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Castle est un de ces groupes discrets, qui apparaissent ponctuellement sur scène (en milieu de journée sur les affiches quelques festivals inspirés ou sur de rares petites tournées en clubs), qui marquent le public au fer rouge, puis qui disparaissent du radar pendant des mois, voire des années… Cela fait six ans que le groupe n’avait rien enregistré, depuis l’emballant Deal Thy Fate. Depuis, on les voit surtout évoluer « de loin », via des salves de dates sporadiques surtout concentrées sur l’Amérique du Nord (ou l’Allemagne…). L’écriture de ce Evil Remains a en outre été menée sur les cinq dernières années, illustrant si besoin l’activité ininterrompue du groupe, malgré quelques difficultés notamment liées à des contraintes logistiques : le duo fondateur du groupe (Liz Blackwell la bassiste/chanteuse et Mat Davis le guitariste – avec l’adjonction ici du batteur Mike Cotton) habitant dans des pays différents désormais, les choses furent rendues plus complexes. Quoi qu’il en soit, ils reviennent, et c’est bien le principal.
Le style musical du groupe n’a pas beaucoup évolué : ils pratiquent toujours une sorte de doom classique (entendre : en émanation des précurseurs des années 70 voire 80, pas du stoner doom ou autres engeances pachydermiques) auquel ils mêlent des influences très classic metal, à grands renforts de riffs épais. Bref, une sorte de mix entre Saint Vitus, Motörhead, Pentagram et Judas Priest, en gros, dans l’ombre plus ou moins distante du Sabbath Noir of course. On est donc assez loin du stoner rock au sens strict, mais les liens avec notre « monde musical » ont toujours été importants dans la carrière de Castle, et ça se comprend.
La première lame du rasoir opère très vite, et l’on se laisse complaisamment envouter par les rythmiques emballantes de ces huit compos (37 minutes au total, juste ce qu’il faut), qu’il s’agisse de mid tempo sombres et rampants (« Déjà Voodoo », « 100 Eyes »…), de standards heavy solides (« Evil Remains », « Queen of Death », « Nosferatu Lights »…) ou de brulots plus metal (« Black Spell », « She »…), le facteur séduction opère à plein. En rajoutant une interprétation impeccable (le chant efficace de Blackwell, parfois complété par les chœurs gutturaux de Davis, une basse ronde et bondissante, un son de guitare acéré…), la recette a tout pour plaire.
La deuxième lame du rasoir se dessine petit à petit au gré des écoutes, et rend le disque addictif du fait d’une qualité d’écriture que l’on retrouve dans tous les plus discrets recoins de cette galette : travail mélodique remarquable (des riffs, des riffs… mais pas que !), arrangements bien sentis, breaks audacieux… L’ensemble est bien inspiré, et apporte une vraie plus-value aux compos, à l’image du break median et de la seconde section de « Déjà Voodoo », de ces soli délicieux sur « Black Spell », de la deuxième moitié de « Cold Grave » en instrumental, etc…
Si Evil Remains avait un défaut, ce serait de ne rien inventer : Castle gagne en maîtrise et en intégrité ce qu’il perd en originalité. Mais la musique qu’ils proposent ne vise pas uniquement à caresser quelques vieux nostalgiques dans le sens du poil : le duo apporte une vision intelligente et intéressante de ce mix d’influences, y apporte son son désormais caractéristique et convainc par son intégrité et sa déférence aux grands noms. Castle continue à tracer sa voie, et propose encore une tranche de musique enthousiasmante, qu’il nous tarde de goûter sur scène.
2021… la pandémie de Covid… vous avez le tableau ? Confiné à Berlin, Nick DiSalvo cherche aussi une motivation pour ne pas dépérir. Au lieu de faire son propre pain, le guitariste et chanteur d’Elder va plutôt se lancer dans un projet solo nommé Delving. L’objectif musical est simple : il n’y en a pas, hormis expérimenter et sortir du schéma de composition pris avec Elder. Le résultat ? Un premier album 100% instrumental, Hirschbrunnen, qui aura été une des meilleures bouffées d’air frais de cette année 2021, mélangeant avec délicatesse des éléments rock psychédélique, kraut et électronique. Pensant que le projet se rapprocherait d’une oneshot qu’a été le projet commun avec Kadavar (Eldovar), c’est donc avec enthousiasme et sans réelle attente que l’on a accueilli ce second album, All Paths Diverge, qui a commencé à se dévoiler avec le titre “Zodiak” sorti fin juin.
Tout comme son prédécesseur, All Paths Diverge est un album instrumental, format qui donne toute liberté créative à Nick et lui permet de ne pas avoir à se soucier du chant. Cela nous donne 7 titres dépassant presque tous les 7 minutes, et qui prennent donc le temps de se développer. Autre point commun, l’ensemble des instruments est géré par le monsieur à l’exception de quelques claviers et la présence de son compère d’Elder Michael Risberg sur le titre “Zodiak”. Respect donc, d’autant plus que chaque instrument étincelle sur cet album.
Car oui, maintenant que les présentations sont faites, on peut tout de suite dire que All Paths Diverge est une petite pépite éblouissante et pleine de belles choses. L’album démarre avec un “Sentinel” qui rappelle Hirschbrunnen par ses mélodies simples et douces que l’on retrouve ensuite sur “Omnipresence”. Ce second morceau bascule cependant rapidement vers des sonorités qui font rapidement penser à Elder et à leur dernier album Innate Passage. On retrouve notamment ces riffs dansant autour des claviers, de la batterie et par certains endroits, sur “Zodiak” ou “Chain of Mind” notamment, ce côté heavy un poil épique. Cette association paraît logique aux premiers abords mais étonne car elle se découvre petit à petit et est plus marquée que sur le premier album. Comme si certaines idées trottent encore dans l’esprit de Nick DiSalvo et venaient prendre forme ici. Cela se traduit aussi par une influence plus forte des guitares sur l’album et par la présence de plusieurs solo, parfois camouflés sous les synthés, mais tous d’une justesse qu’on pourra qualifier d’habituelle !
Il y a une sensation de maîtrise dans la musique proposée par Nick. La longueur des morceaux leur permet d’être aérés et de poser chaque ambiance avec efficacité. On le ressent très bien sur le titre “New Meridian”, qui doit bien consister à moitié sur la préparation de la mélodie culminante et de sa redescente, mais la meilleure démonstration est cet implacable tandem “Zodiak” / “ The Ascetic”. La progression de “Zodiak” à travers différents riffs nous emmène dans un voyage fabuleux, voire même une aventure au vu de l’urgence que l’on ressent sur le premier riff du morceau. Et c’est sur un solo de guitare que le titre… disparaît littéralement dans le ciel. Tout s’évanouit, plus d’urgence, plus de pensée, on est comme devant un ciel sombre qui se dégage subitement pour nous laisser observer son infinité. Seules persistent de légères notes de clavier ou de guitare qui viennent faire scintiller les étoiles. On bascule dans le calme absolu et la méditation lorsque “The Ascetic” démarre et on a comme l’impression que l’album n’ose pas nous tirer de notre rêverie. Progressivement de nouveaux airs naissent et des lignes de basse viennent faire office de réveil et lancent réellement le morceau bien qu’ une certaine mollesse moelleuse persiste. Il faudra ce final en double solo guitare/synthé pour nous réveiller définitivement.
All Paths Diverge se déguste petit à petit, révélant de nouvelles saveurs à chaque écoute. Un rythme de batterie assez enlevé, notamment par rapport au premier album… un solo presque enseveli sous les nappes de claviers sur “Sentinel… les sonorités de l’introduction de “New Meridian”… et pour terminer l’album, une ambiance complètement folle sur “Vanish With Grace” en mode hip hop psychédélique ! Ce second album de Delving est une vraie réussite et un trip aussi reposant que stimulant. Et pour les fanatiques du rangement dans des cases… kraut, rock psychédélique, rock progressif… j’ai plus simple : Delving c’est à ranger dans le bac “belle musique” !
Né en 2016, le trio madrilène Free Ride a pour maman la jam session et pour papa le stoner. Voilà qui place leur album Acido Y Puto sous de bons auspices. Avec pour marraine la boîte de production Small Stone Records, on peut déjà garantir que ce groupe, qui signe ici son second long format, nous amène en terrain connu. Nous avons passé cet album au crible.
Acido Y Puto de Free Ride, c’est un mélange généreux de Fu Manchu (il suffit d’écouter “Outsider”) et de Black Rainbows (si “Vice” ne vous convainc pas, je ne sais pas ce qu’il vous faut). Free Ride s’approprie les éléments les plus convaincants du stoner. Les morceaux explorent les ressorts nécessaires pour créer une belle œuvre, tantôt subtile et voyageuse avec Blackout, tantôt percutante et entraînante comme “Nazare”.
Les Espagnols n’hésitent pas à se lancer dans des demi-jams sessions d’un morceau à l’autre, rendant leurs titres aussi vivants qu’une prestation scénique. Ajoutez à cela leur capacité à produire des morceaux fédérateurs comme Joy, où la distorsion et les saillies rageuses du guitariste ne passent pas inaperçues, ainsi que la piste la plus originale de l’album, la conclusion “Living for Today” et ses inspirations grunge.
Certains diront peut-être que Free Ride joue les pastiches et ne fait que reprendre ses pairs. Peu importe. Si cet album ne marquera pas l’histoire par son originalité, il reste un assemblage réussi. Une étoile de plus brille dans la galaxie stoner avec cet album Acido Y Puto, qu’il sera agréable de garder à portée d’oreilles.
Rares sur disque, rares sur les planches, Earth Ship ne fait pas beaucoup d’efforts pour se faire aimer. Six ans après l’excellent Resonant Sun, on n’a pourtant pas oublié le trio berlinois, et ce nouvel album est plus qu’attendu. On savait que le couple Oberg (Jan et Sabine) avaient traîné leurs guêtre dans divers projets musicaux dans l’intervalle, mais ces derniers ne nous avaient pas autant enthousiasmé que leur navire amiral. Le duo s’est alloué les services d’un énième batteur pour les accompagner dans l’enregistrement de ce disque 100% “fait maison” (jusqu’au label : le leur).
Pas de surprise musicale : Earth Ship propose toujours une sorte de metal/doom/sludge intelligent. « Intelligent » mais pas dans le sens prise de tête, loin s’en faut, plutôt dans le sens malin, mêlant une certaine exigence dans la qualité des compos, et un sens de l’écriture mature et efficace, où l’approche mélodique vient en tous points compléter la puissance de la mise en son et des choix de production. En vue superficielle, le groupe présente pourtant les atours assez convenus d’un trio de metal : gros son de guitare, gros riffs, basse très saturée, quelques leads, frappe de mule, et chant hurlé râpeux du meilleur aloi. C’est en grattant un peu que la finesse de leur proposition musicale se fait jour, et en particulier dans la richesse des différentes compos.
On a beau avoir notre dose d’agression en continu tout au long du disque, on est sans arrêt happé par une réminiscence, une curiosité, une référence plus ou moins distante et claire… On ne s’ennuie jamais. On pense par exemple subrepticement à Mantar parfois lorsque apparaissent quelques passages au groove subtil, n’attendant qu’à exploser (la fin de « Shallow », la 2ème moitié du morceau titre…). On a aussi des réminiscences du thrash des années 2000, avec cette basse saturée et ces attaques de riffs sèches et nerveuses (« Soar », « Acrid Haze »). Loin de tout dogmatisme, Earth Ship n’hésite pas à sortir du cadre et à hybrider sa musique, à la recherche de la plus garde efficacité, empruntant au space rock (voir l’enthousiasmant instrumental « Radiant », tout en nappes de synthé et effets de guitare) voire même dans l’esprit au trip hop (la rythmique et le chant sur le couplet/lancement de « Ethereal Limbo »).
Le doom matriciel est toutefois rarement très loin, à l’image de « Ghost Town » et de son riff rampant à souhait, ou du rugueux mais très mélodique mid-tempo « Bereft ». Et que serait-on sans ces montagnes de riffs acérés qui rendent l’ensemble si excitant ? On enchaîne avec délectation les mandales que sont « Acrid Haze », « Shallow », « Soar »… Le final, sur ce « Daze and Delights » dégoulinant de ce sludge poisseux complètement Down-ien, se déguste sans réserve et vient apporter encore un reflet plus nuancé à ce disque qui n’en manquait pas jusqu’ici.
Soar vous l’aurez compris est un bel exemple d’alchimie réussie entre une musique puissante et rugueuse (satisfaisant largement l’appétence pour quelque chose d’un peu primitif et costaud) et une richesse musicale qui va challenger l’auditeur, l’amener parfois sur des territoires peu pratiqués, pour mieux étayer l’efficacité de ses compos. Cette audace, mêlée à une qualité d’écriture assez épatante, font de ce disque une belle pièce de sludge doom (dans cet ordre-là), qui ravira les amateurs qui penchent plus du côté « metal » que du côté « psyche ».
Persuadés que vous suivez attentivement nos publications, nous n’allons pas vous faire l’affront de vous présenter encore une fois El Supremo, le quatuor de Fargo, États-Unis. Pour ceux qui découvrent ce site, je vous invite à faire vos recherches et, s’il vous plaît, à lire nos chroniques précédentes (Ici le premier album & ici le second).
Cela fait un an et demi qu’El Supremo s’était fait discret, mais les voilà déjà de retour avec un nouvel opus, Signor Morte Improvvisa, quatrième pierre à la pyramide de leur carrière. Nous avons droit à un magnifique artwork pour la pochette : un ciel ensanglanté, une lune blafarde et un cheval noir et blanc illuminé par les phares d’une voiture au milieu de la route. De quoi piquer notre curiosité !
Dès les premières écoutes, on sent un changement chez El Supremo, une sorte de rupture avec les albums précédents. Peut-être que le temps était venu pour Osiris de juger l’âme du groupe et de lui permettre d’évoluer.
Bien que le quatuor reste fidèle à son choix d’un album instrumental, les claviers prennent désormais une place prépondérante, remplaçant le duo guitare-basse habituel après l’intro de la première piste, “Breadwinner”. Cette dernière aurait pu laisser craindre une redite, mais il n’en est rien : El Supremo poursuit dans la lignée de leur précédente production mais on ne retrouve pas les mêmes evidences.
Le titre éponyme de l’album rompt avec la tradition instrumentale et laisse place à des chœurs féminins, soutenus par une rythmique martiale et un clin d’œil appuyé à Ennio Morricone. C’est un vrai moment d’intensité, une référence évidente mais tellement plaisante. Puis… plus rien. El Supremo nous retire l’os d’entre les dents et clôt l’album après seulement 33 minutes et 49 secondes. C’est frustrant ! La métamorphose commençait à opérer avec “Solidario”, ses rythmes presque jazzy, ses cordes lancinantes sur fond d’orgue délicieusement mélodique. Une fin abrupte, après l’étonnante introduction de “Signor Morte Improvvisa”, qui atteignait un parfait équilibre entre les influences passées et le devenir du groupe. Quel album frustrant !
En conclusion, El Supremo grave dans les sillons de Signor Morte Improvvisa un nouveau visage, qui se dessine tout au “long” des quatre pistes. Mais c’est trop court, c’est une ébauche, un EP qui ne fait que murmurer sa nature. C’est un hors-d’œuvre qui aiguise l’appétit de l’auditeur. On en veut encore. El Supremo soyez aimables de remettre le couvert !
Land Mammal est un groupe-projet emmené par le texan Kinsley August, quelque chose qui, depuis sa genèse, se rapproche plus du one-man band que du groupe en bonne et due forme. Ce second disque ne diffère pas, qui voit August prendre en charge la plupart des instruments, complété d’un bassiste et de son ingénieur du son en tant que batteur (et une demi-douzaine d’autres instruments…). N’ayant pas eu l’opportunité d’écouter leur premier effort, c’est sans a priori que votre serviteur se lance dans l’écoute de ce disque.
Les premières minutes développent une intro aux influences orientales très appuyées, qui trouve sa suite dans les premiers titres, à grands renforts de sitar, flute, tabla et autres instruments plus ou moins rares qui, soyons honnêtes, nous font craindre une rondelle de world music psyche aux odeurs de patchouli… Sauf que Land Mammal développe en réalité quelque chose de beaucoup plus ambitieux. Il construit certes sa musique sur ce matelas oriental, mais pour aboutir à des compos matures, fortes, audacieuses et parfois – vraiment – assez bluffantes. Car ce disque est tout simplement traversé par des moments de grâce – on ne parle pas de plans plus efficaces que d’autres, par le fait du hasard, mais de constructions culminant sur des séquences absolument remarquables. On notera à titre illustratif le refrain enlevé de “Tear You Down” parfaitement emmené par un arrangement de cordes subtil mais efficace, ou bien encore cette majestueuse intro de “Divide” où l’on croirait carrément un quintette à cordes qui vient transcender ce couplet (alors qu’il n’y a qu’une musicienne), un titre où par ailleurs, pour ne pas verser dans la surenchère vulgaire, le chant est subtilement mis en retrait, plus aérien. Superbe.
La suite du disque n’est pas moins bonne, que ce soit par le très efficace “I Am” et son groove impeccable, ou le très accrocheur “The Circle”. A noter justement qu’Isaiah Mitchell (l’incroyable leader de Earthless), ancient prof et mentor de August, vient (au même titre que sur son premier album) gratifier la galette de deux soli sublimes, qui apportent un vrai complément à “The Circle” et “Tear You Down”. Le disque se clôture sur une séquence instrumentale séparée en 2 parties, où viennent se mêler sitars, flutes, orgues et autres… Si l’album finit ainsi par un retour aux influences orientales, on notera néanmoins que plusieurs titres en sont plutôt exempts (“Divide”, “Separation” et dans une certaine mesure “The Circle”) .
On est (agréablement) surpris de noter la concision de ces compositions : le style se prête généralement aux élongations diverses et tergiversations instrumentales plus ou moins inspirées, mais ici les deux titres les plus longs dépassent à peine les cinq minutes. Le disque, de 34 minutes, dit tout, vite et bien, et est la parfaite démonstration qu’il est possible de proposer beaucoup de choses, un disque riche et varié, en peu de temps.
Quoi qu’il en soit, Emergence est un superbe album. Imparfait (on pourra bêtement se dire que quelques fins de titres sont un peu bâclées ou quelques instrus un peu trop longs sur un disque si court), le disque est pourtant transpercé d’idées géniales, d’inspirations d’écritures remarquables, pour le plus grand plaisir de l’auditeur. Cet album, qui n’est ni un disque de folk, ni de retro rock, ni de stoner, vient tout simplement délivrer une certaine idée du psyche riche, électrisée, subtile et puissante à la fois. Un vrai beau disque.
Depuis les forêts des montagnes Appalaches, les sorciers de WyndRider propagent leurs ombres à l’aide d’un stoner-doom occulte, se réclamant du grand Sabbath. Après un premier Ep éponyme, sorti l’an dernier, plutôt convaincant et dégoulinant déjà de malice, Chloe Gould, chanteuse et maître de cérémonie, accompagnée de Robbie Willis (guitare), Joshuwah Herald (Basse) et Josh Brock (batterie), nous offre un premier album intitulé Revival. Mais si nous y voyons une offrande, nul doute que WyndRider y voit un moyen de nous attirer dans son antre pour nous faire passer dans d’autres dimensions ! Il suffit d’observer la pochette pour deviner leurs sombres intentions.
Composé de 7 titres, Revival peut en réalité se découper en deux parties bien distinctes. Tout d’abord, de “Forked Tongue Revival” à “Devil’s Den” le groupe arbore des couleurs stoner avec déjà un rythme lent et un vrai groove du désert qui fait penser par moments à Acid King. Et puis à partir de “Remember the Sabbath”, ça bascule dans une musique plus sombre appelant bien sûr la référence Sabbathienne, mais aussi Electric Wizard pour l’aspect messe occulte et sur certains solis qui rappellent l’époque Witchcult Today. WyndRider reste donc sur les bases solides de son premier EP mais apparaît plus puissant et sûr de son orientation notamment au niveau du chant qui semblait quelque peu en retrait sur l’EP mais qui ici devient une des principales forces de l’album.
Avec sa voix profonde, presque théâtrale, Chloe nous envoûte doucement pour finir par évoluer avec l’assombrissement de l’album et, sur “Remember the Sabbath” et surtout “The Wheel”, transformer chaque ligne de chant en incantation. L’ensemble des instruments va suivre cette bascule vers le malin, notamment la guitare dont les riffs Iommiesque sur “Motorcycle Witches” ou “Devil’s Den”, très efficace et entêtant, vont muter en riff dégoulinant de lenteur comme ceux de “Under the Influence”. La basse elle ronronnera de bout en bout, apportant ce groove sablonneux aux morceaux plus stoner (“Motorcycle Witches”, encore lui !). Enfin la batterie amène dans ses breaks une énergie bizarre avec une présence très forte de la caisse claire donc chaque coup semble marquer un pas de plus vers ces montagnes maudites.
Vous l’aurez compris, WyndRider maitrise parfaitement son ambiance, et ce dès “Forked Tongue Revival” qui colle efficacement les deux faces du groupe avec son riff épais et son chant final qui nous appelle depuis les profondeurs. Le groupe nous pond là un premier album de bonne qualité et qui, malgré les influences évidentes et son type de chant féminin qui en rappelle d’autres (ça n’enlève en rien la qualité du chant entendons nous bien ), arrive à avoir sa propre identité. L’immersion dans leur univers s’amplifie au fil des écoutes, la découverte de quelques mélodies ou effets comme offrandes supplémentaires. Reste à voir désormais si l’ombre de WyndRider grandira jusqu’en Europe et comment ils feront évoluer (ou pas !) leur musique… On sera là pour témoigner en tout cas !
Le label Ripple a lancé il y a quelques mois une sorte de démarche spéciale, labellisée « Beneath The Desert Floor », qui vise à proposer des re-sorties d’albums de stoner anciens, indisponibles depuis longtemps. Inaugurée avec l’excellent …It’s Ugly or Nothing de The Awesome Machine (2000), cette série laissait présager l’opportunité de faire redécouvrir à un public récent l’âge d’or du stoner. Malheureusement le label semble focaliser les sorties suivantes sur un « ventre mou » plutôt calé sur la fin de cette première décennie des années 2000, avec dans le cas présent un disque de 2008. Evidemment la démarche reste intéressante, mais l’aspect « archives oubliées » (que l’on retrouve avec les trésors proposés par les « Relics » de Rise Above Records, ou quelques sorties et compils chez Riding Easy records) perd un peu de son intérêt, quand les disques sont sortis il y a une quinzaine d’années. On se retrouve donc avec une démarche un peu floue, proposant pour le moment des albums soit à peu près connus mais rares (The Awesome Machine, Fireball Ministry), soit méconnus et méritant une reconnaissance tardive (Glitter Wizard ou White Witch Canyon, les auteurs du présent disque). Mais ne faisons pas la fine bouche sur la démarche, et prenons tout ce qui est bon à prendre.
White Witch Canyon, donc, trio californien qui n’a jamais vraiment percé, auteur d’un disque unique, sorti discrètement en 2008, qui avait été remis en lumière en 2011 par Kozmik Artifactz (on n’est vraiment pas dans l’archive poussiéreuse…). Ainsi posé, on peut pas dire que l’on soit débordé par l’envie dévorante de s’envoyer cette galette la bave aux lèvres. Et pourtant les premières écoutes s’avèrent vite bluffantes, et ne tardent pas à en appeler plein d’autres. La production n’est pas du tout dépassée, la mise en son de l’ensemble est sinon moderne, tout du moins solide et irréprochable, sans jamais sonner “vieillot”. Un bon point. Le son de guitare est impeccable, à la fuzz parfaitement dosée, et le chant est (légitimement et judicieusement) bien mis en avant.
Mais si on revient inexorablement vers cette galette, écoute après écoute, c’est bien parce qu’on se fait aspirer par ces compos si chaleureuses et bien fichues, avec une large production de riffs à la minute. Les huit chansons proposées (on passera sous silence l’inutile neuvième titre mêlant délires bruitistes, samples, speeches…) ont le mérite de la cohérence, tout en permettant à chaque morceau d’avoir son identité propre. Mêmes si certains titres sont moins intéressants, ou certain passages moins aboutis (on mentionnera par exemple « Thirty Three and One Third », mid tempo un peu feignant qui ne trouve son salut que dans son final où enfin s’emballe la rythmique, ou le redoutablement accrocheur mais pas super inspiré refrain de « Sell your Soul »), on aura du mal globalement à trouver des titres plus faibles que d’autres : le très heavy et catchy « The Witch », « Escape Pod et sa rythmique et construction mélodique diablement accrocheuses, « Four Star Heretic » avec son déluge de leads et son refrain punchy, « Ancient Android »… On va même assez loin dans l’audace avec par exemple la ligne de chant de « Boom Goes the Dynamite » sur le couplet qui rappellera… Serj Tankian de System of a Down en mode mid-tempo ?!
Bilan très positif sur ce disque donc, qui mérite absolument d’être (re)découvert. Probablement pas dans la perspective de voir le groupe se reformer, mais sait-on jamais. Ce premier (et dernier a priori) disque propose une belle galette de stoner riffu et mélodique, puissant et assez riche pour ne pas ennuyer.
Après un précédent album The Wolf Bites Back d’il y a six ans, qui nous avait laissé un peu sur notre faim, nous étions sans rancœur (après presque trente ans de bons et loyaux services on a bien le droit à ses moments de faiblesse) dans l’attente d’un nouvel opus de Orange Goblin. Une attente sans autre désir qu’un son frotté au papier de verre, des riffs venus de la tombe de Lemmy et une bonne dose de puissance viscérale, la base quoi ! Alors que sort enfin Science (Not) Fiction, le Goblin emballe la marchandise dans un artwork faisant appel à un univers futuriste sur lequel pourrait planer un doute d’intelligence artificielle. Allons donc déballer le bout de viande pour voir s’il n’est pas aussi synthétique que la couverture veut bien l’annoncer.
Tout soupçon se retrouve vite écarté car aussi vrai que l’artwork est d’un artiste humain, Science (Not) Fiction débute fort sur trois Hits comme on disait du temps de Marc Toesca. “The Fire at The Centre of The Earth is Mine” ne met pas plus d’une écoute pour devenir une évidence dont on reprend le chant en chœur avec Ben Ward. C’est ensuite au tour de “(Not) Rocket Science” d’appliquer une futée ligne continue de piano façon ragtime, qui, bien que discrète, rend le morceau poignant, et d’autant plus lorsque Chris Turner s’en prend à sa cowbell. Enfin, “Ascend the Negative” vient compléter le trio de tête avec des riffs glorieux comme du Motörhead mais avec cette patte propre au Goblin.
Même si les autres pistes semblent plus “faibles”, on ne passera pas à côté de la puissance de la basse sur “False Hope Diet” et les riffs toujours bien sentis de Joe Hoare, surtout lorsqu’ils sont faits de solides mélodies arpégées sur le même titre. Ils se font heavy au possible sur “The Justice Knife”. On ne boudera pas non plus les courts soli à l’image de celui de “The Eye of The Minotaur” qui est d’une efficacité redoutable.
Science (Not) Fiction a beaucoup à dire et bénéficie d’une narration très aboutie, que ce soit dans le texte ou dans la musique, et de ce coté là, il est évident que le clavier apporte beaucoup à cet album. “Cemetery Rat” exhibe à ce sujet une mise en scène entre piano et cloches avant l’entrée en scène théâtrale du triptyque basse-guitare-batterie. Ce même clavier ajoute ce qu’il faut de profondeur sur “False Hope Diet” en doublant les gémissements de la guitare.
Cet album ne déroge pas aux habitudes d’Orange Goblin, cela va de soi. On retrouve la référence jamais voilée à Motörhead, notamment sur “(Not) Rocket Science”, la voix toujours abrasive du frontman, la lourdeur continue des riffs et les envolées épiques où fusionnent tous les instrumentistes, ces cavalcades à en perdre haleine où l’on se plaît tant à les suivre. Après deux ou trois écoutes, il est alors évident qu’il n’y a rien à jeter dans cette galette et cela inclut la basse de Harry Armstrong qui complète le groupe pour la première fois sur album (aucun doute n’était cependant permis pour ceux qui l’auraient vu sur scène).
Avec Science (Not) Fiction, on retrouve le Orange Fuckin’ Goblin que l’on aime tant. Ce maître ès Stoner qui se la joue rock’n’roll et qui remplit les esgourdes de ses auditeurs d’or en fusion. La galette est taillée dans ce que les Anglais font de mieux et annonce une déferlante de sueur et de cris en live. Il nous tarde d’aller éprouver et fêter ce dixième album dans un collectif remuant et d’en savourer toute la puissance.
Tandis que son prédécesseur se sera fait attendre (sept ans entre leur premier et leur second disque), ce Pilgrims of the Sun n’aura mis que trois ans à être conçu et à parvenir à nos oreilles. Atomic Vulture, pour rappel, est un trio belge de stoner instrumental, peu actif, mais dont les rares sorties discographiques nous ont toujours séduit. Autre surprise avec ce disque : le groupe s’est lancé dans l’aventure en solo, en autoproduction, donc sans soutien d’un label.
Le style musical des brugeois n’a (heureusement ?) pas trop évolué et c’est avec plaisir que l’on se plonge dans ces sept compos : le trio évolue toujours dans un riff rock fuzzé instrumental assez construit (on n’est pas sur du jam band débridé), et au style assez “ouvert”. A ce titre la variété est bien présente sur le disque, et les différentes compos sont bien diversifiées : on a du riff bien charpenté, à foison (“Ad Astra”, “Black Blizzard”), mais aussi plusieurs titres bien emmenés par une rythmique enlevée et emballante, empruntant largement au kraut rock, à l’image de “Alpha Wave”, “Reverse Osmosis” ou “Dust Fall”. Malheureusement certains passages ne sont pas du même niveau d’intensité, à l’image de certains plans de “Subterranean Surfers”, de la fin presque jazzy de “Reverse Osmosis”, ou du final un peu poussif de “Ad Astra” ou de “Dust Fall”.
Bref, si cet album recèle, comme ses prédécesseurs, de véritables perles de stoner rock instrumental, certains (rares) passages montrent une petite panne d’inspiration ; le disque n’est pas parfait et quelques compos auraient pu être un peu plus peaufinées. Mais le plaisir est bien là, au détour de quasiment chaque compo, avec des riffs bien sympas, des soli emballants, et même quelques petits instants de grâce disséminés ici ou là. Un bon album.
Même s’il ne fait pas beaucoup d’effort pour celà, ici on aime beaucoup Huanastone : ce quatuor suédois est plus que rare sur scène (le groupe dans toute sa carrière n’a joué live que dans 3 pays hors scandinavie : une date en Allemagne, une au Portugal et une poignée en Croatie) et ne sort son second long format que cette année, après plus de douze ans de carrière… L’ambition du groupe n’est donc pas dans ces conditions de devenir un leader mondial du genre, mais plus modestement de proposer de la bonne musique, en particulier sur disque. Ils en font une affaire personnelle et c’est même sans label qu’ils sortent ce second album, comme à la maison.
A l’image de son prédécesseur Third Stone from the Sun, ce Son of Juno propose un ensemble de chansons avec une large part de mid-tempo, ce qui n’est pas forcément la propension habituelle des groupes de stoner scandinaves. Musicalement, on baigne dans un stoner rock assumé, assez subtil, où des vapeurs grunge viennent se méler à des influences bluesy, le tout au service d’un travail mélodique tout le temps prépondérant. Et c’est bien cette subtile et réussie alchimie qui nous fait irrémédiablement revenir vers ce disque, qui ne lasse jamais.
Dans ce joli petit échantillon de sept titres, difficile d’en voir certains émerger du lot, il n’y a pas de titre faible. On y retrouve des titres plus heavy (“… And then Came the Sun”, le très catchy “Love in Black Tar” et ses ambiances psych fuzzées), et d’autres franchement plus soft (ce “Black Rain” qui s’apparente plus à une balade), ainsi que quelques ovnis et inclassables, comme ce “Gaea” gorgé à l’americana, où les sonorités steel guitar rappelleront occasionnellement certains titres de Ry Cooder. Quand au morceau titre, mélant riff fuzzé et atmosphères planantes bluesy, il est littéralement emmené par la prestation vocale impeccable de Tobias, le chanteur/guitariste apportant une valeur ajoutée décisive à chaque titre par son feeling remarquable. Pour autant, tout ne repose pas sur sa voix chaude et puissante, tel que l’illustre le final sur ce “Red Dunes” de plus de huit minutes, 100% instrumental, et où ne s’ennuie pas une seule seconde.
Huanastone nous propose à nouveau un disque qui, s’il n’est pas fondamentalement d’une originalité folle, se place dans un segment musical mélant de nombreuses influences, et les emmenant dans des sphères qualitatives remarquables, s’appuyant dans cet exercice sur une line up impeccable (instruments et chant). Ces compos suaves et malines s’immiscent dans vos têtes et ne les quittent plus pendant longtemps. Un très bon disque, encore.
Duel est un groupe que nous apprécions tant, que leur effort précédent, In Carne Persona, nous avait un peu laissé sur notre faim, proposant certes une poignée de bons brulots, mais associés à quelques titres plus « faciles ». Autant dire que l’on attendait cette nouvelle livraison des texans avec une légère anxiété.
Il leur aura fallu moins de trois ans pour composer et enregistrer ce Breakfast with Death (à l’artwork peu enthousiasmant) et ses neuf titres pour 38 minutes (un standard impeccable pour leur style). Autant dire tout de suite qu’ils n’ont pas changé grand-chose à leur recette, ce qui n’est pas fait pour nous déranger.
On retrouve donc sur le disque une généreuse représentation de tous les styles que Duel se complaît à développer et hybrider depuis les débuts de leur carrière, produisant une sorte de heavy rock old school énergique, empruntant autant au punk rock qu’au Heavy Metal (un grand écart difficile à maîtriser), parfois empreint de plans de classic doom metal bien old school, l’ensemble baignant dans un déluge de groove probablement endémique du Texas, et de généreux et jouissifs soli de guitare en guise de cerises confites sur le gâteau.
Le sens du riff de Tom Frank fait mouche quasi systématiquement, à l’image des dévastateurs « Ancient Moonlight », « Fallacy » (un riffing metal énervé), ou le pattern mélodique de « Berserker ». Les atours plus proto hard rock sont toujours bien présents aussi, comme sur « Satan’s Invention » (d’autant plus avec son solo en harmonie), ou le catchy « Tigers of Destruction ».
Dans le segment plus « metal », on trouve aussi son compte avec les solides « Greet the Dead », « Fallacy » ou encore « Chaos Reigns » (qui développe un gros metal plutôt doom sur son couplet… et limite thrash sur son refrain !).
Au bout de quelques écoutes seulement, l’habileté d’écriture du groupe se dessine à travers des passages que l’on se plaît très vite à entonner, à l’image du couplet de « Fallacy » ou des refrains de « Berserker » ou « Pyro » par exemple. « Pyro » puisqu’on en parle, repose largement sur une rythmique très punk rock, une inspiration que l’on retrouve aussi derrière le massif « Burn the Earth », même si ce dernier repose sur un spectre musical bien plus dense et audacieux – probablement l’un des meilleurs titres de la galette. En bref, ça ratisse toujours aussi large, mais le squelette musical de Duel reste d’une constance irréprochable, picorant ici ou là des éléments qui viennent avant tout servir l’efficacité d’un ensemble de compos punchy (peu ou pas de mid-tempo sur cette galette).
Vous l’aurez compris, ce Breakfast with Death, s’il n’est pas parfait, est à classer parmi les meilleures galettes de Duel : même s’il ne peut se targuer du charme frais et de cette prod garage qui a fait l’aura de ses deux premières galettes, ce dernier disque représente un groupe prêt à prendre un nouvel élan et, espérons-le, à atteindre une notoriété plus représentative de ce qu’il a à proposer dans le paysage musical actuel.
Depuis plusieurs semaines, le petit monde du stoner doom chuchote le nom de ce duo du Pacifique Sud, de toutes parts et en toute occasion. Forcément, sur le CV du jeune combo néo-zélandais (ils n’ont même pas huit ans d’existence) on aura noté la première partie de QOTSA sur leurs dates néo-zélandaises, mais on commence à voir Earth Tongue squatter les meilleures places de premières parties des tournées européennes les plus excitantes (Acid King, 1000Mods ou Ty Segall…). L’occasion de croiser leur route sur les planches récemment nous aura fait toucher du doigt le « petit phénomène », et nous a incité à nous pencher sur leur second album, Great Haunting.
Quelques écoutes suffisent à comprendre que l’on n’est pas confronté à un groupe très traditionnel, en out cas pas dans les genres musicaux dans lesquels nous sommes habitués à évoluer. Comment mieux illustrer ce déstabilisant diagnostic qu’à travers les premières secondes du disque, à savoir l’intro de « Out of this Hell » ? L’auditeur y est d’abord (ac)cueilli par quelques notes de synthé space-pop sucrés pour mieux être chavirés immédiatement par un gros riff fuzzé. Et c’est ainsi que le jeune duo nous balade pendant les 37 petites minutes de ce disque, dans une sorte d’environnement musical instable où cohabitent riffs doom, mélodies pop, dynamique rock indé… Très déstabilisant sur les premières écoutes, l’album se dessine peu à peu comme une petite friandise en mode plaisir coupable (pas évident pour le doomster velu et bourrin d’assumer l’attrait de certains passages quasi pop du disque). Car pour un gros paquet de riffs lourds et tranchants (« Nightmare », « Out of this Hell », « The Mirror », « Sit next to Satan », « The Reluctant Host »…) combien de plans surréalistes, venus de nulle part, parviennent à chambouler nos repères en une paire d’accords de guitare ? On mentionnera par exemple « Bodies Dissolve Tonight ! » et « Nighmare » avec leur jeu de batterie aux bornes du punk rock / pop rock, le break girly sirupeux de « The Mirror » porté par un petit pattern de synthé avec un chant option fillette de Gussie Larkin, « Reaper Returns » et son couplet presque… « dansant » !?… Et au milieu de ce bazar, quelques pépites stoner doom catchy à mort, comme « The Reluctant Host », « Out of this Hell », « Sit next to Satan”, …
On pense assez souvent à une sorte d’accouplement sordide entre Electric Wizard et White Stripes (toutes proportions gardées, lâchez pas les chiens !), ces derniers en particulier du fait d’un batteur occupant un rôle clé dans le mix musical, et surtout une chanteuse-guitariste qui finit d’insuffler une identité forte au groupe, à travers son son de guitare puissant et protéiforme (quelle densité, quelle variété) mais aussi son chant : s’il s’agit du principal facteur qui en rebutera certain(e)s, la tessiture foncièrement « girly » de Larkin, complètement assumée dans un registre vocal pourtant assez vaste, est assez clairement le « facteur X » de la musique du groupe (e ce même lorsque Ezra Simons la complète sur des chœurs d’intonation pas forcément beaucoup plus grave). Serait-ce l’avènement d’une sorte de « Riot Grrrl Doom », version gentille et doomy du mouvement punk des années 90 ?
S’il est difficile de parler de disque de référence (référence de quoi ? dans quel style ?), Great Haunting s’avère absolument addictif pour l’amateur de stoner doom ouvert d’esprit, et ouvert à d’autres genres musicaux. Rempli d’autant de riffs puissants que de refrains éhontément catchy, le groupe ne laissera personne insensible. Et le fait que vous ne vouliez pas les aimer ne les empêchera de continuer leur tranquille et modeste conquête mondiale !
C’est presque trop beau pour ne pas être fait exprès. Le quartet montréalais Sons Of Arrakis revient avec un second opus, seulement quatre mois après la sortie en salle du deuxième volet de Dune de Denis Villeneuve (un Québécois, encore!). On pourrait crier au coup marketing, mais nous étions tombés sous le charme du Volume I (voir notre chronique ici) et nous sommes d’un naturel plutôt bienveillant. Nous avons donc accueilli le nouvel opus, Volume II, avec enthousiasme.
Force est de constater que les atouts qui nous avaient séduits lors de la précédente sortie sont toujours présents sur ce second volume. Les riffs sont toujours aussi accrocheurs, saisissant l’auditeur au détour de solos heavy à souhait, d’une virtuosité indéniable, comme le prouve à elle seule la piste “Metamorphosis”.
L’univers de Sons Of Arrakis nous est familier, à mi-chemin entre l’épique et le prog, comme l’illustrent l’intro “Scattering” ou le morceau “Beyond The Screen Of Illusion” qui en mettent plein la vue dès le début. Pour autant, on aime toujours se promener dans ces paysages aux mille chemins de traverse, où l’on se laisse surprendre par une approche stoner et pêchue, comme dans “Burn Into The Blaze”, ou par une piste calme à la mélodie poignante, comme “High Handed Enemy”.
Au final, on trouve encore peu de défauts à cet album, puisant dans la même veine que le précédent, si ce n’est une fois de plus la trop courte durée. Trente-trois minutes, c’est maigre, et on a l’impression de se faire voler l’épice directement sous le nez.
Sons Of Arrakis chevauche le ver des sables, Shai-Hulud, avec brio une fois de plus, et tel le visionnaire Muad’Dib, ils nous ouvrent les portes d’un univers stoner plus vivant que le dessèchement dont il fait souvent montre. Merci, Sons Of Arrakis, de nous offrir l’Eau de Vie et de tordre pour nous le temps et l’espace.
The Head & The Habit est le neuvième album de Greenleaf, l’émanation de Dozer née sous l’impulsion de Tommi Holappa il y a 25 ans cette année. Nous avons pu voir le groupe évoluer et mûrir, se tourner vers des compositions et des mélodies de plus en plus populaires et fédératrices. Chaque sortie est un petit événement, tout du moins jusqu’à leur précédent opus, Echos From A Mass, qui avait laissé notre rédaction sur sa faim, voire désorientée. À quelle sauce allons-nous être mangés cette fois-ci ? Laissons de côté nos craintes et espérons un renouveau, appuyons sur le bouton Play.
Dès les premières notes, l’album nous laisse sans haleine, enchaînant des pistes enthousiasmantes les unes après les autres. Greenleaf reprend du poil de la bête et fonce tête baissée dans un créneau qu’il exploite déjà très bien depuis de longues années. De “Breathe Breathe Out” à “Avalanche”, les Suédois annoncent la couleur ne serait-ce qu’avec les titres des pistes. Le premier moment d’accalmie rare intervient sur “That Obsidian Grin”, où le groupe démontre qu’il peut encore être émouvant tout en se lançant dans une démonstration bluesy où le riff est maître. Le pont de “The Tricking Tree” vient en écho à ce moment de calme apaiser l’ardeur de la galette, avec sa basse secondée de la guitare. On se sera aussi arrêté sur “The Sirens Sound” qui confirme la tendance riffesque de cet album oú les melodies s’impriment facilement sur les tympans. Si facilement d’ailleurs qu’on en vient à soupçonner une écriture faite pour la radio. Et bien que ce soit le cas où non, laissons le groupe rayonner au-delà des frontières du stoner et flatter l’oreille des néophytes.
Avec The Head & The Habit, Greenleaf nous amène à nous poser la question de ce qui définit un vrai bon album. Des efforts et de l’adhésion à l’écoute, il y en a à la pelle cependant dire que l’on sort hystérique de l’aventure serait exagéré. Néanmoins, on replonge toujours dans l’écoute avec plaisir, cherchant à mémoriser encore plus les titres fédérateurs du groupe et ce malgré une fin plus anecdotique sur “An Alabastrine Smile”. Au final, The Head & The Habit marque le retour aux affaires de Greenleaf avec une riche sélection de 9 pistes pour près de 43 minutes. Le groupe, gonflé à bloc, risque bien de jouer les lames de fond et d’entraîner un paquet de nouveaux fans sur son passage.
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