
PALLBEARER
L’évolution musicale du groupe depuis ses débuts ne nous incite pas à nous précipiter au premier rang du set des américains de Pallbearer, le quartet emmenant désormais franchement son doom sur des terrains ultra mélodiques et atmosphériques. La prestation scénique du groupe confirme ce postulat, avec des postures emphatiques et dramatiques à chaque riff (lent), des musiciens imprégnés jouant les yeux fermés, déroulant un doom-pathos atmosphérique un peu plombant, manquant, pour le doomster un peu basique (que nous sommes), de puissance. Le public n’est pas vraiment massé à ce stade, mais les premiers rangs semblent apprécier, ce qui prouve (mais nous le savions) que Pallbearer a trouvé son public. C’est bien cela l’essentiel.
MY DILIGENCE
Même si nous avions déjà pas mal profité du gras durant cette première partie des festivités, il était impératif de s’en enfiler aussi dans le système digestif afin de maintenir nos physiques d’Apollon (qui font pâlir d’envie les représentants de tous les webzines de la terre). Nous avons ainsi loupé le départ de la diligence. Nous nous sommes rattrapés sur la fin du set du trio qui avait fort bien fait le plein de spectateurs sur la petite scène. Le trio originel de la capitale du Royaume de Belgique a déployé un rock parfaitement à l’aise dans ses phases les plus pugnaces, propices aux ondulements frénétiques du public, ainsi que dans ses phases plus aériennes terriblement envoûtantes. Un peu à l’image du petit dernier sorti avant l’été : « The Matter, Form and Power », les Belges font l’étalage de leurs talents sur scène.
ALUNAH
On savait bien, en rentrant sur la Canyon stage, que l’on n’y retrouverait pas le Alunah d’il y a quelques années, ce combo aux relents doom que l’on avait appris à apprécier. Leur dernier album nous avait préseenté un tout autre groupe. Il ne nous faudra que quelques secondes pour confirmer que la formation qui se présente sous nos yeux n’a plus grand chose à voir, musicalement et scéniquement. Leur nouvelle chanteuse Siân Greenaway, très (trop?) largement mise en avant par le groupe depuis son arrivée dans le line-up, débarque avec moultes franges et cheveux pour capter l’essentiel de l’attention de l’assistance. Musicalement, le groupe a dérivé, on le sait, vers un mélange de heavy rock vintage chargé aux différentes saveurs 70s (et même 80s). Au final, l’ensemble sied fort bien au public apparemment, qui, bien que modérément nombreux, semble apprécier le set. Il est vrai que, dans son genre, le groupe s’en sort plutôt bien.
ELDER
Comme à Munich il y a quelques mois et comme c’est la coutume de la formation originaire du Massachusetts, c’est avec le hit intersidéral « Compendium », en version XL, que les hostilités sont lancées dans la plus grande salle, qui est blindée pour l’occaz. Avec une entrée en matière de ce calibre, le quatuor a posé le niveau et s’est imposé comme un des tout grands moments de cette cuvée, malgré quelques errements à la fin du premier tiers de ce show de soixante minutes. Puissance et virtuosité se sont déployées durant ce set mortel qui a vu les premiers surfeurs des foules s’élever au dessus de la masse des premiers rangs, celle qui bouge. Celle qui ne bouge pas : c’est la masse agglutinée sur les chemins d’accès, sur les hauteurs ainsi que derrière les dix premiers rangs rendant les déplacements fastidieux et désagréables, vu qu’une translation de 20 centimètres semble pour certains festivaliers aussi pénible qu’une ablation mammaire à l’égoïne rouillée ou une castration au fer à souder (on est old school dans la maison et on fait encore du genrisme en 2022). Hormis ce désagrément indépendant des prouesses d’Elder, c’est un carton plein pour les Etasuniens et on humidifie d’avance nos strings léopard à l’idée de déguster leur prochain opus, Innate Passage, programmé pour le 25 novembre.
THE NECROMANCERS
La nouvelle incarnation des Necromancers sur disque nous a déstabilisé, et l’on attendait de voir sur scène de quel bois se chauffe le groupe. Quelques accords suffisent à nous confirmer que le penchant pris sur album se concrétise en live. Le nouveau chanteur Basile Chevalier-Coudrain ne manque ni de talent vocalement ni de charisme. Pourtant, l’ambiance déployée par le groupe n’a plus rien à voir avec ce léger penchant sombre que l’on aimait dans son incarnation plus “occult”. Le constat est implacable par exemple lorsque le groupe, en milieu de set, engage un de ses titres emblématiques, “Salem Girl”, qui se retrouve presque aseptisé par l’exercice, tout badigeonné d’un arrangement hard rock à la rythmique sautillante, et du coup dépouillée de ce son dark subtilement sale auquel on était habitué. Ayant abandonné l’une de ses spécificités, le groupe se retrouve de fait dans la cour de jeu de très nombreux autres groupes presque similaires, dont il peine à émerger musicalement. On a du mal à cerner la stratégie…
WEEDPECKER
Le combo polonais est rare sur scène, et c’est avec plaisir que l’on gagne la scène Canyon, quelques minutes après la claque prise dans la grande salle avec Elder. La transition entre les deux groupes a du sens, tant les partenaires de label (et amis) ont en commun une qualité de composition hors norme (on verra d’ailleurs Nick de Elder monter voir le concert du groupe dès son propre concert terminé). Plus imprévisible dans sa discographie, restait à voir ce que valait le groupe en live. Le groupe est bien en place, proposant sur scène une bonne partie de la richesse sonore déployée sur disque. Le chant par exemple, partagé entre trois musiciens (dont le batteur) apporte un bon relief à l’ensemble. Pour le reste, le set se déroule avec des moments plus ou moins intenses (les titres du dernier album ont un peu plus de mal), mais soutenu par une prestation solide en tous points. Musicalement, il est difficile de reprocher quoi que ce soit au groupe, mais passer après Elder aujourd’hui, dans un genre musical “cousin”, ne joue pas forcément en leur faveur, malheureusement. Un bon set toutefois.
RED FANG
On devisera à loisir sur l’opportunité de continuer à considérer Red Fang comme ténor du genre musical qui nous occupe (il y a “Desert” dans “Desertfest”…), pour autant, chacun de ses concerts est attendu par un public de plus en plus large : la grande Desert Stage est à nouveau pleine comme un oeuf (un vrai plaisir pour circuler, le public flamand de base s’avérant charmant et gracieux à plus d’un titre…). Sans créer de suspense, la prestation du jour ne viendra pas ternir le tableau de chasse du quatuor américain. Le groupe prend les planches (devant un immense backdrop où les super projections estampillées Red Fang s’enchaînent durant tout le concert) et propose une entame comme on en a rarement vu, enchaînant une poignée de hits furieux qui viennent embarquer le public dans un tourbillon : “Blood like Cream” enchaîné à “Malverde” mettent tout le monde d’accord, et derrière c’est une longue série de tubes à intensité variable qui défilent : “Hank is Dead”, “Wires”… Un tourbillon de claques ! Et les premiers slammers ne se font pas attendre longtemps… L’ambiance s’apaise un peu à chaque mid-tempo (et surtout avec les nouveaux titres, pas encore pleinement digérés par tout le monde semble-t-il) mais le groupe sait reprendre le public par le cou et ne le lâche plus jusqu’à la fin. Une belle démonstration.
SUMA
Une partie de la délégation a quitté la grand salle où la tête d’affiche déployait son talent grand public, pour rejoindre l’obscurité de la Vulture Stage où quelques épicuriens se sont délectés d’une prestations intense et prenante des vétérans suédois. Le batteur, torse nu, centré sur la scène officiait comme maître de cérémonie de ce sabbat déployé devant une assistance congrue, mais hypnotisée par le groupe, qui a fini par emmener les corps dans une trance fédératrice prisée par la tribu des sludgeux-doomeux. Les incantations, plus que des chants standardisés, ont présidé à cette immersion aux relents tribaux, dans une salle plongée dans la chaleur et l’obscurité. Une énorme prestation qui a catapulté son auditoire dans une autre dimension lui faisant encore plus regretter les rares apparitions scéniques d’un groupe qui n’a rien sorti de neuf depuis une tripotée d’années.
PIGS PIGS PIGS PIGS PIGS PIGS PIGS
Difficile cas que celui de Pigs(x7). Musicalement le groupe délivre un stoner pêchu piochant aussi dans le vieux doom US, noise rock, etc… un genre musical moderne, intéressant mélange, séduisant à plus d’un titre. Cette musique trouve sur scène une incarnation lui apportant une autre dimension, en particulier avec l’écrasante prestation de Matt Baty : le vocaliste a beau être épaulé de musiciens loin d’être timorés, sa prestation complètement déjantée devient le centre d’attraction du groupe. Le public, dans sa majorité, semble y voir un petit phénomène (et en un sens, ça en est un, évidemment). Pour notre part, ce saugrenu zébulon scénique vient obérer la proposition musicale du groupe, qui ne se démarque pas dans la même proportion (on sort du concert en se disant “quel déjanté ce mec, ce concert était fou” et non pas “quelle set list, quels riffs incroyables”). Souhaitons qu’avec le temps le groupe rééquilibre les forces et fasse valoir sa musique avant tout autre artifice. Le fond et la forme…
Un bilan à chaud de la journée nous laisse déjà le souvenir d’un bon nombre d’excellents concerts pour cette première (pour nous) journée. Il nous tarde déjà la prometteuse seconde journée, qui nous tend les bras… après quelques heures de repos !
La pandemie et ses longs mois de confinement ont bouleversé l’ordre des choses dans de nombreux domaines, à commencer par celui des tournées, puisqu’après deux ans quasiment sans festival, tous les groupes reprennent la route, tous en même temps. Résultat on ne compte plus les concerts déserts, la faute au prix du ticket ou à la sur-abondance d’évènements sur une même semaine. Mais tout ce bazar amène aussi d’heureux moments, comme ce concert de Nebula de dernière minute à Paris, le troisième de leur histoire, 3 ans après le Petit Bain sur la tournée Holy Shit et leur venue dix ans plus tôt en ouverture de Monster Magnet pour défendre Heavy Psych.
Un concert gratuit, au Supersonic, pas dans la salle, puisque cette dernière est en travaux mais dans les locaux du disquaire adjacent. Plus de 150 personnes répondent à l’appel et quelques retardataires devront alors attendre la sortie de spectateurs pour pouvoir rentrer à leur tour. En première partie, Thud, trio parisien dont le premier album est à prévoir d’ici à la fin de l’année. Mené par des musiciens rompus à l’exercice de la scène, notamment Régis Lavisse avec Blues Power Band, Thud s’exprime avec une grande révérence de ses ainés, QOTSA en tête, et fait secouer les têtes des spectateurs qui leur réserveront un accueil bien chaleureux.
Un peu avant 22h, Nebula investit la scène. Eddie Glass a les cheveux intégralement blanc mais passé ce choc, il a toujours la même acuité sur les frettes de ses Gibson. Avec Tom Davies et Michael Amster, il passe donc une grosse heure à revisiter l’imposant répertoire de Nebula. Transmission From Mothership Earth, le petit dernier se paye une jolie part du set (mention à « Existential Blues » appelé à rester dans les futures setlist) et bien sûr ce sont le titres de To The Center les plus appréciés, à commencer par le morceau titre (joué en milieu de set) ou la pépite « Freedom » vraisemblablement non prévue au menu et servie en dessert.
En un mot comme en 353 (oui j’ai compté) des concerts comme celui ci, j’en reprendrais bien tous les lundi.
Loin de l’agitation d’un Hellfest 2022 hors norme, on célébrait cette année la dixième édition du Rock in Bourlon. Située près de Cambrai, la commune de Bourlon se démarque de son “voisin” clissonnais par une ambiance familiale et décontractée (et la présence de sandwiches camembert cuits au barbecue, c’est peut être un détail pour vous mais pour moi cela veut dire beaucoup) mais aussi par une qualité de programmation qui laisse rêveur quand on sait que le festival à toujours été à prix libre. Depuis une décade, le Rock in Bourlon met en avant la scène stoner / musiques psychédéliques avec des groupes comme All them Witches, Toner Low, Karma to Burn, Monolord, Mars Red Sky ou encore Five the Hierophant, et des groupes au style gravitant autour de cette base stoner comme Eyehategod, Mantar, Coilguns ou Ddent. Pour sa dixième, le festival nous propose quelques mutations comme l’ajout d’une seconde scène et une troisième journée de concert. Pour notre plus grand bonheur, l’affiche reste, elle, dans la lignée des années précédentes.
Vendredi 24/06/2022
Grosse inconnue de cette première journée, et du week-end en général : la pluie !… Longtemps la météo nous promettait averses, orages accompagnés d’une pluie de sauterelles… Plus de peur que d’humidité en finalité puisque la plus grosse saucée du week-end aura lieu pendant le montage des tentes.
C’est donc le postérieur posé sur l’herbe que j’attaque le festival avec les italiens berlinois de Sneer. On est rapidement envoûté par les lignes de chant sombre et fragile de la chanteuse alors que le mariage entre rock, pop psyché et post rock opère sur la foule qui intègre le festival.
Moins à l’aise avec la musique plus punk de Yonic et Tunic (quelle puissance de la part de la chanteuse de Yonic cela dit), la première claque de ce Rock In Bourlon viendra avec les anglais de Desert Storm. Situé pile poil entre heavy metal et doom, Desert Storm masse les nuques de la fosse à la perfection et nous enfouit sous une avalanche de riffs brutaux allant même sur certains morceaux vers des sonorités et une lourdeur plus stoner rappelant Elephant Tree. Le chant primitif et l’énergie déployée par le groupe amène une ambiance heavy épique. Performance plutôt impressionnante car les anglais ne s’appuient pas sur une imagerie scénique marquante et ont plutôt opté pour un look de papa façon Lowrider.
Desert Storm
Invité à jouer sur chacune des journées, et l’affiche étant cette année peu orientée vers ces sonorités, Ecstatic Vision sera le facteur saxophone et psychédélisme du festival. Après des balances à rallonge (phénomènes récurrents de la nouvelle scène, cela dit le son était correct voire très bon à chaque fois), le fougueux quatuor nous délivre un premier set plutôt puissant et brut. Comme à son habitude, le guitariste et multi instrumentiste rayonne de bonheur et semble complètement absorbé par la musique, jonglant entre guitare, saxophone et flûte. Leur chanteur Doug est tout aussi hyperactif. Dès le premier morceau il fait monter des gosses sur scène pour danser avec eux (bon, sans succès, mais en même temps les petits étaient sobres) puis enchaîne les danses, sauts sur scène tout en assurant à la guitare et à l’harmonica. La foule est bien moins énergique, balayée par les vagues de saxo et la puissance du groupe…
Il sera d’ailleurs difficile d’enchainer sur les concerts suivants… Toutefois, impossible de manquer Eyehategod, tête d’affiche du jour, qui commence son concert devant une foule enfin dense (pas évident de rassembler un vendredi, l’affluence augmentant à partir du début de soirée). Pas fan du groupe que ce soit en studio ou en concert, la mayonnaise prendra cette fois-ci pour moi. Il faut dire que les américains sont particulièrement énervés ce soir et emportent tout sur leur passage. La fosse elle aussi est survoltée, venant provoquer plusieurs fois Mike Williams et Jimmy Bower ainsi qu’en multipliant les actes de maltraitance sur la barrière de sécurité.
Samedi 25/06/2022
Un des (nombreux) avantages du Rock In Bourlon est que les concerts ne commencent que l’après-midi. C’est donc frais et reposé que l’on attaque cette seconde journée décimée par les annulations. Maggot Heart, Nekromantheon puis Thou, cette journée semble maudite d’autant qu’elle est menacée à nouveau par les orages… Insect Ark démarre d’ailleurs courageusement sous la pluie et devant des festivaliers cachés dans les tonnelles du merch et du bar.
Portrayal of Guilt
La journée démarre vraiment pour moi avec les fabuleux polonais de Moonstone. Leur doom aux odeurs stoner et heavy vient chasser instantanément le mauvais temps à gros coup de riffs aussi lents que massifs. On est pris dans le mouvement dès le premier morceau pour ne s’arrêter d’headbanguer que 5 à 10 minutes après le dernier morceau, les riffs résonnant encore dans nos corps.
Difficile de se remettre de cette bûcherie et pourtant Sordide, qui avait clôturé la soirée précédente, vient remplacer Maggot Heart en proposant un set très qualitatif de covers de Nirvana. Plus influencé par l’énergie punk du groupe, Sordide balance des titres comme “Tourette’s” ou “Territorial Pissings” avec un son cru et une certaine authenticité (j’en ai regretté de ne pas avoir eu la foi d’aller les voir la veille, je ne me ferai pas avoir la prochaine fois).
Profitant des lieux sur les concerts suivants (la zone merch est toujours intéressante à Bourlon, celle du sandwich camembert l’est tout autant mais pour d’autres raisons plus vitales !) c’est avec Messa que cette seconde journée reprend d’un point de vue musical. Ne les ayant jamais vus et n’ayant que très peu écouté leur dernier album, la peur d’être déçu était présente mais s’est très rapidement dissipée devant l’aura de Sara et la qualité du son. Le contraste entre la subtile fragilité du chant et l’atmosphère pesante, parfois à la frontière du doom, des mélodies était juste fantastique.
On se remet à peine de nos émotions qu’Inter Arma nous ramène brusquement sur terre pour nous enfoncer la tête sous le gazon bourlonais. Encore plusieurs crans au-dessus de l’intensité mise par Desert Storm la veille, Inter Arma nous prend littéralement aux tripes et vient à son tour nous masser nuque et vertèbres.
L’enchaînement avec le second set d’Ecstatic Vision me sera fatal, venant achever ma barre d’énergie. Ce second concert sera en tout point similaire au premier, à la différence prêt que cette fois aucun gamin n’aura fini sur scène.
Dimanche 26/06/2022
Cette dernière journée commence avec une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise est que Midnight Ghost Train est contraint d’annuler son concert… La bonne c’est que le soleil est enfin de retour ! Un soleil magnifiquement accompagné par le rock tropical apocalyptique de We Need A Plumber (la formule vient d’eux). L’ambiance sur scène est plutôt décontractée, avec un guitariste nous annonçant que tel morceau parle des accidents de voiture (ou des cassoulets carrefour) ou cataloguant leur musique de rock tropical apocalyptique. Définition plutôt juste vues les compositions lumineuses, agrémentées de nombreuses percussions, appelant clairement au voyage… l’aspect fin du monde venant sans doute des passages plus tortueux techniquement.
Une mise en bouche qui vient réveiller nos popotins et suivie par les non moins entraînantes mélodies de Djinn, décalant son créneau de l’après-midi pour remplacer la voix rocailleuse de Midnight Ghost Train. Devant une foule qui grossit malgré le concert spécial dans l’église de Bourlon (la chaleur et le monde présent là-bas auront eu raison de notre patience), les bretons marquent par la maîtrise de leur rock psychédélique, guidé par la voix rocailleuse de Chloé, et gagnent en assurance scénique au fur et à mesure que les morceaux passent, Chloe se jetant carrément dans la fosse sur le dernier morceau !
Djiin
La logique voudrait qu’ensuite Ecstatic Vision entre en scène pour la troisième fois du week-end afin de nous achever et c’est exactement ce qu’il va se passer puisque les américains ont encore de l’énergie à revendre. Un troisième set plus psychédélique et moins brut que le premier, mais avec une ambiance plus chaude côté public (le groupe jouant cette fois sur la scène principale) motivant Doug à monter en haut de la scène puis à se faire quelques frayeurs lors de la redescente. Une petite déception toutefois d’entendre des morceaux déjà joués lors des deux premiers jours, le fait de les voir 3 fois laissant espérer au moins un concert plus particulier (en acoustique ou un album joué de bout en bout par exemple).
Malgré la fatigue qui commence à tirer, impossible de finir cette édition 2022 sans aller voir Slift. Peu de souvenirs, hormis ce sentiment d’être complètement emporté par les vagues psychédéliques du groupe, les jambes se transformant en coton et la tête se désolidarisant du reste pour s’échapper dans la nuit … !
Slift
Cette année encore le Rock In Bourlon nous a enchanté et cela malgré les pépins techniques ou d’organisations qui ont glissé sur la bonne humeur des festivaliers et des bénévoles. On ne le dira d’ailleurs jamais assez, mais les bénévoles sont en or et sont impossibles à dissocier de la réussite de cet évènement. Ce cru 2022 se voulait sans doute plus grand pour ce dixième anniversaire, avec cette seconde scène, ce jour supplémentaire et cette affiche encore plus éclectique que les années précédentes. On sera là l’an prochain, en espérant une onzième édition, pas forcément plus grande, mais fidèle à son atmosphère si particulière et si captivante musicalement.
Voilà c’est l’heure de prendre un dernier coup derrière la nuque, l’une des plus grosses journées de ce festival nous attend aujourd’hui, avec un running order garni de belles pépites, qu’elles aient déjà été vues mille fois ou non. L’excitation d’en profiter un maximum chasse la fatigue, le soleil nous accompagne et cela promet des moments inoubliables. C’est parti pour ce dernier sprint avant la ligne d’arrivée !
20 SECONDS FALLING MAN
Post hardcore avec des morceaux de musiciens d’Inglorious Bad Stars dedans, 20 Seconds Falling Man vient servir le café à la Valley pour ce dernier jour de fest. Un jus noir et corsé qui ébouillante la gorge et ravit les oreilles. Le public accuse probablement le coup de ces trois journées de festival, et ne se masse pas dans la tente à cette heure un peu trop matinale. Tant pis pour eux, ils manquent un set solide et maîtrisé, qui aura convaincu les présents.
THE ATOMIC BITCHWAX
Avec son distillat de pastilles zeppeliniennes, The Atomic Bitchwax vient semer les graines du rock dans le champ de boue qu’est devenu la Valley. Rah la belle journée qui s’annonce déjà. Un groove stoner comme on aime vient gifler le public qui s’est désormais massé dans une raisonnable proportion, laissant espérer dans le futur un meilleur positionnement du groupe dans le running order de ce type de festivals. Les pépites de stoner pur jus défilent (dont une très large proportion issue de leurs deux premiers albums, de quoi ravir les fans !), avec toujours le même scénario : Kosnik et Pantella assurent la rythmique, Sweeny débite les riffs nerveux et dépose quelques flamboyants soli, partageant avec Kosnik le micro lorsque nécessaire. La colonne vertébrale de Monster Magnet à l’œuvre, dans un registre plus fun, mais pour un résultat toujours à la hauteur. Comme à leur habitude le trio écrase la pédale d’accélérateur et fonce pleine balle droit devant… jusqu’à la panne sèche ! En effet le set s’arrête net faute de son de guitare, pour changer le jack, la tête d’ampli, puis l’ampli… Le problème réglé, le groupe reprend son set sans se laisser démonter, et récupèrera une poignée de minutes en fin de set pour compenser. Chapeau bas, merci pour la leçon !
BOKASSA
Avec le T-shirt Baroness du front man, sa voix stoner as hell et ses riffs idoines, on comprend pourquoi Bokassa revendique l’étiquette de Stoner punk (l’inverse marche aussi). Nous avons donc entamé notre première incartade hors Valley du week-end, propulsés par notre professionnalisme forcené tout autant que le manque de Vitamine D (le soleil ne manquera pas pour célébrer ce dernier jour de fest). Les norvégiens occupent largement l’espace d’une main stage de midi (usant des passerelles constituant le snakepit de Metallica, qui occupera la scène ce soir) et attirent nombre de curieux avec leur mélange de punk californien et de stoner rock énergique, qui rappelle occasionnellement un autre groupe “hybride” scandinave, Mustasch. Quoi qu’il en soit les mecs assurent le spectacle, peu effarouchés par une foule habituelle pour un groupe qui a déjà ouvert pour Metallica. Un set plus californien que punk et plus punk que stoner, mais le taf est bien fait, surtout avec un final plus groovy beaucoup plus proche de nos écoutes de prédilections.
YEAR OF NO LIGHT
Retour à la Valley pour du sale. Les Bordelais de Year of No Light font dans le post metal costaud et atmosphérique, dressant une ambiance musicale propice à la pause méridionale au calme sous la tente… Deux batteries sont installées (pas toujours utilisées, Bertrand navigant entre son clavier et le second kit de batterie) et martèlent les riffs de trois gratteux et d’un bassiste. Massif et tannique le groupe joue dans une cour musicale qui grignote peu à peu les créneaux de la Valley et visiblement gagne de plus en plus de public, ce n’est pas le prochain concert qui nous contredira.
REGARDE LES HOMMES TOMBER x HANGMAN’S CHAIR
La combinaison de ces deux groupes français est très attendue par le public, manifestement, et est somme toute représentative d’une partie importante de la programmation de la Valley ces dernières années. L’anxiogène formation éphémère délivre un art poisseux et malsain qui fait le plein de la Valley. Les curieux et candidats à la psychanalyse bourrent la tente et ils vont en avoir pour leur argent. RLHT c’est ce qui manquait de terrifiant à Hangman’s Chair, avec une orgie de guitares énervées et l’appui d’un chant hurlé grave qui place encore un peu plus haut la barre du terrorisme sonore. Les deux formations se cumulent donc sur scène (pas moins de neuf musiciens évoluent en même temps !) mais le chaos sonore que l’on pourrait craindre accouche finalement de quelque chose de profond et étonnamment assez “carré” : le travail de complémentarité a été efficacement mené, à l’image du partage des tâches pour les deux batteurs, ou de manière plus évidente pour les deux chanteurs. L’ensemble génère un objet musical bien structuré, massif et un concert solide et efficace… mais sombre.
UFOMMAMUT
La renaissance de Ufomammut après leur split semble prendre la tournure d’un vrai retour aux affaires. Même si leur dernier album n’est pas révolutionnaire, il montre un trio bien en place, vivant – et c’est exactement ce que le set d’aujourd’hui nous confirme. Avec leur nouveau batteur en fond de scène, le groupe ancre son set autour de la promo de Fenice, leur dernière galette – ce qui pour les anciens fans laisse quand même un goût amer, sorte de désaveu de la riche histoire du groupe. Les premières minutes du set viennent toutefois rassurer les plus intégristes : stylistiquement le groupe est toujours où on l’a connu, avec son doom-indus aux rythmiques martiales et aux riffs bulldozer répétés à l’envie. L’efficacité est ainsi toujours au rendez-vous, illustrée par les vagues de headbanging constatées dans la fosse, joliment garnie. Pour autant, on ne sort pas terrassés de cette prestation, comme cela eut pu être le cas sur certaines prestations de Ufo’ ces dernières années.
HANGMAN’S BLOOD
Petit détour derrière la Valley, sur la petite Hell Stage, pour assister au set des Hangman’s Blood, boueux et graveleux, comme à leur habitude. Sans fan base folle, les nantais attirent pourtant les curieux et le chanteur fait saillir les veines de son cou à hurler sa rage, les cordistes suent du manche alors que le batteur fait déferler ses frappes massives. On se prendrait à rêver de les voir sous la Valley avec un son gonflé aux hormones pour les laisser poutrer un peu leur auditoire de bon matin. Notre point de vue, “support your local scene”.
THOU
Le set des énigmatiques Thou était très attendu, et la Valley bruisse d’une sorte d’excitation. En effet, le groupe est rare sur les planches, discret sur les réseaux, et auréolé de quelques prestations exceptionnelles qui ont participé à leur réputation culte. Les premiers tours de roue nous laissent penser que la prestation du jour ne se rangera pas au même niveau. Il faut dire que de l’aveu même du groupe, Thou n’est pas un groupe forcément très fun à voir en live : l’attitude des musiciens est hétéroclite, allant du sérieux le plus total à la joie débonnaire, en passant par l’anxiété, mais globalement plutôt auto-centrée, avec peu d’interactions avec le public. Ce qui frappe ensuite c’est la prestation de Bryan Funck, sans barbe, ressemblant désormais à une sorte de sosie de Igor (ou plutôt Aïgor) du film Frankenstein Jr. : regard fixe, chant en coin, le vocaliste appuie sa maîtrise du chant sludge sur une solide section rythmique et des guitares acérées. Une avalanche d’un sludge efficace vient recouvrir le public. Ça craque, roule, souffle, rien ne doit survivre au choc, c’est écrit dans chaque mesure. La set list va piocher précisément dans chaque album et dans une poignée de chansons piochées dans leur quantité d’EP, compilations… Pas de parti pris très fort, ça joue sécure… Thou assied sa domination à grands coups de spots dans la gueule des premiers rangs du public qui, consentants, baissent la tête et headbangent de bon cœur. Efficace, mais pas exceptionnel.
EYEHATEGOD
Après un dernier album plutôt décevant, EyeHateGod avait pour mission de se racheter auprès de son public et son passage à Clisson, son jardin en quelque sorte puisqu’il s’agit de leur cinquième Hellfest. L’occasion de remettre le riff au milieu du village… Hélas, trois fois hélas, entre un problème d’ampli basse et un Jimmy Bower trop propre pour être honnête, le set lasse vite, malgré les facéties d’un Mike Williams qui peine à insuffler le danger qu’on lui connait. La Valley se déplume à mesure que le set avance. Rien ne se passe, la set list souffle le chaud et le froid, les riffs ne prennent pas, le concert ne décolle pas, à l’image des slammers, quasi-absents aujourd’hui alors que l’on a connu le groupe en déclencher des déluges ininterrompus – et ce n’est pas un gentillet circle pit qui vient changer le constat froid. Je quitte le concert avant la fin (c’est bien la première fois que cela m’arrive pour EHG), les yeux remplis de tristesse.
PENTAGRAM
Que vaut le quasi septuagénaire Bobby Liebling en live, après tant de déboires et démêlés, l’ayant même amené en prison ces dernières années ? Que vaut Pentagram sans Victor Griffin, que les aspirations religieuses exacerbées depuis le confinement ont éloigné de ses camarades ? Que vaut ce groupe de losers de génie, pour ses 50 ans ? La réponse est sans appel : tout l’or du monde. Sous une tente incandescente, peut être un poil attentiste au départ et très vite emportée par un tourbillon de bonheur, Pentagram déroule une set list efficace, porté par leur nouveau petit prodige à la guitare : Matt Goldsborough. Liebling est sûr de son talent, très en voix, multiplie les poses et facéties et régale son audience sur « Be Forewarned » ou « Forever My Queen » (enchainée par une version raccourcie de « 20 Buck Spin ») évidemment. Le concert du festival, tout simplement.
ORANGE GOBLIN
Le putain de Goblin contre Metallica, le combat du siècle ! Bien sûr, ceux qui sont venus s’en balancent de savoir s’il y aura un gagnant et vont gueuler leur hargne et leur amour de Orange Goblin pendant un set sans surprise d’une heure. Durant cette faille temporelle, cette tornade musicale, s’enchainent les classiques : “Scorpionica”, “Saruman’s Wish”… Lorsque le géant Ben Ward réclame un circle pit sur “The Filthy and the Few”, bien évidement on s’exécute. Le foutoir commence réellement sur “Acid Trial” – évidemment, le morceau en appelle à la furie, les slammers commencent à arriver et lorsqu’une fois de plus le frontman commande un wall of death sur “They Come Back”, celui-ci emporte la moitié de la fosse. Un titre plus tard, l’équipe de sécurité chargée de réceptionner les slammers montent au front et commencent à interpeller le public, debout sur les crash barrières. “The Devil’s Whip” les accompagne et c’est un raz de marée continu qui déborde la fosse et vient écraser ses vagues de slammers sur la barrière. Orange Goblin donne de l’amour comme lui seul peut en donner, remerciant le public d’être venu si nombreux et d’envahir la Valley. Le public le lui rend en hurlant, réactif comme pour une première fois alors que la plupart de fans ici présents en sont au moins à leur dixième fois. Depuis le pit photo, impossible de contempler autre chose que la furie du public, le spectacle n’est déjà presque plus sur scène et les slammers sont impossibles à compter alors que les anglais clôturent, magistraux, sur “Red Tide Rising”. Orange Goblin clôture le Hellfest, et finalement, le concert de ce fest, n’était-ce pas plutôt celui-ci ? Qu’importe ce qui à bien pu se passer sur une autre scène, ils ont gagné : Orange Goblin a arraché sa couronne à Metallica. Orange Fuckin’ Goblin, Baby !
Les muscles sont peut-être douloureux, les oreilles bourdonnent peut-être, les poches sous les yeux font probablement peur à voir, et sans doute que beaucoup de choses indiquent que c’était une épreuve pour nos corps peu habitués à s’entretenir… néanmoins c’est le sourire jusqu’aux oreilles et en secret le cœur gros que nous quittons cette 15ème édition du Hellfest, deux week-ends de bonheur, pleins de souvenirs et d’amitiés incroyables. Un moment hors de nos vies avec un gout d’indispensable. Hellfest, nous reviendrons encore l’an prochain pour tes concerts mais aussi pour ton ambiance et ceux que tu attires jusqu’à toi à chaque édition. A l’an prochain.
Voilà, la seconde partie du Hellfest 2022 va commencer pour nous. On ne va pas se plaindre, tout étant toujours plutôt bien fait et très bien présenté sur ce festival, on aurait pu se contenter des jours précédents, pour autant cela manquait de consistance, que voulez vous, on nous a toujours habitué à des plateaux du feu de dieu ! Ce jour exaucera nos vœux avec un solide après-midi riche en trips aériens et riffs ravageurs, et même les pieds dans la boue, rien ne nous arrêtera !
Enfin, “rien”… sauf le combo réveil à l’arrache / indications routières contradictoires / parking et navettes aléatoires, qui nous fera manquer Untitled with Drums, qui jouait aux aurores… Tant pis, ce sera le seul groupe de la Valley que nous manquerons de tout le festival.
DÄTCHA MANDALA
La journée commence donc pour nous par le set du trio rock français Dätcha Mandala. Les bordelais, connus du “grand public” pour avoir assuré la première partie des Insus (ex-Téléphone) au Stade de France en 2017, traîne aussi une réputation de jolie machine scénique. Ils montent sur scène remontés comme des jouets à ressorts, bien décidés à démontrer leur valeur… et leur légitimité sur cette affiche ! Car la question est largement soulevée, le trio étant connu pour produire un heavy rock bluesy “vintage” nerveux, occasionnellement psych, un peu loin du propos plus incisif pratiqué au Hellfest. Intelligemment, le groupe propose une set list high energy qui, emmenée par un binôme survolté, emporte en un tour de main l’adhésion du public. Celui-ci, même s’il se retrouve assez clairsemé sous la tente, repart avec le sourire et la satisfaction d’avoir assisté à une prestation qui, si elle est assez loin du metal quintessentiel pratiqué sur l’ensemble du festival, se sera avérée enthousiasmante.
MY OWN PRIVATE ALASKA
L’heure du déjeuner (oui, le biorythme est un peu bousculé au Hellfest) nous amène une nouvelle “parenthèse musicale”. Jusqu’ici, à chaque groupe sortant des terres musicales confortables que l’on connaît, nous étions pris soit de surprise, soit d’ennui. C’est plutôt la première option qui s’applique ici, et il avait suffi de lire l’étiquette musicale proposée par le combo français pour nous en donner l’intuition : le groupe qualifie sa musique de “pianocore”… ce qui s’avère assez juste ! On retrouve les musiciens tous assis sur la scène, deux derrière leur clavier, l’un derrière son kit de batterie, et le dernier derrière… son micro. Drôle de dynamique de voir Matthieu Miegeville (déjà vu derrière le micro de Psykup) chanter (crier plutôt) en se contorsionnant sur son petit tabouret (qu’il quitte parfois néanmoins) ! Musicalement, le contrat est rempli : on a bien des claviers et un assortiment de dynamique et de chant qui font pencher l’ensemble en territoire post-core. Loin de notre zone de confort, mais intéressant.
HÄLLAS
Le début d’après-midi sous la Valley offre l’opportunité d’un voyage : celui qui mène à la cité en or de Semyra. En effet durant 45 minutes, les chevaliers d’Hällas (pronounced Hélas) nous font vivre de belles aventures. Toujours un peu coincé sur scène (il en faudra du temps pour que Tommy Alexandersson, bassiste/chanteur, s’adresse à nous), le groupe est par contre toujours aussi réjouissant. Le mix son fait un peu trop la part belle aux basses au début, nuisant à la composante planante de la musique du quartette, et il est difficile d’entendre la voix ou les parties de grattes. Une prise de recul salvatrice nous emmène sous les trombes d’eau à l’extérieur de la tente et c’est à ce point précis que tout rentre dans l’ordre : les phrases de gratte se libèrent, le public apparaît dans toute sa joie et, avant que le set ne se termine, les cataractes du ciel se referment et enfin le soleil vient percer le fond de la tente. C’est le point culminant du set, avec l’enchaînement de l’attendu “The Astral Seer” et de “Star Rider”, leur tube absolu. Avec une Valley en symbiose, le reste du set n’en fut pas moins un moment délicieux.
SLIFT
Venu au Hellfest pour démontrer que sa croissance fulgurante est justifiée, Slift déroule impeccablement ses titres à un tempo fait pour le live. La maîtrise est grande car rien ne bave, de la qualité du son au gesticulations forcenées des trois gonzes. L’atmosphère est pleine de bonnes vibrations et les festivaliers, déjà acquis à la cause d’un des groupes les plus médiatisés de la scène, hurlent leur plaisir d’être à bord de cette fusée pour la lune. La set list, évidemment axée principalement autour des morceaux d’Ummon, ne prend que peu de risques, mais il faudrait être fou de le leur reprocher. La beauté des phrases de basse, le booster de la batterie et en pointe une guitare magistrale accompagnée de boucles électroniques venues d’une autre planète rendent la foule totalement hystérique (il fallait voir le public, une fois le set terminé et les musiciens revenant pour ranger leur matos, crier leur amour comme s’ils étaient encore en plein concert…). Non Slift n’est pas hypé, il mérite sa réputation et son ascension.
VILLAGERS OF IOANNINA CITY
Si une heure d’entracte avait suffit pour remettre les pieds sur terre, Villagers of Ioannina City prend 12 minutes, soit le temps d’un titre, pour nous reconduire en orbite. Batterie excentrée à gauche de la scène près du clavier, cordes en façade et tsambouna (cornemuse grecque) en arrière plan. VIC intègre une fois de plus parfaitement ses particularismes ethniques, insérant les respirations des instruments à vent entre les riffs de basse, et y ajoutant une curieuse densité aérienne. Un régal qui ne fait qu’ajouter à l’extase que le public semble ressentir. Définitivement à chaque set que nous avons vus ce dernier mois les Villagers ont fait mouche, et il est certain qu’à partir de maintenant il faudra les compter parmi les évidences de la scène heavy psychédélique.
MONKEY3
Voir Monkey 3 en live revient à retrouver de vieux amis pour une soirée. Ce n’est pas forcement une chose à laquelle on pense des semaines avant, pour lequel on se fait beau, mais au final on y passe les meilleurs moments. Laissez tomber la drogue et le sexe, Le quartette suisse est la réponse à vos besoins d’endorphine. Avec un nouveau bassiste, quelque peu statique au départ mais très vite à l’aise, le groupe est comme chez lui dans une Valley toute acquise à la cause psychédélique. Les Suisses exhalent la fumée de toute part et enveloppent le public physiquement, le kidnappent pour quelque destination hors de ce monde. À la guitare, Boris continue de convoquer inlassablement David Gilmour, dans les ambiances qu’il tisse et les soli lumineux qu’il propose. La set list a des allures de best of et j’en ressors en me promettant de ne plus jamais oublier à quel point les suisses sont magistraux sur scène.
KADAVAR
Avec “Lord of the sky” en intro avec un final assez déstructuré, Kadavar annonce la couleur du set. Ils mettent directement les pieds dans le plat. Étonnamment, encore bon nombre de gens découvrent le nouveau look de Tiger derrière sa batterie, crane rasé iroquoise naissante à l’arrière du crane et imposants favoris souvenir de sa folle barbe. De fait, lorsque “Last Living Dinosaur” retentit, la crinière de Tiger ne s’envole plus mais le showman, d’un seul regard, assomme la foule autant qu’avec ses blasts de batterie. L’enchaînement des titres a été conçu pour le Hellfest pour viser une efficacité optimale, au détriment peut-être de l’originalité : “Into the Worms Hole”, “Doomsday Machine” ou “The Old Man”, qui déclenche l’hystérie du public dès les premières notes et qui dès lors ne lâchera plus rien, frappant dans les mains pour “Black Sun” ou slammant à l’envie sur “Die Baby Die” et “Pale Blue Eyes”. Kadavar mille fois vu se renforce un peu plus à chaque concert et la version de “Helter Skelter” qui clôt le set comme souvent depuis quelques années, est elle même aussi bagarreuse qu’a l’accoutumé, mais sans pour autant. Le concert de la journée, indubitablement !
CONVERGE : BLOODMOON
Pour clôturer cette journée la formation à sept têtes vient déposer sous la Valley ses riffs en verre pilé accompagnés de ponts aériens qui ne font cependant pas le ravitaillement en public : à cette heure tardive, la voix de Chelsea Wolfe ne suffit pas à faire le plein d’admirateurs, même lorsque elle est contrebalancée de post hardcore parfois doom. En outre, la voix de la prêtresse de nuit ne bénéficie pas du meilleur des mixes, et ses aigus agressent les tympans du fond de la tente. Cette dernière restera donc divisée en deux partie : les fans devant qui auront trouvé là de quoi se faire submerger par l’émotion, et les curieux qui derrière passent sans chercher l’immersion. Pour notre part nous oscillons sans passion entre ces deux populations.
Ce troisième jour a épuisé plus d’un festivalier : la pluie a détrempé le sol, la boue a envahi les passages les plus fréquentés, et les queues interminables aux pissotières toutes neuves créent d’usants bouchons entre les scènes. Nous rentrons les pieds couverts d’une croute de boue à laquelle s’agglomère la sciure censée l’absorber, avec au fond de nous la satisfaction d’avoir vécu quand même quelque chose d’un peu incontrôlé. Encore un dodo et ce sera le dernier jour.
Avant même de passer la cathédrale, entrée scénarisée du festival Hellfest, nous savons que la journée va solliciter notre curiosité et notre sens de l’ouverture. En effet sur le papier peu de choses semblent à même de nous garantir une journée sous le signe du désert, d’autant que le temps est de la partie et que le ciel menace grandement de nous arroser. Allons, haut les cœurs ! c’est parti pour ce deuxième jour.
AS A NEW REVOLT
Hip hop à consonance punk hardcore, le duo chant, batterie (et samples) vient déverser une violence toute coreuse sur le festival à 11h du matin et pulvériser le mur de l’infrabasse. Le public ne se masse certes pas dans la tente, mais le remplissage n’est pas ridicule, même si les présents sont plus en mode curieux… Du hip hop dites vous ? Le métal est une grande famille qui ne ferme (plus vraiment) ses portes, Festival des musiques extrêmes, la belle histoire que voilà !
OKKULTOKRATI
Le groupe de blackened-hard-rock porteur de perfectos, dilue les styles jusqu’à la confusion. On pourrait s’attendre à des prises de parti tranchées mais le sextet (que l’on avait vu précédemment sous la Altar ou la Temple…) n’offre à entendre qu’une sympathique balade entre les genres sus cités et parfois une bifurcation vers le death/thrash, sans doute par accident. Notons une bonne énergie déployée sur scène, pour un effet limité sur un public un peu apathique à cet horaire…
STÖNER
Pour les stonerheads, le premier vrai concert de la journée se passe avec Stöner (ça ne s invente pas). Introduit par le légendaire Sean Wheeler, le duo de choc Oliveri/Bjork démarre tout en coolitude, malgré un son écrasé qui, s’il ne gâchera pas la fête, desservira un peu le set tout du long. Après un échange d’amabilités sur “Rad Stays Rad” et “The Older Kids”, le jeu sur “Evel Never Dies” se fait plus destructuré, savamment porté par Nick Oliveri, Brant Bjork restant un fond de scène en mode punk rocker. Une grosse rasade de “A Million Beers” et tout rentre dans l’ordre, et l’enchainement avec le groovy “Stand Down” finit de convaincre un public gagné par une bougeotte qui n épargne pas même certains gars de la sécurité derrière les crash, qui oscillent imperceptiblement. Le cool oui, mais qui fait arriver à cinq minutes de la fin du set sans que personne ne s’en soit vraiment aperçu, forçant nos comparse à passer la seconde puis la troisième pour délivrer un “Green Machine” magistral pied au plancher. Exactement le set espéré.
HUMAN IMPACT
Noisy et bruitiste, la musique de Human Impact nous sort de notre nuage stoner par la peau du cul pour nous secouer à grands coups de riffs. Bien qu’en limite de notre champ d’audition habituel nous ne boudons pas notre plaisir en découvrant cette formation presque timide en regard de la force qu’elle dégage… enfin, timide… Les bonds du chanteur et les agitations du guitariste projettent quand même un paquet d’arcs électriques dans le public.
A.A. WILLIAMS
Entre deux averses on retourne sous la Valley pour découvrir qu’avec A.A Williams l’éther a trouvé son lyrisme. Le groupe qui fait tout pour ne reposer que sur sa front woman est un joli navire pour permettre aux festivaliers de voyager tout en restant sur place (rajoutons que le remplissage de la tente est probablement aussi largement dû aux pluies qui douchent le site, durant lesquelles les quelques tentes sont des refuges appréciés). Entre les nappes de fumée et la voix suave de A.A.Williams, le set gagne posément les cœurs et les esprits, ce qui est déjà en soi une petite réussite, dans le même ton que celui de la journée.
GODFLESH
On continue les errances hors des musiques désertiques chère à nos cœurs avec une des rares sorties scéniques de Godflesh. On peut d’ailleurs s’interroger sur la pertinence de la présence des pères fondateurs du metal industriel sous la Valley, tandis que spécifiquement aujourd’hui la Mainstage 1 proposait une thématique indus marquée (Ministry, NIN, Killing Joke, Nitzer EBB), et aurait naturellement accueilli le duo… Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nous apprécions le set à sa juste mesure : s’appuyant comme d’habitude sur une bande pour les parties de batterie (lancée par Broadrick depuis son PC en bord de scène), le groupe déroule et aligne quelques perles de metal indus un peu old school. G.C. Green est quasi immobile, tandis que Justin Broadrick est parfois pris de spasmes nerveux, mais globalement c’est la musique d’abord. Clairement pas le carton de la journée, mais une prestation loin d’être ridicule.
EARTH
Sous des trombes d’eau (on apprécie d’autant les concerts sous la tente…), Earth entame son set classieux sur le sobre “Cats on the Briar”. Chaque note qui sort de la gratte de Dylan Carson est attaquée avec grâce et fait l’éloge de la lenteur. Le set déroule comme dans un club de blues. La batteuse Adrienne Davies est penchée sur sa batterie, l’attitude concentrée à l’extrême, son jeu lent et fluide ressemblant à une étrange et lente chorégraphie. Ça joue sans interruption jusqu’à un problème de guitare de Dylan durant “Engine of Ruin”, qui interrompt la chanson (le trip ?) brutalement en plein milieu. Il doit lui manquer une case, mais qu’importe après un remplacement et trois tours de clés le show reprend, faisant taire le brouhaha naissant du fond de la tente. La métamorphose est complète, c’est une machine à arrêter le temps et non plus un festival. Entre chaque titre les cordistes ré-accordent longuement leurs instruments pour que chaque note glisse dans la foule et que la magie opère. L’hypnose est si efficace que lors du changement de tête d’ampli du bassiste le son ne s’interrompt même pas… Lorsque nous revenons sur terre, nous constatons que le déluge a l’extérieur de la tente à crée une rivière au creux de la Valley, la séparant en deux dans la largeur.
NEW MODEL ARMY
Pour finir notre journée nous nous attardons quelques instants devant New Model Army, son rock anglais qui défie les lois du genre résonne depuis près de quarante ans et a eu largement le temps de se faire des aficionados, cela se ressent car dans la fosse les quelques grappes de festivaliers accrochés aux crash barrières en redemandent à grand renfort de hurlements. Ce set ne fera pas salle comble, la pluie ayant cessé beaucoup se préparent déjà à rejoindre Nine Inch Nails sur la Mainstage. Qu’importe, ceux présents ne sont pas là pour la promiscuité mais bel et bien pour le groupe qui déroule son set avec le professionnalisme de l’habitude.
Trempés et épuisés malgré une journée en demi teinte tant la programmation de notre genre de prédilection était limitée, nous regagnons nos camps de base respectifs pour recharger les accus des appareils photos, téléphones et autres chroniqueurs. Demain sera une belle journée, la Valley va gagner en grade, c’est écrit, espérons que le temps soit un peu plus clément qu’en cette seconde soirée.
Arrivée sur le site en début d’après midi pour cette seconde partie de Hellfest 2022, la première journée de ce week-end de quatre jours (!) étant un peu plus courte, pour nous ménager un peu sans doute… On s’en souviendra de cette fête des 15 ans ! Le Hellfest est un ado vigoureux. En conséquence, rien de tel qu’un match de Catch de dessinateurs à moustache (!!) en ouverture pour chauffer les esprits et les poignets – une excellente façon d’attendre l’ouverture des portes de la cathédrale !
LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL
La Valley démarre tard pour ce jeudi de Hellfest (tout de même une heure et demie après le début du set d’ouverture de Phil Campbell en main stage). Los Disidentes Del Sucio Motel n’en prend pas ombrage et malgré une tendance au raffinage rock, le groupe entame son set avec lourdeur et talent. Appliqués (les musiciens se lâchent petit à petit), les alsaciens proposent une set list largement dédiée à leur excellent dernier album. Ils intercalent néanmoins leur classique reprise d'”Immigrant Song” de Led Zeppelin version space, et en conclusion les bons vieux “Z” et “Kraken” pour finir de convaincre le large public attiré par leur prestation (lançant même un circle pit où la foule s’adonne au jeu avec la lenteur qui sied au lieu). Un bien bon moment et une superbe mise en bouche.
SLOMOSA
Avec une première volée de gros riffs, les Norvégiens gonflent rapidement les rangs du public, venu en nombre et en forme malgré la notoriété toute relative du jeune quatuor. Leur joie d’être parmi nous aujourd’hui est palpable tant les clins d’œil complices au public sont nombreux. Même si la voix du chanteur est parfois un peu limite, tout le monde y voit une particularité à chérir. Bientôt les notes de “Kevin” enflamment le public et les gobelets autant que les slammers volent dans tous les sens ; il faudra attendre que les amplis soient débranchés pour que le public retrouve son calme. Un public comptant sans nul doute un paquet de nouveaux adeptes. Slomosa à chaque set enfonce le clou de sa transformation en valeur sûre.
LOWRIDER
D’emblée les très attendus Lowrider laissent leur public dubitatif, et aux premières notes l’évident est là : le mix est baveux, en particulier du coté de la voix. Mais il s’agit d’une frayeur passagère, et rapidement le tir est corrigé. C’est aussi une des grandes qualités de ce festival que de savoir très généralement offrir le meilleur du son des groupes en Open air. La lancinance du jeu du clavier (désormais cinquième membre officiel du groupe, au moins en concert) est notable : reprenant en boucle les thèmes de certains morceaux, le claviériste occupe sa place avec justesse. Il est assez dommage de constater qu’il n’y a pas foule pour apprécier le set (bien que les rangs soient biens serrés près de la scène, on ne se bouscule pas passé un certain niveau) et les invectives de Peder Bergstrand criant “ça va là bas au fond ? ” auraient mérité un plus massif salut… Qu’importe, il avalent l’asphalte et foncent droit vers le succès de leur set qui au fil des titres prend en épaisseur, piochant largement dans l’ensemble de leur (petite) discographie : “Dust Settlin'”, “Ode to Ganymede” , “Red River”… pour le plus grand bonheur des fans hypnotisés, tout sourires, qui sortiront totalement essorés par la force d’un “Pipe Rider” qui fait mouche en conclusion de concert.
HANGMAN’S CHAIR
Le blast assassin du groupe francais ne laisse pas de place au doute, il est venu asséner de la fessée auditive. De la fessée, certes mais avec classe. Bien qu’ils retournent les organes et le sol du lieu (quel son de basse, mes aïeux) les gars savent transformer le lourd en aérien. Hangman’s Chair distille ses notes et ses frappes avec la précision d’un chirurgien. Le public se régale et on ne serait pas loin de considérer que la journée pourrait s’arrêter là. D’un coup on se rappelle qu’il y a à peine quelques éditions ils étaient les petits poucets de la Valley, et les voila catapultés aux heures de têtes d’affiche avec une heure de set totalement hypnotique et envoutante. Les franciliens ont pour l’occasion peaufiné une set list piochant allègrement dans leur dernier suave album, n’allant qu’avec parcimonie raviver quelques bons titres de leur précédent Banlieue Triste (dont un très beau “04-09-16”). Les corps au ralenti se laissent porter par la musique et les nappes de fumée remplissent le lieu avant de s’échapper aussi bien des côtés que du fond de la tente (et promis cette fois il ne s’agit pas que d’herbe à chat). Les gars savent y faire en terme de mise en scène intrigante, jouant dans des vapeurs bleutées et parfois rougeoyantes du début à la fin de leur concert. Une totale réussite qui laisse sur le carreau les festivaliers qui ne reprennent pas bien vite le chemin de la sortie.
JERRY CANTRELL
Depuis 1998 Jerry Cantrell mène une discrète mais honnête carrière solo en parallèle du projet de sa vie, Alice In Chains, groupe qui lui aura tout fait vivre, du drame à la résurrection. Choisi en tête d’affiche de la Valley, le guitariste se présente avec 6 autres musiciens dont le guitariste et compositeur de musique de film Tyler Bates ainsi que Gil Sharone et Greg Puciato de Dillinger Escape Plan : le premier apporte son groove à la batterie et le second, et c’est là toute la curiosité, endosse la lourde responsabilité de faire revivre l’âme de Layne Stanley, puisque 10 des 16 titres interprétés sont des tubes intemporels d’Alice In Chains. Et soudain la magie opère. Puciato est constamment sur la brèche, entre majesté et émotion à fleur de peau. Il incarne à merveille l’héritage de son prédécesseur et fait revivre, le temps d’un concert magistral, la magie AIC jusqu’à l’enchainement final “Would ?” (son slam sur la moitié du morceau !) et “Rooster”, laissant la Valley débordée par ses émotions. L’un des plus grands moments du festival.
Une nuit de repos sous la pluie, c’est un peu l’inverse de la semaine passée où les températures étaient caniculaires. Une fraicheur bienvenue qui laisse de surcroit le site hors des eaux. Les conditions parfaites pour rattaquer d’ici quelques heures avec une seconde journée riche en musiques extrêmes.