Craang – To the Estimated Size of the Universe

craang

  La Grèce, décidément, devient un sacré pourvoyeur de groupes « heavy as fuck ». L’ultime exemple en date est Craang qui vient de signer un deal avec Pink Tank Records afin de ré-éditer son premier album « To the Estimated Size of the Universe ». C’est une sacrée bonne surprise que voilà et autant vous dire que lorsque le vinyle va sortir, il va vite creuser ses sillons par chez moi.

 

  La musique du trio ressemble aux compositions de Roy Lichtenstein, un des artistes les plus important du Pop-Art. Craang/Whaam, c’est l’onomatopée qui frappe en premier. L’aspect direct et brutal du son que l’on se prend dans les oreilles avec « Slow Forward Jam », son flanger, sa fuzz dégueulasse, sa wha hurlante, font écho aux couleurs vives, aux sujets naïfs et à la violence publicitaire des œuvres du peintre. Mais cantonner le groupe a cet aspect serait une erreur. En quatre morceaux pour une quarantaine de minutes environ, les grecs ont le temps de nous faire visiter moults aspects de leur stoner psyché. Une fois passée la trame des œuvres de Lichtenstein, on peut se focaliser sur les aplats, la force structurelle des compositions, la puissance des détails. Avec Craang c’est pareil. Cette basse qui claque comme dans « Sober » de Tool, ces cymbales qui remplissent le ciel et ce son de gratte absolument gigantesque, ces voix aériennes et parcimonieuses, ces ajouts de clavier subtils (« Butterfly », magnifique) tout concourt à l’architecture complexe des longs morceaux du groupe.

  Au casque, l’impression est aérienne, spatiale. Il suffit de fermer les yeux pour partir loin, très loin. « Magnolia » et « The Meteorian » sont deux voyages aux confins de la galaxie Jam. Et le groupe de teinter de sons clairs et délayés son stoner. En accordant une touche un peu plus rock et majeure à sa musique, Craang la catapulte dans les hautes strates du psychédélisme mais toujours avec ce gros son de basse qui te rouste la rondelle. A tel point que la batterie sonne un peu légère tout de même. On pense Elder, on pense Ufommamut, et puis on ne pense plus. On écoute, on décolle puis on chavire sur les quinze minutes de « The Meteorian ». Parfait exemple de la patte Craang, de ses riffs rentre-dedans, puis de sa capacité à dresser de longues plages d’impro mentales et répétitives. J’ai à nouveau cette sensation d’être devant un tableau de Lichtenstein, non, en fait je suis dedans et mon monde entier est une composition psychée.

  J’attends avec impatience de les voir en live, de savoir s’ils arrivent à reproduire cette immensité en concert. Je suis curieux aussi de leur prochaine production car s’ils bossent un peu plus le son de batterie elle risque de faire très mal. Craang est une très belle découverte et je vous la conseille vivement.

Sheavy – Moons in Penumbra

SHEAVY-Moons-In-Penumbra-blue-LP

Quel plaisir, dans notre quotidien en ébullition constante, et en particulier dans un contexte de music business chancelant, de retrouver régulièrement une galette des toujours robustes sHEAVY. Une galette… sortie il y a plusieurs mois, dans le secret le plus absolu ! Quelle misère quand même que ce combo absolument distant de tout moyen de communication, aux moyens de promotion faméliques, dont les disques sont distribués par une poignée de corbeaux un peu fatigués (rendez vous compte : pour proposer ses disques à la vente, le groupe oriente ses fans vers… un petit magasin de disques du coin, perdu au fin fond du Canada !). Une chose est sûre, en gérant ses productions de cette manière, on n’est pas prêts de retrouver le groupe qui a engendré certains des disques les plus intéressants du stoner retrouver la place qu’il occupait voilà une quinzaine d’années…

Et pourtant, son (avant-) dernier disque (le dernier sera chroniqué sous peu, sorti quelques semaines après celui-ci) ne dépareille pas dans sa discographie, et ravira sans problème les amateurs du quartette (ou quintette selon les combinaisons) canadien. Autour de l’inamovible Steve Hennessey, le line-up propose toujours des changements, on est habitué. Nouvelle section rythmique cette fois. Mais comme à chaque fois, il ne s’agit pas d’une armée de mercenaires, mais comme toujours des musiciens proches du combo, tant et si bien qu’ils ont tous contribué à l’écriture du disque (sur le papier, en tout cas…). Pour être plus précis, une palanquée et demie de contributeurs divers ont apporté leur pierre à ce robuste édifice : engagé dans la démarche “RPM” (le groupe avait déjà enregistré “The Golden Age Of Daredevils” dans le contexte de cette initiative, qui propose aux groupes locaux de produire, sur le mois de février chaque année, un album de dix chansons et 35 minutes), le combo a finalement un peu dérivé mais a tenu la barque pour finir par proposer ce “Moons in Penumbra”, à l’artwork “fait maison” redoutablement kitsch, hors RPM.

Musicalement, on va avouer que les premières écoutes furent un peu déstabilisantes (le contexte, l’attente, les paramètres subjectifs, toussa toussa). Mais au bout d’une poignée de rotations, le disque a commencé à se révéler. Jamais réticent à injecter des influences progressives à sa musique, le groupe propose des titres un peu plus complexes peut-être, proposant en particulier une poignée de mid-tempo très bien ciselés, tortueux (à l’image de “Penumbra” qui ouvre le disque, accueillant des soli lancinants, des breaks lourds, le tout porté par un riff monolithique), avec parfois des passages presque doom saisissants (voir “Warning” ou “Visions”). Mais sHEAVY a toujours été généreux en titres propices au headbanging, et des titres comme “Shadows” ou “Totality” portés par des attaques de grattes bien charpentées sont là pour en attester. Pour le reste, on retrouvera dans ce disque tout ce que l’on aime chez le groupe : son chant toujours si particulier, ses duo de gratte en harmonie et ses soli, un travail mélodique efficace et ses quantités de riffs inspirés. Niveau son et production, on ne baigne pas dans l’austérité la plus totale, mais l’aspect rudimentaire du dispositif d’enregistrement (Hennessey lui-même derrière quasiment toutes les manettes, un studio d’enregistrement improvisé dans le salon d’un couple de potes…) ne donne évidemment pas la prod la plus tape à l’œil… Pour autant, aucune défaillance à noter, et ce son de guitare similaire que l’on retrouve de plage en plage permet de focaliser sur la vraie teneur des compos, sans artifice superflu.

Toujours (malheureusement ?) sans prétention, sHEAVY ajoute une nouvelle pierre à l’édifice solide qu’ils ont entamé il y a plus de vingt ans, un disque généreux, efficace, solide, pas prise de tête… Si vous arrivez à mettre la main dessus, vous ne devriez pas le regretter.

Black Willows – Haze

black-willows-haze

A moins d’avoir été une star sur Disney Channel avant d’être pré-pubère, les groupes passent par la case autoproduction. Une passion ça se partage, un talent ça se doit d’être révélé et si aucun label ne soutient un groupe, aux amoureux de musique de le faire.

Avec Haze, Black Willows balance une perle heavy-psych comme il nous en faudrait plus souvent. Paru  à l’origine en 2013 l’album est sorti en vinyle en juin. Couplé à un passage au Stoned Gatherings et au prochain Up In Smoke Indoor Festival, il n’est jamais trop tard pour se prendre une claque.

Derrière les manettes Erik Wofford des studios Cacophony Recorders, à qui l’on doit notamment les productions des excellents Black Angels. Vous pouvez alors d’hors et déjà pousser le son dans ses retranchements, finesse et précision sont de mises. L’album s’ouvre avec « Haze », intro bruitiste qui hypnotise avant le déferlement de « Doors of Perception ». L’approche Black Willows est ici résumée. Riff entêtant (c’est pas psyché pour rien), boosté à gros coups de fuzz régulièrement (c’est pas heavy pour rien), chant lointain comme incantatoire et surtout long passage instrumental pour faire parler le jam et les solos. Une fois ces « portes de la perception » passées, commence l’odyssée hallucinogène.  « Neptune » et « Haiku » emploient la même recette, le dosage de peyotl variant, le groove facilitant l’assimilation.

L’expérience extra-sensorielle s’accroit avec « Black Magic », 8 minutes d’envoutement avec sitar et mélodie en boucle. Les atmosphères varient pour maintenir l’emprise psychotropique. « Apache » vient remettre un coup de gros riff pour éviter de sortir de l’envoutement. Une osmose se dégage du son des Black Willows, chaque instrument a sa place pour nous faire voguer à travers les méandres de cet océan psychédélique. « Velvet Diamond » est plus direct avec une fin tout en douceur. L’esprit n’est pas encore prêt à se réveiller.  « Set us Free » prolonge le trip avant l’énorme final qu’est « Dead Mantra » et ses 14 minutes de psychédélisme fuzzé qui vous mettra en transe.

Quel voyage aux confins de ce labyrinthe enfumé que nous propose là les suisses. C’est fluide, les 70 minutes défilent tout en maintenant l’auditeur aux aguets. On pense Elder, Monster Magnet, Colour Haze, Black Angels et j’en passe et des meilleurs. J’espère pouvoir un jour les citer à leur tour en référence.

Dwellers – Pagan Fruit

dwellers

Devinette…Qui arrive à convoquer les fantômes de Led Zep, la classe vocale de Bowie et de toute une tripotée de chanteurs anglais, la crème de l’indie-rock des années 90s dans un seul et merveilleux album ? Dwellers bon sang de bois ! Small Stone, continue d’inonder la sphère stoner de petites pépites et cet album ne déroge pas à la règle. Mais ici point de stoner burné façon « corde de Mi mon amie », non, Dwellers fait dans la dentelle, le minutieux, dans l’art subtil de la compo délicate.

« Pagan Fruit » est un donc un album rock. Point. Pas un album pompeux au concept à tiroirs, non. Et de croquer avec délectation dans ce fruit païen. Dès le premier titre « Creature comfort », la production nous emmène loin, très loin. La réverb affiliée à la guitare dresse une immensité immédiate, un espace insolent pour l’imagination. Et l’on se régale d’avance de la précision chirurgicale troussée par la section rythmique. Le canevas est posé d’entrée et permet une expressivité du chant rarement atteinte dans un album cette année. Les titres « Return to the Sky », « Rare Eagle », « Waiting on winter» parlent d’espace, de poser le temps. C’est l’une des forces du trio. Cette capacité à faire jouer les silences, à maîtriser la place de chaque instrument, à pouvoir intégrer dans les largeurs de leurs compositions des notes additionnelles d’orgues, d’harmonica, de violon (n’ayez crainte, c’est parfait, écoutez donc « Spirit of the Staircase », vous comprendrez) qui repoussent un peu plus loin le contour des riffs.

Ces derniers ne shreddent point. On n’est pas dans l’étalage technique mais dans l’expression. Toujours. Tant mieux. C’est en ce sens que l’on retrouve le côté sombre du rock 90s. Dans l’attaque et la fougueuse incandescence d’un riff désabusé.

Mais attention, il ne faut pas cantonner Dwellers à la caste d’esthètes romantiques. Quand il s’agit d’exploser nos esgourdes d’amateurs exigeants, les américains le font à coup de pelvis. « Devoured by Lions » en est le parfait exemple. La charge d’harmonica, le riff missile et l’artillerie rythmique qu’ils déploient nous explosent les entrailles. Et histoire de nous achever façon puzzle, se fendent d’un solo foutraque et fuzzé contrepointé par une basse assourdissante. Il convient de noter, pour le coup, dans son petit agenda des mecs talentueux, la production aux petits oignons d’Andy Patterson.

Le trio finit son album sur « Call of the hollowed horn » qui n’est pas sans rappeler The Socks, autre signature de Small Stone. Un rock psyché, baigné d’Hammond, une ode 70s mid-tempo à la césure rythmique implacable. Un ptit cadeau de 8min se finissant sur des vocalises à la Robert Plant, histoire de nous brûler un peu plus les lèvres d’envie.

« Pagan Fruit » de Dwellers donc. Un album d’une richesse incroyable, qui à chaque écoute, dévoile un peu plus son écriture et le talent indéniable du trio de Salt Lake City. Encore un coup de maître de la part de Small Stone et l’une des plus belles sorties de 2014 pour ma part. Je vous laisse, je dois absolument ré-écouter cet album.

Spiral Shades – Hypnosis Sessions

Spiral Shades - Hypnosis Sessions (RidingEasy Records)

Des rencontres improbables sur le web ça c’est déjà vu. Mais ici le destin a fait se croiser dans les méandres de la toile, Filip norvégien de son état et Khushal fier représentant de l’Inde. De leurs échanges internautiques est née l’envie de créer en commun. Qu’importe les milliers de kilomètres les séparant, une telle entente musicale devait aboutir. Le fruit de cet amour partagé se nomme Spiral Shades et il est tout sauf défendu.

De quelle musique parle-t-on ? De la source, de l’origine même de notre passion commune, de celle qui prit forme avec un quatuor de Birmingham et autres guitaristes de légende : rock obscure, doom, proto-metal. Comment un style qui se veut l’archétype du groupe, qui joue pendant des heures durant ensemble peut trouver écho dans un duo norvégo-indien ? C’est toute la magie de Spiral Shades. La genèse du groupe aurait été tenue sous silence, on n’aurait eu aucune difficulté à les voir coincés dans un garage à faire tourner les riffs, peaufiner les arrangements, caller le chant. Choses qu’ils ont fait 1 an et demi durant, mais via les nouvelles technologies : bluffant.

Un album qui commence par un solo, ça claque d’entrée. Les bonhommes en ont et ils les posent direct sur la table. « Frustration » lance les hostilités et frappe très fort. Marty saute dans la DeLorean, retour vers les 70’s. Portée par une production cristalline, le groove vous fera succomber à une furieuse envie de hocher la tête, sourire aux lèvres, petit fil de bave à la commissure de ces dernières. Un final avec riffs à gogo pour jam entêtant, les préliminaires sont mis de côté, on est plongé dans le cœur de sujet. « Illuminati » prend le relai de son doom classique et classieux. Vient « Grim Ritual » orgie riffesque de 12 minutes. Ce disque est l’œuvre d’hommes qui ont enregistré le best-of de leurs idées accumulées depuis que leur sang un soir de Sabbat a viré au noir. « Fear » et« Wizardry » avec des formats plus courts démontrent toute l’efficacité dont sait faire preuve les intéressés. « The Slowing Deep » passe pour une reprise d’un tube de l’époque avec ce riff métal en outro qui fait s’envoler le doom de départ. Sachant allier lourdeur des riffs, exécutions précises, solos aériens et voix estampillée « by the appointment of Ozzy » (sans être une pale tentative d’imitation), Spiral Shades c’est la claque doom-rock surgit de nulle part. Une telle collection de bons plans, c’est indécent. Ils nous exhibent tout ça sans retenu, on ne peut que jubiler.

Filip de son joli sens du riff, reprit la majeure partie du temps par la basse, assure une belle assise à ses foisonnants soli bien sentis. Khushal au chant, nous transporte dans son univers de son envoutante voix clair. De ce fait quid de la batterie ? Seul ombre au tableau, c’est une batterie programmée qui tient la boutique. Attention, programmation de haut vol mais une oreille attentive se laissera à rêver d’un plan à trois où le batteur afficherait un insolent feeling comme au bon vieux temps. L’album s’achève avec « Fading Sunlight », petite compo acoustique qui nous sort de l’état d’hypnose dans lequel nous errions, subjugués par les huit précédents titres. Spiral Shades avec son Hypnosis Sessions vient de nous démontrer en 54 minutes que la musique, celle qui vient des tripes, est un langage universel.

Weedeater – And Justice For Y’All

SOM 321LP AtoZ.indd

Il y a des groupes que l’on ne connaît que « de nom », des références du genre cités au travers d’interviews, de chroniques, de discussions et plus si affinités. Une référence c’est inévitable et en même temps l’offre musicale est tellement dense de nos jours que ces groupes restent dans un petit coin de notre esprit et nous voilà bien incapable d’avoir une once d’idée de ce à quoi ça ressemble exactement. Heureusement pour nous (pour moi), Season of Mist a eu la bonne, que dis-je, l’excellente initiative de faire rentrer dans son giron Weedeater. Dans la maison française depuis 2013, le trio sudiste voit aujourd’hui ses albums ressortir remasterisés et pour la première fois en vinyle s’il vous plaît.

 14 ans après sa sortie originale, le premier album de Weedeater, intitulé …And Justice for Y’All, démarre avec  grâce et  fraicheur (comprendre graisse et lourdeur). On ne s’appelle pas Weedeater pour faire dans le point de croix et on n’appelle pas son album ainsi pour disserter sur le sens de la vie . Ecoutez Weedeater ce n’est pas pénétrer dans un joli trip acidulé, on ne va pas vous compter fleurette dans le creux de l’oreille. Non, on se fait un chemin à travers les marécages et l’herbe on la mange par les racines. Si le premier morceau « Tuesday Night » de son groove suintant se la joue instrumental, l’entrée du chant dans le blues crade de « Monkey Junction » vous cueille par surprise de son profond et vomitif éraillement. Si tu chantes de la même façon chez toi, fais-le face à tes toilettes ou un lendemain de consommation abusive de produits à hauts effets écorcheurs.

Avant d’être aspiré par ce sludge mouvant, le goupe nous assène un direct dans le bide sans transition avec « Free » aux relents hardcore. Premier effort de nos amis de Caroline du Nord avec pour seul ligne conductrice de partager un moment enfumé en bonne compagnie. Les effluves de rock sudiste teintés de blues, grillés au bourbon bon marché nous parviennent au milieu de la moiteur des riffs d’une flagrante efficacité. Sans règle, sans filtre, ça groove, ça swingue, ça rock, ça tabasse, bref en dix morceaux les gars se font plaisir sans prétention. Effectivement ce groupe est inévitable, ça s’enchaine sans faillir et ce trip boueux finira par bourdonner dans votre esprit. Production signée Billy Anderson, ça sonne comme ça devrait toujours sonner, le remastering ne dénature en rien l’œuvre d’origine mais au contraire la sublime, si l’on peut user de ce terme pour ce type de son. Que les mécontents aillent se faire enfumer, les bienheureux eux se délecteront de ces massives volutes. Dixie, Shep et Keith appellent ça weed metal… tout est dit, il n’y a plus qu’à se détendre et à se vriller les tympans.

Grifter – The Return Of The Bearded Brethren

12 Jacket (3mm Spine) [GDOB-30H3-007}

Mettons tout de suite les choses à plat : Grifter joue du Rock n’ roll .

Voila, je développe ou ça vous suffit ?

Je vais étoffer un peu quand même, sinon je vais passer pour un feignant…

Une fois le disque sur la platine on s’imagine sans mal au guidon d’une Triumph ou d’une Royal Enfield en train de bouffer des insectes sur les routes Anglaise d’il y a 40 ans. ça vous aiguille un peu plus ?

Il s’agit ici d’un bon gros rock sans complexe avec une voix bien claire et juste, étonnant pour un style où tout le monde essaye d’imiter Lemmy et se retrouve à aboyer.

Les gars nous offrent un disque plein de sincérité, vous savez le petit truc en plus qui fait qu’on accroche instinctivement à la musique qu’on entend. La personnalité est présente aussi, rien de notable ni de révolutionnaire mais ça prend, ça me suffit dans ce genre de cas.

Niveau production c’est un peu trop propre à mon goût, la batterie me semble trop compressé et gonflée et suivant l’endroit ou j’écoute ce disque la guitare est parfois un peu trop en retrait. Ca ne retire rien aux compos qui garde quand même leur efficacité et leur capacité à me donner envie de mettre un blouson en cuir.

Entre deux morceaux, on tombe sur une partie de slide bien sentie (“Paranoiac blues”) qui permet de varier les ambiances, la voix manque un peu de charisme sur ce passage mais dès que le reste du groupe arrive le problème s’efface.

A mon sens l’album souffre d’une baisse de régime juste après le fameux “Paranoiac blues”, en effet il est suivi par “Princess Leia” qui lui ressemblent un peu trop placé ainsi. Il faut attendre une ou deux autres chansons avant de se remettre dedans, dommage car en soit les deux morceaux sont très sympa.

L’album se termine sur une grosse prise de risque, reprendre du Black Sabbath n’est jamais chose simple… et ils s’en sortent à merveille en choisissant d’interpréter “Fairies wear boots” avec simplicité et encore une fois avec sincérité qui font de cet exercice une réussite sans prétention, ça fait toujours plaisir d’entendre un morceau qu’on aime avec une oreille nouvelle, bravo messieurs .

Orange Goblin – Back From The Abyss

BookletImposcs5.5.indd

Depuis 2012 et la publication de “A Eulogy For the Damned”, Orange Goblin est de retour au premier plan et personne ne va s’en plaindre. Les Londoniens ont pris leur envol, quitté leur job, mis fin à leur collaboration avec Rise Above il y a quelques années et sillonnent le monde histoire de rappeler qu’eux aussi ont droit à leur part du gâteau. Ils sont présents depuis les premiers frémissements du genre, ayant, avec “Time Travelling Blues”, “The Big Black” et surtout “Frequencies From Planet Ten”, écrit quelques uns des meilleurs albums du genre. Mais voilà, en ne tournant que peu et en publiant des albums inégaux, le quatuor s’est peu à peu perdu dans la masse. Ce n’est donc que justice de voir aujourd’hui que le logo du combo refleurit un peu partout, se retrouvant en bonne place sur les affiches des meilleurs festivals. On parle tout de même d’un groupe qui n’avait quasiment pas bougé d’Angleterre entre 1999 et 2009, qui n’avait joué qu’une seule fois chez nous, à l’Arapaho en 99 en ouverture de Cathedral et qui depuis 5 ans a fait 2 Hellfest, sillonné la France et multiplié les tournées aux Etats-Unis.

Il est loin le temps où le groupe jouait un blues crasse et fiévreux, tartiné à la fuzz et partageait splits et scènes avec Electric Wizard. Aujourd’hui devenu un melting-pot heavy tout à fait valable, érigeant les préceptes Motörheadiens comme des tables de la Loi, Orange Goblin publie à intervalles réguliers un nouveau disque, et la fournée 2014 se nomme “Back From The Abyss”, comme une métaphore de leur parcours donc. Sans changer de formule (production Jamie Dodd, distribution Candlelight), le gang poursuit sa reconquête, offrant une première partie de disque pied au plancher, mariant riffs pour bikers et refrains entêtants (“Sabbath Hex”, le single “The Devil’s Whip” aux accents Ace Of Spades) avant de ralentir un poil le tempo et de se montrer – finalement – bien plus plus pertinent. À partir de “Demon Blues”, les Anglais retrouvent leur goût pour les digressions fuzzées, font groover les wha-whas et servent quelques belles pièces ayant de quoi faire vibrer la corde nostalgique des fans de la première heure. Essayez donc de résister au refrain de “Heavy Lies The Crown” par exemple. Malheureusement, la troisième partie du disque, à partir de “Bloodzilla”, est clairement dispensable, perdant en longueur et en titres redondants à la fois l’énergie de l’entame de disque et la qualité intrinsèque de la seconde partie.
À l’instar de son précédent effort, dont il est la suite logique, “Back From The Abyss” est réjouissant à défaut d’être surprenant. Ce constat atteste donc de l’évidente filiation avec Motörhead. Souhaitons leur une carrière similaire, ils le méritent plus que nul autres.

1000 Mods – Vultures

Cover

En vie depuis 2006 puis un premier album “Super Van Vacation” en 2011, 1000Mods avait sorti une pochette qui résumait le pitch : une route, un van déboulant de l’horizon et fonçant droit sur une donzelle dont seule les cuissardes nous apparaissent… on sent déjà le groove sexy remplir l’atmosphère. On pouvait y ajouter du “Garage” et ce qu’il faut en psyché ou en solo pourfendeurs avec comme influence (entres autres) Monster Magnet.

Pour “Vultures”, si la teinte reste agressive, on change de perspective et on se tourne vers la partie du faciès qui, au vu du titre, permet d’épier. Mais à vos interprétations !

On attaque avec un début classique mais tellement efficace : “Claws”. Une boucle rapide à la guitare qui tourne et tourne jusqu’à récupérer peu à peu les autres instruments et enfin la voix. Ensuite, ils déroulent et le voisinage déboule. Au trois quarts, changement de tempo. Ils ralentissent la cadence et quelque chose arrive. Seulement quelques salves. Juste suffisantes. Pour “Big Beautiful” la recette est répétée avec quelques expérimentations supplémentaires. “She” au contraire commence doucement et avec peu de fioriture. La voix et la guitare sont indépendamment mises en avant avec un côté plus intimiste très agréable. Néanmoins, la seconde moitié de ce morceau de 6 minutes sait monter en intensité et réserve un bouquet final sonique. “Horses’ Green” est également à un format mid-tempo mais avec un côté plus immédiat. Passons à “Low” qui cherche à se faire désirer avec une intro anormalement longue d’environ 90 secondes avec du bon déroulage et également un joli final.

Voici maintenant un duo psychédélique entrecoupé du morceau le plus court et de facture assez classique mais toujours efficace, “Modesty”. C’est ici que l’album commence à décoller ! “Vultures” est tout en retenues et en ruptures. Avec ce qu’il faut de delay et d’ajouts de nappes sonores discrètes et un timing impeccable d’apparitions pour une bien bonne libération qui s’étouffera peut-être un peu tôt.

Et nous voici au dernier étage de la fusée dont la pointe recèle les secrets du psychédélisme primaire : “Reverb Of The New World”. Une voix provenant des profondeurs cosmiques nous informe que l’exploration fait partie de notre nature. La basse prend alors le relais. Des sons indéfinissables nous parviennent. L’apesanteur se fait sentir. La guitare revient, mais lointaine. Et les rétro-fusées s’allument. Les “G” ressentis sont colossaux et la route est encore longue. Il est possible que nous ne puissions endurer cela mais on tente le coup et la suite s’avère pourtant encore plus ardue. Encore quelques minutes et on arrive à destination la bave aux lèvres… voilà ce qui s’appelle un voyage !

8 morceaux, 40 minutes plus tard et avec un final qui me fait encore trembler, voici une bonne façon de voyager pas cher sur les routes ou dans le vide intersidéral.

Steak – Slab City

steak-slab-city

Loin de moi l’idée de vous refaire le coup du swinging London mais force est de constater qu’en ce moment, tout Camden frissonne gras, et pas seulement un week-end fin avril. Car, des organisations de concerts fuzzées – répondants au doux nom de Desertrock Scene – jusqu’au Desert Fest, à Londres tout est affaire d’une poignée de passionnés, que l’on pouvait retrouver depuis déjà quelques temps à l’arrière des bars, à faire chauffer les amplis. En tête de série, à défaut de tête de gondole : Sedulus, Gurt et Steak. Si les premiers sont encore trop confidentiels, les seconds ont clairement créé un pont indestructible entre le sludge et les vidéos de chatons cutes. Et que dire des troisièmes, pour qui les premières parties de prestiges se sont succédées, amenant presque sans prévenir à une signature chez Napalm Records, refuge à la mode pour les formations de rock plombé. Mettons à leur crédit que leurs deux premières démos ne manquaient pas de mordant, quoiqu’il semblait urgent de se démarquer de l’influence Kyussienne omniprésente, laissant la désagréable impression de nerf dans le cœur de viande. Sur ce point, “Coma”, morceau d’ouverture de ce Slab City ne va pas calmer mes appréhensions. Rien à dire, Steak est un groupe puissant, organisé comme une armée Spartiate et ses musiciens sont beaux comme autant de Leonidas tatoués aux cheveux gras. Le son de leur premier effort est remarquable, le quatuor ayant eu le bon goût de confier la prod à Harper Hug (Vista Chino, Brant Bjork, Oliveri) et si quelques moments glorieux émaillent l’album (“Liquid Gold”, ou “Machine” qui de trouvait déjà sur l’Ep précédent), l’ensemble pêche par un terrible manque d’originalité. C’est en effet sans jamais tellement se détacher de ce glorieux aîné du desert que nous affectionnons tous que les Anglais déploient leur vision d’un stoner urbain mais à la tête trop tournée par le desert californien. Le constat est si flagrant que lorsque le groupe s’octroie le featuring du label mate John Garcia sur “Pisser”, on croirait entendre un bon morceau de Vista Chino (la production made in Hug n’aide pas), resté planqué dans le Napalm. Car oui, c’est ici que se trouve toute l’ambivalence du premier album de Steak : il s’agit d’un des meilleurs plagiats de l’année, aussi brillant qu’il manque de personnalité. Il ne tient donc qu’à vous, et à votre conscience, de vous positionner. Enfin pour beaucoup je suppose que la pochette vous avait déjà dissuadé.

Earthless – From the Ages

Earthless_From_the_Ages

N’y allons pas par quatre chemins, Earthless est pour moi l’une des plus grosses sensations musicales de ces dix dernières années. C’est le groupe instrumental incontournable et toutes leurs productions studio ou live m’ont emballé. Voilà donc un peu mon état d’esprit lorsque je découvre pour la première fois ce nouvel opus de ce trio californien, un mélange d’impatience, d’excitation mais aussi de peur. Vont ils une fois de plus nous sortir le truc de fou, l’album qui mettra tout le monde d’accord?
Violence Of The Red Sea ouvre le bal. D’entrée on reconnait le son Earthless. La guitare, la batterie, la basse sonnent comme sur le précédent album, nous sommes en terrain connu… mon enthousiasme s’emballe déjà. Il s’emballe comme ce titre et ses variations de rythmes de batterie, il s’emballe comme cette ligne de basse qui n’en finit pas de me prendre aux tripes et il s’emballe comme Isaiah Mitchell qui s’éclate sur sa guitare comme si sa vie en dépendait. D’une richesse encore une fois indéniable ce premier titre est un monument à la gloire de la musique rock instrumentale. Pas un instant de répit, de la première à la dernière note les trois compères nous livrent la première des quatre pépites qui composent cet album. C’est bien simple, tel un air connu à l’opéra, j’ai envie d’entrée de bisser ce morceaux avant de passer à la suite! Quel titre mes amis, quelle puissance, quelle authenticité!
Uluru Rock prend la suite… avec son intro de guitare planante et son rythme résolument plus lent, limite lourd, le titre s’installe tout doucement, exactement comme ils savent si bien le faire. La capacité qu’a ce groupe à la sortie d’un morceau rapide et prenant, de vous transporter immédiatement avec un rythme lent et planant est incroyable. Instantanément on change d’état d’esprit, le groupe nous emmène ailleurs et on est plus que ravi de les suivre. Et puis petit à petit, le groupe accélère, nous emmène de plus en plus vite vers un final parfaitement maîtrisé et impeccable. Encore une réussite totale. Jusqu’où iront ils?
Equus October fait figure d’exception avec même pas six minutes au compteur. Telle une pause avant de mieux repartir, c’est un titre planant de bout en bout que nous offre le groupe, une bien belle façon de nous laisser reprendre notre souffle avant le bouquet final.
Et quel bouquet final mes amis…plus de trente minutes… wahou!
Déjà découvert sur leur Live at Roadburn, From the Ages confirme avec sa version studio tout le bien que j’avais pu en penser à l’écoute de ce live (que je vous recommande chaudement au passage). Pendant une demi heure, le groupe nous sort tous ses arguments, joue carte sur table et dévoile son jeu. La recette est connue et fonctionne toujours aussi bien. Un petit rythme anodin, bien trouvé, pas trop complexe mais loin d’être simpliste que l’on triture dans tous les sens. Le groupe prend tellement de plaisir à voir évoluer son idée de départ, à la faire évoluer. Et c’est avec plaisir qu’on les accompagne, se laissant surprendre, transporter. Après un long passage bien planant, le groupe décide de reprendre sa chevauchée pour un final de toute beauté très accès sur la batterie dans un premier temps avant que la guitare ne vienne nous cueillir…
Earthless nous sort ici un troisième album maîtrisé de bout en bout. L’entreprise est d’autant plus remarquable lorsqu’on pense au niveau déjà atteint sur les deux précédents opus du groupe. Troisième album donc et troisième incontournable.

Lonely Kamel – Shit City

lonely-kamel-shit-city

Ecouter le dernier Lonely Kamel, c’est comme rentrer in medias res dans un Die Hard où John McClane, marcel ensanglanté, nous servirait de guide dans le stoner burné des norvégiens.

Parce que d’emblée, le combo nous sulfate le faciès avec le titre éponyme « Shit City ». Un morceau direct, au tempo Motorheadien à souhait, à la voix éraillée secondée par du solo rock qui, en trois minutes et des brouettes, a eu le temps de coucher milles ennemis.

Mais quid de ce blues suintant qui parcourait les galettes du chameau solitaire auparavant ? John n ‘est pas soucieux et à l’écoute de « White lines » et « Is It Over », je comprends pourquoi. Lonely Kamel ralentit le rythme pour faire groover ses guitares comme il le fait si bien depuis ses précédentes livraisons. Cette voix empreinte de soul est toujours présente et les zicos savent bien ce qu’il y a de sexy dans un bend.

Mais résumer l’album par ces éléments serait une erreur. Lonely Kamel, dans chacune des neuf compositions, réussit à glisser de petites prouesses scénaristiques enrichissant considérablement son univers. Ménager le suspens par un bridge tout en basse, provoquer l’ellipse par une inversion rythmique, enrichir l’image sonore par un contre-chant habité, cisailler la focale par une interprétation animale de tous les instants, rien de superflu dans cette production. On est limite frustré par certaines fins de morceaux – celle de « Seal the Perimeter » par exemple – tellement abruptes que la chute d’Hans Grüber à la fin de Piège de Cristal semble douce et sereine.

Le format court de l’album détonne au regard de la profondeur des morceaux. Un « Falling Down », par exemple, surprend durant son écoute par les multiples strates qui le composent. L’appel Hendrixien, la rythmique Creedencienne, ce jeu de double-voix rappelant Electric Six, un boogie sans fausse note qui, une fois les caméras éteintes, se confie en blues intimiste…pour mieux relancer l’action en un mur de son puissant et choral. Le chameau est bien plus que ce qu’il veut nous faire croire.

Ce qui frappe tout le long c’est la qualité d’interprétation. Au risque de me répéter, les norvégiens cisèlent au coutelas de précision leurs riffs puis nous les assènent au char d’assaut. On est terrassé par ce blues-rock rustre et délicat, symptomatique finalement des quatre Lonely Kamel. Dans une des dernières interviews que j’ai lu d’eux, ils avouaient vouloir rendre cet album le plus merdique possible. Quatre bûcherons aux mains d’orfèvres, à l’humour rasant mais au talent haut. Shit City, un album loin d’être merdique, un album riche et surprenant. Ypikaï Motherfuckers !

Electric Citizen – Sateen

electric-citizen

Il paraît qu’avant c’était mieux… Ah nostalgie quand tu nous tiens. Il est vrai que de vivre l’essor d’une scène musicale est un privilège. A l’inverse l’avantage d’une scène qui se veut « revival » de l’époque, c’est qu’elle crée un mélange unique des précédentes incarnations. Si ce mélange d’influence est de qualité pourquoi on se priverait après tout. Prenons ici Electric Citizen pour exemple. Dès les premières notes on sent que quelques choses s’opèrent dans nos conduits auditifs. La production sonne d’époque mais pas datée. Chaque instrument sort du mix, juste équilibre entre la rondeur de la basse, la saturation de la gratte, les toms naturels de la batterie et l’enchanteresse voix. Sans oublier un clavier sur lequel nous reviendrons plus tard. Le son est naturel… oui ça existe encore et cela démontre bien l’approche artistique du groupe totalement assumée de faire revivre, de transmettre et de partager leur passion pour les années 60/70.

Prenez le psychédélisme de la côte ouest américaine auquel vous insufflez l’énergie et les riffs des pionniers du heavy anglais, vous obtiendrez une idée de ce que nous propose le quatuor de Cincinnati. Chaque titre semble aux premiers abords payer son tribut à une référence, un riff à la Sabbath, une intro à la Doors, un clavier à la Purple, une approche à la Hawkwind, une énergie à la Maiden, l’atmosphère rock-psyché de l’époque ressort. Finalement tout est bien assimilé. Oui Electric Citizen ne crée rien qui n’a déjà été fait mais ne copie pas non plus simplement. Ce n’est pas parce que deux chefs utilisent les mêmes ingrédients ou préparent la même recette que les deux plats sont identiques.

Qu’est ce qui  fait ressortir ce Sateen du lot ? Un sens mélodique, le petit gimmick qui ne vous lâche plus et une voix féminine qui en impose. La mode est peut être à avoir une frontwoman, mais quand ça chante aussi bien à mi chemin entre l’incantation à la bête et l’énergie garage, pourquoi s’en priver. Les riffs ne révolutionnent pas le genre et la production ne met pas la guitare en avant, c’est l’ensemble guitare/basse/clavier qui crée l’envoutement mélodique et à Laura Dolan de son chant de finir de nous séduire. Pas présent sur tous les morceaux, l’apport du clavier nous rappelle qu’à la grande époque ce n’était pas cheap mais source de richesses, et démontre ainsi toute l’intelligence dans les arrangements dont le groupe sait faire preuve. Dès « Beggar’s need » cela fait effet. Riff joué conjointement avec le clavier, break qui re-dynamise pour aboutir sur un court solo bien senti, refrain accrocheur, outro doomesque, le tour est joué. « Magnetic Man » et son couplet aux trois lignes mélodiques, « Queen of Persuasion » au rythme plus incisif qui déboule sur un feeling bluesy pour se ré-affoler ensuite. « Savage » aux reflets punks, je pourrais décrire tout l’album ainsi jusqu’à « Burning in Hell » qui clôt le débat d’un groove désuet et d’un break psyché à souhait, un régal.

Pour un premier effort c’est une belle entrée en matière surtout pour quatre jeunes gens qui œuvrent ensemble depuis moins de deux ans ! Laissons les effets de mode à ceux que ça intéresse, Electric Citizen a un potentiel à faire parler. Au groupe maintenant de démontrer qu’ils peuvent frapper plus fort et que l’on ne se trompe pas sur tout le bien que l’on pense d’eux. Un disque « classique » mais qui fait du bien par où il passe.

White Hills – Glitter Glamour Atrocity

White-Hills-Glitter

Sorti de manière discrète en 2007,  le second album de White Hills, Glitter Glamour Atrocity se voit réédité en format vinyle suite à l’utilisation par Jim Jarmusch d’un des morceaux de l’album pour son film « Only lovers left alive » . Le label Thrill Jockey records a mis les petits plats dans les grands et du coup l’album dispose d’un nouveau master adapté au LP!

Alors c’est vrai que niveau nouveauté on peut faire mieux … mais pour les retardataires comme moi qui ne connaissaient le groupe que de nom, voilà une bien belle façon de rattraper le temps perdu !

On plane ici entre Space Rock, Trip Psyché et Stoner version méchamment stone.

Une sorte de mélange improbable entre Acid Mother Temple et The Album Leaf .

L’album démarre sur un plan typiquement Stoner, à la Sungrazer sur lequel on aurait ajouté des nappes de synthé et autre bidouille noise parfaitement barrés, ça fonctionne direct et le ton est donné . On part ensuite sur une rythmique encore plus marqué par l’école japonaise où se croisent rock 70’s et champignons hallucinogènes. Pour en finir avec AMT, on retrouve ici le même genre d’atmosphère vaporeuse, où l’on s’amuse à varier un même thème/rythme jusqu’à plonger l’auditeur dans une sorte d’hypnose consentante. A noter que chez White Hills cet état second ne s’accompagne pas de malaise et de nausée mais d’une sorte de bien être mélancolique, un genre de spleen, m’voyez ?

Les mélodies quasi pop, agréables et non mielleuses, se posent sur une musique à l’opposée, construite sur une base plus underground et moins accessible. Les chansons naviguent sur un océan d’effet plus barrés et spatiaux les uns que les autres posés sur des instruments rock, qui nous envoient un bon pâté de riffs et de plans répétitifs quasi envoûtant comme il se doit.

Quitte à me contredire, le point fort de ce disque réside dans le fait que l’ensemble n’est pas trop chargé, les morceaux reste lisibles et s’apprécie sans étouffement. Dans ce style de musique, ce n’est pas si courant. En milieu d’album on trouve même une plage de 5 min construite autour d’ une gratte acoustique et de ces fameux collages sonores pour l’accompagner, créant ainsi une sorte de pause qui permet de reprendre sa respiration avant de replonger dans la 2ème partie de l’album où nous attendent encore de très bonnes choses.

Le côté calme et ambiancé de ce disque ainsi que sa personnalité très marqué et son développement sans changement brusque, font de cette musique un choix assez évident pour être incorporé dans un film comme Only lovers left alive. On retrouve ici le même type de déroulement que chez Jim Jarmusch. Il se passe toujours quelque chose même lorsqu’on a l’impression de faire du sur place et les passages violent/radicaux/experimentaux sont bien présent mais présentés d’une manière presque poétique qui permet de les incorporer en douceur.

Comme souvent, pas besoin d’en faire beaucoup pour en dire long.

Monolord – Empress Rising

monolord-empressrising

Une intro douce… douce mais froide… ce son paraît lointain plein d’effets… une mélodie répétitive, incantatrice… des cymbales font leur apparition, discrètes… la tension monte… la bête invoquée approche… un grondement… une claque… et ainsi commence le voyage.

RidingEasy Records le label qui nous veut du bien nous présente aujourd’hui Monolord. Monolord c’est quoi ? Monolord c’est le froid saisissant de la Suède conjugué à une orgie bacchanale sous fond d’Electric Wizard et de Sleep. Je pense que tout est dit… mais ce n’est pas fini ! Ce serait trop réducteur de classer ainsi le trio. Monolord avec Empress Rising balance LE pavé heavy qui nous faisait défaut cette année. Un doom de facture classique mais avec une petite touche « baffe dans ta gueule » qui fait toute sa richesse. 5 titres pour 46 minutes de plaisir et l’adepte de jam que tu es commence à avoir l’œil lubrique.

Ce qui saisit après la claque, c’est l’énormité du son. Froid, précis et en même temps débordant de gras. Le son «fait dégueuler ta fuzz » au service du doom. La dynamique des riffs est respectée, la saturation maîtrisée, ça résonne quand ça doit résonner  et ça coupe net pour accentuer la distribution de coups assenée par une batterie sèche mais vivante. Riffs hypnotiques répétés jusqu’à totale soumission de l’esprit, voix sous échos hallucinés, l’envoutement est totale. Mais le groupe se la joue « stoner dans l’âme » avec des coups de butoirs réguliers, des breaks « sourire aux lèvres », une basse qui reprend les riffs seule avec tellement de wah wah et de fuzz qu’on ne peut que jubiler et une batterie qui glisse entre ses frappes métronomiques, des roulements et contre-temps qui maintiennent ainsi l’esprit conscient qu’il est en plein voyage. Les variations ne sautent pas aux oreilles dès la première écoute, le côté trippant prenant  le dessus aux premiers abords. Le risque serait de condamner cet effort à être un ersatz des ténors du genre, la forme étant dans le fond différent.

Ca pourrait paraître répétitif, pourtant chaque titre se distingue les uns des autres.  « Empress Rising » chanson éponyme de l’album ouvre les festivités, morceau qui démontre toute la dynamique dont sait faire preuve le groupe en 12 minutes. « Audhumbla », instrumentale, est la plus courte chanson (seulement 7 minutes) de l’album mais c’est finalement là qu’il y a le plus de variétés car quand la machine prend plus son temps c’est pour faire virevolter la conscience. « Harbringer of death » pourrait être l’enfant caché du Fu et du Wizard. « Icon » et son break « sortez vos morts » à coups de cloche glaçante. « Watchers of the waste » et sa construction en deux parties pour clore l’album d’un riff grande non-classe.

Monolord sans prétention s’est attaché à respecter les bases d’une bonne recette qui a fait ses preuves : Un riff, un son, des arrangements. Si le riff est bon pourquoi ne pas le faire tourner jusqu’à totale annihilation de la volonté de l’auditeur. Si le son est bon, qu’il suinte de tous les pores de la peau, qu’il se ressente dans les tripes. Si les arrangements sont efficaces, pourquoi ne pas en faire usage de manière subtile pour que la richesse du morceau ne s’offre qu’aux plus attentifs. Rien de nouveau sous le soleil donc, parce que le soleil est caché par une épaisse fumée mystique sortie des instruments du trio de Göteborg.

Un putain de trip doom hallucinatoire à l’image de la pochette : glaçant, fumant, psychédélique.

Se connecter