Tar Pond – Petrol

On ne donnait pas cher de la peau de Tar Pond depuis le décès de leur bassiste et membre fondateur Martin Ain (oui, celui de Celtic Frost). En réalité, le quatuor n’existait déjà plus en 2020 lors de la sortie de Protocol Of Constant Sadness, son premier album que l’on croyait déjà posthume, trois ans après la disparition de Ain ! Ce premier album méconnu (essentiellement car mal né sur un label obscur et peu vendu faute à une distrib et une promo peu efficaces), œuvre collective de musiciens suisses (dont Marky Edelmann de Coroner – son collègue Vetterli produisant la rondelle), est pourtant remarquable (dans tous les sens du terme) et la perspective d’un second disque, même si peu crédible, était séduisante. Apparemment, nos doutes étaient peu fondés, et les musiciens ont décidé de s’atteler à un second disque.

Musicalement, les marqueurs de Protocol… sont tous bien là, et on reconnaît immédiatement la patte du groupe : proposant une sorte de metal doom très sombre, Tar Pond se démarque en particulier en deux points : le chant de Thomas Ott d’abord, qui a beau la jouer sobre (et avec des effets discrets), apporte une touche bien particulière à la musique du groupe, avec son timbre en chant clair et aux atours presque « hantés », même si peu mélodique finalement ; mais surtout c’est cette production de riffs simples et catchy qui marque le plus, un riffing qui rappelle inévitablement le style très sombre de Hangman’s Chair, avec ce jeu de guitare très répétitif et lancinant. Avec quelques arrangements metal doom bien old school (dont quelques échos de guitare lead qui rappelleront Type O Negative), le paysage musical a donc tout pour séduire le doomster lugubre et taciturne.

Le quintette (qui, outre Ott et Edelmann à la batterie, comprend toujours Stefano Maurielo à la guitare, avec deux nouveaux collègues) propose cinq compos bien denses et efficaces. Bien construits, les titres autorisent de nombreuses écoutes sans provoquer le moindre ennui, à force de quelques subtilités et chemins de traverses bien sentis. On mettra en particulier en exergue le très beau « Something », un titre commençant par des tonalités très dark et qui, s’il n’atteint jamais vraiment de perspective très lumineuse ni aérienne, s’élève plusieurs fois sur des passages plus légers, entre autres revirements musicaux intéressants.

Tar Pond apporte avant tout avec Petrol une preuve de vie cinglante, et conséquemment des perspectives de futurs disques qu’on n’osait espérer. En tant qu’album, il propose une suite logique à leur premier disque, qui ravira non seulement ses éclairés amateurs, mais a aussi le potentiel de séduire une frange exigeante de doomsters curieux. Reste à savoir quelle sera la capacité du groupe à se développer, notamment au delà des rondelles plastiques, c’est à dire sur les planches, un environnement où il a brillé par son absence jusqu’ici.

 


 

I Am Low – Úma

I Am Low est un jeune trio suédois dont les productions jusqu’ici (3 albums, des EPs…) n’ont pas vraiment bénéficié d’un fort écho. Par le truchement d’une signature chez les modestes mais pertinents Majestic Mountain, leur nouvel album est parvenu à nos oreilles, et on s’en félicite !

Tous les disques n’ont pas « d’effet cliquet », ce moment charnière qui nous fait dire « tiens, ce disque-là semble avoir quelque chose de spécial » : sur Úma, il ne faut pas le chercher très loin, il se présente sur exactement la durée de la première minute du disque, cette intro de « Gunman » où un riff basique impeccablement enrubanné d’une fuzz délicieuse vient se lover dans une rythmique groovy en diable sur une poignée de mesures pour lancer le titre. On est dedans. Le reste du disque ensuite est une démonstration de songwriting, pure et simple. Chaque titre développe sa propre identité, taillée à la serpe, pour un disque dense, homogène, mais proposant assez de diversité pour ne jamais s’ennuyer. On picore ici ou là, on y trouve des torgnoles stoner énervées (ce « Ruins » de moins de deux minutes, « Pigs »), des mid-tempo plus ou moins psyche et plus ou moins lents (« Dead Space », l’hypnotique et lancinant «Úma » ou encore « Void », leur « Planet Caravan » à eux), et même des passages d’influence plus grunge (« Wake ») – sachant que la frontière entre stoner et grunge n’est pas forcément imperméable par bien des aspects. Le tout se termine par l’audacieux « Release », belle pièce groovy de jam rock hypnotique aux soupçons kraut et space rock, parfaitement maîtrisée et addictive.

Le petit « facteur X » c’est cette finesse dans l’écriture, cet art savamment distillé du petit lick de guitare catchy, du refrain entêtant, du petit arrangement qui va faire basculer un morceau vers quelque chose de plus intéressant. Le disque en est plein, et chaque écoute en revêt une saveur différente.

Avec le recul, gros bourrins que l’on est (certain(e)s d’entre nous en tout cas), on aurait aimé une plus grande proportion de titres « nerveux », Úma embarquant au final une large portion de titres lents ou mid-tempo. Il faut dire que les gars s’y entendent pour proposer de superbes riffs, et on en voudrait toujours plus ! Reste que c’est aussi un signe d’audace, à saluer. Et ce constat un peu modéré n’obère en rien l’impression de maturité qui se dégage de ce disque, et l’espoir qui en ressort de tenir ici un groupe qui pourrait nous réserver d’excellentes surprises à l’avenir (et a minima une volée d’excellents albums), il en a le potentiel.

 


Ananda Mida – Reconciler

Jamais trop tard pour bien faire ? C’est à l’occasion de la sortie du 3ème volet de leur triptyque musical que l’on trouve l’occasion de se pencher sur ce quartette italien, membre du foisonnant roster du label transalpin Go Down Records.

Voulu donc comme le volet final d’un ensemble de trois albums, Reconciler propose une (très) riche sélection de huit titres foisonnants, abordant de nombreux styles musicaux, du psych rock atmosphérique au desert rock, du kraut rock au rock progressif, du blues rock le plus chaud aux musiques quasi-chamaniques… Les huit chansons durent pour certaines moins de quatre minutes, et pour d’autres jusqu’à 22 minutes ! Il est important d’aborder cela avant de rentrer plus avant dans le disque : on se retrouve ici avec un (vrai) double album, une galette proposant presque 1h30 de musique – vraiment pas dans les standards auxquels on est habitués. Si vous vous sentez prêts à digérer ça et à apprécier au contraire la générosité de l’offrande, dans ce cas se plonger dans ce disque peut se révéler une aventure passionnante.

Musicalement, ou pour le moins instrumentalement, on est sur une base assez solide finalement, reposant sur un quartette de musiciens stable, rompus à l’exercice du jam rock psych (belle base rythmique aérée, déluges de leads, riffs discrets mais solides…). L’ensemble est évidemment très « guitar oriented », avec des degrés de « saturation » assez variables mais plutôt légers dans l’ensemble (clairement on n’est pas dans quelque chose de très bourrin). Mais la spécificité du disque vient de ses guests, en particulier au chant, avec rien moins que cinq vocalistes différents (dont le besogneux Conny Ochs, petit prince germanique de l’underground), mais aussi pour des apports de synthés, percussions, etc… disséminés sur chaque titre, au besoin (note : dans une démarche corporatiste étrange mais louable, ces invités sont tous issus de groupes figurant dans le roster de Go Down…). Cette spécificité ajoute à l’impression de richesse qui se dégage des écoutes de ce disque, mais en contrepartie dilue un peu la consistance du disque (ce qui n’est a priori pas une préoccupation première du groupe, au vu du nombre de styles pratiqués).

Il est assez évident que synthétiser une telle pièce relève de la mission impossible : sur l’ensemble il y a non seulement des passages moins intéressants, mais aussi d’autres qui ne susciteront pas le même intérêt pour les uns et les autres au niveau du style pratiqué. En revanche, il y a du qualitatif à tous les rayons, et les gourmands (gloutons ?) amateurs de véritable psych rock y trouveront une très belle pièce. Reconciler est en outre un disque susceptible de se révéler dans des contextes très différents : en excellente musique de fond, en écoute approfondie au casque, en picorant ses titres par ci-par là… Disque riche tout autant que protéiforme, il devrait ravir les esthètes d’un mouvement musical riche et trop confidentiel.

 

Green Lung – This Heathen Land

Impressionnant parcours que celui de Green Lung : groupe relativement jeune (débuts en 2017), les anglais ont produit un premier excellent album, suivi du remarquable et remarqué Black Harvest il y a deux ans. Bien emmené par le petit mais réputé label Svart (garant de choix exigeants), ils se retrouvent déjà signés par Nuclear Blast – un label à qui l’on peut reprocher pas mal de choses (en sus de Blues Pills), mais certainement pas son flair à talent. Avec ce V8 sous le capot, il leur restait à mettre à niveau le châssis, et les revoilà donc déjà avec ce This Heathen Land sous le bras.

Pas de virage, pas de remise en cause : musicalement, on est exactement dans la même mixture, à savoir un heavy rock occulte, qui emprunte autant au doom metal classique qu’au heavy metal d’école. Le tout est encore une fois baigné d’une prod qui fait en permanence le grand écart entre respect des codes et des standards du genre (un mix splendide), et un souffle moderne (la puissance du mur de guitares, le son de basse…).  En cela, This Heathen Land reprend là où Black Harvest nous avait laissé, et nous emmène plus loin et plus haut.

Le constat est corroboré par la qualité des compos, qui oscillent entre le brillant et le très bon, sans point faible. Il faut dire que l’ensemble a beau rester dans ce boulevard musical bien balisé, la variété reste – paradoxalement ? – au rendez-vous. On a de la balade mélodique catchy (« The Ancient Ways »), de la torgnole riffue catchy (« Mountain Throne »), de l’hymne heavy metal catchy à chanter le poing levé (« Hunters in the Sky »), du gros hit hard rock mélodique catchy (« Oceans of Time »), du power doom catchy à gueuler sous la douche (« The Forest Church »), de la mélopée folk rock catchy (« Song of the Stones »), du power hit super-catchy emmené par un riff de… Hammond (!!!) avec le bluffant (et presque écœurant d’efficacité) « Maxine »… Bref, il y a de tout, mais… catchy ! Parce que l’on peut aimer ou moins aimer (mais pas détester quand même, je ne pourrais pas comprendre…), il est en revanche bien difficile de ne pas voir les compositions du quintette grand-briton vous rentrer pour longtemps dans le cortex frontal.

En termes d’exécution, rien à redire non plus : bien aidés par une production puissante et une mise en son cristalline, les soli et les riffs du prodigieux Scott Black emmènent les velléités épique du groupe, même si ce sont bien les vocaux de son frontman Tom Templar qui distinguent le plus le groupe de toute éventuelle concurrence (trop nasillard probablement au goût de certains, le chant de Templar mêle puissance et technique mélodique avec talent).

En tous points, This Heathen Land est meilleur que le pourtant excellent Black Harvest. Si le genre musical ne vous sied pas (c’est mon cas), passez votre chemin, mais il est impossible de ne pas reconnaître la qualité de ce disque qui, s’il trouve son public, pourrait permettre à la carrière de Green Lung de prendre un bel essor, mérité au vu de cette démonstration. Vous voilà prévenus.

 


Nebula – Livewired in Europe

Étrange mélange de sensations que celui qui s’empare du fan de Nebula au moment de découvrir ce disque. Ça commence par son existence même. Pourquoi un disque live pour le trio californien, pourquoi maintenant, alors qu’il y a deux ans sortait son « Live in the Mojave Desert » (pas sur le même label certes) et que le groupe a déjà sa roborative référence live avec ses enregistrements Peel Sessions de la « grande époque » ? Sachant par ailleurs que la tournée de mai 2023 dont sont extraits les enregistrements du présent disque n’a pas vraiment été une tournée clé pour le groupe (se concentrant sur un axe Italie – « Germanie étendue », elle n’aura par ailleurs en rien marqué les mémoires).

Mais surtout il faut évacuer « l’éléphant de la salle », le sujet qui inévitablement vient percuter la news de cette sortie : il y a quelques semaines décédait l’emblématique bassiste du groupe, Tom Davies. Cette tournée s’était faite sans lui, avec Ranch Sironi à la 4-cordes, tandis que Davies était alité, en train de combattre la maladie (avec une communication minimale du groupe sur le sujet à l’époque). Quel message donc de la sortie de ce disque, maintenant ? Dans le meilleur des cas, on l’espère, aucun… Reste que forcément (et probablement involontairement) le calendrier du deuil percute le calendrier commercial (vous reprendrez bien une demi-douzaine d’éditions vinyls collector multicolores de ce disque dont l’ancien bassiste vient de nous quitter ?). Malaise.

On essaye de prendre du recul pour jauger l’objet pour ce qu’il est : un album live. L’enregistrement est correct, la guitare d’Eddie Glass largement devant dans le mix, mais avec une place très claire apportée à chacun des trois éléments musicaux : batterie, basse et chant (dont chœurs), et même, quelques secondes après chaque titre, les cris satisfaits du public. Tout cela est plutôt propre, sans relief mais assez clairement enregistré et mixé, quasi scolaire dans l’exécution. Très correct, même si ce n’est pas l’enregistrement du siècle non plus, n’exagérons rien.

La set list est un savant mix de leur prolifique carrière et discographie, mêlant titres récents (issus de leurs deux derniers albums sur le même label), classiques issus de leurs plus anciens albums, et fausses raretés (des titres issus de split-albums, mais qui font depuis longtemps partie des set lists de référence du trio). Zéro surprise. Côté interprétation, on est sur du maîtrisé : pas la fougue de leur jeunesse, mais tout est sous contrôle, bien exécuté, à l’image des innombrables digressions solistes de Glass chargées en fuzz et wah wah. L’ensemble est bien sage et loin de la folie qu’on a pu connaître pour le groupe il y a plusieurs années, à l’image de ces « Aphrodite » ou « Out of Your head » ici un peu mous du genou. A noter que les trois titres après le séminal « Let it Burn » sont réservés à l’édition CD (ou digitale of course), signe à nouveau qu’on n’est pas dans un objectif de documentation d’un concert de référence, mais bien dans la vente d’un objet discographique (les trois titres ne rentraient pas sur le vinyl, et personne n’aurait été prêt à payer un double vinyle pour de cet enregistrement… donc on les retire).

Si vous êtes fan du groupe, option complétiste, l’acquisition de ce disque vous sera probablement obligatoire (et si c’est la musique que vous cherchez et non l’objet, on vous orientera plutôt sur les éditions CD ou digitale, avec trois titres supplémentaires). Si vous êtes plutôt collectionneurs de vinyl, vous trouverez largement de quoi décorer votre discothèque. Pour les autres, on vous laisse à votre quête de sens…

 


 

Anuseye – Right Place Wrong Time

Les plus vieux d’entre nous se souviennent probablement, il y a une trentaine d’années, comme le stoner rock transalpin était vif et précurseur en bien des points. Luttant à l’époque (à armes inégales) avec les meilleures formations du genre essentiellement américaines et scandinaves, les groupes de la botte étaient soutenus par une poignée de vaillants labels, parvenant parfois, après d’irrationnels efforts, jusqu’aux oreilles enthousiastes des amateurs d’accords fuzzés. Parmi ces formations « cultes » figuraient That’s All Folks, et dans une moindre mesure les non-moins-intéressants Colt 38. Le frontman de ces formations, Claudio Colaianni, a lancé un groupe, Anuseye, en 2010. Du fait d’une distribution famélique et d’une promotion DIY qui ne sera pas parvenue jusqu’à nos oreilles (et pourtant, avec un tel patronyme, notre curiosité aurait été piquée !), c’est par le biais de son 3ème album, ce Right Place Wrong Time, que nous faisons connaissance avec ce quatuor.

Musicalement, Anuseye ne présente pas ce visage frondeur, un peu insouciant et débridé, que l’on pouvait retrouver chez les formations italiennes susmentionnées. Il y a plus de maturité et de maîtrise dans la musique proposée, qui en réalité se positionne plus dans l’aspiration/l’inspiration du canal le plus historique du desert-rock séminal, quelque chose qui balance entre Masters Of Reality, les premiers QOTSA, les premières Desert Sessions… Chaque compo, tout en apportant un son bien spécifique, rappelle quelques reflets de cette tendance  musicale un peu surannée aujourd’hui – mais pour autant indémodable. « Odessa » par exemple, toute en guitare son clair, oscille souvent entre Yawning Man et le early-QOTSA. « Sagres”, elle, propose notamment un  refrain qui fait très directement écho à Masters of Reality (robot rock, chœurs…). Le meilleur titre de la galette, « Churchofchrist » déploie une mélodie super catchy imparable, et fait montre d’une superbe qualité d’écriture (riff impeccable sur base rythmique entêtante, petit emballement opportun sur double solo…).

Les autres titres viennent renforcer et confirmer certains aspects de la musique de Anuseye, à l’image de « Vancouver », en mode mid tempo riffu et groovy, ou encore « Kyoto » et « Stockholm » en synthèses parfaites : mélodie accrocheuse, rythmique emballante, leads aguicheurs pour aérer le tout…

D’une durée 43 min sans les bonus, l’album se tient bien en l’état. En version digitale, trois titres bonus sont donc proposés, mais qui n’apportent pas beaucoup à l’ensemble, pas de regret à avoir pour celles et ceux qui optent pour la version vinyle : « Addis Abeba » se positionne en transition instrumentale sombre et oppressante, ce qui détonne un peu de l’ensemble. « Santiago » ne montre pas un nouveau visage du groupe et rajoute une pièce à l’ensemble, avec un chant très Brant Bjorkien. Quant à « Berlin », il s’agit d’une modeste mais gentille bluette mélodique instrumentale.

En conclusion, Right Place Wrong Time est riche, foisonnant même, et délicieusement foutraque. Inspiré, créatif et écrit avec sérieux (on n’est pas dans le heavy psych barré de That’s All Folks…), l’exubérance propre aux formations italiennes de référence dans le stoner trouve ici une autre incarnation : aucune limite stylistique, pas de dogme, ça écrit, ça tente… et du coup côté auditeur, ça passe ou ça casse ! Ici ça passe, le plus souvent : on alterne le bon, le très bon, et quelques passages moyens. Mais les très bons passages l’emportent et rendent l’écoute de ce disque très enthousiasmante. Et donc recommandable.

 


Omega Sun – Roadkill

Alors qu’avons-nous dans les placards pour le goûter. Tiens, du Omega Sun, ça semble healthy et frais, regardons la composition. Trois ingrédients: un chanteur bassiste, un gratteux et une paire de baguettes, cela s’annonce sobre et dans nos goûts, y compris avec le nom de l’album, Roadkill. En petit il est également indiqué qu’il s’agit d’un produit Slovène de chez No Profit Records, et d’un second album après un passage chez On Parole Productions, un gouter healthy et équitable donc ?

Roadkill est en effet un bon quatre heure, on écoute la plaque sans arrêter de songer à Garcia (essentiellement à cause du chant évidemment), que ce soit dans Kyuss ou Slo Burn, sur le titre « The One » ou sur  « Early Morning » (Qui aurait gagné à s’enjailler d’un peu de cowbell pour le plaisant cliché) . Autant dire qu’avec une base aussi solide (Mais ne se hissant pas au firmament du maitre, évidement) il est difficile de produire un album déplaisant. Soit dit en passant Omega Sun arrive pourtant à remettre un coup de booster dans son approche un rien consensuelle, en particulier avec « Another You », piste royalement plus agressive et plus sombre où les cordes vont chercher des influences aux connotations très metal avant d’être rejointes par une batterie qui sans redoubler de tempo ne semble pas vouloir être en reste. On trouve aussi ici et là un état d’esprit grunge, que ce soit sur « The One », « Black Dusk » ou dans l’antinomique « Doom » qui passe d’envolées guitaristiques sympathiques  à un abrupt grand rien de conclusion.

Le casse-croûte est vite avalé, 6 biscuits assortis dans la boîte et une fois engloutis ils ne viennent pas peser plus sur l’estomac que sur l’esprit. Reste juste la sensation d’un moment de plaisir presque nostalgique qu’on se refera de temps à autre.  Omega Sun ne vient pas bousculer les codes du Stoner où livrer la plaque qui renversera la table du Doom. Le trio fait un job consciencieux et sûr de ses acquis. Une seconde production réussie et sans excès, là où tant d’autres auraient aimé trop en faire.:

Dopelord – Songs for Satan

En dix ans (depuis leur premier album) Dopelord n’a pas chômé : ce Songs for Satan est déjà leur cinquième LP sur la période, et côté scénique, ils ont arpenté une bonne partie de ce qui existe comme clubs et festivals du vieux continent, via un bon petit rythme de tournées. Bref, le quatuor occupe le terrain, et incidemment grappille des jetons de notoriété au sein de la scène stoner/doom européenne et internationale. « With great power comes great responsibility” comme disait l’autre. On attendait donc de ce disque rien moins que l’affirmation de leur légitimité dans le peloton de tête du doom européen.  Très (trop ?) hypé plusieurs mois avant sa sortie, l’album s’annonçait rien moins que cataclysmique, et on s’est donc jeté dessus la bave aux lèvres…

En se penchant sur l’objet et son concept, on fronce d’abord un sourcil sinon suspicieux, au moins circonspect : encore un énième rappel de l’éculé concept satanique (après un 4ème album titré Sign of the Devil, niveau originalité on a déjà vu mieux), ça ne nous projette pas forcément vers l’album de la révélation… Et tandis que l’on tombe sur « Night of the Witch » dès l’intro, l’ambition dégringole de quelques étages encore : avec un couplet basé sur un riff simpliste déjà entendu mille fois (mais dont le groupe semble se sentir très fier, le convoquant à nouveau en conclusion de l’album, sur l’inutile outro « return to the Night of the Witch » au synthé), ce titre propose surtout un refrain mielleux « sur-mélodique » aux limites de la génance. Sans le sauver, un sympathique break améliore le tout en milieu de chanson, avant une conclusion rappelant une sorte de mauvais Monolord sirupeux, avec un riff fuzzé en mode pilotage automatique. On va pas se le cacher, ça commence pas terrible…

Heureusement la suite est plus satisfaisante : même s’il est très téléphoné, « The Chosen One » est de très bonne facture (en particulier grâce à son break « sauce Dopelord » où s’enchaînent quelques excellents soli), tout comme « One Billion Skulls », un titre moins basique mais intéressant. « Evil Spell » un peu plus loin souffle le chaud et le froid, avec des passages aux ambiances travaillées rappelant Mars Red Sky, mais un peu plombé par des lignes vocales (et des paroles) indigentes. Celles et ceux que le chant un peu nasillard de Mioduchowski ennuie pourront d’ailleurs apprécier « Worms » en clôture, qui propose un chant 100% « gorge grasse râpeuse », un peu en décalage avec un riffing que l’on aurait vu plus lourd et sombre afin de mieux coller à ce type de chant (on est dans une tentative plutôt sludge que funeral doom, quoi) pour un titre globalement plutôt bien foutu.

En synthèse, Songs for Satan est un bon album de Dopelord, et un album de doom efficace, sérieux et appliqué : il rentre bien dans les codes, les règles sont respectées à la lettre… Sans fantaisie, Dopelord fait du Dopelord (un gros riff qu’il fait tourner aux limites du raisonnable, un refrain accrocheur, une série de soli, et on recommence…) alors qu’on aurait aimé voir le groupe prendre un peu de hauteur et matérialiser des velléités de se démarquer de ces dizaines d’autres bons groupe de stoner doom. Quelques riffs fort recommandables sont ici contre-balancés par quelques passages insipides et/ou mal inspirés. Pas un mauvais disque, loin s’en faut, mais un disque susceptible de décevoir celles et ceux qui en attendaient beaucoup. Il y aura comme toujours une poignée de titres suffisamment efficaces pour faire dodeliner les têtes en concert et headbanguer en synchro comme ils savent si bien le faire… rien qu’ils ne nous avaient pas déjà démontré (et on sera probablement toujours au premier rang).

 


 

 

Slomatics – Strontium Fields

Slomatics, dans l’intelligence collective, c’est un peu l’éternel jeune groupe plein de promesses… Pour un groupe en activité depuis vingt ans, avec désormais huit albums au compteur, avouons que c’est presque cocasse… La faute à une activité live sporadique ? A des labels innombrables, et dotés de trop faibles moyens de promotion ? A une discographie foutraque, larvée de splits, EP, etc… ? Un peu de tout cela, évidemment, mais leur singularité est avant tout à chercher dans leur style musical insaisissable, pierre angulaire de leur identité aussi forte qu’originale. Depuis des années, le groupe creuse son propre sillon musical, seul dans sa voie, à grands coups de riffs dooms et d’incursions psyche voire space rock plus perturbantes que confortables. Strontium Fields, paradoxalement, est tout autant chaotique dans son contenu, que dense et cohérent avec ses prédécesseurs.

Ça commence d’ailleurs avec « Wooden Satellites », un doom très classique, gros riff, et rythmique pachydermique, avec cette voix peu grave si confusante (celle de Marty, batteur), qui distingue Slomatics du « tout venant ». On note plus loin la grosse incursion de nappes de synthés pour soutenir un break psyche qui pourra là aussi surprendre si vous ne connaissez pas le groupe. Dans la même tendance, « Like a Kind of Minotaur » vient enfoncer le clou à grand coups de masse doom. « I, Neanderthal », avec son couplet au pattern de batterie presque… groovy ( ?!), sa quasi-absence de refrain et ses nappes de synthés continue de brouiller encore un peu plus les cartes… La carte « doom » est largement jouée, et triturée copieusement…

Tandis que l’étiquette bien confortable du doom psyche commence à se dessiner, « Voidians » nous emmène plutôt sur des territoires de… psyche doom : construit sur des plages atmosphériques assez planantes, le titre propose des embardées riffues costaudes comme poutres fondatrices d’un titre finalement étrange. Dans une démarche comparable, « ARCS » est lui aussi un titre à la structure plutôt mélancolico-psyche, mais densifié par une chape de guitares velues (pour rappel, le trio comprend deux guitaristes, et aucun bassiste), le tout enrobé, toujours, de claviers discrets mais bel et bien présents.

« Time Capture », plage atmo-mélodique dénuée de guitare sur près de 6 minutes, apporte une transition / plage de détente étrangement longue. Dans la même veine un peu plus loin, « Zodiac Arts Lab », un peu plus aérien (comprendre : moins dépressif), rajoute un autre titre dépourvu de saturation, cette fois porté par une guitare en son clair. Puis l’album se conclut sur « With Dark Futures », un titre qui se pose en synthèse impeccable de ce capharnaüm space doom stoner psyche (!), avec une intro de purs riffs doom bien patauds, et une transition progressive vers une seconde moitié mélodico-psych où les guitares saturées viennent s’entremêler aux claviers qui montent en puissance progressive.

Tout est dit, finalement, par le menu ; les ingrédients sont les mêmes, et Strontium Fields n’est pas significativement différent de ses prédécesseurs stylistiquement. En revanche, dans son exécution, il pousse tous les potards plus loin. Pas forcément dans l’aspect « crushing », où la lourdeur de certaines plages de leur discographie récente étaient parfois plus impressionnante, voire terrifiante. On a du lourd ici, et du gras, sans ambigüité, et en généreuses portions, mais c’est plutôt quand il assume ses incartades atmo-samplo-synthés que le groupe tresse des ambiances denses et singulières, sans équivalent dans le paysage musical actuel. En découlent des apports mélodiques significatifs, qui apportent une dimension inédite à la musique de nos trois irlandais. Strontium Fields finit de dresser le portrait d’un groupe à part, un groupe décidément vraiment pas taillé pour le grand succès public, mais résolument dédié au plaisir auditif des plus exigeants de nos lecteurs, de celles et ceux susceptibles de se lasser des styles codés, au classicisme ampoulé parfois. Slomatics propose à la fois une musique respectueuse d’une histoire et des groupes de référence du genre, et en même temps un chemin de traverse audacieux mais assumé et maîtrisé. Il mérite autre chose que notre respect pour cela, a minima votre intérêt.

 


 

Rocky’s Pride & Joy – All the Colours of Darkness

Tandis qu’il est de bon ton de critiquer l’hégémonie d’une poignée de labels sur notre « scène » musicale de prédilection, il convient de se pencher autant que possible sur les plus petits labels, moins exposés, qui mènent un travail de qualité, avec intégrité et (souvent) bon goût. Vous savez qu’on essaye souvent ici de vous faire découvrir des productions méritantes qui ne bénéficient pas des mêmes moyens de distribution/promotion, et ce disque en fait partie. Label italien enthousiaste au goût généralement sûr, Electric Valley nous permet aujourd’hui de découvrir ce jeune trio prometteur de doomsters australiens – une espèce endémique somme toute assez rare.

L’album se veut rassurant en premier lieu, cochant toutes les cases l’associant à ce genre musical parfois dévoyé. Respect, intégrité et sérieux. On se retrouve inéluctablement devant une galette de bon doom de référence : tempi impeccables (lents, mais jamais trop), son absolument parfait (une prod délicieuse pour une belle osmose basse/guitare, avec un somptueux dosage saturation/fuzz) et des riffs et lignes rythmiques mélodiques énormes. Rajoutez à la mixture une batterie tout en maîtrise et un chant distant, nasillard et subtilement éraillé (on pensera ici ou là aux échos d’un Kevin Starrs avec les mêmes sonorités hantées qu’Uncle Acid parfois), et, globalement, les ingrédients de base sont tous au rendez-vous pour une recette qui a toutes les chances de bien fonctionner.

Et c’est bien le cas chez l’aficionado de doom qui goûtera avec bonheur cette rasade parfaitement proportionnée (huit vrais titres, 40 minutes) d’un stoner doom d’école, quelque part entre la nonchalance d’Acid King, l’occultisme modéré d’Electic Wizard et l’efficacité d’écriture des premiers Monolord.

Pas de point faible sur ce disque (même la bluette acoustique « Lucifer’s Lullaby » est efficace) qui enchaîne les petites perles doomy charnues et catchy. Point culminant du disque, l’enchaînement final « Your Hell » / « Pure Evil » (au-delà du champ sémantique évident qui les lie) propose pour commencer un mid-tempo groovy absolument entêtant dégoulinant de fuzz, enchaîné à une pièce d’un classicisme désarmant, où les plans calmes presque bluesy sont contrebalancés par un refrain insidieusement malsain ultra efficace, le tout porté par un riff unique tout du long.

Bref, un premier LP remarquable pour un jeune groupe qui, s’il ne cherche pas à convaincre par son esprit révolutionnaire, séduit par ses compos aguicheuses.

 


 

Graveyard – 6

S’il fallait encore une illustration que Graveyard est bien un « groupe à part », 6, leur nouvel album, se pose là. Laissé pour (presque) mort il y a quelques années, le groupe est revenu nous botter les fesses en 2018 avec l’excellent Peace, une synthèse incandescente de leur carrière déjà remarquable, l’un de leurs disques les plus heavy à ce jour. Rappelons aussi que le groupe s’est rapidement élevé au top de cette mouvance musicale (retro rock / vintage rock / proto rock aux racines 70’s), se tirant un peu la bourre avec leurs confrères Witchcraft il y a encore quelques années ; on observe ces derniers partir en vrille depuis quelques années, et l’on attendait donc de ce 6 l’album de la consécration…

Il ne faut pas longtemps pour constater que, plutôt que de se reposer sur ses acquis et s’imposer avec un disque de la « surenchère heavy rock », Graveyard adopte un chemin de traverse complètement imprévisible : on attendait des brulots incandescents, des salves heavy rock énervées, du riff éreintant… Or 6 n’est quasiment composé que de mid-tempo ou balades, pour certaines très vaguement saturées… Le constat est difficile mais s’impose très vite, rendant les premières écoutes délicates. On ne voulait pas ça, et on est un peu pris au dépourvu.

Mais c’est Graveyard, quand même, alors on pousse un peu pour lui donner quelques tours de piste supplémentaires. Et clairement, l’ensemble prend un tour plus séduisant avec le temps. Pourquoi ? Parce qu’il y a un sacré talent de songwriting derrière, quand même… On retrouve de la mélodie groovy (« Just a Drop », « Godnatt »), quelques envolées lyriques planantes (« Bright Lights », « Rampant Fields »), et quand même quelques effusions énervées, mais rares (le rock’n’roll incandescent de « Twice », superbe démonstration du savoir faire du groupe)… Et là où on ne les attend pas vraiment, de vrais moments de grâce, comme cet onctueux « No Way Out », dont le refrain grandiose, parfaitement arrangé (cordes, chœurs discrets…) file la chair de poule (il y a du Jeff Buckley dans la ferveur vocale de Nilsson sur ce final en crescendo), le final heavy blues brulant de « Breathe In Breathe Out », ou encore ce fiévreux « I Follow You », entêtant et enivrant.

Encore une fois Graveyard n’est pas où on l’attend, mais il est bien au rendez-vous de la qualité. 6 ne plaira donc pas aux amateurs des titres les plus enragés du répertoire de nos suédois, mais il devrait rassurer ceux qui pouvaient craindre un déficit d’inspiration du quatuor, après une période COVID ravageuse, et cinq années sans rien à se mettre sous la dent. Le temps dira si ce sixième album est un album majeur dans la carrière de Graveyard ; il est en tout cas le plus « calme », sans aucun doute, mais pas le moins inspiré, loin s’en faut.

 


 

Haurun – Wilting Within

Haurun est un nouveau venu dans le paysage musical que nous affectionnons. Les cinq membres qui composent ce groupe basé à Oakland sont plus ou moins inconnus et n’ont en tous cas pas participé à des projets d’ampleur. Malgré tout cela, c’est chez Small Stone Records que sort leur tout premier album, Wilting Within. C’est assez étonnant et cela pique notre curiosité.
Sur l’accroche on nous dit « Pour les fans de Acid King, Windhand, YOB, King Buffalo, Emma Ruth Rundle », la curiosité est du coup encore plus forte.

Si on résume un peu brutalement, disons que l’album est fort sympathique mais sans plus.
Il y a plein de bonnes choses, des influences assez clairement identifiables mais on n’est pas sur la claque que peuvent parfois nous mettre certains nouveaux groupes avec un premier LP instantanément culte. Bref, ça fait le job mais sans plus. Et pourtant, il a d’indéniables qualités.
Lyra Cruz au chant tout d’abord. A la première écoute, on pense par exemple à Sue Lott de Luder pour avoir un point de comparaison. Surtout dans les premières intonations et la modulation de la voix. Très agréable, le chant est très posé et calme, parfois incantatoire. Quelques envolées par moment mais on reste sur un chant qui ne crie pas, qui ne force pas.
Musicalement, on campe sur des rythmes assez lents agrémentés de quelques accélérations modérées et rares. Pas d’étiquette Doom mais on a un arrière-gout assez franc tout de même. On trouve quelques solos, quelques breaks, plein de bonnes idées mais pas suffisamment exploitées, un peu comme si le groupe était dans la retenue. Et donc le principal écueil, c’est qu’il n’y a pas de réels moments qui ressortent. Dire que l’album est plat serait méchant mais c’est tout de même assez linéaire. Cela peut plaire sur quelques morceaux mais pour un album complet, cela manque de variations.
Incontestablement Haurun a des qualités mais ce premier album ne permet pas de les apprécier pleinement. Cela plaira certainement à pas mal de monde mais ce premier effort en laissera d’autres indifférents. A suivre donc…

RRRags – Mundi

Les Belges de RRRags dont le nom est inspiré par les prénoms de musiciens (Rob, Ron et Rob) livrent avec Mundi leur troisième album. Ce trio qui évite dans sa bio les qualificatifs stoner et affiliés vient pourtant se frotter systématiquement à cette zone d’influence. Fondé sous l’impulsion d’une jam session en 2017, ils offrent à entendre depuis des sonorités certainement jam, mais aussi clairement rock et bien souvent fuzzées; oscillant entre le planant et l’entrainant les trois R ont une recette bien particulière mais qui ne nous semble pas inconnue nous amenant donc légitimement à nous pencher sur leur nouvelle production.

Après quelques écoutes le verdict est sans appel, c’est un chouette voyage que nous payent là les gars de RRRags, que ce soit le son gras de la basse de « Wiped », qui enchaîne avec une guitare rageuse ou le smooth de « Visitors » le trio créé avec Mundi un ensemble où l’on passe d’un univers à l’autre (légitimant ainsi largement le titre) et l’exercice n’est jamais aisé. « Moon » balance rock’n’roll sans s’encombrer d’une structure trop rigide, il y a du break, de la cavalcade basse/guitare et un chant qui emporte le tout. C’est probablement la compo la plus plaisante de cet album tant elle est gouleyante en particulier quand elle s’enfonce dans un trip psychédélique avant de revenir au groove. On peut lui opposer la curiosité que représente « Slavic Heat ». RRRags réalise là une piste méchamment accrocheuse aux limites des genres attendus dans une telle œuvre avec une voix sur saturée d’effets, une basse qui écrase tout ne s’effaçant que pour quelques gimmicks de guitare au son éclaircis pour l’occasion pendant que la voix s’approche d’un chant de gorge toujours noyé dans des effets fortement agressifs avant que la litanie du reste du morceau ne reprenne scandée comme un troisième instrument rythmique.

Il reste qu’un voyage cela se prépare et on essaye de trouver des points d’attache, forcément et à l’écoute attentive de « Sparrows » il est impossible au travers du chant et de la lancinance de la gratte de ne pas penser au Pink Floyd mourant de années 90 où de s’attarder sur la saturation de « Wiped » qui oscille entre la rage d’un Hendrix où la saturation d’un Deep Purple d’avant le Mark IV. On n’est jamais donc totalement pris au dépourvu ou totalement perdu sur cet album y compris lorsque le groupe conclut sur « Galactic Strut » dans une jam qui fait penser presque immédiatement à celle de Slift et consorts.

RRRags vient poser Mundi sans prétendre à renverser la table et pourtant il s’agit d’un album léché et d’une production bien agréable. Il fait un peu office d’album total où passe tant d’influences et de bonnes idées qu’il est difficile de sortir de son écoute sans un profond sentiment de satisfaction. On ne peut donc que vous recommander de faire le tour de Mundi ne serait-ce que pour vous ouvrir à tout ce qui fait la diversité d’un genre et vous changer les idées.

The Death Wheelers – Chaos and the Art of Motorcycle Madness

Après la sortie de leur opus I Tread On Your Grave nous avions laissé les québécois de The Death Wheelers aux prises avec des hordes de motards zombies sur un coin de route abandonnée des Amériques. Ils reviennent cette année dans un fracas infernal toujours avec l’appui de Riding Easy Records au sein d’une galette sobrement intitulée Chaos and the Art of Motorcycle Madness. Notons au passage le artwork de l’écrin contenant le disque, une représentation d’un biker faisant face à un magnifique Baphomet lui accordant sa bénédiction dans une atmosphère sépulcrale.

La volonté du groupe est toujours la même, écrire une œuvre qui se veut tant sonore que potentiellement visuelle grâce à un storytelling laissant court à l’imagination morbide de l’auditeur. D’ailleurs The Death Wheelers fait apparaître sur la pochette de son album la mention: “Original motion picture soundtrack” comme lors de leur précédente sortie de 2020 Divine Filth, le ton est donné. Cette fois-ci, les pistes nous racontent l’histoire d’un biker vendant son âme au diable ce qui permet au quartette de balancer ici et là quelques bandes sonores de films comme sur « Ride Into The Röt » ou « Lucifer’s Bend » introduite par le rire aigrelet du prince des enfers.

Il n’y a pas grand-chose à redire sur cet album à l’ambiance mi inquiétante, mi pétaradante. C’est plutôt une réussite, on jongle comme lors de précédentes création du groupe entre un rock 70’s et une agressivité digne de Motörhead. « Lucifer’s Bend » dont on parlait plus haut en est la démonstration et invoque même le swing pour compléter le tableau. L’album balance des bases rythmiques bluesy classique sur « Les Mufflers Du Mal » dont l’intro testostéronée à la wah-wah plante le décor grandiloquent. C’est donc en usant ses standards que The Death Wheelers fait saillir des cordes hargneuses et des patterns de batterie aux emballements énergiques un son foutrement rock’n’roll, comme pour « Triple D » ou la quasi punk « Brain Bucket ».

Chaos And The Art Of Motorcycle Madness est la fille des précédentes œuvres de The Death Wheelers, aucun doute possible. De la production au style, tout est là et installe fièrement The Death Wheelers dans un univers qui voudrait dépasser le cadre de la simple musique et réussit par là à nous conter des histoires pour grands enfants amateurs de frissons. Du rock’n’roll mais pas que, c’est tout le sel de cette nouvelle galette à enchainer avec les autres, un seau de popcorn sur les genoux.

 

Fire Down Below – Low Desert Surf Club

Troisième album pour les Gantois de Fire Down Below que l’on avait, chez Desert-Rock pu apprécier en live ici et là à l’occasion de divers festivals. Leur stoner fuzzé nous avait alors conquis et il est à présent l’heure de voir si le quartette nous gratifie d’une galette mémorable avec leur tout nouveau Low Desert Surf Club sorti chez Ripple Music et dont le titre évoque tant l’hommage que le renouveau.

Fuel injected comme disent certains chroniqueurs ‘ricains. Le moins qu’on puisse dire c’est que cet album botte des culs.  On y trouve un mélange quelque part entre Valley of The Sun et Slomosa, autant dire que les p’tits gars d’outre Quiévrain ont tout compris au stoner et lui adjoignent à l’occasion de la bien nommée « Surf Queen » quelques piments surf music. Il faut dire que rien que le timbre de voix de Jeroen Van Troyen fait penser à celui de Dexter Holland (cela frappe d’entrée de jeu sur « Cocaïne Hippo ») et ça invite plus  au voyage sur la côte ouest des Etats-Unis qu’à Zuydcoote.

Bon on a fait le tour de la question Surf Club mais pour le Low Desert? Pas d’inquiétude Fire Down Below mets suffisamment de groove dans « Here Comes The Flood » et « Hazy Snake » pour que le clin d’œil au pape du cool, Brant Bjork, soit réussi sans pour autant en égaler la classe, faut pas déconner non plus !

Au-delà de ces considérations d’affichage avec Low Desert Surf Club on se retrouve avec un album à la réalisation notable. L’enregistrement et le mixage sont assurés d’une main de maître par Richard Behrens bassiste du Samsara Blues Experiment et côté prod, c’est Nick Di Salvo qui s’y colle. Rien de moins. A noter que ce dernier ne se prive pas de venir prêter main forte au groupe en deux occasions pour renforcer les voix sur « Here Comes The Flood » puis prêter sa guitare acoustique sur « Mantra ».

Les quatre instrumentistes de Fire Down Below trouvent toujours leur place dans une série de compositions hautement satisfaisantes. S’il était besoin d’une carte de visite au groupe, cette galette devrait leur permettre de passer à peu près toutes les portes des discothèques de tous stoner Head qui se respecte. Un album de stoner un vrai! Voilà la bonne nouvelle que nous livre Fire Down Below avec ce Low Desert Surf Club.

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