Khanate – Things Viral

Khanate - Things Viral

Quatre titres. Ou plutôt quatre imprécations. Quatre saillies réflexes. Réactions épidermiques aux blessures infligées par le quotidien dans ce qu’il a de plus abject. Orchestration idiosyncrasique d’une hypersensibilité au monde. Khanate vient une nouvelle fois de repousser les limites de l’extrême. Et de quelle manière ! Le rythme est plus lent que jamais. Les guitares assènent d’imperturbables drone riffs. Libèrent des harmoniques grinçants. Egrènent des larsens menaçants. Les fûts, imprévisibles, sont martelés avec force et retenue. Les cymbales, choquées, résonnent, puis s’arrêtent. Net ! Avec une économie de moyens, Khanate ne décrit pas la tragédie contemporaine, Khanate EST la tragédie. Telle une éponge, le groupe absorbe les chocs, les drames, la folie, la barbarie, les lacérations mentales et les meurtrissures physiques. Puis les retraduit. Que les amateurs de musiques festives passent leur chemin. Nous avons affaire ici à un disque rude et âpre. Sombre et cérébral. N’allez pas croire que Khanate se retranche derrière un autisme protecteur. Loin de là. Sans complaisance ni sentimentalisme, il est un canal de transmission de l’expérience humaine. « Is there hope ? » s’interroge Alan Dubin de sa voix habitée par le désespoir le plus noir, mais aussi le plus sublime. Il dit les mots comme personne avant lui. Dans une tonalité tragique absolument unique. D’une intensité sans équivalent. « Est-ce ainsi que vivent les hommes ? » nous demande-t-il. « Things viral » est le documentaire impitoyable de l’insondable. La justesse de son témoignage est d’une effroyable beauté. Ses rythmes possédés renferment les ultimes parcelles d’humanité non encore corrompue. Préfiguration de leur chute. Khanate réinvente le blues moderne. Un blues extrême. Celui des dominés et des écorchés auquel il ne reste plus que l’art pour éviter de sombrer, et dans un dernier sursaut, dénoncer. Parce que l’Histoire enseigne bien peu. On peut néanmoins douter que la contribution de Khanate recueille grand écho en ce début de siècle. Parce qu’il représente typiquement le groupe que l’humanité aura à cœur de haïr, ou pire, d’ignorer. Et pourtant, « Things viral » est tout simplement LE disque le plus marquant de l’année 2003. Alan Dubin, Stephen O’Malley, James Plotkin et Tim Wyskida ne sont rien moins que des Génies.

Acid King – Zoroaster

Acid King - Zoroaster

Le vrai nom d’Acid King fut honteusement piqué par le père O’Malley et sa bande de dégénérés. Il s’agissait de ‘Burning Witch’ et à l’écoute ce premier méfait (longtemps introuvable, mais qui vient d’être réédité pour ceux qui n’ont pas eu la chance de le trouver par pur bonheur comme moi), on comprend aisément pourquoi ce choix de patronyme. Lori hurle comme une sorcière prête à aller sur le bûcher, bien loin de ses vocalises envoûtantes de sirène présentes sur les productions suivantes. Chose particulière, le bassiste de l’époque se permet de chanter sur quelques titres de sa voix atypique mais pas franchement appréciable. Lori sonne plus heavy que lui !

Le son est tout aussi abrasif et c’est à un vrai sabbat que l’on nous permet d’assister. Une chape de plomb grésillante s’abat sur nous et les rythmiques empâtés commencent à faire leur boulot, tournoyant au ralenti en une farandole continue, la batterie, bien lointaine, peinant à se faire entendre et quelques solis venant accompagner Lori dans ses complaintes venimeuses.
Malgré une production devenue un peu faiblarde, on a bel et bien en face de nous un efficace album de stoner doom, rapeux, léthargique, dopé aux substances illicites et à la graisse de moto.

Pas forcément un must have, Zoroaster illustre déjà le style bien défini d’Acid King et renferme quelques perles. Comme quoi, il ne faut pas nécessairement être un mec pour oser jouer une musique aussi lourde et psychotique.

Sheavy – Disfigurine

Sheavy - Disfigurine

Les années passant, sHEAVY s’impose de manière insidieuse comme une sorte de méta-groupe de stoner, un groupe (paradoxalement) si « premier degré » qu’il en devient conceptuellement presque elliptique. Une musique hors mode, qui, il y a une poignée d’années, ressemblait juste à un ersatz décomplexé et naïf de Sabbath (satanée tessiture vocale de Hennessey, évidemment, mais aussi un sens du riff qui ne trompera personne, voir l’intro de « Waking the Bloodbeast » et aussi son chant harmonisé aux grattes sur le couplet), et qui s’est cristallisée sur un genre musical bien identifié bon an mal an, un stoner fluide et velu à la fois, un truc patibulaire et aérien, chargé de groove.

On pourrait presque s’en tenir à ce constat pour vendre la galette : si vous avez aimé les albums précédents des canadiens, vous aimerez celui-là. Ca pourrait marcher. Le problème est que dans un monde où la remise en question prime, l’on ne cite plus que des dinosaures (AC/DC, Motörhead) pour porter aux nues les groupes qui préfèrent approfondir et peaufiner un genre plutôt que partir à la découverte de nouveaux territoires incertains. Or sHEAVY est au moins aussi méritant. A fond dans leur trip, et bien décidés à rester fidèles à leur public, sHEAVY débite donc dans « Disfigurine » 10 nouveaux titres superbement troussés, mais qui ne surprendront personne. Et bon dieu, ça fait chaud au cœur. Un nouveau disque de sHEAVY (et c’est en cela que le groupe repose sur une sorte de paradoxe perpétuel) est vivifiant, une sorte d’îlot rafraîchissant dans un océan de musique compliquée, contextualisée.

Ces propos pourraient laisser croire que le groupe est en roue libre, alors qu’au contraire, le père Hennessey s’est défoncé cette fois encore pour chiader des morceaux superbement acérés. Alors qu’une première écoute distraite peut laisser circonspect, très vite les compos viscérales du chanteur forcent le respect par leur efficacité sournoise : portées par un son très 80’s (comprendre une prod’ basique : on s’assure que chaque piste est clairement audible, on monte le volume des grattes, et basta !), les titres recèlent en réalité de mille ingénieux passages, breaks, soli, riffs. Et quitte à rabacher, le groove commun à l’ensemble de cette galette assure un fil rouge impeccable. Difficile de mentionner des titres qui se distinguent. Jetez une oreille attentive à des titres comme le titre éponyme, ou mieux encore « Echo in the skull », qui a tout : basse super-heavy et groovy (encore !), tempi saccadés et lourds, emballées rythmiques échevelées, soli, et une avalanche de riffs qui n’en finit jamais de nous marteler les neurones (et y laissent des traces). Voir aussi le bluffant « The book of lost time », qui allie une intro presque punk à un riff nerveux, le tout amenant à une succession de soli basse (wah-wah) / guitare jouissifs.

A titre personnel, et tandis que 2011 présente ses premières rondelles vinyles, je pense qu’il n’y avait pas de plus belle manière de clôturer avec panache 2010 qu’avec cet album : au-delà de l’intérêt primal (qui a dit « reptilien » ?) que représente le bonheur musical procuré par ce disque, sHEAVY nous rassure, encore (et comme si c’était nécessaire), sur la pérennité et la pertinence d’un genre musical qui nous donne encore des frissons. Merci à eux.

Ridge – A countrydelic and fuzzed experience in a colombian supremo

Ridge - A countrydelic and fuzzed experience in a colombian supremo

Affubler son album d’un nom pareil n’est pas sans présenter quelques risques. L’auditeur moyen, intrigué, se dit qu’il va y trouver matière originale susceptible d’alimenter son intellect en même temps que ses sens. Or concernant l’originalité, elle ne s’applique ici qu’à ce fameux titre. On est ici dans l’espace exigu, voire inexistant, séparant Fu Manchu de Demon Cleaner. Vendu comme un disque influencé entre autre par Johnny Cash, on se demande bien si ces mecs ont jamais écouté un disque du country king. Et c’est bien dommage. Le projet aurait pu être innovant. Il est juste un disque de plus à verser au dossier Fu Manchu.

Mondo Generator (Nick Oliveri And The) – Dead Planet Sonic Slow Motion Trails

Mondo Generator (Nick Oliveri And The) - Dead Planet Sonic Slow Motion Trails

Raconter la genèse de cet album nécessiterait quelques milliers de pages tant il y a de choses à raconter. Sans entrer dans les détails, disons simplement que ce troisième album de Mondo Generator aurait du sortir plus tôt, aurait du être enregistré pas un autre line up et aurait du sortir via un autre label (Exit Tornado Records, le label de Nick Oliveri qui aura duré un temps trop court, c’est sur un label anglais, Mother Tongue, que sera disponible « Dead Planet Sonic Slow Motion Trails »).
Mais, plutôt que de se lamenter sur le passé et tout ce temps perdu, profitons de l’instant présent et croisons les doigts pour que ces quatorze titres nous permettent d’oublier toutes les péripéties qu’aura été contraint de traverser le leader charismatique de ce groupe qui, mine de rien, fêtera bientôt ces dix ans.Il serait difficile de parler de chaque titre indépendamment tellement ça tape dans tout les sens et là n’est pas mon but. A l’image de ce qu’il a pu produire sur les deux premiers efforts du groupe, Nick a une fois de plus balancé toute sa rage et son énergie dans la conception et la réalisation de cet album, quitte à ce que l’ensemble soit un peu brouillon par moment. De toute façon, étant donné les influences multiples et variées, il était impossible de se retrouver avec un enchaînement linéaire de titres formatés et ceux qui connaissent le loustic en auront ici pour leur argent. Des cris, de la sueur et des larmes, c’est certes cliché à dire mais ça résume bien l’impression d’ensemble. Non, cet album n’est pas un chef d’œuvre mais ce n’est pas ce que j’en attendais. Ce que je voulais, c’est du Nick Oliveri braillard comme jamais, s’égosillant sur des chansons qui, mine de rien, prouve une fois de plus le réel talent de compositeur d’un homme que beaucoup considèrent, à juste titre, comme un dingue mais que d’autres considèrent, à juste titre là aussi, comme un génie.

Moho – Chotacabra

Moho - Chotacabra

Alone Records nous avait habitué ces derniers temps à des combos un peu plus “subtils” : les vociférations borborygmiques du bassiste Iñaki nous prennent donc un peu par surprise dans les premiers accords de “Chotacabra”, 1er titre de l’album du même nom. Les titres suivants sont à l’avenant : Moho navigue entre sludge bien gras (pour la plupart du temps) et doom pachydermique (l’intro de “San Mamès”, “Demacronch”), le tout baigné de gros metal. Les zicos tiennent la route et s’y entendent dès qu’il faut jouer avec un gros riff bien glaireux. Alors certes, l’ensemble manque un peu de finesse pour nos chastes oreilles de stoner-addicts un peu puristes, mais au final, les compos séduisent l’auditeur initialement réluctant. Si l’on fait abstraction des beuglements du chanteur, la partie instru est impeccable et accrocheuse. Les fans de Bongzilla (pour le sludge grassouillet) et de High On Fire (pour les riffs metal incisifs) y trouveront leur came.

Revolver – The Unholy Mother Of Fuck

Revolver - The Unholy Mother Of Fuck

Ah, nos amis allemands, toujours à évoluer dans la finesse et la subtilité. Déjà il y a ce titre d’album, empreint de poésie, puis ce son de guitare énorme, froid, rêche et agressif (le premier morceau ‘Broken glass’, en est le meilleur exemple). On évolue en terrain connu ici, et on reconnaîtra bien vite le son de Tomas Skogsberg (LE chantre des productions metal scandinaves et des fameux Sunlignt studios : Entombed, Therion, Hellacopters et des centaines d’autres), surtout en ce qui concerne son travail sur le son de Entombed : on reconnaîtra l’influence Entombed dans tous les recoins de ce CD, avec ce son distant et froid propre au groupe scandinave, mélangé à une technique et une précision d’exécution proches d’un Meshuggah. On a d’ailleurs du mal à croire que Revolver est formé à partir de membres des précurseurs fusionneurs allemands Such A Surge, tant ce son thrash synthétique ne se rapproche pas vraiment de leur genre de prédilection. Bref, c’est pas révolutionnaire dans le genre, mais c’est très bien fait. Un CD qu’il est bon de se mettre dans les esgourdes tout en cueillant des pâquerettes pour mère-grand.

Bukowski – The Midnight Sons

Bukowski - The Midnight Sons

Il y a moins de deux ans Bukowski déboulait sur la scène française, venu de (presque) nulle part, et recevait un consensus critique et public remarquable. Son esprit frondeur, ses emballées rythmiques et ses furieux riffs, le tout enrobé de passages de pur stoner, lui donnaient une aura de groupe phare potentiel de la scène stoner française. Encore un prétendant, se disait-on, avec le sourire. Le second album n’aura pas tardé, et les premières écoutes se sont enchaînées, la bave aux lèvres.

Ca commence sur un rythme un peu perturbant avec un « The Grand Opening » acoustique finalement assez modeste, associé à « The Midnight Son », gros mid-tempo « à la ricaine » quelque peu déstabilisant. Gros son, grosse prod, gros arrangements ; on a clairement monté le niveau, l’ambition est là. On retrouve un peu plus le Bukowski que l’on connaissait sur les titres suivants : riffs rageurs, chant impeccable (et pas d’accent ingliche à deux balles, ouf !), le gros hard rock des parisiens fonctionne. Les compos sont variées et bien accrocheuses, mais jamais le groupe ne se perd en route : l’ensemble est mastoc, un mur d’amplis inébranlable. Ca joue fort, vite et bien ; on n’en attendait pas moins.

Passées les premières écoutes, un constat s’impose toutefois : le genre musical du trio a évolué, et l’on se retrouve finalement avec un album de metal plutôt moderne, superbement exécuté, doté d’une prod superbe. Un très bel album de hard rock, vraiment. Malheureusement, le stoner-addict restera cette fois sur sa faim. Paradoxal de tomber sur un disque d’une si bonne facture et de se retrouver presque déçu ! C’est en tout cas le sentiment éprouvé concernant l’évolution musicale du groupe. Sans pour autant verser vers le mainstream (il n’y a pas de démarche commerciale, aucune ambiguïté là-dessus) le combo se détache toutefois des discrètes influences stoner que l’on retrouvait au détour de l’ensemble des titres de son premier album. Certes, des titres comme « Slugs and bats » ou « The Desert » sonnent plutôt bien à nos oreilles de desert-rockers, mais la plupart des autres titres s’en éloignent, au même titre que nos espoirs.

Ce disque reste néanmoins hautement recommandable en tant que superbe exemple de la qualité des groupes français : non seulement ça reste une galette qui déboîte bien, mais au-delà de la grosse machine qui dévaste tout sur son passage, la qualité des compos ne laissera personne de marbre. Ceux qui avaient (comme moi) beaucoup apprécié leur premier effort regretteront néanmoins qu’ils aient pris un virage un peu forcé pour s’éloigner du stoner qui transpirait de leurs amplis jusqu’ici. A mon avis, le ton doit être tout autre en live, où le groupe gagne probablement à être vu.

Mudweiser – Holy Shit

Mudweiser - Holy Shit

Les premières écoutes de Mudweiser collent le sourire aux lèvres. Difficile de penser que la “scène” française aurait pu un jour accoucher d’un tel rejeton, une sorte d’enfant bâtard dégénéré, fruit de la copulation coupable de ce qui se fait de mieux en terme de southern-stoner-sludge. En soi, cela pourrait s’avérer vain ou risible, sauf que Mudweiser assure sévère.

Evidemment, pour beaucoup, Mudweiser (quel nom !) est surtout “l’autre” groupe de Reuno, chanteur de Lofofora. Est-ce une mauvaise chose ? Difficile à croire. Quand on est à la tête d’un groupe de cette trempe, on n’a pas besoin de monter un projet dans un genre aussi anti-commercial si on n’en a pas la farouche volonté. Le fruit d’une passion quoi ! Même si le chanteur s’est raccroché au groupe sur le tard, on sent que tout ça, c’est pas pour la déconne (même si l’humour est l’une des composantes tenaces du groupe…).

Le deal est clair dès que retentit “My world” dans les enceintes, un brulot poisseux, au rythme lent, qui s’emporte un peu en mid tempo pour le refrain. Les beuglements de Reuno fonctionnent impeccablement : on ne présumait pas, connaissant un peu ses prouesses vocales dans Lofo, que le bonhomme tenait une voix aussi éraillée et puissante, le tout avec un chant en anglais qui ne détonne pas. Avec une homogénéité tout simplement bluffante, le quatuor montpelliérain enchaîne les titres avec une efficacité presque déstabilisante. Ultra lent, super rapide, ça part dans tous les sens.Prod aux petits oignons, guitares rèches mais pas trop grasses, soli et breaks superbement emmenés (“Dirty angel”), et surtout compos bien construites, autour de riffs dont on se souvient dès la première écoute (“Bumper hunter”, “My world”). Forcément, l’ombre des meilleurs (tant qu’à faire !) plane sur ce disque, ici ou là : tout ce que le southern rock a fait de mieux est probablement passé par les esgourdes de nos rednecks frenchies. Il y a du Down, beaucoup, mais aussi du Clutch (“Hoodoo Man”, mon Dieu !), un peu de Eyehategod pour la partie instru, et autres références pas piquées des vers, notamment dans le stoner plus “traditionnel” (y’a un peu de Kyuss dans la conclusion de “My world”…). Qui dit mieux ?

Beaucoup de superlatifs, mais rien d’exagéré au regard de l’excellente surprise de retrouver un groupe de cette trempe et dans ce genre dans le paysage rock français : ça manquait, et ce vide est comblé de fort belle manière. A voir en concert, d’urgence !

Valis – Dark Matter

Valis - Dark Matter

Qu’il est bon de tomber sur un disque de cette qualité de temps en temps. Dès les premières écoutes l’oreille est séduite par les sonorités oldies / stoner “canal historique” qui émanent de cette rondelle : une prod aux petits oignons, suave et puissante à la fois, un délice un peu “surrané”… Le deuxième effet Kiss Cool pointe le bout du nez alors que, sans hésitation, on presse la touche “repeat” après la 1ère, puis la 2ème écoute… à partir de ce moment, la puissance des compos nous capte pour ne plus nous lâcher : le songwriting sur ce disque est juste impeccable. Dans des tonalités et tempi très variés, les 9 chansons proposées par le quatuor touchent toutes dans le mille : de l’hymne “Blood on blood” au très metal et super catchy “under Satan’s will”, en passant par le heavy “Grapevine earthquake”, il n’y a rien à jeter ! Même le légèrement mollasson “Hands of grace” ou l’acoustique “Everyone sun” font mouche… Le chant peut parfois rappeler le “vieux” Ozzy (R.I.P.), mais ce charme supplémentaire n’est pas pour nous déplaire.

Après quelques sorties de qualité mais quelque peu “disséminées” en terme de formats, Valis nous revient avec une somptueuse nouvelle galette, un vrai grand album, qui ravira tout fan de space-rock/stoner qui se respecte. A ne pas manquer.

Hypnos 69 – The Eclectic Measure

Hypnos 69 - The Eclectic Measure

La nouvelle tombait au moment où cet album atterrissait dans les bacs: Hypnos 69 a jetté l’éponge suite à des dissencions internes relatives à la volonté de certains membres de limiter leur investissement dans le groupe. Voir un bon groupe disparaître n’est jamais agréable, d’autant plus que les Belges commençaient à récolter les fruits d’une dizaine d’années passées à se remettre continuellement en question pour évoluer, empruntant des voies que peu de groupes stoner auraient osés explorer, quitte à délaisser les recettes faciles à base de riffs recyclés. The Intrigue of Perception, l’album précédent, en avait déconcerté plus d’un par ses aspects jazzy un peu mou du genou qui occultaient les talents de guitariste sulfureux de Steve Houtmeyers. Nous n’étions pas encore prêt à un changement de cap aussi brutal mais après coup, on comprend que cet album était une étape obligatoire avant la réalisation de ce qui se révèle comme le véritable chef-d’œuvre d’Hypnos 69.

The Eclectic Measure est un album ambitieux en bien des aspects. Sur le fond d’abord, les textes traitant de l’éternel combat entre le bien et le mal sur fond de mythes en se basant sur « The Seven Sermons to the Dead », un ouvrage de Carl Jung (père de la psychanalyse moderne aux côtés de Freud) qui traite de la quête de la connaissance de soi-même à travers l’analyse de son subconscient. La première règle de cette démarche consiste à tous détruire dans le but de recréer, ce qu’Hypnos 69 applique à son écriture pour nous livrer un album d’une richesse incroyable qui n’a plus grand chose à faire avec le stoner et qu’on pourrait qualifier de rock progressif même si le terme reste vague. La liste impressionnante des instruments utilisés (outre les instruments classiques, on retrouve évidemment le saxo mais également de la clarinette, du hammond, du moog, du fender rhoads, du mellotron …) offre des arrangements inédits qui, et c’est leur plus belle réussite, ne viennent jamais encombrer des morceaux facilement assimilables. L’album se répartit entre titres alambiqués et longs intermèdes plutôt acoustiques qui lui confèrent une beauté sombre et envoûtante, ce qui n’empêche pas l’électricité de reprendre ses droits à maintes reprises. La construction de pièces comme I and You and Me pt.2 ou Ominous force le respect en faisant s’imbriquer des éléments à priori inconciliables pour un résultat tout en fluidité, une caractéristique de l’album qui fait qu’il ne peut s’écouter que dans son ensemble, même si chaque titre prit indépendamment relève du tour de force. En dehors du soin particulier apporté à l’écriture de titres qui méritent une écoute attentive pour dévoiler tous leurs secrets, on assiste à un véritable florilège de la part de Steve Houtmeyers. Que ce soit dans les riffs immédiats, les notes pures ou les solos magnifiques, la palette de textures et d’émotions délivrées est immense et tout frôle ici la perfection sans jamais verser dans la démonstration technique. Les autres ne sont bien sur pas en reste, la rythmique imaginative débordant largement de son rôle de simple faire-valoir pour un guitariste inspiré tandis que le saxo, très judicieusement utilisé, soutient les parties de guitare qu’il vient doubler lorsqu’il ne dialogue pas avec celle-ci comme sur The Antagonist, un des titres les plus directs de l’album.

Ceux qui ne jurent que par les brûlots de trois minutes expédiés avec rage resteront évidemment sur leur faim, The Eclectic Measure étant le genre d’album qui demande un minimum d’effort et d’ouverture d’esprit même s’il comporte son lot de passages imparables. Par contre, il fait partie de ceux dont on ne se lasse pas après quelques écoutes et qu’on se plait chaque fois à redécouvrir. Reste à espérer qu’il ne constitue pas le testament définitif d’un groupe qui a encore beaucoup de choses à dire.

Hulk – Cowboy Coffee & Burned Knives

Hulk - Cowboy Coffee and Burned Knives

Sympa le plan rock’n roll! Ca booste bien sans avoir à déclencher des torrents de disto et d’overdubs. Comme quoi on peut trouver du dynamisme et de la patate dans cette ville de La Louvière (Belgique) où un appareil industriel vétuste périclite quand ce n’est pas le club de foot local qui se prend une tôle… Impressionnant aussi le lieu d’enregistrement: Rancho de La Luna dont le proprio est un certain Josh Homme… On ajoute les apparitions fantomatiques de Dave Catching et autres Brant Bjork & Co, une quantité de substances illicites et moultes binouzes… ça donne Hulk!

Ca démarre fort, très fort! Comme une envie de mettre le pied au plancher. Une voix rageuse et nasillarde se fraie un chemin à travers tout cet émoi musical. Essayons de mettre un peu d’ordre dans tout cela…

My Nation en guise de warm-up…. et vas-y que je te chauffe la gomme… comme une envie contenue et jamais assouvie de faire le tour du compteur… pourtant plein de tact et de finesse sans tomber dans les plans intellos chiantissimes… une pulsion primaire, voire animale… on enchaîne sur Bad Girl… Bad Boy et son rythme de batterie country rock dans le couplet… guitare et basse saccadées à l’appui… suite des notes pleines de couleurs… et on envoie le bois dans le refrain avec une série de contre-temps au milieu pour mieux trancher dans le vif à la conclusion…

Plan rock’n roll? On continue… et ça roule… c’est d’ailleurs le titre de la 3e plage: It’s allright!… pas besoin de maintes couches de gratte… un petit sifflement… solo bien 70’s: quelques notes au départ et crampes aux doigts à l’arrivée! …

Mais relâchons la pression… Magic… balade cool arrosée de reverb sur la 6 cordes dans le refrain… un mot à titre de ritournelle… magic… magic… magic… arrosage de cymbales… simple mais insolent… que de nonchalance dans la voix!… fin du 1er acte avec un goût de sucré dans la bouche…

Et ça continue dans une avalanche de plans rock’n rolleux plus efficaces et justes les uns que les autres. Si les mecs viennent d’une ancienne cité charbonnière, ils doivent plutôt se chauffer avec un carburant amélioré à la nitro et prêt à nourrir un V8 survitaminé. Vous avez une caisse de beauf? Qu’importe… Mettez cette album de Hulk et vous vous croirez au volant d’une AC Cobra. La musique de Hulk et bien à l’image de cette caisse: un énorme moteur V8 américain dans un bon vieux châssis anglais.

The Swamp – Back To The Swamp !

The Swamp – Back To The Swamp !

Après leur première plaque sobrement intitulée ‘The Swamp’, les Strasbourgeois sont de retour avec une nouvelle production moins DIY que la précédente et quelques changements au niveau de la répartition des tâches. Le groupe évolue désormais sous forme de quatuor et c’est au Ny Hed Studio de New York (forcément c’est dans le nom) qu’a été masterisée cette galette enregistrée par Matt Verta-Ray. Ce dernier fait d’ailleurs un featuring sur ‘Death Letter Blues’ de Son House qui prend des allures bien punk’n’roll dans cette version électrisée.
Les influences du QOTSA des débuts se sont évaporées avec le temps et ces mecs ont trouvé un son qui est quelque part à mi-chemin entre le psychobilly et le hard rock daté (tout un programme!). Pas étonnant qu’ils se forgent un son un peu en dehors des grands courants traditionnels vu qu’ils ont fréquenté la scène israélienne durant leur tournée là-bas ; ce pays propose une flopée de formations novatrices dans leurs approches musicales (un peu comme la Pologne et la Tchécoslovaquie dont les formation se foutaient pas mal des codes avant l’effondrement du mur). On n’est pas non plus dans le créneau de Carusella qui joue nettement plus rapidement avec un rendu dissonant.
Le style pratiqué est propre avec des lignes de basse qui rythme les titres en profitant d’un mix bien en avant. Les percus se calent derrière avec une guitare rythmique légèrement saturée qui accouplée aux reverbs sur le chant donnent un bon vieux rendu rock’n’roll. Rendu qui est à mettre sur le compte des influences citées par un groupe qui revendique sur la pochette qu’Elvis n’est toujours pas mort. On nous aurait menti ? Où est le côté stoner ou désertique de la chose me direz vous. Et bien il réside dans la composition des titres et il est soutenu par la seconde guitare qui elle joue la carte de l’overdrive. Car si on oublie l’ouverture ’21st Century Blues’ à la Dick Dale, la reprise de la légende noire et le magnifique ‘A Ghost Tale’ qui oscille entre heavy blues et ballade désertique on est dans pure rock furibard qui dépote !
Le côté débridé qui m’avait tant plus est présent sur les brûlots imparables que sont ‘Save My Soul’, ‘The Ripper’ et ‘My Own Rock’N’Roll Band’ qui me font penser tour à tour à Pawnshop, Bloodlights, The Flaming Sideburns, The Eagles Of Death Metal ou Truckfighters. Mais mon coup de cœur est assurément ‘Vampire Blues’ qui a une grosse pêche bien heavy à la Dozer voir Sunride et un groove digne des formations du désert californien. Du tout bon quoi.

Mammatus – The Coast Explodes

Mammatus - The Coast Explodes

Croyez-moi, à coté de ‘The Coast Explodes’, Space Mountain, c’est du petit lait. Effet montagnes russes garanti. Entre ses longues plages planantes qui soudainement descendent à la verticale avant de remonter emportées par leur propre élan, ses cavalcades sauvages et embrumées, ces sauts(los) dans le vide acides et crâneurs, l’auditeur est malmené, se cramponne à son siège, se maudissant absurdement de n’avoir jamais installé de ceinture de sécurité à celui-ci. Et lorsqu’il croit le tour terminé, il se rend compte qu’il ne s’agit que d’une accalmie avant le morceau final, la descente la plus éprouvante du manège, judicieusement nommé. A son écoute, tous vos sens explosent, emporté par la fougue de ces 4 jeunes hallucinés.

Rendant hommage à l’Océan, déjà évoqué lors du premier album, ces petits malins se sont amusés à inverser le schéma de son prédécesseur. On débute par la troisième partie de Dragon of the deep où l’on est secoué dans un vortex sonique impressionnant de créativité et d’assurance, ces gars savent ce qu’ils font et où ils vont, contrairement à nous. On plane durant ‘Pierce of Darkness’ avant son explosion finale qui n’a rien à envier aux coups de sang de Neurosis et en gentils stewards, Mammatus nous propose de reprendre nos esprits avec ‘The Changing Wind’, morceau psych-folk comme on ne sait en faire qu’en Californie. Attention, pas la Californie boursouflée de vanité du sud, non, il s’agit de celle plus au nord, la sauvage, balayée au rythme du vent, qui inspire Mammatus et nous en dévoile une facette plus délicate et apaisante. Pourtant, le chemin est loin d’être fini et les cris d’otaries se jetant dans les embruns semblent être un cri d’avertissement avant le grand plongeon.
‘The Coast Explodes’ et il semble que c’en est vraiment le cas. La progression se fait par palier, la voix nasillarde qui en temps normal sait se faire discrète, faisant la part belle aux instrumentations débridées, nous accueille et nous prépare tandis que le rythme s’accélère imperceptiblement tel les battements de notre cœur lorsque le wagon finit enfin par arriver en haut de la pente. Et là, plus de sécurité, de filet, il suffit de fermer les yeux et sauter. Une chute libre où les courants ascendants des riffs vous entraînent en haut, en bas, vous ralentissent, vous font accélérer. Et lorsqu’une accalmie semble poindre, on sait très bien qu’elle cache simplement la suite.
Marche arrêt, on continue ce petit jeu avant l’explosion finale où finalement la voix prend le dessus et tout se retire simplement comme les vagues léchant la plage. Tout s’en va et revient, tout recommence.

Plus progressif que jamais, plus chaleureux, plus culotté, plus halluciné, la liste est longue en superlatifs comparatifs vis à vis de son album éponyme ou même de la scène. Le pont entre ses influences psychédéliques et le stoner actuel est désormais consolidé et Mammatus peut y parader en frondant, ce n’est pas exagéré.

Roadsaw – See You In Hell

Roadsaw - See You In Hell

Ca fait des années que j’avais perdu de vue les Roadsaw. Passé l’effet de surprise, j’enfourne la galette dans mon lecteur CD et redécouvre le plaisir que j’avais eu à l’époque de leur précédente offrande vinylique, il y a un paquet d’années de ça.

D’abord, c’est le genre musical des ricains qui séduit mon oreille : ce gros hard rock cradingue et glaireux, ces riffs saillaints, à la fois finement ciselés et gras. Le tout étant occasionnellement baigné de southern rock, de houblon, de stoner et d’huile de vidange, “See you in hell” est gravé pour me plaire.

Passées les premières écoutes de plaisir un peu “stérile” (“yeah, il déboîte bien cet album”), voilà que peu à peu je découvre que ces 5 saligots savent aussi écrire ! Je découvre petit à petit les aventureuses compos du groupe (attention : “aventureux” ne veut pas dire “progressif à la con / branleur de manche”) : tempi variés, son et prod impeccables… La finesse et la richesse apportées à certains titres ne trompe pas : cet album n’est pas une galette enregistrée dans l’urgence, mais bien le fruit d’un long travail de compo, d’enregistrement et de mix. On remarquera finalement quelques titres qui ressortent particulièrement du lot, à l’image de “Go it alone”, hymne live qui déja sur disque prend une dimension de classique, ou encore le pachydermique “It’s your move”. Mais au final, même si le disque, complet, propose une variété de compos remarquable, on ne lui trouve pas de point faible. Une bien belle galette, et un retour au top pour ce groupe que l’on aurait eu tort d’oublier sur le bord du chemin.

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