The Freeks – Crazy World

 

Nous vous avions déjà parlé de The Freeks, la formation de Ruben Romano, ex-Fu Manchu, ex-Nebula et bien figurez vous que sa bande de monstres frappe encore avec la sortie de Crazy World, signé chez Heavy Psych Sounds (Décidément, rien ne les arrête!). Toujours plus éloigné de la planète Fuzz sans pour autant totalement la renier, ce quatrième album de huit pistes a le mérite d’être à écouter par les amateurs de rock rétro et de références classiques du genre aussi bien que par les férus de plans psyché.

Du côté psychédélisme on est servi en particulier avec les morceaux “American Lightning” et “Mothership to Mother Earth” tous deux sur une base différente ils reconstituent l’histoire d’un genre qui sait être aussi bien généreusement amplifiée que teinté de guitare acoustique ce qui tombe bien car les morceaux respectivement ouvrent et clôturent l’album.

Véritable mille-feuilles de référence “Crazy World” fait appel aux plus classiques des formations, On y retrouve les Stones dans leur version fin 70  avec un “Easy Way Out” où se superposent à la perfection gratte et piano. On pense également aux Stooges en découvrant “Hypnotize my Heart” morceau plus grave et pesant où la ligne de basse assure en duo avec l’orgue une montée de came dure. l’OVNI de l’album est clairement “Take 9” car en rupture totale avec le reste,  les références y sont plus Jazz Fusion pour ce morceau entièrement instrumental, une sorte de pont de légèreté en somme. Sur toutes les autres pistes ou presque les chœurs sonnent tels un tablée de Freaks chantant “[…] One of us! one of us! Gooble-gobble, gooble-gobble!”, Sensation particulièrement évidente sur “This is Love”, c’est dire si cette assemblée porte bien son nom. Même si on s’éloigne de nos préoccupations habituelles, on retrouve des passages jouissifs comme sur “Chronic Abduction” qui fait penser à l’esprit d’un “Uncle Acid and the Deadbeats” toujours grâce à cette voix éraillée à la limite du malsain amplifiée par le chant en chœur.

Il faut aussi saluer la pochette de l’album, qui réalise un retour vers l’esprit “Métal Hurlant” qui animait déjà celle du premier disque. Dès la première écoute je suis tombé sous le charme de cet album polymorphe. Il fait appel à bien des souvenirs , à des expériences profondes relatives à la découverte de la musique, une sorte de traversée des âges et des espaces  pour nous conduire  sur la voie de nos genres de prédilection plus actuels.

Sleep – The Sciences

Sans la moindre promo, ni même la moindre annonce (tout juste savait-on que le groupe était rentré en studio l’an dernier), Sleep a choisi de livrer ce 20 avril 2018 le successeur de Dopesmoker (presque 20 ans après), surprenant tout le monde en lâchant l’album complet en streaming sans que la moindre rumeur ne soit venue gâcher l’effet de surprise. Bien sûr on s’y attendait, l’annonce d’une tournée nous laissait bien supposer qu’un nouveau long format se préparait, mais Sleep a réussi son coup. D’un côté les fans de toujours, de l’autres celles et ceux que Sleep laissent indifférents depuis toujours ; tout le monde y va de son commentaire. Le trio est de retour, que cela soit dit haut et fort ! Mais que vaut ce retour ? Que peut-on attendre d’un groupe qui, en presque 20 ans, ne nous a proposé qu’un titre de 10 minutes (“The Clarity” en 2014, très bon au demeurant) ? Est-ce dans un vieux « pot » (attention, à partir de là je ne signale plus mes allusions à la drogue) que l’on fait la meilleure soupe ?

Au niveau des thèmes abordés, on a vite fait le tour. “Marijuanaut’s Theme“, deuxième plage de l’album (avec le son d’un bong en intro), résume le tout, avec des paroles assez tordues mais explicites : Inhaler of the rifftree, Initiate burn, never to return” ou encore “Through the hashteroid fields” en passant par “Marijuanaut loads of a new bowl”. Bref, Sleep, tout en utilisant des métaphores ne se privent pas d’exposer clairement son thème et de développer ses idées. Sortir un album entièrement à la gloire de la weed un 20 avril (4-20 en anglais, je vous invite à rechercher la signification si vous ne la connaissez pas), qui plus est avec une pochette des plus explicites, voilà comment Sleep a choisi d’effectuer son retour sur le devant de la scène après des années d’attente. Aucune concession, mais pouvait-on en douter ?

Musicalement et avant d’entrer dans le détail, la référence est claire et nette. Through Iommosphere”, Giza Butler”, on the Sabbath Day walks alone”… Black Sabbath est encore et toujours le moteur, la flamme qui allume le joint de nos comparses. Reste maintenant à savoir si l’herbe que nous propose Sleep est toujours aussi bonne et si The Sciences” trouvera sa place aux côtés des mythiques Dospesmoker/Jerusalem et Sleep’s Holy Mountain.

Prenons en considération que pour ce nouvel album, les deux têtes pensantes du groupe ne sont plus les mêmes. Je ne vous parle pas d’un changement de line-up mais de Al Cineros qui entre temps a sorti un paquet de trucs avec Om (et un projet solo genre dub pas mal foutu) et de Matt Pike qui au sein de High on Fire aura lui aussi bien roulé sa bosse. J’ai envie de dire que ce nouveau Sleep, c’est tout cela à la fois. C’est le mythe du Sleep des années 90, le mystique de Om et la maîtrise de High on Fire. La quintessence même des origines du groupe et de l’histoire de ses membres fondateurs.

Matt Pike est au sommet de son art et de son inspiration. Les riffs, les soli, le choix des accords, du son, du rythme, tout y est. Les fans de Sleep retrouveront ce qui leur a permis de vivre leur premier trip, rien n’a changé. C’est planant, lourd, solide, brut. Al Cisneros avec sa basse accordée au plus bas accompagne, se cale en embuscade derrière la guitare et donne un relief supplémentaire qui vous prend aux tripes. Egalement au chant, il se rapproche de façon flagrante de ce qu’il a produit avec Om. Ce chant méditatif pour atteindre un état supérieur, hypnotique, un état second nécessaire pour goûter pleinement le sens de son récit. Jason Roeder, batteur du groupe depuis 2010 (et de Neurosis depuis toujours, excusez du peu) abat un boulot phénoménal. Impossible de le mettre en défaut, il n’est pas qu’un figurant qui marque le rythme en tapant sur ses futs. Il enrobe le tout avec un jeu varié et riche.

Les compositions sont réellement abouties et on sent que le tout a été peaufiné, travaillé tout en gardant un aspect naturel qui évite cette sensation d’avoir un produit de synthèse devant soi. Ecoutez le travail de la basse durant le solo de guitare sur “Marijuanaut’s Theme”, ou encore les mille variations de batterie sur “Sonic Titan”. Rien n’a été laissé au hasard. A noter d’ailleurs que oui, “Sonic titan” est bien le même titre présent en live sur l’édition “discutable” de Dopesmoker sortie par Tee Pee Records, mais ralenti et ré-arrangé – il s’intègre d’ailleurs parfaitement au disque. Plus globalement, l’album se rapproche plutôt de Holy Mountain dans le sens où il est effectivement constitué de six chansons bien distinctes ; l’approche jusqu’au-boutiste (et exigeante) de Dopesmoker ne pouvant pas être dépassée, le trio s’est orienté vers quelque chose de plus “traditionnel” dans sa démarche (tout est relatif, bien sûr : vous aurez du mal à trouver des chansons intro-couplet-refrain-couplet-refrain…).

De fait, le trio livre avec “The Sciences” la quintessence de sa musique : il ne synthétise pas, il n’explore pas non plus de nouveaux territoires musicaux (ceux qui attendaient une version “moderne” de Sleep en seront pour leurs frais), mais propose un complément naturel, une nouvelle étape à la fois sans prétention et non discutable : Sleep se rappelle à notre souvenir et réaffirme à grands coups de riffs massue son statut référentiel dans le paysage musical actuel.

Sleep vient de sortir une pièce maîtresse qui devrait ravir les fans du groupe. Et pour celles et ceux qui n’ont jamais été réceptifs, je vous en conjure, écoutez ce disque. Plusieurs fois. Et sans forcément vous inciter à l’usage de psychotropes divers (pas notre genre…) recalez-vous sur un état de perception différent, plus ouvert, moins traditionnel peut-être, pour enfin mieux cerner l’approche du groupe. The Sciences” est un excellent album, de bout en bout. 53 minutes de pur trip, montée et descente incluses. Le groupe fait montre d’une maîtrise totale de son sujet et apporte au Doom une nouvelle pièce incontournable.

 

Point Vinyle :
Third Man Records [ndlr : petit label indépendant créé par Jack White] propose un double vinyle (noir pour l’édition classique et vert pour l’édition limitée).
A noter la mise en vente dans un certain nombre de disquaires sélectionnés par le groupe aux USA et en Angleterre d’une version sur vinyles noir et vert (chaque disque est noir et vert, pas l’un noir et l’autre vert) avec pochette alternative limitée à 1000 exemplaires.

 

Tons – Filthy Flower of Doom

 

Heavy Psych Sounds affirme son ouverture en signant Tons, quatuor Turinois de Sludge assez lointain des atmosphères psyché proposées généralement au catalogue.

Le fait est que ce groupe ne manque pas de dérision pour intituler ses morceaux, cherchant la plus improbable des blagues et référence alambiquée. allant de “Abbath’s Psychedelic Breakfast” à “Sailin’ the seas of buddha cheese” en passant par un “99 Weed Balloons”, “Those of the Underlighter” et “Girl Scout Cookie Monster” et se référant ainsi en vrac à des titres de Pink Floyd, Primus, Nena, Marduk et SaraBeth (Je me serai d’ailleurs bien passé de trouver cette référence Country). “Filthy Flower of Doom” (qui pourrait être traduit par “Fleur crasseuse de Doom”) porte bien son nom avec une musique sale à souhait.

Coté face donc un style crasse et sombre avec une voix Sludge qui dérive bien souvent vers le Black et on pourra en dire de même au sujet de la batterie qui oscille entre frappe rapide de la double grosse caisse (“Sailin’ the seas of Buddah Cheese” notamment) et tempo plus modéré sur la majeure partie de pistes. La filiation avec Bongzilla est évidente tant du point de vue vocal que rythmique (et une utilisation massive de discours samplés en plus du style) Tons garde pour autant un je ne sais quoi de personnalité qui marque la différence, sans doute à cause de ces touches Black de-ci de-là.

Côté pile on a de la maîtrise instrumentale. Les claviers sont barrés comme un film de SF (Abbath’s Psychedelic Breakfast). On déniche des atmosphères boueuses façon lap steel (“99 weed Balloons”; “Girl Scout Cookie Monster”) avec des boucles à la Weedeater (“99 weed Balloons”) et des riffs lourds et répétés à l’envie. On ingère la galette comme une poutine (En 38 minutes environ) et cela reste très appétissant tout du long grâce à un format court.

Du côté de l’artwork Tons poursuit dans la ligné du premier album “”Musineè Doom Session Volume 1”(Sorti en 2012) ou figuraient déjà soucoupes et triangles mystiques, ce second opus installe donc la signature graphique du groupe. Cet album ne fera sans doute pas date dans l’histoire du Sludge, cependant et c’est là l’essentiel il est sans fausse note et on ne boude pas son plaisir en riant avant l’écoute et en planant lors de celle-ci.

Blackwater Holylight – Blackwater Holylight

Venu tout droit de l’Oregon, ce quartet vient de sortir son tout premier album éponyme chez RidingEasy Records. Comme le laisse deviner la typographie sur la pochette aux couleurs surannées, Blackwater Holylight prend racine dans un terreau highly seventies, âge d’or du psychédélisme of course. Cet album ne devrait donc pas décevoir ceux tournés vers le passé et pour qui c’était mieux avant.

Les membres de BHL (pour éviter toute confusion, on vous rappelle que cet acronyme fait bien référence à Blackwater Holylight et non à l’humoriste français bien connu) savent composer des chansons entêtantes et comptent bien nous le faire savoir. Pour exemple, « Willow » ou « Wave Of Conscience », aux riffs extrêmement simples, répétitifs, mais parfaitement efficaces, sont de vrais réussites que vous garderez longtemps en tête. Cette façon sournoise de balancer un riff clean qui ne paye pas de mine mais qui s’insinue en douce au plus profond de votre crâne nous fait penser aux Black Angels, ou encore au Brian Jonestown Massacre.

BHL partage d’ailleurs avec ces deux groupes de rock psychédélique le côté garage, avec un son poussiéreux et une fuzz bien dosée. Car oui, les amateurs de grosses guitares bien lourdes ne seront pas non plus en reste, comme avec le titre « Slow Hole » , le titre le plus lent et pesant de l’album, ou bien sur « Sunrise » et son envolé à mi parcours. Toujours dans un registre très psyché, le titre « Carry Her » nous fait presque penser à de la cold wave, avec une batterie métronomique et sans vie accompagnée d’une guitare glaciale.

Les 4 filles dans le vent (BHL est un groupe 100% féminin, fait malheureusement assez rare pour qu’il soit signalé) de l’Oregon nous pondent ici un album qui ne révolutionne pas grand chose, ce n’est de toute façon pas son ambition, mais ma foi bien sympathique et loin d’être ennuyeux. Les 8 titres de BHL passeront comme un buvard sous la langue et vous n’aurez pas vu le temps passer. Si vous aimez la fuzz et le rétro vintage, foncez !

IAH – IAH

Sorti il y a plus d’an et passé un peu inaperçu, le premier EP de IAH a tout de même fait son petit bonhomme de chemin et aura su charmer les oreilles de Kozmik Artifactz puisque le label nous le ressort agrémenté de deux titres bonus (sortis six mois après l’EP et regroupés ici sur la même galette). Et c’est ma foi une bonne nouvelle et une belle opportunité autant pour eux que pour nous.

Les argentins de IAH nous délivrent un stoner rock psyché entièrement instrumental de très bonne facture et il n’est pas étonnant de voir un label s’occuper de distribuer enfin correctement leur production. Ils ne révolutionnent pas le style mais y apportent une belle pièce très agréable à écouter, bien produite, sans réel défaut et qui surtout, laisse espérer l’émergence d’un nouveau bon groupe dans ce style.

Si vous êtes à la recherche de nouveauté totale, de sons inédits et d’une claque musicale, ce disque ne comblera pas vos attentes. Par contre si vous cherchez de quoi avoir votre dose quotidienne d’instru psyché bien foutu, alliant compositions variées et riches avec quelques solos bien sentis, voilà un disque qui vous intéressera.

Privilégiant dans l’ensemble le côté planant du style en limitant les incartades noisy ou lourdes, IAH sait tout de même parfois se régaler d’un son un peu gras. En ce sens vous pouvez découvrir le groupe en allant écouter le troisième titre, “Stolas”, qui résume assez bien la palette musicale du groupe.

IAH pose donc là la première pierre d’un édifice qu’on espère se voir construire avec toujours autant de sérieux et laisser entrevoir une marge de progression qui pourrait bien dans les mois et années à venir faire ressortir ce groupe du lot.

 

Point Vinyle :

Kozmik Artifactz nous propose de bien jolies galettes. Outre le vinyle noir limité à 100 exemplaires, on trouvera aussi un très beau vinyle marbré bleu/rouge/blanc limité à 200 exemplaires, les 111 premiers étant numérotés à la main.

 

Blacklight Barbarian – Blacklight Barbarian

Salut à toi cher lecteur/chère lectrice. Alors il parait que tu recherches un nouveau truc à écouter. Dis moi tout ! J’ai plein de bonnes choses en stock.
Un truc franchement inspiré début 70’s ? Ok, j’ai ça.
Un power trio au son un peu gras, mais pas trop? Hum… voyons voir…
Quoi? Tu veux des bons riffs, une batterie solide et une basse qui se défend? ok ok mon ami(e), je cherche.
Un truc pas trop prise de tête, bien fait et bien solide? No problem, je commence à voir ce qu’il te faut.
Une voix qui sonne vraie, sans chichi ni artifice superficiel ? Et bien je vois que tu sais exactement ce que tu veux!
Hein? Tu cherches un disque sans temps mort et avec un max de temps forts ? Un album où on ne zappe aucun titre ? Et dis, tu me donnes un challenge là !
Mais pas de souci, j’ai ça.
Blacklight Barbarian tu connais ? Non ? Pas encore ?
Et bien tu me donnes une bonne demi heure et je suis certain de te convaincre de l’absolue nécessité pour toi d’acheter ce disque ou de le télécharger sur leur bandcamp. J’en suis sûr car figure-toi que cet album répond positivement à toutes tes demandes et même plus.
C’est du tout bon de la première à la dernière seconde et franchement ça fait plaisir de voir des groupes se sortir les tripes comme cela pour nous pondre un album authentiquement rock.
Hein ? Comment tu as pu passer à côté de cet album?
Ah la la… tout le monde me dit ça… Mais maintenant que tu connais, n’hésite pas à prêcher la bonne parole et à faire découvrir ce groupe à tout ton entourage, à ta famille, à tes collègues.
Et tiens, comme je suis sympa, je te donne le lien bandcamp pour que tu puisses acheter l’album et même l’écouter autant que tu veux!
https://blacklightbarbarian.bandcamp.com/

Besvärjelsen – Vallmo

Les suédois de Besvärjelsen (à vos souhaits – qui est le génie du marketing qui s’est dit qu’un groupe ainsi nommé aurait plus de facilité à conquérir un public international ?!) ne sont ni tout jeunes ni très anciens non plus… en tout cas sous cette forme. Le quintette s’est formé en 2014, et a déjà sorti une paire de EP par leurs propres moyens, sans faire trop de vagues. Depuis quelques semaines, le petit cercle promotionnel doom/stoner bruisse de ce nom imprononçable, à gands coups de « avec des anciens Dozer et Greenleaf dedans, entre autres groupes ». Calmons les ardeurs. Certes, l’on retrouve sans déplaisir une des sections rythmiques de Dozer (le bassiste Johan Rockner vient d’intégrer le groupe, rejoignant le batteur Erik Bäckwall qui officia effectivement un temps chez la merveille de Börlange). Mais pour le reste, quelques zicos dont le CV comporte une mini collection de groupes suédois plutôt très underground, pas matière à vendre Besvärjelsen comme un groupe de « all stars » non plus…

Plus dubitatif qu’enthousiaste, on se plonge dans ce disque avec l’envie d’en savoir plus. Les premières écoutes désarçonnent. Chant féminin en suédois (sauf deux titres en anglais, mais avec un fort accent), sons doom, plans dark, structures parfois prog, mélodies limites stoner, ambiance quasi-folk ici ou là… Tout se mélange. Faut dire que « Besvärjelsen » signifie en quelque sorte « Incantation », et effectivement tous les genres musicaux liés à l’occulte ne sont jamais très loin. Après plusieurs écoutes, c’est moins confus, le tout formant quand même quelque chose de plutôt cohérent, voire consistant.

Le constat a priori plutôt contrasté dans les premières écoutes laisse donc progressivement place à une impression plus favorable. D’autant plus qu’au fil des écoutes, la qualité mélodique de l’ensemble émerge progressivement, en particulier sur les lignes vovales de Lea Amling Alazam : sans être une chanteuse à la technique vocale remarquable (on pense très fort à une autre chanteuse suédoise que nous affectionnons tant… Cœur avec les mains) force est de reconnaître que ses mélodies vocales sont très efficaces (« Röda Rummet », « Falsarium »). Globalement les compos sont au rendez-vous et l’interprétation de bon niveau : l’ensemble est varié et dynamique (on passe du rapide et percutant « Öken » au très doom « Return to No return », en passant par un très bon « Alone » de plus de 10 minutes, un titre vallonné et sinueux qui rappellera occasionnellement les derniers Greenleaf) et laisse à chaque fois une bonne place aux instrumentistes (notamment à travers quelques soli efficaces, par exemple sur « I Skuggan Av Ditt Mörker »).

Niveau production, le compte n’y est pas totalement, la mise en son étant souvent un peu le cul entre deux chaises, entre la volonté d’une rondeur massive et diffuse plutôt doom, et l’exigence de clarté des influences plus atmosphériques de la musique du groupe. Quelques choix d’arrangements un peu douteux apparaissent aussi ici ou là, plutôt le fruit d’une mauvaise inspiration (ex : ces chœurs très « QOTSA nouvelle époque » sur « Mara », le refrain braillard mais un peu trop fluet instrumentalement de « Röda Rummet »…). Mais rien de trop pénalisant non plus…

Besvärjelsen propose finalement un premier album plus intéressant que ne le laissaient présager les premières écoutes et les speeches promo un peu pompeux et volontaristes. En proposant une musique riche, un peu exigeante sans être rebutante pour le profane, le groupe pourrait voir une petite fan base se constituer autour de sa démarche et construire un début de carrière que nous suivrons de près. Un bon début, à confirmer.

 

Brunt – Blackbeard

Qu’est ce qui peut pousser un chroniqueur de ce site à écrire sur un EP de trois titres sorti en autoproduction sans sollicitation du groupe ?
Et bien le coup de cœur tout simplement !
Brunt est un groupe que j’ai découvert un peu au hasard, vous savez avec les différents sites qui vous conseillent tels ou tels groupes suivant vos statistiques d’écoutes. Parfois cela n’aboutit sur rien de concluant mais il y a aussi des moments où cela vous permet de découvrir un groupe qui vous était jusque-là inconnu et qui retient votre attention. C’est le cas avec Brunt, trio instrumental originaire de Guernsey.
Trois titres qui tournent chacun autour de 9 minutes, autant de belles pièces bourrées de bonnes intentions et qui font naître un certain espoir pour l’avenir.
Un bon mix de psyché teinté de doom le tout saupoudré de sludge à l’arrière-gout drone. Oui je sais, je vous vends du rêve mais quand on veut que son coup de cœur suscite l’intérêt, il faut bien exagérer un peu non ?
Je ne suis pas en train de dire que Brunt révolutionne tout et que c’est le groupe de l’avenir. Je vous dis juste que Brunt pourrait si le temps leur en laisse la possibilité, révolutionner le genre et être le groupe de l’avenir.
Pour le moment le groupe fait ses gammes. Nous sommes en terrain connu et déjà parcouru mille fois par mille autres groupes. Mais le boulot est bien fait, l’identité sonore se construit et l’indéniable envie de bien faire est évidente.
Brunt est un groupe à surveiller et j’attends la suite avec impatience.

Le lien bandcamp

Point Vinyle :

300 magnifiques galettes marbrées (orange et bleue) épuisées au moment où vous lisez ces lignes.

Octopus – Supernatural Alliance

Parmi la myriade de groupes qui se nomment Octopus, allant de l’inoffensif jazz de salon au virulent Djent de garage, un en particulier navigue à proximité du territoire stoner. Il emprunte en vérité bien davantage au rétro rock et au psyché qu’autre chose, et saura sans doute charmer les amateurs d’énergie vintage.

À l’origine, la chanteuse Masha Marjieh et l’ancien guitariste d’Electric Six : J. Frezzato forment le groupe en provenance de Détroit courant 2008. Afin de partir en quête, ils ajouteront un an plus tard le clavier d’Adam Cox avec qui ils réaliseront quelques singles. Puis il faudra attendre l’arrivée des hardis Matt O’Brien et Todd Glass, respectivement armés de basse et de batterie en 2012 pour compléter la compagnie.

Avec Supernatural Alliance, les Américains nous embarquent dans une campagne se voulant épique et pleine de rebondissements. On glisse entre de franches pièces d’Heavy rock avec des riffs à la Black Sabbath et des constructions DeepPurplesque, comme en témoigne « The Unknown » ou « The Center », à de douces balades aux portes de l’onirisme comme « All the love ». À la découverte de « Child of Destiny », on comprend que le côté psyché du mélange est assuré par le clavier, là où la guitare se contente de faire ce qu’elle sait faire de mieux, à savoir estampiller à grand renfort de riffs son appartenance à la sacrosainte époque des seventies.

La thématique de ce premier album est guidée de bout en bout par la Fantasy, notamment grâce à des titres comme « Sword and the stone » et « Dragonhead ». Le genre va même jusqu’à imposer sa marque sur la pochette de l’album avec un artwork tout ce qui existe de plus évocateur.

À bien des égards, tous les amateurs du propos vintage, qui semble très en vogue en ce moment, trouveront leur bonheur dans ces dix chapitres alliant bonne composition et richesse d’écriture. Une épopée tant dans l’univers des groupes d’un autre temps que dans celui des romans de série B de notre enfance.

Gozu – Equilibrium


Rapide, brutal et technique, tel était Ricky “The Dragon” Steamboat, légende du catch de la fin des eighties. Rapide, brutal et technique, tel est “Ricky “The Dragon” Steamboat”, morceau qui ouvre cet Equilibrium, le quatrième opus de la saga Gozu.

L’auditeur est donc tout de suite dans le bain, projeté dans les cordes et recevant une belle savate dès la première des huit pistes qui composent cette galette. Vous l’aurez compris, Gozu revient pour en découdre sérieusement. Mais attention le gang de Boston ne cherche pas le KO immédiat. La preuve avec le deuxième titre, “The People vs. Mr. T”,  sur lequel le groupe ralentit le rythme. Le morceau, servi par un riff lourd et puissant est rutilant à l’image de la quincaillerie portée par le bonhomme.

Déjà sonné après à peine dix minutes de musique, et Gozu qui poursuit son travail de sape. Avec son riff d’intro qui tourne en boucle, et le timbre posé de Mark Gaffney, “King Cobra” vient clairement lorgner du côté d’un Soundgarden. Et tandis que l’on se laisse docilement entraîner vers Seattle par le combo de Boston…..ce dernier nous rattrape sauvagement par le colback et nous ramène sur la côte est où un matraquage en règle nous attend.

Car c’est là que réside tout l’art de Gozu : réussir à nous maintenir captifs de ses grands écarts et à nous balader au gré de son humeur. La section rythmique Grotto/Hubbard, en ébullition permanente, tient la baraque à bout de bras. Ces fondations solides permettent ainsi à Doug Sherman de poser ça et là des soli incroyablement incandescents comme celui, sorti de nulle part, de “Manimal”. L’alchimie est parfaite.

Les coups pleuvent. Manchettes et clés de bras s’enchaînent, et l’auditeur étourdi ne sait plus où donner de la tête. Après une grosse demi-heure de groove et de démonstration technique, le moment est propice à l’assaut final. Entre riffs diaboliques et rythmique assassine, “Stacy Keach”, figure légendaire des séries télévisées, va nous essouffler puis grimper sur la troisième corde, venir se jeter droit sur nous et nous aplatir comme une crêpe.

L’heure est venue pour les bostoniens de venir clore les débats, comme à leur habitude, avec un morceau long. Durant les trois premières minutes de ce “Ballad of ODB”, Gozu vient mettre un pied dans un terrain où reverb et incantations mystiques se tirent la bourre. C’est ensuite au tour de la voix irrésistible de Gaffney d’entrer en scène et de nous attirer dans ses filets, telles les sirènes avec les plus valeureux des marins. La prise de soumission est parfaite et, après ces onze minutes, nous sommes à terre au centre du ring, les deux épaules rivées au sol et complètement groggy. 1, 2, 3 : le gong retentit. Gozu est déclaré vainqueur de ce match à sens unique.

Le groupe reste un véritable ovni dans la scène stoner, scène dont il semble s’éloigner lentement mais sûrement pour se tourner vers une obédience plus metal. Et contrairement au catch, Gozu c’est pas du chiqué ! Cet Equilibrium, tout aussi riche que ses prédécesseurs, profite pleinement de la stabilité du line-up du combo depuis maintenant quelques années. Nous ne saurions donc trop vous conseiller d’aller écouter le groupe si vous ne le connaissez pas déjà, et de vous jeter avidement sur cette nouvelle plaque de qualité. Gozu a trouvé son point d’équilibre.

 

 

High on Wheels – Astronauts Follow Me Down

 

Un esprit à la Mammoth Mammoth, un humour gras et sans gêne, High On Wheels est un power trio Parisien découvert l’an passé en première partie de Geezer. Leur prétention ? Faire du Stonaire et prêcher la bonne parole Doume !
Le son sent le bon vieux blues oui, mais avec quelques pulsations en plus dans le cul histoire de ne pas s’endormir.  Leur premier EP, « HoW » était sorti en 2015 et j’attendais patiemment la sortie du nouvel album Astronauts Follow Me Down. Je n’ai pas été déçu par un enregistrement studio Live qui colle tout à fait à l’esprit du groupe et en délivre toute l’énergie. Le rythme effréné sait devenir pesant comme une marche sous le soleil du désert, on étanche sa soif et on repart de plus belle.

La gratte est souvent fuzzy, les rythmes à la limite d’un esprit punk donnent une dimension corrosive et pêchue à l’ensemble.  La galette est émaillée d’extraits sonores historiques, marche militaire, extraits de films ou enregistrements de la NASA et permet le voyage dans les thèmes de l’univers du groupe. Le trio ne donne pas dans la dentelle, les compositions sont livrées brutes et palpitantes. Côté influences, on passe du Kyuss au Red Fang ce qui ne fait pas bondir d’originalité et même si il y a encore quelques faiblesses du côté de la maîtrise, le plaisir pris est réel, l’essentiel est donc là.

Finalement la cinquantaine de minutes que dure l’album se digère agréablement, haut perchée sur les roues du bolide. Donc si tu vois passer sur les routes de ta campagne une Mustang 67 montée en Low Rider avec un cosmonaute à l’arrière, fonce, c’est que High on Wheels joue pas loin de chez toi.

Messa – Feast For Water

 

L’élément eaux est une intarissable source d’inspiration au sein du microcosme des musiques énervées. Entre Ahab et ses obsessions pour l’œuvre d’Herman Melville, Sulphur Aeon, l’album Leviathan de Mastodon (d’aucun diront leur meilleur) et bien évidemment toutes les références à Cthulu, les exemples ne manquent pas. A sa façon, Messa fait partie du club, calquant son tempo doom et ses préoccupations jazzy sur l’inquiétant clapotis d’une eau endormie. La pochette de Belfry, leur premier album, montrait d’ailleurs le beffroi du lac de Resia, édifice dressé au milieu de la vaste étendue liquide.

Formé en 2014 à Cittadella, le quatuor italien honore les grands aînés du doom, avec des riffs bas du tempo et, par la voix envoutante de sa chanteuse, s’invite à la table de ceux et celles qui parent l’occulte de pourtours enchanteurs, aux côté de Jex Thoth, Windhand ou Mammoth Weed Wizard Bastards. Mais ce n’est pas tout. Quelque chose attend, tapi dans les profondeurs. Quelque chose de jazz. Le saxophone sur « Blood », l’une des grandes réussites de Belfry annonçait déjà la couleur et Feast For Water se retrouve à l’exacte confluence des genres.

L’album s’ouvre sur « Naunet » (déesse égyptienne de l’eau) et suit le cours agité d’un fleuve en crue, amarrant son talent le temps de deux grands moments, mêlant le doom le plus pur à un irrésistible torrent de jazz : « Leah » et « The Seer » (ce riff mais ce riff !). Deux perles qui ne sauraient pourtant masquer la profondeur de ce disque, que Messa inonde de sa classe morceau après morceau. Serpentant agilement entre nos émotions, « She Knows » s’écoule paisiblement puis débouche sur « Tulsi » alternant entre cascades métalliques et ruissèlement jazz, écoulant son émotion par quelques jets discrets de saxophone en fin de titre. Loin des berges de la tradition, la musique de Messa est un geyser de libertés jazz, parfois drone, souvent heavy, toujours brillant. « Da Tariki Tariqat », instrumental s’égrainant sur quelques notes sensibles, clôture  ce superbe album par les parfums d’un ailleurs, par delà l’estuaire, apaisant le bouillonnement d’idées par lequel Feast For Water est traversé.

Qui aurait cru que le doom, musique sédimentaire réticente à toute idée de modernité s’offrirait une telle jouvence et qui aurait cru que la vague viendrait d’Italie ? Qui aurait pensé que c’est traversé par le jazz que ce genre si conservateur s’offrirait un nouveau (ultime ?) tourbillon artistique ? Feast For Water est un album que l’on peut placer, sans trop se mouiller, parmi les plus grandes réussites de l’année.

 

Point Vinyle :

Aural music l’a joué sobre : 200 disques en orange/black. Le reste en orange. De quoi nager dans le bonheur.

Black Rainbows – Pandaemonium

 

« J’en appelle aux forces infernales, Behemoth, Astaroth, Azazel ! Je vous invoque !
– Si ? Ciao !
– Hein ? Bordel, mais vous ressemblez vachement aux mecs de Black Rainbows !
– Normal, c’est nous, venus tout expliquer aux mortels sur les mondes infernaux le 6 avril avec la sortie de notre sixième album, “Pandaemonium” et nous t’en offrons la primeur, toi qui nous lie par la connaissance de nos vrais noms. »

Voici donc cher lecteur comment m’est arrivée cette œuvre diabolique à l’efficacité démoniaque. Le Fuzz des morceaux est toujours bien là et il est toujours aussi prenant, si “Sunrise” est une attaque velue, elle reste bien tranquille au vu du reste de l’album mais déjà transpire la référence à Fu Manchu. Dès le second morceau “High to Hell”, la basse vient nous rappeler que le trio est maître de l’accord gras et lourd et elle pose toute la puissance et l’agressivité du groupe à l’instar du son d’un Kadavar dans ses moments les plus énervés. Le chant nasillard et rugueux à la fois de Gabriele apporte toujours la couche psychédélique magistrale qu’on attend des Black Rainbows et le nouveau batteur Tommaso Moretti délivre une frappe ferme et lourde là où son prédécesseur (victime de problèmes de santé) avait la baguette plus sèche, le groupe y a donc gagné au change ce qui n’était pas évident.

“The sacrifice” m’a giflé tout du long comme une descente de bobsleigh au sein de l’Enfer de Dante. Pandaemonium est un album qui s’écoute à plus de 150 à l’heure (Ami lecteur, essaye sur l’autoroute, tu verras) et même si j’ai eu un temps d’arrêt sur “Grindstone” qui est un morceau où l’on hésite entre la retenue et l’atteinte des limites vocales de Gabriele, on se laisse prendre par les bandes sons
retravaillées en loop qui nous plongent dans une atmosphère de folie. C’est donc peut-être finalement un effet voulu que cette impression de douleur vocale car elle justifie le titre de l’album et à la réécoute ce titre est d’une sensibilité incroyable et d’une intensité folle. Du côté du mixage, “Riding Fast Till The End Of Time” permet d’en apprécier tout l’équilibre, chacun trouve sa place lors de l’audition et on appréciera une guitare addictive avec des Solis que l’on aimerait sans fin au sein d’une composition pleine de maestria et de puissance.

L’album clôture avec deux morceaux notables, “The Abyss” qui est une possession rythmique, de celles où le corps devient esclave de la musique et laisse une empreinte sur l’esprit. Enfin “13th Step Of The Pyramid” nous fait gravir le Pandémonium et nous met à genoux pour adorer Méphistophélès tout puissant. L’atmosphère de ce titre de clôture est si lourde une fois de plus grâce à la basse, qu’on flirterait presque avec des rythmiques Doom.

Au final cet album confirme la place de Black Rainbows dans le panthéon du Heavy Psych et du Fuzz, une place de choix qu’ils défendent bec et ongle, considérant qu’ils ont livré avec Pandaemonium leur album le plus complet et ce n’est pas moi qui remettrait cette perception en question! Sur ce, je vais aller me repasser l’album à l’envers et signer mon pacte avec nos trois Démons…

Freedom Hawk – Beast Remains

Ça fait un bail maintenant que la maison Desert-Rock.com suit les pérégrinations musicales de la bande de Virginie et franchement, même si pas toujours hyper emballés je le concède, nous n’avons jamais été déçu par ces Ricains qui suivent une ligne fort cohérente depuis le début de leur carrière. Il y a les groupes qui évoluent, ceux qui nous déçoivent et ceux qui confortent années après années l’intérêt que nous leur manifestions à nos débuts : Freedom Hawk fait clairement partie de cette dernière catégorie. C’est un brin rassurant d’ailleurs dans ce présent devenu liquide de pouvoir s’accrocher à du solide presque aussi vieux que notre site (c’est dire si nous n’avons pas affaire à des rookies ici !).

La continuité et la continuation sont de rigueur avec Beast Remains qui évolue dans un style que les Étasuniens maitrisent à merveille : du stoner rock heavy très abordable avec de gros riffs à la Black Sabbath et des soli hérités des glorieuses eighties. Pas de grosse prise de risque donc pour la suite de « Into Your Mind », mais une inflation en ce qui concerne la qualité générale des titres puisqu’en misant sur un alignement congru – huit titre et la messe noire est dite – il n’y a pas de déchet (même si je suppute que toutes les plages ne sont pas vouées à devenir des standards du rock estampillé stoner).

La fluidité de cette production, fort homogène, en fait un tout fort agréable non seulement à la première écoute, mais aussi lors des suivantes. Alors bien évidemment, les grincheux avanceront le fait que Freedom Hawk ne révolutionne pas le genre avec cette plaque et c’est correct, mais cette dernière vaut son pesant d’arachides tant la science est maîtrisée dans tous les registres empruntés. Avec le titre éponyme, la formation US sait ralentir le tempo pour aller flirter avec l’œuvre de la bande d’Iommi (et je me réfère ici aux albums de mon enfance dans les années soixante-dix ou septante selon votre provenance) tout en gardant une identité propre avec une ligne de voix qui ne singe pas les tout grands, mais se déploie dans son spectre concis usuel (et donc confortable) ; le lustre des riffs bien fuzzés saupoudrés sur ce savant mélange lui donnant un rendu final fort actuel. Avec « Deep Inside » nous rejoignons presque la planète hard rock des quatre-vingt glorieuses : riff efficace répété durant presque 4 minutes, tempo rapide et solo de guitare bien chiadé. Cette ambiance se prolonge par ailleurs avec « Coming After You » qui lui emboîte le bas.

Toute ces jolies choses se terminent au bout d’une quarantaine de minutes sur « Champ » qui fait péter le bouchon avec une retenue plutôt plaisante durant 6 minutes et se termine en feu d’artifice avec juste ce qu’il faut d’énergie débridée pour inciter l’auditeur à commander une nouvelle tournée du millésime 2018 de Freedom Hawk.

Si ça vous intéresse, allez donc poser vos oreilles sur « Danger » – le second titre – qui est carrément mortel : le riff de base a le potentiel de faire mouiller leurs petites culottes aux – indécrottables – fans des Pères Fondateurs de Birmingham ; c’est clairement la plus belle réussite d’une plaque qui en est définitivement une. Les nombreuses prestations à venir sous nos latitudes du groupe de la Côte Est devraient endiguer une nouvelle vague d’apôtres de sa bonne parole car il le mérite amplement. Cette sortie pourrait bien permettre aux Virginiens de propager leur son en-dehors du cercle des initiés qui sont déjà acquis à leur art traditionnel !

WuW – Rien ne nous sera épargné

 

Quand on a appris que Guillaume et Benjamin Colin, rien moins que la charnière rythmique de Abrahma, se lançaient dans un projet musical en duo, forcément on a suivi le projet de près. Petit à petit, WuW a commencé à construire l’imagerie du groupe-projet, énigmatique et dark, teasant quelques extraits sonores froids et brumeux, annonçant des titres de chansons post-pétiques intrigants, et dévoilant un artwork travaillé, en osmose avec le fond musical… Pas plus d’infos, on se jette donc dans ce LP sans idée préconçue, comme un saut vers l’inconnu.

WuW produit un mélange de plusieurs genres musicaux proches, pour finalement aboutir à un disque cohérent. Difficile de dire que ce n’est pas ce que l’on attendait : on ne savait pas à quoi s’attendre ! 100% instrumental, l’album se situe dans un environnement musical où vont se mêler plans ambient, doom, indus, post-machin, etc… Le gros du travail porte sur l’ambiance, avec des compositions qui sont autant d’histoires sonores et de parcours émotionnels. Prenez “Pour ce qu’il en restera » qui  introduit l’album à l’occasion d’un fade in prenant, avec son élégante montée en régime et ses changements d’ambiance, en tension d’abord puis plus détendue sur la fin. On peut l’associer en miroir à “A l’écart des chemins fatigués de nos habitudes », finissant le disque sur un fade out gracieux, qui commence très oppressant et finit tendu, comme un élan de pessimisme dur et froid.

Le reste de l’album est expérimentations et parcours mélodiques dans la même tendance, où se mêlent des plans de tous horizons, sonorités ésotériques, teintes orientales (« Vivre à la splendeur des crépuscules »), plans quasi-Tooliens (« Voir en même temps l’humour et la tragédie, en toute chose, à chaque instant »), et plus largement recherches sur le son : entre sons de guitare ou de basse travaillés et délires bruitistes (« Une barque sans rames »), tout y passe.

On sort de l’album étonné, un peu déstabilisé et agréablement surpris par la démarche intellectuelle, quasi-poétique de l’objet. Il y a de l’audace, de l’envie et de l’inspiration derrière. En revanche, prévenons nos lecteurs les plus assidus : côté guitares, on n’est pas dans un assaut doom en bonne et due forme, loin s’en faut. Plus d’une fois l’on se prend à attendre le débarquement d’une légitime armada de grattes, d’autres fois l’on imagine au détour d’une intro oppressante la libération venir d’une grosse disto, puis plus loin au détour d’un break reposant se manger en pleine poire un mur d’amplis… Mais rien de tel. En même temps, la promesse n’est pas trahie et le disque reste très intéressant, pour un public ouvert d’esprit.

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