[livre] Stoner Road

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Passionné de littérature fantastique, rompu aux jeux de rôles et aux livres de la mythique et défunte série Gore, dont il se revendique avec sa propre maison d’édition Trash, Julien Heylbroeck est tombé dans la marmite stoner, trouvant dans cet univers fait de grosses cylindrées et de légendes désertiques un terrain parfait pour  planter le décor d’une aventure romanesque. Stoner Road est la résultante de ces deux univers, rassemblés pour donner vie à ce Road Trip improbable, prenant le prétexte de la musique et du désert californien comme univers pour un Buddy movie trash, mélangeant références à la musique que nous affectionnons à l’univers propre à la littérature populaire. L’idée est donc de rassembler les clichés inhérents au genre, des trips sous acide en passant par le désert et les grosses bagnoles américaines. Dans ce décor de série HBO, Josh Gallows et Luke Lee unissent leurs forces pour retrouver deux jeunes filles, portées mystérieusement disparues après une générator party toxique. Tout au long du récit les noms de Kyuss ou de Fu Manchu sont cités et de nombreux codes mis en avant, empruntant au genre stoner (disquaires indés, musiciens barbus, styles vestimentaires) mais surtout au genre littéraire (dealeurs bicéphales, asiles de fous et références fantastiques) inspiré du genre cinématographique slasher. Car ne nous y trompons pas : la musique est ici utilisé comme décor pour un récit qui est avant tout un pur produit de genre. L’idée est donc de rassembler un maximum de clichés et de plonger l’auditeur dans une aventure rocambolesque, peuplé d’un bestiaire bigarré. Le stoner comme toile de fond, puisque la quête des héros se fait au gré des rencontres avec les groupes. L’innovation se fait sur la mise en page : En effet, les chapitres du roman portent le nom d’un morceau de stoner (ou de rock 70’s), illustrant l’histoire tout en dessinant un chemin initiatique au néophyte, ou une playlist pour les autres. Une initiative maline, ancrant cette histoire un peu folle et sacrément prenante dans la nébuleuse de cette contre-culture hissant le cool au rang d’art. Résultat : Un mariage parfait entre un style littéraire et une musique partageant une valeur essentielle : celle ce ne pas se prendre au sérieux.

http://www.editions-actusf.fr/julien-heylbroeck/stoner-road

Iro22

John Garcia – John Garcia

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Personnalité tortueuse que celle de John Garcia. Il est certainement le vocaliste le plus célèbre du petit monde du stoner, ayant atteint un statut proche du culte, un statut entretenu par le comportement toujours mystérieux et ténébreux du personnage. Ce statut, il ne l’a pas volé, ses performances vocales ayant marqué à vie plusieurs milliers d’entre nous via son implication dans des groupes majeurs. Ces dernières années toutefois, ses choix de carrière ont pu faire froncer les sourcils de certains, en particulier lorsqu’ils ont empiété sur la sphère juridique (le contentieux sur le nom « Kyuss »…), voire morale (les pass VIP payants pour Vista Chino…). Le lui reprocher basiquement serait oublier au moins deux facteurs. D’une part, nous autres desert-rockers avons cette vision de Garcia comme d’une diva, une rock star… C’est un peu vite oublier le contexte, à savoir une notoriété limitée à notre « petit monde musical » (minuscule sur le grand échiquier mondial), et une tendance du marché du disque proche de la sinistrose, où les maigres revenus proviennent désormais quasi exclusivement des concerts. Or sachant que le gars enquille à peine quelques dizaines de concerts par an au mieux, autant dire qu’il ne roule pas sur l’or, et que sa retraite n’est pas assurée… Ses décisions de carrière doivent donc être mises en perspective : tout le monde n’a pas la même pyramide de Maslow…  Autre facteur à prendre en compte : Garcia a souvent vu sa carrière largement freinée ou bousculée par des événements imputables à d’autres personnes que lui : Kyuss s’est arrêté sur la seule décision de Josh Homme alors que le groupe commençait à avoir du succès. Plus tard, le disque de Unida, signé sur une major encore plus grosse que QOTSA à l’époque, a vu sa sortie annulée suite au rachat du label, qui a gelé toutes les sorties planifiées. Enfin, le premier album d’Hermano a été bloqué plusieurs années du fait du contrat d’exclusivité qui liait Garcia au label de Unida (même s’ils ne voulaient pas sortir l’album…). Clairement, le gars a toujours été victime d’éléments externes et n’a jamais pu développer la carrière qu’il a voulue. On peut donc comprendre la farouche volonté du bonhomme à prendre son avenir en main tout seul (cf. notre interview dans ces pages). Dans tous les cas, et malgré les réserves que l’on pourra formuler dans certains cas, on n’a jamais pris le chanteur à défaut artistiquement : il a toujours été au niveau des attentes, délivrant des prestations vinyliques généralement impeccables, ou scéniques purement habitées. La question du jour doit donc être uniquement : ce disque solo est-il à la hauteur des attentes ?

Pour le choc, en tout cas, on repassera : « My Mind » qui introduit le disque ressemble fort à une émanation de ce que serait Hermano aujourd’hui si le groupe était toujours actif. Et rien d’étonnant à ça, étant donné que Dave Angstrom et Dandy Brown sont les deux grands ordonnanceurs « de l’ombre » de ce disque : ayant respectivement assuré la plupart des guitares et des basses (même si leur implication n’est pas forcément mise en avant par un Garcia qui veut donner l’image de l’acteur principal), ils ont aussi assuré la plupart des arrangements des compos. La filiation est donc naturelle. Une intro plaisante, à prise de risque modérée, donc, et un choix de premier single logique. « Rolling Stoned » qui vient ensuite surprend plus : compo intelligente, travail mélodique remarquable, cette chanson des petits protégés de Garcia, le groupe Black Mastiff, montre d’une part que Garcia sait faire des choix uniquement motivés par la dimension artistique, mais aussi qu’il fait de bons choix tout court. « Flower », « The Blvd », « His Bullets Energy », « Argleben » ou « Saddleback » qui viennent ensuite au fil de l’album reprennent un peu / beaucoup  la veine Hermano, avec ce groove tout à fait caractéristique sur les rythmiques et les riffs, qui a toujours fait que Hermano n’était pas un pur groupe de headbanging, à l’image de Unida. Notons que Garcia n’hésite pas à atténuer  son chant derrière une barrière d’effets si le titre le justifie, signe aussi qu’il préfère mettre en avant les compos ou les instrus plutôt que lui-même uniquement. Lesdits effets sont toutefois peut-être un peu trop récurrents sur les titres, mais au final ça ne dénote pas trop.

« 5000 Miles », la compo de Danko Jones pour son pote Garcia, est un mid-tempo qui ne surprendra pas les afficionados du canadien : complètement charpenté sur deux très gros riffs (respectivement de deux et quatre notes !), le titre déroule sa rythmique sournoise avec une belle efficacité. « Confusion » vient ensuite un peu perturber l’auditeur : ce titre lent est porté à 99% uniquement par un riff pachydermique craché d’une gratte blindée de disto et la voix entêtante de Garcia (basse fantomatique, et batterie quasi-absente). Perturbant, mais encore une fois, pari payant. On ne pourra pas le taxer de se la jouer facile. Avec « All These Walls », il a voulu réhabiliter le « Cactus Jumper » des trop tôt disparus Slo Burn (un titre qui n’avait jamais connu de sortie vinylique), et il a bien fait, injectant une qualité de production réjuvénatrice à ce titre qui avait déjà un gros potentiel en l’état : gros son de guitare, arrangements  et effets bienvenus, la basse brute et saturée de Nick Oliveri en guest, et pour le reste le chant net, percutant et maîtrisé du maître, jamais plus efficace que quand il ne laisse pas ses vocaux traîner en longueur. Un choix qui fera plaisir aux puristes, bien sûr, mais aussi aux autres. La conclusion de l’album revient un peu opportunément à ze ballade, un titre dont tout le monde a entendu parler, « Her Bullets Energy », le titre accueillant le jeu de guitare acoustique de Robby Krieger, le guitariste des Doors. Même si le titre n’est pas inintéressant, il faut relativiser la contribution de Krieger, qui n’apporte rien à la composition ou la structure du morceau (la plupart des guitares ne sont pas jouées par lui), mais effectivement des petites impros solo qui contribuent bien à l’identité de la chanson.

Trois petit quarts d’heure et vient donc l’heure du bilan : c’est un bon album. Il va être de bon ton dans les prochains mois de cracher sur le disque juste parce que – ô surprise – ça ne ressemble pas à Kyuss ou même à Unida ou autre. Que les choses soient claires, effectivement il n’y a rien de Kyuss là-dedans, le seul rappel constant sur la plupart de l’album le lie à Hermano, un lien souhaité par Garcia (même si manifestement il a tendance à cacher ce point dans sa promo) puisqu’il a réuni deux tiers du groupe sur la quasi-totalité de l’album… Ainsi épaulé, et en choisissant très intelligemment ses invités sur l’album, Garcia développe un disque où les rythmiques groovy propices à son type de chant sont omniprésentes, le tout sur des compos globalement bien foutues. Il y a très peu de choses à jeter sur ce disque. Même si consciemment ou inconsciemment on aurait chacun aimé y retrouver “autre chose”, ce qui est proposé ici est d’un bon niveau, et constitue un excellent album.

Franckie IV Fingers – Vol.II

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Contrairement au personnage de Bénicio del Toro dans Snatch, il ne manque absolument aucun doigt au quatuor sudiste qui balance avec une aisance technique indéniable son Vol.II. Une galette heavy, rock, justement balancée, qui oscille entre différents styles sans pour autant perdre la cohérence du propos développé. On pense à Clutch parfois, à Wolfmother de temps en temps, à la scène grunge de Seattle aussi. La production est puissante, le mix très bien équilibré et les compositions très bien écrites.

L’album déroule sa graisse le long de ces 9 incandescences sans faiblir, cependant deux points m’auront chagriné sur les premières écoutes.
Le premier étant l’accent très « français » du chanteur marquant distinctement la musicalité anglo-saxonne des mots et mélodies. Bon, ce point s’efface au fil des écoutes laissant place à une bonne mise en place et un chant très maîtrisé et puissant. Finalement ce détail ne dérangera que les français dans un premier temps.
Le second point est, me semble-t’il, plus persistant. L’ensemble de l’édifice est très bien construit mais pour ma part trop propre. J’aurai souhaité plus de prise de risque dans le son, et dans la personnalité des morceaux. On traverse une bonne partie de la galette en headbangant certes, mais sans être jamais vraiment surpris par un changement d’accord, par un break malsain ou une mélodie déviante. Le quatuor mériterait de mettre du désordre et de l’inattendu dans son heavy-rock…
Et finalement commence à le faire avec « Let me down again » et son pont où la basse ronfle à contretemps d’une rythmique guitaristique généreuse et cassant sont 4/4 habituel. De ce titre déroule les trois derniers morceaux « Always », « Roller Coaster » et « Bloodties » qui mettront enfin le surplus de gonade nécessaire à la prise de risque. Du riff gras, lancinant qui suinte, du chorus malsain, des chœurs placés et puissants et toujours, par contre, cette technique irréprochable des zicos

Le Vol.II de Franckie IV Fingers se laisse donc agréablement écouter. On a envie de rejoindre le pitchoun et sa planche de surf pour en découdre avec le furieux clapotis de la Méditerranée tout en buvant de la bière. Surtout, c’est qu’à l’écoute de la fin de cette autoproduction, on se dit que si le quatuor persiste à rester velu ça augure du tout bon pour la suite.

Flaux

http://franckie4fingers.bandcamp.com/

Mindwarp – Mindwarp

mindwarp

Au levé du soleil, tranquillement la batterie s’installe, pose le rythme et prépare le terrain afin que l’auditeur est le temps de se mettre à l’aise, la guitare lâche quelques notes en douceur, nous permettant d’enfiler la combinaison spatiale qu’on avais mis de coté au cas ou. La basse entre à son tour, appuie les propos tenu par ses confrères et pendant que l’atmosphère s’échauffe on vérifie que le dosage d’oxygène est bien réglé sur «humain». A peine le bouton de mise à feu enclenché que tout le bordel se mettre en branle, ça tabasse !

Bon pour être plus clair et compréhensible, on navigue en direction de la planète instru situé dans la galaxie Monkey 3, la planète la plus proche (habité) se nomme Tool . Et oui, on pense souvent qu’on va avoir affaire à une bande clone de Karma to burn quand on parle de Stoner instrumental mais ici ça n’est vraiment pas le cas, on est bien plus du coté prog / psyché / groovy que dans le délire motards burné qui envoie du gras à tout bout de champ .
Vous avez déjà entendu parler de The Bakerton Group ? Ouais, ben c’est dans la même veine, bien dansant mais riche et réfléchi .

Ici chaque instrument vis sa vie indépendamment des autres tout en se débrouillant pour épauler le voisin, rarement un musicien joue la même chose que celui d’à coté mais le résultat réussi à me faire me dandiner sur mon siège, cools non ? Lorsque tout le monde se prend a envoyer le même riff en même temps c’est qu’il est l’heure de secouer la tête, ça ne va pas durer et on va vite repartir dans des contrées plus détendu et se permettre de divaguer au point d’oublier l’étiquette Stoner. A tel point que certains plan rappel des groupes tel que Cynic, vous savez ses passages un peu envoûtant, très mélodique et mystique ? Ben voilà c’est ça, on est en plein dedans . Les gars on décidé de tourner autour du thème de l’espace et c’est plutôt réussi, en partant du principe que l’espace c’est sympa, coloré et joyeux, pas froid, sans son ni possibilité de respiré bien sur … un petit effort s’il vous plaît .

Histoire de râler, je trouve le son un peu sourd, les sonoritées de chaque instruments étant bonne je pense qu’il aurai fallu clarifié l’ensemble avec un mastering plus ouvert. Enfin que ça ne vous décourage pas, les 22 min du disque passe toute seul sans qu’on est le temps de s’en rendre compte .

Sur ce comme disent nos amis Italien : Excuse me, I have to go to space now.

Hornss – No Blood, No Sympathy

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A environ 8 666 kilomètres de nos terres françaises se trouve San Francisco. Ca doit venir de l’eau courante de la cité californienne mais il y a quelque chose qui rend la musique du coin… énOrme. Pour peu que deux des membres du groupe soient originaires d’un petit havre de paix proche du désert nommé Palm Spring et là vous commencez à vous dire qu’il n’y a certainement pas que l’eau qui fait la différence…
Hornss débarque avec un premier album sous le bras qui met un gros pavé dans la mare stoner. Formé en 2010, les trois membres n’en sont pas à leur coup d’essai. Précédemment dans diverses formations plus ou moins underground, dont une avec un certain Chris Cockrell (allons vous connaissez ce nom), ces messieurs ont déjà roulé leurs bosses et ça se sent, ils manient les ingrédients et les ustensiles comme des chefs. La recette : prenez tous les groupes originaires du coin (je ne vous ferai pas l’affront de vous les citer), mixez le tout avec un petit piment artisanal de leur confection et vous obtenez un bon gros stoner-doom-punk-groovy-psyché.

Les chansons sont sur des formats courts, l’urgence punk est de mise. 12 titres en moins de 36 minutes, tout est dit. Cette concision amène à la recherche d’efficacité, arrangements directs, jamais simplistes toujours dans l’essentiel. Ne vous méprenez pas en relativement peu de temps breaks assassins, mélodies enchanteresses, refrains accrocheurs et solos sont tout de même de mise. Ca pourrait sonner foutraque, c’est juste parfaitement maîtrisé. Imaginez vous en moto, les paysages défilent et ne se ressemblent pas, pourtant vous ne quittez pas la région et vous faites même quelques pauses en chemin. Les riffs sont variés, massifs, légers, on nous entraîne de la monocorde aux arpèges psychédéliques sans crier gare d’un morceau à l’autre. Effets sur la voix, effets pour enrober certaines chansons, ça sent l’album qui a bien muri au soleil, gorgé de feeling et d’un souci constant apporté aux détails.

Débuter un album par le titre le plus long s’avère toujours risqué, ici avec « The Red Death » et ces 4 minutes 26 secondes au compteur (bâ quoi c’est le titre le plus long !) Hornss vous présente le menu de ce qui va suivre. Comme si l’on connaissait ce groupe depuis le début des années 90, les noms des pionniers de la scène vont faire POP dans votre esprit en permanence. Le groupe peut se targuer de manier aves justesse le desert-rock avec tout ce qu’il a connu comme déclinaison, d’en faire une synthèse avec les influences précédentes et de cracher le tout à la tronche façon «nous sommes Hornss et on va vous botter l’esprit». « Maker of the Moon » évoque le fantôme de Sleep (il faut dire que la voix y est pour beaucoup), « Ejaculation of Serpent » s’offre une voix féminine pour alléger le propos et mieux vous envouter dans les méandres enfumés de son psychédélisme. « Vine priest » donne une leçon de riff bucherons, ne pas headbanguer est synonyme de mort cérébral. Et ainsi chaque titre déborde d’une classe non-classieuse de première bourre.

On aimerait parfois que le trio prenne plus le temps de se jouer de nous de leurs riffs arides aux arrangements groovesques (ou vice versa) et en même temps épurer à leurs substantifiques moelles, les morceaux n’en gagnent qu’en impact. No Blood No Sympathy serait sorti il y a 20 ans ce serait un classique, un vaccin contre toute mauvaise idée d’écouter autre chose. Sorti le 13 mai chez RidingEasy Records (précédemment EasyRider Records) c’est aujourd’hui une piqure de rappel de pourquoi vous aimez cette musique et de ce qui en fait son essentiel. They are Hornss and they’re gonna kick you mind!

Clutch – Clutch

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1995. A l’heure où la mécanique Kyuss rend l’âme, une grosse cylindrée nommée Clutch pointe le bout de son nez, sans crier gare et après un premier effort prometteur, dans la planète stoner. Il y a donc déjà presque 20 ans que le brûlot « Clutch » s’offre à nos oreilles et il était donc temps de faire une petite place dans nos colonnes à ce deuxième album du combo du Maryland.

Dès les premières notes de « Big news I », le moteur de cette belle cylindrée laisse entendre son joli ronron. Après ce titre groovy et funky à souhait, Clutch passe la deuxième avec le bien nommé « Big news II », avant que le moteur s’emballe sur l’abrasif « Rock n’roll outlaw », véritable hymne rock’n roll sur lequel Fallon, outre ses qualités vocales exceptionnelles, nous montre toute l’étendue de talent d’écriture.

Mais le groupe ne s’arrête pas là : il en a encore sous le capot, monte d’un cran dans les tours et enquille les morceaux de bravoure. Que du très lourd : « Spacegrass », « Tight like that » ou bien le furibard « I have the body of John Wilkes Booth ». On vient à peine de passer la moitié de l’album que l’on est déjà à genoux, converti et priant corps et âme devant l’autel Clutch. Et c’est justement le moment que choisit le groupe pour asséner le coup de grâce avec l’excellent « Animal farm » sur lequel Fallon déverse toute sa rage.

C’est l’heure de finir en roue libre cette virée et de ralentir la cadence effrénée imposée depuis le début de l’album. « Droid » et la rythmique plombée de « The house that Peterbilt » sont là pour nous faire redescendre progressivement avant que « 7 Jam » et « Tim Sult vs. the Grey » ne fassent office d’atterrissage en douceur.

Cet album, en avance sur son époque, est donc incroyablement bien ficelé et témoigne d’une maîtrise hallucinante pour un groupe finalement relativement jeune. Une rythmique mi-funky, mi-burnée, des riffs ravageurs, des paroles ciselées, une puissance vocale imparable, voilà donc la recette qui fait de Clutch un groupe racé, inattaqué et inattaquable, inégalé et inégalable depuis plus de deux décennies.

Om – God is Good

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Om… le groupe qui fascine ou laisse totalement indifférent. Il faut dire que, né des cendres de Sleep, le groupe a de quoi surprendre avec une musique assez indéfinissable. Qui plus est, leurs détracteurs y voient une musique répétitive voir lassante, manquant d’originalité et ne sachant pas se renouveler. Mais pourquoi vous dis je tout cela? Simplement parce que je fais partie de la première catégorie de personnes et que, si à la lecture de cette chronique vous allez écouter cet album, certains pourraient se dire “mais les gars de desert-rock ils sont bien gentils avec leur chronique dithyrambique mais c’est naze ce truc”. Et à la limite je ne pourrais leur jeter la pierre.
Oui c’est ça, Om on adhère énormément ou pas du tout, pas de juste milieu. Sauf que ce groupe poursuit inlassablement, invariablement même, son chemin et nous voici déjà au quatrième album. Alors oui, mille fois oui, les reproches (sans en être vraiment) que l’on avait fait pour les albums précédents sont encore et toujours les mêmes. On a l’impression que le groupe ne se renouvelle pas vraiment et c’est en partie vraie. Mais sérieusement, que c’est bon. Avec un chant toujours aussi hypnotique, une ligne de basse qui l’est tout autant et un jeu de batterie très subtil et aussi très riche, je ne peux m’empêcher de crier au génie. Car oui, le génie se trouve aussi dans la simplicité (toute relative ici attention). C’est fort, c’est prenant, une longue méditation en quatre chapitres. Et puis ce groupe sait vous surprendre. Prenons par exemple le passage absolument magnifique de flûte pour terminer Meditation is the Pratice of Death, c’est osé mais totalement bien placé, parfaitement bien amené et le rendu est splendide.
Steve Albini est comme pour le précédent opus, derrière la console et contribue à son niveau à l’édification de ce temple. Un travail sobre et efficace, exactement ce qu’il faut pour ce groupe.
Alors voilà, j’ai adoré cet album et je n’ai pas vraiment d’argument pour convaincre ceux qui n’ont pas aimé les précédents, tout comme je n’ai pas besoin d’argument pour convaincre ceux qui aiment déjà ce groupe. Une chronique inutile me direz vous? Surement pas, car si parmi vous j’ai persuadé deux trois curieux d’aller jeter une oreille sur leurs productions, et bien c’est que j’ai fait mon job, vous donner envie de découvrir!

Wo Fat – The Conjuring

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Dans un sud des US bouillant comme ses marécages en plein cœur du mois d’Aout, on ne chiffre plus le nombres de formations rock excitantes, de la scène NOLA jusqu’à la légion de combos Texans, pour qui les guitares et les influences de nuques rouges font parti de l’ADN au même titre que les grandes lampées de bourbon. Enfoncés dans les clichés du coin, qui ne sont finalement que leur quotidien, ces dizaines de « stoner bands » font rutiler leur rock groovy écrasé de soleil. Et ces derniers temps, lorsque l’on parle groove, c’est bien à Wo Fat qu’il faut se référer car c’est peu dire que le trio de Dallas a le deep south collé jusque dans le stetson de Kent Stump, bretteur/chanteur de la bande. Après trois opus à haute teneur en psychédélisme (The Gathering Dark/2007 ; Psychedelaut/2009 et Noche De Chupacabra/2011) récemment réédités en vinyle par Nasoni Records, le combo a franchi un cap avec la publication de Black Code en 2011 chez Small Stone Records. Le mariage entre le trio Texan et l’hyperactif label de Détroit apparait aujourd’hui comme une évidence : Wo Fat s’est mis à composer des hits sans perdre une once de ce groove qui est sa marque de fabrique. Les envolés de guitares de Stump n’ont aucune raison de s’inquiéter de la tenue de la rythmique, tant la paire Wilson/Walter tient la route. Sans perdre de temps, après un split avec Egypt paru sur le label Français Totem Cat Records et après avoir enfin réussi à venir jouer en Europe (une dizaine de dates en compagnie d’Abrahma ainsi que le Roadburn en 2013), le combo s’enferme dans son propre studio de Dallas et enregistre The Conjuring, nouvelle étape discographique d’un groupe décidément en mouvement.

Dans la continuité de The Black Code, Wo Fat prend soin de caresser le stonehead dans le sens du poil et revient sans perdre une once d’efficacité. The Conjuring garde cette aura unique, fait tourner le groove jusqu’à la transe, offrant à Stump une tribune de choix pour dérouler des mélopées de guitares, quelque part entre Earthless et du Southern Rock pur jus. Si les préoccupations de l’album – à l’instar de sa pochette – sont plus sombres, le saint groove est intact et quelques pièces maitresses viendront compléter la set list déjà aiguisée du combo (« The Conjuring », « Beggar’s Bargain »). Le trio conclut comme par tradition sa galette avec une épique pièce de 17 minutes, « Dreamwalker » et impose dans la continuité de sa discographie sa lente mue en un parfait mélange d’héritage southern rock et de préoccupation fuzzées. Peut être un poil moins immédiat que The Black Code, surement plus pessimiste aussi, The Conjuring est une cinquième étape importante dans le voyage proposé par cette formation qui commence clairement à compter.

Le point vinyle : Edité en LP en même temps qu’en CD (une vraie évolution du ce coté chez Small Stone), en version 180g translucid Orange (500 exemplaires, as usual), l’objet est magnifique. Il ne manque plus qu’une carte de téléchargement, comme à chaque fois avec Small Stone, voire un gatefold pour être au top.

Sardonis – II

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Sardonis n’est pas comme son patronyme pourrait le laisser supposer un groupe folklorique grec pour amateurs de Sirtaki. Sardonis c’est en réalité deux flamands un peu rustres, un peu aigris aussi apparemment, qui depuis bientôt huit ans passent un petit peu trop de temps tous les deux à ressasser leurs idées noires dans leur cave en répétant des riffs à longueur de journée… Au final on va pas pleurer, parce qu’on prend quand même une bonne claque revigorante à l’écoute de leur très audacieusement nommé second album, “II”, sorti il y a plus d’un an (Desert-Rock, à la pointe de l’actu !).

Sardonis, donc, c’est du gros doom très gras. Lorsqu’il devient trop graisseux, la musique du binôme belge peut laisser entendre quelques sonorités sludgesques, mais au final, c’est plutôt du doom mâtiné de grosses rasades metal, pour les assauts rapides et violents qui étayent ses riffs lents et patibulaires. Autre spécificité de la musique de Sardonis : c’est instrumental, il n’y a pas de chant. Le champ musical exploré par le groupe est intéressant, car accessible au plus grand nombre : les fans de doom les plus puristes pourraient se détourner des explorations diverses du duo, mais ce serait dommage. Les autres fans de stoner un peu pointu et rugueux devraient se délecter de cette galette qui dévoile son potentiel au bout d’une poignée d’écoutes : les premières écoutes distraites font penser à un croisement un peu bâtard entre Electric Wizard et High On Fire. Mais petit à petit, on s’aperçoit que le groupe explore en réalité toute la gamme entre ces deux tendances, avec réussite. Il injecte des saillies puissantes après une séquence de trois minutes tournant sur le même riff monolithique joué à la vitesse d’un pachyderme anémié sans que ça choque (voir “Burial Of Men” ou “The Drowning”), il s’engage dans une cavalcade metal sans perdre son son gras et aiguisé une seule seconde (voir “Warmonger” ou le très metal “Emperor”), etc… Et ça déroule ainsi sur presque quarante minutes, qui se concluent par l’épique et monumental “Aftermath of Battles”, audacieusement entamé et terminé par une gratte acoustique, avec au milieu une montée en puissance presque malsaine, qui mène à un passage plus doom porté par une rythmique presque martiale, puis une section plus enlevée avec soli dans tous les coins (jouer ça en live ça doit pas être évident avec une seule gratte…).

Bref, Sardonis est un groupe qui, c’est assez rare pour être précisé, propose certes une musique pointue, rugueuse, âpre parfois, mais qui offre un grand nombre de facettes et de points d’entrée pour les amateurs de plusieurs tendances de stoner. Pas une musique facile, mais un disque qui récompense l’auditeur qui s’en donnera la peine.

Monster Truck – Furiosity

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On avait vu Monster Truck l’an dernier en première partie de Vista Chino sur un paquet de dates européennes (rappelez-vous : cette tournée qui a si prodigieusement et opportunément évité la France et autres terres francophones…), ce qui avait commencé à nous titiller sur ces quatre canadiens presque inconnus. Faut dire aussi que le groupe est plutôt jeune (moins de cinq ans d’existence) et n’avait pas encore eu l’opportunité de se faire connaître de ce côté-ci de l’océan Atlantique avant ce petit événement : avec seulement deux EP sortis plutôt confidentiellement, leur réputation reste à faire. C’est donc avec une certaine circonspection mêlée d’une touche de curiosité que l’on reçoit enfin ce disque, leur premier véritable album.
On se laisse emporter assez vite par ce quatuor et leurs compos bien efficaces. On est devant un disque de gros rock très calibré, y’a du gras, y’a du volume, y’a de la guitare… Tout ça est puissant et accrocheur, et il est, avouons-le, difficile d’y résister. Bien emportés par la puissance remarquable de l’organe vocal de leur frontman Jon Harvey, les titres sont bien balancés, entre brûlots rapides et percutants (“Psychics”, “Boogie”), mid-tempo efficaces et puissants (“The Lion”, “Power to the people”) et même titres plus lents pour calmer les esprits (“For the sun”, le presque soul “My love is true”). Les bonhommes jouent bien, on a des soli de grattes bien chiadés… Tout roule ! On a même une dose de boogie bien agréable, bien étonnante de la part d’un groupe émanant de contrées si éloignées des torrides états du Sud des Etats-Unis (“Undercover Love”, le presque blues-rock “Call it a Spade”). Ceci est à mettre au profit aussi des lignes de clavier très “Hammond-esques” de Brandon Bliss, discrètes au fil du disque, mais qui apportent un son bien particulier en fond de chaque titre (ça peut ne pas plaire à tout le monde…).

Niveau son, et prod, ça déboîte. C’est de la grosse prod, “à l’américaine”. Une belle mécanique quoi. Pour pousser l’analogie automobile, si Fu Manchu c’est la bonne vieille Trans Am Firebird qui va bien décalaminer le pot sur les highway californiennes, Karma To Burn une vieille Ford Mustang vrombissante et qui tient bien les virages serrés, Hermano une grosse Dodge Charger bonne routière propice aux grosses accélérations en ligne droite… et ben au milieu, Monster Truck c’est plutôt une grosse Lexus fraîchement sortie de chez le concessionnaire ! Une jolie bagnole rutilante, bien clinquante, joli design, finition impeccable, et un moteur qui ronronne comme il faut, doté de perfs impeccables sur circuit… Un beau joujou quoi, il y a matière à se faire bien plaisir, et c’est ce qui se produit sur “Furiosity”. Mais ici ou là ça manque un peu de gras et de cambouis pour être complètement excitant ! On aimerait que ça crache un peu, qu’il y ait quelques dérapages pas trop contrôlés qui laisseraient un peu de gomme sur nos cages à miel bitumées…

Même s’il n’est pas à proprement parler un groupe de stoner comme on peut se l’imaginer, Monster Truck propose avec son “Furiosity” un disque qui, s’il manque d’audace au sens “style musical”, compense bien par une qualité d’exécution et de composition qui feront faiblir bon nombre d’entre nous. C’est très puissant et très bien fait, et la réputation live du groupe trouve désormais une incarnation sur disque à sa hauteur. Attendons de voir vers quels rivages le groupe poussera son orientation musicale sur ses prochaines galettes pour y apposer ou pas un tampon “Desert Rock”. Pour l’heure, qualitativement, on peut dire qu’il y a du matos…

Radio Moscow – Magical Dirt

radiomoscow

Radio Moscow c’est d’abord un groupe purement 70’s. Power-trio, psychédélisme, wah-wah, fuzz et moult effets et techniques sont au programme et en quantité illimitée. Le vice est poussé au maximum en produisant la sensation d’écouter un enregistrement à l’ancienne. Radio Moscow c’est aussi Parker Griggs, créateur du groupe, chanteur et guitariste. La rumeur dit qu’on est ici face à l’un des meilleurs guitaristes en exercice. En tout cas, cela ne me semble pas aberrant. La technique restant heureusement au service du feeling. La voix est quand à elle un condensé du meilleur entre groove et puissance en plus d’être une véritable signature. Nous voilà face à la cinquième mouture.

Le premier morceau “So Alone” est lancé en saccades, en boucles et sur un rythme endiablé. Une minute et on est déjà gratifiés d’un court solo puis la voix prend le relais. Suit encore wah-wah avant le solo repris et agrémenté. Je ne parlerais pas en détails du superbe solo final à consonance psychédélique parce que c’est assez difficile à retranscrire. Ce qui est sûr, c’est qu’on y prend son pied !
Ce premier morceau résume finalement assez bien le style du groupe. Les riffs sont lancés à grande vitesse, les solos ne sont jamais très loin et la voix nous accroche l’oreille. L’album continue sur cette lancée sans freiner ni baisser en qualité. Sans forcer, on imagine assez bien à quel point les montées psychédéliques doivent nous emporter en live (“These Days”), tout comme les avalanches de wah-wah (“Before It Bruns” qui possède aussi quelques sonorités orientales). Seuls événements modifiants le programme, à mi-parcours un morceau plus blues au tempo ralentit “Sweet Lil Thing” et une presque ballade en presque acoustique pour conclure l’effort avec “Stinging”.

Graphiquement le groupe évolue dans un univers qui lui appartient à base de lunettes qui pense au troisième œil et divers collages. En toute subjectivité, ce gigantesque champignon montagnard aux couleurs pastels est une réussite.
Pour terminer, du classique oui, mais du bon aussi.

Zombie King – Calling the Unknown

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Zombie King est un quatuor trouvant son origine dans la sympathique région de Charleville-Mézières, une ville pas forcément connue pour son riche patrimoine de groupes de rock. Et pourtant, depuis bientôt six ans, Zombie King y roule tranquillement sa bosse, proposant en ce début d’année leur troisième production, sous la forme de ce EP quatre titres.

Musicalement, Zombie King évolue dans un stoner rock absolument classique. Vraiment, pas la peine de tergiverser ou de se retourner le cerveau : on frôle ou on survole occasionnellement quelques “sous-genres” stoner ici ou là (ouais, y’a quand même un peu de vieux doom là derrière), mais franchement, on est en plein dans du stoner pur jus. Spécificité qui très vite prend le pas sur toute considération : le groupe est emmené par une chanteuse, phénomène assez rare pour être signalé, a fortiori dans l’hexagone (on salue les Water Pipe Cult au passage, évoluant dans un genre un peu différent). Le chant d’Emeline est donc clairement une clé de voûte stylistique du groupe. Faut dire que son timbre intéressant tient bien la route, et ses intonations et incantations presque hantées ici ou là (la fin de “Ghost of the Ancient Witch”) rappellent même les premières productions d’Acid King, avec les premières velléités vocales d’une Lori moins assurée qu’aujourd’hui. Zombie King met donc le paquet là-dessus, c’est légitime – un peu trop quand même peut-être, avec notamment un mix où tout semble tourner autour (ou derrière) ces vocaux. Faut dire que derrière ça joue pas mal, et la baraque est fort bien tenue, sans outrance non plus, personne ne se met en avant (voir les soli ou modestes leads très très timides qui peuvent intervenir ici ou là). C’est une qualité et, sur une galette de quatre titres bien homogènes, une clé d’efficacité.

Niveau compos c’est quand même pas mal foutu. Le riff introductif de “Beggars from another world” est un peu trop sabbathien pour être honnête, certes, mais c’est fort bien exécuté, et ça fonctionne bien, notamment dans son coup de boost en fin de chanson. “Haddonfield’s Sabbath”, un titre diversifié qui emprunte occasionnellement au psyche rock 70’s, est peut-être pour moi le titre le moins efficace – à trop partir dans tous les sens, on perd un peu le fil conducteur du morceau. “Cosmic Guru” est plus carré, à l’image de sa ligne de basse sans chichi qui fait le job en enrobant le master riff lui aussi simplissime. La deuxième partie du titre varie un peu (pas mal le solo) mais ça fonctionne toujours. Pour finir “Ghost of the Ancient Witch” synthétise bien la teneur musicale du combo, avec là aussi une fin de chanson en mode accéléré du plus bel effet.

Au final, on est satisfaits de constater que Zombie King occupe une place encore inoccupée dans le paysage stoner français aujourd’hui bien étoffé : le groupe trace son chemin avec son originalité et son intégrité, et son EP ici présent est à son image. Un bon EP, qui donne envie d’entendre plus de titre dans cette mouvance.

Sleepy Sun – Maui Tears

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Sleepy Sun, c’est plus pareil depuis le départ de Rachel Fannan…..enfin, c’est ce que laissait entrevoir le précédent « Spine Hits ». Avec ce nouvel effort, « Maui Tears », les californiens inversent la tendance.

Les 9 titres qui composent cet album sont autant de morceaux différents, et contiennent à la louche 96 idées elles aussi toutes différentes. Certaines mauvaises langues objecteront que trop d’idées tue l’idée. N’en reste pas moins que l’on se laisse prendre à une course poursuite mélodico-psychédélique sans jamais pouvoir rattraper un groupe qui a toujours 8 longueurs d’avance. Symbole de cette réussite, l’incroyable « Everywhere Waltz » et son final a capella, où comment, pendant 6 minutes, acculer l’auditeur dans les cordes et parvenir à toujours le cogner là où il s’y attend le moins. KO assuré. L’auditeur est donc ballotté, au gré des pistes, entre le hawaïannisme des Beach Boys sur le très très très très lent « Slowdown » (qui porte très très très très bien son nom) ou encore la british touch d’un Placebo sur une piste comme « Galaxy Punk ».

Exception faite de « The Lane », et de son riff pourtant bien trouvé et ma foi assez burné (attention, tout est relatif, on parle de Sleepy Sun quand même), cet album est assurément moins « stoner » que ses prédécesseurs. Il devrait néanmoins ravir ceux qui s’étaient laissés prendre au jeu des albums précédents. Pour les plus puristes des fans du combo, seul le morceau titre les envoûtera pendant un peu plus de 10 minutes et leur laissera encore entrevoir une lueur du Sleepy Sun d’antan.

Ce « Maui Tears » est un disque intéressant, fort riche, mais destiné à une poignée d’aficionados…..ou aux plus curieux d’entre vous.

Crowbar – Symmetry In Black

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Crowbar est de ces nombreux groupes qui ont, depuis une dizaine d’années vécu dans l’ombre du géant Down, partageant le temps – et l’inspiration – de son guitariste Kirk Windstein (puis de Patrick Bruders, nouveau bassiste du supergroupe de NOLA). Déjà responsable de sept opus studio notables entre 1991 et 2001 et dépositaire d’un sludge/harcore où la pesanteur des riffs est élevé au rang d’art, le combo s’est même permit d’atteindre le sublime le temps d’Odd Fellows Rest en 1998.

Mais à l’instar de la carrière de Corrosion of Conformity ou EyeHateGod, celle des petits princes du riffing US a pâti dans les années 2000 du retour de l’ogre Down au premier plan. Qui se souvient vraiment de Lifesblood For The Downtrodden, publié en 2005 pourtant seul témoin discographique du combo lors de cette longue décennie de disette ? Pas grand monde. Heureusement aujourd’hui Windstein a prit conscience qu’il avait tout à gagner à faire vivre – et tourner – un maximum ce projet qui lui doit tout. Sever The Wicked Hand, paru en 2011 lui a remit en bouche le goût de sa parfaite mixture de hardcore et de sludge. Exit Down pour le natif de Middlesex (oui Middlesex) tandis que Patrick Bruders (vu aussi dans Goatwhore et EyeHateGod) a, lui, prit la décision inverse et s’est vu remplacé par Jeff Golden. Crowbar fête en 2014 ses 25 ans avec la publication de Symmetry In Black, élégamment habillé de noir – anniversaire oblige. Lorsqu’il s’agit de parler d’un nouvel album de Crowbar, cela revient à mon sens à l’étalonner vis à vis d’Odd Fellows Rest, unité de mesure absolue parue au milieu du suffocant été 1998. Insurpassable tant ses qualités de mélancolie mélodique et de puissance dans la lenteur, le chef d’œuvre du combo était un tournant du son Crowbar, une parfaite synthèse de ce qui fait de ce groupe un composant unique de la scène heavy US. Et Sever The Wicked Hand par bien des aspects m’a procuré à sa sortie des frissons équivalents à ceux ressenti à la découverte du masterpiece susmentionné. Faisant suite à ces glorieux antécédents, Symmetry In Black se révèle un poil moins fédérateur, moins passionnant. Pourtant le duo de composition Windstein/Brunson n’a rien perdu de son efficacité et apprendre qu’une bonne moitié des paroles ont été écrit par le vieux briscard barbu en collaboration avec sa femme et plutôt touchant. Reste que les quelques grosses raisons de s’enthousiasmer (« Walk With Knowledge Wisely », « Symmetry In White », « Reflection Of Deceit » ou la respiration « Amaranthine ») ne suffisent pas à élever cet album pourtant fort agréable au panthéon de ce que les artificiers de la Nouvelle Orleans ont produit de mieux lors des 25 années qui ont composé  leur brillante carrière. Mais l’album semble par bien des aspects faire la synthèse de tout ce qu’à représenté Crowbar durant sa frustrante carrière, revenant sur le versant hardcore de ses débuts avec « Symbolic Suicide », que Windstein dédicace à Peter Steele, eu égard de l’influence que le bonhomme a eu sur la scène heavy mondiale (il expliquera en interview que la découverte d’une cassette des premières démos de Carnivore, groupe pré-Type O Negative de Steele aura été pour beaucoup dans les choix d’orientation musicales pris par Windstein et Bower à la toute fin des années 80). Quelques autres morceaux plus dispensables (« Ageless Decay », « Teach The Blind To See ») font également le pont entre les périodes et semblent donner un sens de synthèse à cet opus anniversaire pas forcement appelé à faire date dans l’histoire du groupe. La fin poussive de l’opus confirme alors cette sensation d’honnête travail manquant d’un supplément d’âme.

S’il ne faut alors juger Symmetry In Black que par la joie que son écoute procure, il est indéniable que nous sommes en présence ici d’un brûlot tout a fait valable même si, et c’est là un très joli défaut, chaque note de cet opus me donne envie de me replonger dans ce voyage magnifique qu’est l’écoute d’Odd Fellows Rest. La malédiction des groupes qui ont un jouer eu l’honneur de toucher au sublime.

Floor – Oblation

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Le patient du jour se prénomme… Floor… oui c’est bien ça : Floor.
Le patient susnommé présente à la première écoute une forme de trouble de la personnalité multiple. En effet une certaine alternance de personnalités semble se produire au fil des morceaux sans que le patient, ce Floor, ne puisse apparemment le contrôler. Mais ce cas ressemble fortement à un cas plus renommé. Un certain Torche, non ? En effet et pour cause à la genèse de Torche il y avait Floor mené également par Steve Brooks.
Première rencontre discographique avec le groupe pour ma part. Le groupe existe depuis 1992, n’a jamais réussi à sortir quoi que ce soit d’autres que des singles avant 2002, pour splitter en 2003, se reformer en 2010 et sortir un nouvel album en 2014… Ca a de quoi jouer sur les nerfs effectivement.

Et ça commence très fort avec la chanson éponyme de l’album : « Oblation » : riff massif joué à l’unisson par deux guitares sous-accordées, au diable la basse à deux grattes on fera sans aujourd’hui, et une batterie qui matraque. Puis ce qui frappe d’entrée c’est le chant ! Cette voix ! Mais c’est qu’il a une voix claire ! Une voix claire ! On finit par oublier que le chant sonne bien aussi sans glaviots au fond de la gorge, sans whisky pour brûler les cordes vocales, sans fumée pour enrouer la glotte. C’est donc une belle voix claire qui nous accueille. Pas d’une puissance inouïe mais avec ses lignes originales gonflées de mélodies, Steve Brooks, à la guitare et au chant, nous rappelle ainsi que le son « Torche » tient pour beaucoup de lui. Ce décalage pop/sludge unique. Ici plus que du sludge, on lorgne même vers des horizons doom.
Deuxième morceau « Rocinante », on accélère un peu le tempo même si on reste dans la même démarche et on finit sur une pesanteur doomique. On commence par se faire attraper par cette approche qui déroute. Les guitares sont crades mais le son est clair. Ca sonne froid et gras à la fois. La voix est douce et les riffs suintent. C’est pesant et doux en même temps, contraste de mélodies et de plans lourds. On ne sait jamais sur quel pied dansé, bien que danser est certainement la dernière chose que donne envie de faire le trio. Les troubles psychotiques du groupe sont réels, c’est comme si votre meilleur ami était serial killer.

Pour éviter le sentiment de répétition, le groupe sait se jouer de quelques breaks punks, claque des riffs parpaings à tour de bras, pond des mélodies entêtantes, sort des petits interludes instrumentaux et surtout boucle le tout en moyenne en 3 minutes pour chaque morceau. L’efficacité pop au service d’un sludge/doom de derrière les fagots. Ecoutez « Sister Sophia » et vous comprendrez. Néanmoins ça s’enchaine tellement que sans crier gare, les nuances pourraient presque vous échapper. Ca rendrait presque l’album inoffensif pour un tueur en série.
C’est finalement quand le groupe se pose, que la magie est totale. « Sign of Aeth » et ses près de 8 minutes de synthèse d’album. Là l’atmosphère a le temps d’être posé, les breaks le temps de se développer, les riffs le temps de s’appesantir, la voix le temps d’envouter. Quel dommage que l’album ne se clôt pas ainsi, les deux morceaux de fin faisant plus figure de bonus « il y a en a un peu plus, je vous le laisse ».

De par certains arrangements et mélodies, je dirais que Floor fait de la cold wave-sludge. Ce côté désenchanté, un peu mélancolique, fait de contraste. Ca ne s’écoute pas à la fraîche au levé du soleil. C’est un disque entre chien et loup. La pénombre n’est pas totale, il fait encore assez jour pour ne pas avoir besoin de lumière. Mais pour percevoir la richesse qui nous entoure, il faut être attentif. Le nom de l’album fait référence à une offrande, mais ce n’est pas une musique qui se donne si aisément. Attardez vous sur ce patient, c’est un cas d’école.

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