Blackstone – Colors of the stone

Blackstone - Colors of the stone

Troisième album de Blackstone, “Colors of the stone” est sans doute le meilleur et le plus abouti. On ne remarque en fait, durant les premières écoutes, pas vraiment de changement important dans les orientations musicales du groupe français. Les influences restent les mêmes, le rock américain des années 70, globalement, et l’originalité du groupe se situe toujours dans les “petits plus” qu’il incorpore aux morceaux, qu’il s’agisse d’instruments plus rares (mandoline, banjo, harmonica, etc…) ou de sonorités “exotiques”.

On notera néanmoins une orientation peut-être plus poussée qu’auparavant vers le rock sudiste, et notamment quelques morceaux que n’aurait pas reniés ZZ Top, par exemple (en grande partie à cause du timbre “plus rocailleux tu meurs” de Ian Kent).

“Colors” se compose de pas moins de 13 chansons très franchement bien gaulées. Le plus frappant à leur écoute est la liberté que s’accorde le groupe à composer à l’envie, à balancer une balade acoustique, un mid-tempo tendance hard rock, un morceau limite folk-rock, puis un brulôt heavy suivi d’une impro musicale très stonerienne. Ça part un peu dans tous les sens. D’aucuns pourront regretter ce manque de cohésion, de ligne directrice ; on pourra autrement y apprécier cet aspect “pantagruélique”, qui permet de goûter à tout ce qui se présente, d’aimer un morceau, d’en adorer un autre, d’en zapper un troisième.

Qui plus est, la version digipack de l’album propose pas moins de 4 chansons supplémentaires, avec des reprises de Creedance Clearwater Revival, des Beatles, de Deep Purple et de Black Sabbath. Excusez du peu ! Reprises un peu inégales, mais très franchement originales et bien “digérées” par le groupe, ce qui est très appréciable.

On pourra un peu regretter un manque de remise en question musical, ou plus exactement le manque de surprise à l’écoute de l’album. En revanche, on apprécie la volonté du groupe, sa motivation inattaquable, son intégrité absolue à continuer à avancer dans ce sillon musical aride (commercialement). Une démarche exemplaire, illustrant bien l’image d’un groupe qui avance, coûte que coûte, ramassant au passage de plus en plus d’amateurs, comme nous. Ils le méritent, et je vous souhaite d’être les prochains.

Mystick Krewe Of Clearlight (The) – The Mystick Krewe Of Clearlight

Mystick Krewe Of Clearlight (The) - The Mystick Krewe Of Clearlight

Attention, du bonheur en rondelle ! Derrière ce nom de groupe énigmatique se cache un quintette de la Nouvelle Orléans qui se taille petit à petit une réputation culte aux USA. Vous aurez été prévenus ! Formé par Jimmy Bower (Eyehategod, Crowbar, Down, etc…), le groupe propose une musique complètement décalée temporellement, piochant allègrement dans le meilleur de trois décennies d’expérimentations musicales débridées, et les concentrant en six titres (seulement, mais presque une heure de musique quand même !) de pure merveille instrumentale. Et bien oui, il n’y a pas de chanteur dans le groupe, et croyez-moi si vous le voulez, on ne le remarque qu’après plusieurs écoutes ! Effectivement, chaque instrument se passe le relais au premier plan, servant tour à tour à bâtir une rythmique plombée ou à torcher des parties solo jouissives (en harmonies au besoin). On assiste ainsi, béats devant tant de dextérité et de talent, à des joutes solistes aussi imprévisibles que réussies, où se mêlent guitares heavy (tendance lourdes et poisseuses) à des parties de claviers dont Deep Purple n’a jamais osé rêver (je sais, ça sent le blasphème, et pourtant…). Le tout ressemble méchamment à des jams débridées, et pourtant, paradoxe s’il en est, les compos sont carrées au possible, le tout est admirablement contrôlé et structuré, si bien que dès que l’on pense le groupe parti dans un interminable break improvisé, il remet les choses en ordre en relançant la machine à grands renforts de rythmiques et de riffs bien sentis. Quelques éclairs de génie nous rappellent parfois d’autres groupes, Gov’t Mule, Deep Purple, Black Sabbath & Co., mais tant que les combos pré-cités ne se décideront pas à jouer tous ensemble (et à rajeunir de quelques décennies), le CD de Mystick Crewe Of Clearlight sera la seule alternative à quiconque assoiffé de bonne musique dans cette veine, l’aspect ‘démodé’ en moins, tant la musique du groupe est moderne.

Sunnshine – No more forever

Sunnshine - No more forever

Sunnshine, moi je connaissais pas. Il y a de quoi être intéressé, quand même, quand on découvre que le groupe a joué avec Clutch, COC, Buzzov-En, the Atomic Bitchwax ou Karma To Burn. On entend aussi ici ou là des comparaisons du groupe avec Sabbath, Soundgarden. Et puis il y a le nom, “SUNNshine”, dont on peut présumer la même provenance que pour Sunn-o))). Ma foi, ça incite à appuyer sur “play” tout ça.

La filiation stoner n’est pas évidente à la première écoute de ce skeud. Sunnshine est un groupe plutôt metal au premier abord. En tout cas les premiers titres. Et puis on tombe sur des “Stand to gain”, au son bien rugueux, à la gratte acérée, au riff vicieux, qui démarre et devient un pur mélange de frénésie stoner (pour la rythmique et l’aspect lancinant et répétitif) et metal (pour le son de gratte). Puis vient “Saturday” avec son intro au son de gratte que l’on croirait issu d’un morceau de “Sky Valley” de Kyuss (je vous jure, écoutez). Et puis arrive “Burn”, et là c’est du pur stoner, pas d’ambiguïté. Ca balance, c’est rock, c’est gras, la cymbale s’en donne à cœur joie. “Wild Blue Wonder” pourrait être un titre de Sabbath joué sur des amplis Sunn bien saturés, que ça me choquerait à moitié. Bref, y’a de quoi se mettre sous la dent !

Sunnshine plaiera d’évidence aux amateurs de heavy stoner à la Awesome Machine ou Alabama Thunderpussy, qui ne rechignent pas à une bonne giclée metal dans leur dose de stoner. Ceux-là vont se lécher les doigts.

Et puis on se décide à jeter un œil à la bio de groupe envoyée par nos potes de Daredevil, et là, après avoir bien apprécié l’album, on découvre que c’est un album posthume ! Les boules ! Sunnshine a splitté depuis un moment, un groupe au destin sans doute un peu noirci suite au décès de deux de ses guitaristes. Ce disque est constitué de bandes enregistrées entre 1993 et 2002, mixées par Joe Barresi (QOTSA) et Tobbe Bovik (Awesome Machine). Du titre définitif à la démo bien remixée, le son balance quand même pas mal, rassurez-vous, et y’en a pour son argent, avec pas moins de 15 chansons. Ben merde, ils étaient pas nuls ces cons-là. Bon, allez, j’appuie encore sur “play”.

Truckfighters – Phi

Truckfighters - Phi

Phi est une bonne galette de nos amis nordistes qui, à nouveau, mettent une note de finesse dans cet univers suédois fait de fuzz et de compression dans l’exploration des basses fréquences. A nouveau, si TF joue clairement dans le même registre sonore que Dozer niveau distorsion, les mecs s’en distinguent via des structures très fouillées et plus originales et surtout via un éclectisme qui pourrait en faire fuir plus d’un car ils n’hésitent pas à saupoudrer leurs breaks de grattes acoustiques.

La sauce prend super bien dès la 2e plage lorsque les grattes font parler la poudre après une intro construite sur une couche de flanger. On sent bien que les mecs maîtrisent maintenant leur recette ainsi que les amplis qui leur servent de fourneaux, ou plutôt de brasiers ardents.

La formule prend tout son sens à l’écoute de la 3e plage lorsque le refrain hurlé et à hurler entraîne l’auditeur dans un mouvement inexorable visant à monter le volume de la sono. Le final de ce morceau se passe dans un répétition ad libidem d’un riff hypnotique dont la seule variation consiste à un moment donné à le reprendre à l’octave avant de terminer sa course dans un pilonnage où les musiciens font preuve d’un mimétisme détonant.

Une petite touche de douceur point à l’horizon pour la chanson suivante mais dérive assez rapidement dans de beaux envois de fuzz 100% groove. Ce qui me frappe dans leur musique au grain sonore pourtant si caractéristique et reconnaissable, c’est la qualité de la composition: cette alternance de riffs et d’ambiances finement pensés plonge l’auditeur dans un beau voyage fait de remous et d’accalmies. Truckfighters sait comment donner des couleurs à sa musique et pourtant cette touche multi-chromatique s’opère dans un genre pourtant bien distinct. Que l’on ne vienne pas me dire que ces mecs font dans le cross-over ou la fusion!

Les morceaux s’enchaînent et il faut reconnaître que la 2e moitié de l’album (10 titres au total) est peut-être moins excitante de prime abord. Néanmoins, plusieurs écoutes approfondies permettent d’en cerner les méandres et donnent au final un sentiment de qualité égale dans la composition et les arrangements tout au long de cet opus.

Enfin, le titre de cet album (Phi augmenté de son symbole signifiant philosophie) est sûrement un clin d’oeil au nom quelque peu brutal et abrupt de ce groupe. Mais après tout, TF aime à cultiver la différence et les contrastes, même dans un style défini.

Nightstalker – Just a Burn

Nightstalker - Just a Burn

Revoici les Nightstalker avec leur 3ème offrande studio, intitulée ‘Just a Burn’. 8 ans après un premier album très prometteur, on constate d’abord que nos amis grecs ont parcouru pas mal de chemin. Le quatuor, devenu trio entre temps, a gagné en maturité et confirme tout le bien que l’on pensait d’eux.La voix de Argy est toujours égale à elle même. Par contre, son jeu de batterie a gagné en puissance et en précision, renforcant ainsi la section rythmique qu’il forme depuis les débuts du groupe avec Andreas.Certains des morceaux de ce ‘Just a Burn’ sont absolument envoutants, et ne sont pas sans rappeler certains morceaux des 6 premiers volumes des Desert Sessions (l’intro de “Don’t blow my high” ou le magnifiquement apaisant “Line”). Le groupe alterne donc entre le rock direct qui fait mouche (“Just a Burn”, “Silver Shark”) et les morceaux de transitions, plus calmes mais toujours aussi obsédants. La palme de l’audace revient à la semi-ballade “Explode”, qui démontre à elle seule toutes les qualités de composition de Nightstalker. Je défie en tout cas quiconque de ne pas taper du pied et de jouer un peu de ‘air-guitar’ à l’écoute de ce disque. Bref, avec ce 3ème opus, même si les inflences rock seventies sont toujours présentes (j’en veux pour preuve l’excellentissime “Give it All”), Nightstalker a trouvé sa voie. Le groupe grec est devenu un sérieux client qu’il faudra suivre avec intérêt désormais.

Hopewell – Hopewell & the birds of appetite

Hopewell - Hopewell and the birds of appetite

Fallait bien que ça arrive : en initiant un projet qui sort autant des sentiers battus que Orquesta Del Desierto, les “suiveurs” ne pouvaient pas tarder.

Hopewell se place du coup clairement dans cette catégorie, et ce dès les 2 premiers morceaux : instruments acoustiques, percus, cuivres, chant un peu étherré…

Et puis ça perd un peu et ça redevient de la pop. Ben oui, ya quand même le leader de Mercury Rev aux commandes, et pour ceux qui connaissent, Mercury Rev n’est pas l’incarnation de l’excitation musicale, de l’orgasme instrumental. Un truc pas très agressif, pas trop enlevé, un peu mièvre, mais accrocheur.

Ben là c’est un peu pareil, les compos s’enchaînent, et au bout de 2-3 écoutes, on s’aperçoit qu’elles “rentrent bien en tête”. Mais ça manque cruellement de relief. On demandait pas la lune, juste un peu de grattes !!

Alors voilà, même s’ils ont sorti en parallèle le jouissif dernier skeud de Drunk Horse, Tee Pee records sort avec Hopewell son disque “vendeur”, petite galette pop sans envergure ni relief. Ceci marque un virage dans l’orientation de leur catalogue, assurément, qui jusqu’ici était l’un des plus grands viviers stoner qui soit ! La chronique ne se justifiait donc pas forcément musicalement, mais au vu du contexte, ça peut avoir son importance concernant cet “ancien bon label”…

Red Giant – Dysfunctional Majesty

Red Giant - Dysfunctional Majesty

La deuxième galette de Red Giant chez Small Stone se déguste comme l’uppercut final de Mike Tyson après le méchant coup droit qui vous fait baisser votre garde : la puissance de feu est la même, le mode opératoire aussi, ça fait le même effet, mais il y a la surprise en moins !

Le quatuor ricain nous propose pas moins de 14 nouveaux hymnes copieusement houblonnés, des morceaux alliant puissance brute, texture rocailleuse, et écriture punchy. Le chant râpeux d’Alex Perekrest (aidé dans sa tâche par le délicat Damien Perry, l’autre gratteux) apporte clairement l’identité du groupe : ça beugle plus que ça ne chante, mais ces aboiements ajoutent à la puissance des titres, rien à redire. Le travail sur les guitares est excellent, avec des structures pataudes et riffues, un son over-fuzzé tout à fait jouissif (« Season of the bitch »), sur lesquelles Perry pose quelques soli parfaitement opportuns (toujours à la limite entre efficacité et démonstration stérile, voir le break de « It doesn’t seem right » où la guitare lead tourne autour de la guitare rythmique sans jamais trop s’en départir).

Ma pathétique tentative visant à décrire ma subjective expérience auditive pourrait laisse croire que je me suis fait transpercer les tympans avec une batte de baseball pendant 1h10 sans mouffeter. Belle erreur ! En réalité, les quelques années qui séparent ce « Dysfunctional majesty » de « Devil child blues » ont clairement été mises à profit pour mûrir des compos audacieuses et diversifiées : écouter à ce titre « Silver Shirley », épique morceau de plus de 7 minutes, commençant comme un grassouillet et patibulaire brûlot doom, qui évolue après quelques breaks costauds vers un final complètement barré (avec des passages au saxo !). Pour autant, le groupe ne part pas dans tous les sens, le fil conducteur de l’album n’est jamais perdu (et notamment grâce à une production mastoc), à l’image de cette reprise (non créditée) du « Let there be rock » de AC/DC qui clôt l’album, qui ne détonne pas au milieu de leurs compos.

En conclusion, soyons honnêtes, le tabassage auriculaire a bien lieu, il est mené dans les règles, sans coup bas, avec un talent qui force le respect. Mais il y a une dimension plus fouillée, plus travaillée derrière ce groupe et cet album, qui font qu’inexorablement on se repasse le disque encore et encore. Du bien bel ouvrage en effet.

Black Mountain – In The Future

Black Mountain - In The Future

Black Mountain est un groupe qui a fait son chemin dans l’underground et a vite touché un large public (quelques premières parties de renom à son actif notamment), tout en traînant une tenace réputation de groupe “stoner dans l’âme”, fermement ancré dans les 70’s. Il n’en fallait pas plus pour aiguiller ma curiosité…

Ce qui surprend aux premières écoutes c’est la prod’ : un son élaboré et dense, des arrangements aux petits oignons, choeurs, claviers… Typique de ces groupes nord américains (Black Mountain est canadien) se réclamant du hard rock 70s, assumant totalement la grandiloquence du genre. Un très bon point. Qui plus est, ce soin apporté à la prod’ donne au groupe une aura vraiment inédite, et donc une écoute attentive.

Arrive donc ensuite le second effet kiss cool : la qualité des compos. Ce disque profond, riche, recelle de vraies perles qu’on ne se lasse pas de réécouter. La difficulté tient à définir le genre dans lequel évolue le combo : certains morceaux sont riffus comme un bon vieux disque Small Stone, les sons de guitares sont secs et vicieux, mais le morceau se dote de passages aériens aux choeurs etherés, baignés de clavier, généralement du plus bel effet (“Stormy High”, “Tyrants”). D’autres titres en revanche sont un peu trop mous à mon goût (“Angels”, la seconde moitié de “Tyrants”, ode bucolique étrange, ou encore “Stay free”, “Bright lights”…), ou simplement de moindre qualité. Mais globalement on est forcément séduit par la virtuosité de compos comme l’envoûtant “Wucan” ou “Queens will play”, surtout lorsque se mèlent en osmose les chants masculin et féminin (audacieuse sur le papier, cette spécificité fait ici mouche).

Au final, il manque quand même un peu de cohérence et d’homogénéité pour faire de ce “In the future” un album référentiel. De même, trop de titres moyens figurent dans le track listing… Toutefois, sa qualité au dessus de la moyenne et son originalité devraient faire mouche chez la plupart d’entre vous.

Spiritual Beggars – On Fire

Spiritual Beggars - On Fire

L’on se doit d’accueillir chaque nouvel album des Beggars comme une bénédiction, une nouvelle offrande faite sur l’autel sacré du gros heavy rock stoner typé 70’s, et cette nouvelle galette ne fait pas exception. La troupe de Mike Amott se trouve cette fois renforcée de deux nouvelles recrues, en la personne d’un nouveau bassiste (excellent) et surtout d’un nouveau chanteur, à qui revient la dure tâche de remplacer le charismatique Spice. Le pari est remporté, l’ex-Grand Magus, Janne, s’en tirant avec les honneurs, gratifiant les compos de “On Fire” de sa voix puissante et chaleureuse aux relents bluesy fort bienvenus. Ne nous emballons pas, il ne s’agit toutefois pas d’une révolution chez Spiritual Beggars, la musique n’a pas tant changé depuis l’excellent “Ad Astra”, et c’est tant mieux finalement. Les riffs sont tranchants (voir le riff hallucinant, évident, de “Beneath the skin”), les guitares rugissent (“Street fighting saviours”, “Dance of the dragon king”, “Tall tales”), le tout est baigné de ces subtiles nappes de synthé typiques des années 70 (“Black feathers”), et les compos sont bien là pour nous faire taper frénétiquement du pied et fredonner les chansons au bout de quelques écoutes seulement. Sans être pour autant un éclair de génie, “On Fire” est néanmoins un coup de maître, et mérite donc en tant que tel de figurer dans votre discothèque.

Karma To Burn – V

Karma To Burn - V

Après plusieurs années d’inactivité qui ont laissé des traces dans les esprits, Karma To Burn semble avoir repris un rythme de croisière pour le moins intensif ! Le groupe, fort d’une motivation renouvelée et d’un succès croissant, bat le fer tant qu’il est chaud, c’est peu de le dire : le trio enchaîne tournées incessantes (dont l’Europe et la France ne font pas partie des oubliés loin s’en faut !) et albums à quelques mois d’intervalles. Si bien qu’à peine plus d’un an après le très bon « Appalachian Incantation », déboule sur nos platines leur nouvelle production, sobrement intitulée « V » dotée d’une superbe pochette, signalons-le.

Pas de chamboulement, « 47 » donne immédiatement le ton : riff plombé 100% KTB, grosse chape rythmique et guitares ciselées, le tout servi par la frappe de mule épileptique de Rob Oswald. Le terrain est connu et apprécié. Un très bon titre, empreint d’influences riches (ce riff a des relents de musique orientale bluffants). Idem pour « 50 » qui enchaîne, guitares extra-grasses en bonus, mais toujours ce talent de composition de riffs impeccables. L’intro de « 48 » surprend et inquiète, mais sitôt le morceau monté en puissance, le titre révèle une structure audacieuse, clairement composée de deux volets en alternance : le couplet, et le refrain, dont la rythmique typique brille par son efficacité. Encore du bon KTB et… toujours pas de parole ?! Mais que se passe-t-il ? Finalement, la volonté annoncée du groupe de transformer KTB en quatuor avec chant s’est désintégrée, et la formule magique n’a pas été chamboulée. En effet, quelques jours seulement avant l’enregistrement, le trio a simplement changé d’avis, préférant se concentrer sur des projets distincts, et garder à KTB sa formule gagnante.

Le chant n’est pourtant pas absent, et le premier titre portant les lignes vocales (et la gratte lead) de Daniel Davies pointe son nez sous la forme de « The Cynics ». Après des dizaines d’écoutes, ce titre est à mon avis le plus faible de l’album, un mid tempo qui traîne un peu trop derrière une rythmique moyenne. Back to business avec deux derniers « classiques » (entendez : titres instrumentaux numérotés typiques) : « 49 » et « 51 », très bons eux aussi. Retour à un titre chanté pour l’étrangement nommé « Jimmy D » : derrière une intro trompeuse, se trouve ce qui est probablement l’un des riffs les plus remarquables composés par le duo de bretteurs Mecum / Davies. Le couplet est à ce titre un bijou rythmique, vicieux et acéré, et le solo final, bien amené, apporte un rebond bienvenu et un nouveau souffle à ce titre en tout point somptueux. Pour clore cet album court mais puissant, le groupe a ré-enregistré sa reprise du « Never Say Die » de Sabbath (déjà reprise il y a 2 ans pour une compil du magazine anglais Metal Hammer), un titre peu connu (qu’ils jouaient régulièrement en live) mais dont l’efficacité est immédiate. Ce dernier doublé termine l’album sur une note 100% jouissive.

On ressort clairement de l’expérience de ce disque avec le sourire, contents et confiants dans l’avenir du trio : le groupe n’est clairement pas en mal d’inspiration pour composer encore une volée de disques bien charpentés, et leur envie d’en découdre est intacte (en atteste la nouvelle tournée européenne en cours). Un groupe sain, dynamique, talentueux, qui tire le genre vers le haut. En revanche, j’entends déjà les esprits chagrins se plaindrent de ne pas trouver de prise de risque brutale sur ce disque, pas de changement de genre radical. Il va falloir s’y faire, je pense : Karma To Burn a probablement mis le dernier clou à son cercueil de « groupe culte », pour devenir l’un des groupes de stoner les plus vivants et excitants du moment. En attendre autre chose serait stérile.

Blackwolfgoat – Dragonwizardsleeve

Blackwolfgoat - Dragonwizardsleeve

A l’écoute des dernières productions du label Small Stone, on peut noter que l’audace éditoriale se développe sérieusement, avec des sorties décalées, pour le moins couillues. Blackwolfgoat est de ces disques audacieux qui tirent le genre vers le haut.

Ce « groupe » (??) est en réalité le projet 100% solo de Darryl Shepard (Milligram, Roadsaw) : le guitariste s’est en fait enregistré seul avec une guitare, pour accoucher d’une rondelle de 6 titres (pour plus de 40 minutes). Vous l’aurez compris, le terrain musical est propice à l’installation d’ambiances, d’histoires musicales ou de compositions épiques. Ainsi, le 1er titre « Risk & Return » pourrait faire bonne figure en tant que BO de film. « Death of a lifer » qui prend la suite est plus dronesque dans l’esprit. Les « bips » que l’on croirait issus d’un encéphalogramme, portés par des nappes de guitare pendant 7 minutes effleurent ce pouvoir hypnotique qui ne mène finalement jamais jusqu’à la lassitude. Le titre suivant en revanche pousse un peu loin le bouchon bruitiste, et ces 4 minutes enchaînées ont plus de mal à passer. Dans la même veine, en plus construit cependant, « The Goat » fait penser à Boris ou Sunn O))), porté par des riffs à 2 km/h, joués note après note (chaque note sonne pendant 5 à 10 secondes, bien sûr), avec un même son de guitare bien graveleux. Le dernier titre, à l’image du premier, est plus construit, mélodique, et pourrait lui aussi figurer sur une BO de grande qualité : ses 10 minutes de licks de guitare s’écoutent sans ennui aucun.

Sans jamais aller sur le terrain de l’expérimentation purement « technologique » (le gratteux enregistre tout en live, sans overdub), le projet laisse quand même en mémoire peu de « trace » musicale : il manque un petit quelque chose à cette expérience pour réellement amener sur le terrain de la vraie transe musicale, la seule voie possible si l’on ne se concentre pas sur la mélodie « simple ». Ce disque spécial reste toutefois une expérience intéressante et atypique, mais il lui manque un positionnement clair : soit on joue la carte du drone à fond, soit on focalise sur un album instrumental mélodique. Le non-choix de Shepard ne permet pas à cette galette de séduire assez, et donc de s’imposer parmi les meilleures sorties récentes.

Clutch – Strange Cousins From The West

Clutch - Strange Cousins From The West

Depuis 2 ans environ, Clutch a sorti une poignée d’albums live (délectables), de projets parallèles (Company Man) et d’albums du Bakerton Group. Rien que ça. Ceci ne les pas empêchés de rentrer en studio, avec une inspiration décuplée, pour en ressortir avec son neuvième album sous le bras, “Strange cousins from the west”… et ce n’est pas leur plus mauvais !

Première surprise : Mick Schauer, le clavieriste discret que l’on croyait incorporé au groupe de manière définitive, n’en fait plus partie. L’effet direct sur la musique est bien présent, et on le constate dès la première écoute : ces dix titres sont issus du même tonneau, d’un groupe manifestement “resserré” autour de l’essentiel, à savoir quelques cordes, un peu de lutherie électrifiée, des baguettes et des peaux de bêtes tendues. Et ça suffit.

Là où les albums précédents se dégustaient sans compter, et culminaient tous par l’apport d’une à deux perles d’exception, “Strange cousins…” se déguste dans sa globalité, sans temps mort. La galette commence “là où tout a commencé”, ancrée dans le Sud, sur les notes d’une steel guitar qui s’entremèlera tout au long de “Motherless child” avec l’infectieuse guitare de Tim Sult, jusqu’au solo de fin plein de groove. Le travail de JP Gaster sur ce titre est hallucinant : bien suivi par Dan Maines à la basse, le duo enquille une série de breaks et ruptures de rythmes que l’on remarque à peine lors d’une écoute normale… Le boogie lancinant et saccadé 100% typique de Clutch est incarné ensuite par l’épatant “Struck Down”. On aura du mal ensuite à faire ressortir un titre plus qu’un autre. On notera quand même “Minotaur”, un titre particulièrement heavy, qui se révèle une vraie prouesse instrumentale, tant le morceau est plein “d’air”, avec une prod simplissime où chaque instrument occupe une part modeste et ciblée de “l’espace son”, un petit tour de force. La maîtrise absolue du groove, à la limite du funk rock, typique du quatuor, trouve une incarnation complètement emballante dans “Freakonomics”, encore une fois portée par la frappe chargée de technique et de feeling de Gaster.

Bref, la dernière galette de Clutch se révèle l’une des plus abouties de leur carrière, l’une des plus mûres. Plus longue à digérer, elle se révèle après de nombreuses écoutes de plus en plus passionnante. Les fans de Clutch n’ont aucune hésitation à avoir. Quant aux autres, j’aimerais être à leur place rien que pour avoir l’opportunité de découvrir le groupe par l’intermédiaire de ce disque. Encore un coup de maître.

Vic du monte’s idiot prayer – Prey for the city

Vic du monte s idiot prayer - Prey for the city

Chris Cockrell aurait pu devenir célèbre. Chris Cockrell aurait pu enregistrer des albums de légende et être vénéré comme une icône intouchable. Mais pour d’obscures raisons, Chris Cockrell est jusqu’à présent resté dans les tréfonds de l’histoire du rock. Le grand oublié, le mec qui n’a pas eu de chance.

Afin de conjurer le sort, il a pris un pseudonyme qui sonnait bien, il a rameuté ses vieux potes et il a rapidement torché quelques morceaux de bon vieux rock’n’roll. Sa galette sous le bras, il s’en est allé démarcher quelques labels susceptibles de produire son album. Ils ont prêté beaucoup d’attention à sa musique mais lui ont finalement tous opposés un refus poli mais ferme.
Devant tant d’injustice, l’ami Brant, dans un élan de générosité dont il a le secret, lui a dit un truc du genre : « Ok, on va le sortir sur mon label ce foutu album. Et tant qu’on y est, je t’emmène écumer les clubs de la côte Ouest. Ensuite, on attaque l’Europe, là-bas ils savent apprécier la bonne musique ».
Décidé à mettre toutes les chances de son côté, Chris a profité de l’avance de Duna pour offrir de beaux costards à ses musiciens, histoire de bien présenté sur les photos.

Et la musique dans tout çà ?
Vic du Monte’s Idiot Prayer ne fait pas dans le subtil ou le révolutionnaire. 11 morceaux expédiés en 28 minutes, pas de place pour le superflu.
Dès les premières secondes, on est fixé. Son de guitare un peu cradingue, claviers rétro, voix usée par la cigarette et le mauvais whisky. Les riffs sont d’une efficacité redoutable tellement ils sont simples.
Après deux morceaux, des images commencent à défiler, on s’imagine roulant à tombeaux ouverts au milieu du désert. Cà sent la poussière, la crasse et la sueur. Le genre de truc qu’écriraient les Hellacopters après une tournée des pires bouges du Mexique. On imagine d’ailleurs bien le groupe sur la scène du Titty Twister, prêt à en découdre avec la racaille à la moindre occasion.
Casablanca nous entraîne un peu plus vers le sud, çà devient moite et le tempo ralentit. Mais ce n’est qu’une courte pause avant que Chris ne recommence à mouliner sec sur Company Man. On commence à être séduit par sa façon de cracher ses paroles en y mettant toute sa hargne et son désespoir.
Avec Death & Man, çà devient carrément malsain. Le groupe fait lentement monté la pression, joue avec nos nerfs avant de retourner ramper dans l’obscurité. La libération ne viendra qu’avec le morceau suivant et sa rythmique hachée.
Après une petite pause country (County Cage) qu’Ennio Morricone n’aurait pas renié, on termine le trip pied au plancher avec Connely 7 et Teen Baby.

Si vous espérez trouver un quelconque lien avec Kyuss, passez votre chemin. Si par contre vous aimez le rock un peu gras et que vous voulez soutenir Duna, achetez cet album !

Grifter – High Unholy Mighty Rollin’

Grifter - High Unholy Mighty Rollin

En direct de la Perfide Albion, Grifter rassemble les meilleures influences 60’s et 70’s dans un beau mix matérialisé par cette nouvelle plaque. On est en plein dans ce qui se fait de plus graisseux, graveleux et rondouillard: des riffs bluesy, du gros son et des changements de rythmique dans les refrains pour asséner les vocalises avec assurance.

De bons gros envois façon southern rock et des vocaux soignés font directement référence aux héroïques musiciens de Clutch. D’ailleurs, on soulignera l’agréable utilisation des blancs (entendez par là des passages non remplis par les instruments) dans certains couplets et refrains où seule la voix donne le ton et la mélodie. Un petit régal pour les oreilles, soit dit en passant.

Aucune faute de goût et une maîtrise de l’instrument irréprochable me font penser que j’ai une plaque de bonne facture qui tourne dans mon lecteur.

En plus, le mix est tout à fait bon. J’ajouterai même que la bonne nouvelle, c’est que l’on ne s’ennuie pas tout au long de l’album même si toutes les chansons appartiennent à la même veine et obéissent aux mêmes schémas généralement.

Ce power trio dégage une énergie et une sincérité que l’on retrouve dans des groupes de référence comme Year Long Disaster ou encore Atomic Bitchwax, dont les lignes musicales sont d’ailleurs assez proches. Grifter, 3 musicos complets qui savent écrire des morceaux, des vrais.

Lo-Pan – Sasquanaut

Lo-Pan - Sasquanaut

Sorti de nulle part (ou plutôt sorti de Columbus, Ohio, soit juste à côté), Lo-Pan a roulé sa bosse sur les routes pendant une demi-décennie avant de poser ses amplis dans un studio et d’y enregistrer son premier disque auto-produit. Après avoir partagé la scène de la moitié des groupes qui comptent dans le milieu du gros rock underground ricain (option stoner), ils se disent qu’il serait temps de passer un coup d’accélérateur : ils soumettent leur galette à Small Stone qui, bluffé par la qualité du disque, lui fait subir une cure de jouvence (nouveau mix par Benny Grotto, et nouveau mastering), dont le résultat est en train de tourner sur ma platine.

Musicalement, Lo-Pan ne ressemble à rien de clairement identifié : c’est un gros rock bien heavy, superbement charpenté, une montagne sonique, clairement (sans connaître la qualité des bandes initiales, ce travail de re-mixage est énorme). La production est superbe, du travail d’orfèvre : les sons de guitare sont subtils, cinglants, heavy, la basse est ronde et suave, le chant et les chœurs se dégagent impeccablement du mix, tout est bien en place. Le chant de Jeff Martin, d’ailleurs, est l’un des éléments marquants du groupe, tant il apporte relief et émotions. La variété des titres permet de passer de morceaux lents, lourds et bien heavy (le presque doom « Kramer ») à des titres toujours lents mais presque aériens, dotés de soli bien sentis (« Savage Henry »), ou encore à des mid-tempo bien heavy (« Kurtz ») ou évidemment des chansons plus enlevées et péchues (« Vega », « Wade Garrett »). A l’évidence, on n’est pas en plein territoire stoner, mais la musique de Lo-Pan plaira vraisemblablement aux amateurs de gros riffs, de grosses guitares et de compos en béton armé. C’est ce dernier point qui marque d’ailleurs l’auditeur, assez rapidement : les chansons du groupe sont audacieuses, accrocheuses, les arrangements sont bien travaillés, les structures des morceaux sont rarement linéaires (voir la succession de séquences et de riffs de « Kurtz », ou le refrain de « Vega » et son break), rien ne semble trop évident, et pourtant tout s’agence parfaitement. En ce sens, le groupe se rapproche de feu-Disengage, par exemple (gros compliment, de ma part).

Au final, ce disque atypique s’avère particulièrement « attachant » (un qualificatif que l’on retrouve rarement dans une chronique de disque) : la qualité intrinsèque des chansons, l’efficacité du travail de composition (que l’on rencontre rarement à ce niveau) le font sortir du lot des productions habituelles, plus traditionnelles. Un très bon album, original (dans le sens où il se distingue de toute influence trop marquante), rafraîchissant. une très bonne surprise !

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