Warchetype – Goat Goddess Supremacy

Warchetype – Goat Goddess Supremacy

Voilà un projet qui va faire parler de lui auprès des inconditionnels du doom sévèrement burné. C’est dans l’underground de Barcelone qu’a pris forme ce projet résolument brutal au sein duquel prirent part des membres de The Eyes, Campo Santo et Great Coven en deux-mille-cinq.
L’admiration qu’ils vouent à Black Sabbath, Saint Vitus ou Candlemass les a motivés à mettre en boîte cinq titres glauques voir malsains qui évoluent du côté résolument obscu. On commence avec ‘Itaca’, inspiré par l’œuvre mythologique du papa de Bart, qui se traîne sur près de vingt-minutes avec des parties vocales tour-à-tour épiques ou gutturales qui s’insèrent sur des riffs et des slaps dévastateurs assénés avec fureur.
Avoisinant le deux de tension, ‘Marduk’s Stairs To Earth’ suit dans un registre assez voisin si ce n’est que des cris d’épouvante viennent compléter les grognements du vocaliste de la formation ibère. Plus groovy et bref, ‘Manitou’ peaufine le ramonage de nos ouïes à grands coups de basse avant de céder sa place à ‘Hangover’ qui blaste bien avec son tempo un poil plus rapide que le reste des plages de ce cd. Nettement plus abordable par le commun des mortels,  auquel ne s’adresse sûrement pas cette production, cette composition n’a pas à rougir lorsqu’on la compare aux titres d’Electric Wizard dont elle se rapproche quelque peu.
‘Death Card’ annonce la fin des hostilités et met un terme à ce déluge sonore d’une heure avec une classe certaine. Les vociférations passent à la vitesse supérieure, le titre s’emballe dans un déluge de décibels jouissif dopé aux amphétamines et laisse l’auditeur carrément sur le cul.
Cette tuerie exécutée dans les règles de l’art va faire parler d’elle à n’en point douter que ce soit au sein du cercle des amateurs de doom ou de métal lugubre.

Sunnshine – Engender

Sunnshine - Engender

La terre de Richmond en Virginie constitue apparemment un terreau fertile en groupes heavy. Après avoir enfanté ALABAMA THUNDER PUSSY, arrive SUNNSHINE. Avec deux n, histoire de bien marquer le fait qu’ils n’utilisent que les excellents amplis SUNN de l’ami Greg Anderson. On peut donc légitimement s’attendre à de la matière grasse dans le son. On est pas déçu. Quatre titres d’excellente facture oscillant entre TUMMLER et KYUSS. Catégorie lourd et lent. Ça écrase. C’est aérien. Ça ramone sec aussi. Et toujours ça groove. Des titres invariablement nuancés, progressant lentement et tissant un enchevêtrement d’ambiances extrêmement agréables conduisant la nuque à onduler doucement. Ajoutez à cela un chanteur sachant chanter et vous obtenez un disque d’une efficacité redoutable. Oh, rien de révolutionnaire. Mais reconnaissons que pour un premier CD, c’est impressionnant de maîtrise.

Solace – A.D.

Solace - A.D.

La montée en puissance de Solace sur le monde du stoner américain et international paraissait imparable. Sur la base d’albums impeccables et de prestations live rares mais réputées, le quintette U.S. est devenu sinon hégémonique, tout du moins référentiel. Certains diraient même “cultes”, mais ce dernier qualificatif n’est finalement devenu d’actualité que ces dernières années, durant lesquelles le groupe a presque disparu du paysage musical. Pause, split, disparition, difficultés financières, pas de labels, démotivation… Tous les justificatifs ont été annoncés et imaginés, mais le résultat était le même : a priori, il devenait assez improbable que Solace délivre une nouvelle offrande aux fans que nous étions juste en train de devenir. Ces derniers temps (depuis 2007-2008 pour être précis !) la rumeur a toutefois enflé, et les premiers échos de l’enregistrement de cet inespéré “A.D.” se sont concrétisés. Mais même sa sortie fut émaillée de difficultés et de rendez-vous manqués (sortie repoussée plusieurs fois, puis problèmes de mastering, puis de fabrication du CD…).

Notre espoir, enrichi par ces années d’incertitude, était donc grand à l’arrivée de ce disque. Et quitte à déflorer cette chronique, autant le dire tout de suite : il n’y a pas matière à déception, “A.D.” est bien le disque attendu par les connaisseurs et les curieux. Le disque, proposant une heure de très bon stoner (tendance heavy plutôt que atmosphérique, c’est sûr), est composé de 10 titres ; je vous laisse à vos caclulatrices, ça fait bien une moyenne de 6 minutes par morceau, sous la forme de chansons sinueuses, épiques parfois, enlevées. Mais, marque de fabrique du combo parmi d’autres, jamais ils ne se laissent aller à “faire du gras” : même lorsque les titres sont longs (un titre d’intro à 7 minutes, faut oser, tout comme le titre de fin à 10 minutes…), ils évitent le superflu, se contentant d’aligner intelligemment les séquences de manière cohérente autour d’un riff très souvent pachydermique. Couplets, breaks, soli, refrains déstructurés, tout est utilisé à bon escient. Les soli d’ailleurs, et c’est un point remarquable, sont juste jouissifs : loin de la branlette de manche, ils sont efficaces et limpides, et leur usage est toujours bienvenu. Chapeau aux bretteurs (Southard et Daniels) pour ce tour de manche (jeu de mot… désolé).

Les compositions permettent au groupe de déployer l’entière palette de leurs capacités, à l’image de leur chanteur Jason qui se permet les hurlements les plus violents et primitifs sur l’introductif “The Disillusionned Prophet” pour mieux dévoiler ses capacités en chant clair sur l’ensemble des titres. Ce morceau, excellente vitrine de la “montagne russe” qui attend les auditeurs, permet à chacun de montrer sa contribution à cet album “fleuve”, à l’instar de Kenny Lund à la batterie, qui charpente des rythmiques particulièrement alambiquées. Un peu plus loin, “Six-Year trainwreck” (un morceau autobiographique de la carrière du groupe ?…) ou “Down South Dog” nous remémorent les discrètes effluves sudistes qui font l’une des spécificités du combo, notamment à travers un son de grattes bien gras (l’intro en harmonie de grattes du premier ne démériterait pas sur un album de Down). Le très metal “The Skull of the Head of a Man” (titre le plus court et le plus bourrin de la galette), amène naturellement à l’excellent “From below” qui cloture majestueusement l’album : une approche résolument doom vient porter ce mid-tempo fleuve.

Je pense qu’il est assez aisé de comprendre que cet album est bien au niveau où on l’attendait : excellent. C’est un album exigeant, en revanche, qui pourra déstabiliser l’auditeur peu averti : les morceaux sont longs, les rythmiques complexes, les textures instrumentales et vocales nombreuses et variées. Mais “l’effort” est largement récompensé.

El Thule – Green Magic

El Thule - Green Magic

Je l’avoue d’emblée, le fait que El Thule sorte son deuxième album ces temps-çi ne m’emballait pas outre mesure. Pour cause, un premier essai qui empilait une majorité de titres courts, punky et crades sur les bords qui fonctionnaient beaucoup mieux sur scène que sur ma platine, principalement en raison de la débauche d’énergie déployée sur les planches par ces trois zicos italiens. J’ai du l’écouter une demi-douzaine de fois avant de le ranger dans le bas de la pile d’où il n’est plus jamais ressorti.

Bien que la pochette de Green Magic m’évoqua à première vue celle de la dernière livraison de Electric Wizard, ce qui aurait du éveiller quelques soupçons, c’est sans aucune excitation que j’enfournai cette nouvelle plaque. Je le fis même avec une légère appréhension, celle de décrocher après trois titres, voir quatre selon mon humeur.

Dès les premières mesures qui succédèrent à l’intro au didgeridoo, je me ruai sur le livret afin de le décortiquer sous toutes ses coutures pour m’assurer qu’il s’agissait bien du même groupe qui nous avait livrés No Guts, No Glory il y a quelques années. Car en matière de changement de direction musicale, on a rarement vu un revirement aussi radical, sauf peut-être chez les suiveurs de modes qui polluent les ondes, ce qui est bien sur loin d’être le cas ici. Malgré quelques réminiscences punk parfois décelables, El Thule a en effet largement changé de registre en alourdissant considérablement le propos, bien aidé en cela par la production de Mr. Dango (guitariste pois sauteur de Truckfighters) et Gabriele Ferreri qui leurs ont peaufiné un son énorme et compact tout en maîtrisant parfaitement l’art de faire sonner l’ensemble comme un bordel parfaitement organisé, ce qui sied parfaitement à leurs velléités de verser désormais dans un Heavy Doom qui séduira les amateurs de High on Fire, au hasard.

Les éjaculations de 2’30” font désormais place à des titres bien plombés tournant régulièrement autour des 8 minutes mais riches en rebondissements. Cà frôle parfois le Sludge sans jamais y verser complètement, çà lorgne régulièrement vers un Sick Doom dont l’aspect malsain est désamorcé par de longs solos au feeling 70’s parfaitement maîtrisé (Tommi Holappa fait d’ailleurs une apparition remarquée dans un registre qu’on lui connaissait moins) et çà se lâche dans des plans rock’n’roll dopés à la testostérone qui évoquent Entombed, même si ces derniers prétendent jouer exclusivement du Death Metal. Quels que soient les chemins empruntés, le résultat est toujours intense sans jamais tomber dans l’excès de lourdeur et cette capacité à rester sur le fil, à jouer avec différents styles en restant cohérent confère à cet album une touche particulière même s’il n’apporte rien de fondamentalement novateur.

En conservant les mêmes ingrédients, c’est-à-dire un son bien gras et une furieuse envie de jouer très fort, mais en les accommodant de façon différente, El Thule surprend agréablement grâce à ces huit titres qui ne font certes pas dans la dentelle mais révèlent un talent de composition qu’on ne suspectait pas à l’écoute de leur premier méfait. Pas certain que cette plaque leur apporte la gloire mais on peut les rassurer, les guts sont toujours bien présentes !

Hackman – Entreprises

Hackman - Entreprises

Hackman est un trio animé par des types au cv qui en jette puisque qu’ex-Lamont et surtout ex-Milligram. Comme ces références me causent, j’ai gardé cette plaque soigneusement de côté pour me l’écouter tranquille peinard sans que des fâcheux ou fâcheuses ne viennent me gâcher mon plaisir en aboyant au niveau du volume sonore employé pour cette découverte lequel devait être la cause de ma soit-disant quasi-surdité. Alors hop, me voilà affalé avec un clope et le café qui va bien avec (ouais le rock’n’roll c’est plus ce que c’était) et ce second opus ‘Hackman’ qui tourne dans la platine.
Cool sitôt ça débute sitôt ça dépote ! Un bon gros sludge qui m’avait fait redouter le pire puisque intitulé ‘Panama’ j’avais craint la reprise de Van Halen, mais non l’honneur est sauf ça turbine avec la légèreté d’un hippopotame traversant la savane. Le programme sera d’ailleurs ainsi du début à la fin de cette galette en alternant ça et là quelques plans aériens, quelques instrumentaux et des longs, longs passages plombés où le groupe balance la sauce avec force hargne.
Au bout de cet album assez redondant, je me tape encore le début de l’ovni de trente minutes qui clôt le tout et il est long ! Les digressions à la Isis ou à la Knut j’aime bien quand c’est bien foutu, et là c’est pas mal foutu, mais ça m’emballe pas franchement non plus alors je zappe et comme il n’y a plus rien après je me retape encore une fois les titres qui m’ont séduit à la première écoute. Et là je me rends compte que j’en zappe pas mal. A part l’instrumental planant et organique ‘C’est La Mort’, le déluge de décibels ‘Number Eight, No Bullet’ qui blaste dans la veine des grosses formations ricaines barrées et ‘Bludge’ qui oscille entre sludge bien barré et stoner bien lourd, je m’aperçois que cette livraison de chez Small Stone ne me convainc guère.
Le tout est englué dans la mollesse des cordes de guitares accordées bien bas et la production linéaire désirée par le groupe rend le tout presque ennuyeux. C’est bien dommage car je suis plutôt bon public quand il s’agit de se taper des trucs un peu borderline !

Fatso Jetson – Flames For All

Fatso Jetson - Flames For All

Après 2 albums sur un obscur label, Frank Kozic se réveille et signe Fatso Jetson sur son label, le défunt Man’s Ruin, lui offrant au passage un trépied vers une plus grande reconnaissance, au moins de la part des aficionados… Le groupe des cousins Lalli ne manque pas cette occasion, et délivre un skeud de toute beauté, en intégrant pour l’occasion un quatrième larron : Gary Arce, pour rajouter des grattes.

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas Fatso Jetson, la première écoute (et les 5 suivantes, en fait) est pour le moins déstabilisante : des chansons étrangement (dé)structurées, des parties de lead guitares décalées, des rythmiques lancinantes, un chant étonnant…

Mais passé ce cap, le plaisir prend le pas, et l’on comprend pourquoi Fatso Jetson garde cette auréole de groupe mythique dans le Palm Desert (le groupe reste vénéré par la plupart des musiciens de la région, il y a bien une raison…).

On peut donc dans un second temps apprécier comme ils le méritent ces morceaux : parfois plutôt lents, ambiancés, ils peuvent s’emballer au détour d’un break improbable (une sorte de groupe de jazz stoner…) et proposer un solo imparable mais complètement décalé. Le morceau titre de l’album en est un superbe exemple : articulé autour de couplets aux rythmiques dissonantes, la chanson s’emballe soudain en un refrain frénétique, et se conclut étrangement après un pont musical totalement décalé. “Let’s clone” est un autre grand moment de l’album, avec son “lick” de guitare entêtant et sa rythmique tribale limite hypnotique… Incroyable aussi la doublette “Graffiti in space” / “Deaf conductor”, morceaux totalement instrumentaux, et pour autant excitants de bout en bout, épiques par moments…

Bref, que du plaisir. Si vous ne connaissez pas Fatso Jetson, je vous encourage à vous y plonger SERIEUSEMENT pour en apprécier toute la finesse…

Eagles Of Death Metal – Death by Sexy

Eagles Of Death Metal - Death by sexy

Deuxième galette pour le “super” groupe parallèle de notre Josh Homme national (également producteur de l’album) et de l’extra terrestre Jesse Hughes. Clairement, on a passé le cap de la blague de potaches (le premier album), avec ce “Death by sexy” bien sous tous rapports. Non seulement le son est excellent, mais la musique est irréprochable, interprétée par ni plus ni moins que la quasi exhaustivité de la “sphère QOTSA” (on vous fera pas l’affront d’en faire la liste).

A partir de là, que dire de cet album ?
Du bien, d’abord : les compos sont impeccables pour qui avait apprécié les compos entêtantes du premier album, les rythmes saccadés et infectieux typiques du groupe, les vocaux hilarants et les riffs de guitare essentiels et approximatifs. A ce titre, cet album reprend la recette et la “professionnalise” : les compos sont encore plus redoutables (les irrésistibles “I want you so hard”, “Cherry cola”, “Don’t speak”, etc.), et la prod, rutilante, sait faire parler la poudre lorsque nécessaire, tout en maintenant ce son cristallin si peu fuzzé que ça en fait peur de naïveté ! (on est pas habitué)

Mais tirer un constat si élogieux serait abusif : en réalité, on ne sait plus vraiment à quoi s’en tenir. Alors que le premier disque puait l’underground et en devait désirable comme un diamant brut fraîchement découvert dans un tas de caillasses sans valeur, l’effet de surprise ne prend plus : les morceaux approximatifs ennuient un peu (même s’ils sont au milieu de vraies pépites, je le répète !), et ce son trop policé dessert le groupe, aussi étonnant que cela puisse paraître.

Au final, on est un peu déstabilisé. C’est un disque plaisant, il donne la pèche et est très efficace. C’est déjà énorme. Mais si vous attendez un peu plus, ça vous paraîtra un peu léger au bout d’une demi-douzaine d’écoutes.

Elvis Deluxe – Favorite State Of Mind

Elvis Deluxe - Favorite State Of Mind

La Pologne n’est pas forcément connue pour être la patrie emblématique du stoner, et encore moins le berceau du rock. Etrange de voir débouler ce quatuor hirsute sur nos plates-bandes occidentales civilisées, combo directement issu de cette contrée pourtant peu féconde en groupes référentiels, avec leur godasses toutes crasseuses et leurs grattes pleines de riffs bien crades. Miam.

L’écoute de ce disque est une expérience en soi : ça commence par une petite intro en son clair, petit à petit pervertie par un feedback de gratte frémissant, qui amène un furieux « Let yourself free », brûlot rageur aux limites du punk (tendance Mondo Generator des débuts). Mais même ce titre, qui paraît binaire et brutal, « dégénère » en un refrain aux chœurs harmonisés complètement décalé. Et ce n’est que le début des surprises ! Témoin encore, ce « Out all night » aux sonorités garage suintantes (et aux rythmiques de gratte encore une fois très « Oliveri-esques »), qui, au bout de 3 minutes, dégénère en un orgiaque trip 70’s nappé de synthés suintants, pour mieux revenir vous en coller un en pleine face 2 riffs plus loin. Et l’on passe ainsi de mid-tempos planants à des titres de heavy rock superbement charpentés (« To tell you », ou le mélange complètement improbable de Turbonegro, de Deep Purple et des Who) ou autres titres montrant que le groupe est loin d’être à la ramasse niveau influences « modernes » (écoutez le riff d’intro et le refrain du dantesque « Fire (Loveboy) » et osez me dire qu’il n’est pas dans la droite lignée du QOTSA des 2000-2002). Une chose est sûre en tout cas, Elvis Deluxe ne manque pas de culot (pour rester poli).

Le groupe a clairement mis le paquet dans ses compos, et l’on reprochera peut-être parfois à la prod de ne pas être au niveau attendu sur certains titres (un son un peu maigrelet sur quelques passages). Est-ce que le plaisir d’écoute en pâtit ? Clairement, non. On pourrait même penser le contraire : ce côté garage rend l’ensemble assez excitant. Même si ce disque ne prétend pas révolutionner le monde bien sage du rock au XXIème siècle, il lui colle quand même un sacré coup de pied dans les roubignolles. Et c’est beau à voir.

Yajaira – Lento Y Real

Yajaira - Lento Y Real

Bien qu’enregistré il y a trois ans déjà à Santiago De Chile, le second album du quatuor chilien est actuellement commercialisé en Europe par Freebird avec l’aide de l’excellent label espagnol Alone. Ces Sud-américains sont actuellement en train de mettre sur pied une tournée dans nos contrées qui devrait faire une halte à Londres en compagnie d’Orange Goblin. Comme Natas en Argentine, Yajaira est l’un des trop rares groupes de hard psychédélique rock d’Amérique du Sud à sortir de ses frontières pour nous livrer son stoner très inspiré par les années septante (Black Sabbath en tête). Chanté en espagnol ‘Lento Y Real’ nous entraîne en neuf plages à la découverte d’un desert rock tortueux et lent (mais sans être doomesque) en version latino duquel émerge l’entêtant et hypnotique titre ‘El Ritual’ auquel va ma préférence. Cette production fera le bonheur des fans d’heavy rock très seventies appréciant les vocaux en espagnol.

Gozu – Locust Season

Gozu - Locust Season

Il y a de ces groupes qui déboulent par surprise sur votre platine, sans que l’on en attende forcément grand-chose, et qui se révèlent, après quelques écoutes, d’excellentes surprises. Gozu est de ceux-là, vous l’aurez deviné. Auréolé d’un a priori favorable (Small Stone se trompe rarement, et le « niveau d’entrée » requis pour intégrer son écurie est élevé), ce jeune groupe ricain débarque sans prévenir et pose ses couilles sur la platine disque sans plus de protocole. Tout est là, dès « Meth Cowboy » : un riff replet et cinglant, une rythmique rutilante, une compo finement élaborée (breaks, pré-couplet super-catchy), des vocaux puissants mais propres. La marque de fabrique sonore du groupe est déjà prégnante, construite sur un principe systématiquement ambivalent : titres furieux et rageurs / compositions finement ciselées, saturation / son clair, riffs simplissimes et directs / mélodies efficaces, son de bûcheron énervé / production subtile et élaborée. En évoluant perpétuellement sur tous les tableaux, la richesse sonore de Gozu, ainsi que son audace (les chœurs du couplet de « Regal Beagle », fallait oser !), emportent inéluctablement la timbale. Gozu fait le pari de jouer plus sur l’intellect de son auditeur, la curiosité auditive, l’exigence mélodique. Une approche risquée pour un groupe jusqu’ici inconnu, mais un challenge pour moi réussi, tant ces compos sont bien foutues et riches. Il faut juste franchir le premier pas ; pour le reste, laissez-vous porter, ça avance tout seul.

Colour Haze – CO2

Colour Haze - CO2

« Get it on » qui ouvre cet album est un pur bijou. Basé sur un riff impérial, ce titre s’est installé dans mon crâne en moins de temps que ne le ferait une comptine dans la tête d’un enfant. Le genre de truc pour lequel on ressent l’envie irrépressible de se laisser porter. « Shine » qui suit, s’annonce aussi agréable. Plus relax encore. Ces teutons évoluent dans des eaux kyussiennes sans pour autant céder à la facilité du repompage stricto sensu. Ils font évoluer le travail de leurs inspirateurs principaux. La distance est appréciable, notamment lorsqu’elle se confronte à d’autres sources d’inspiration comme celle du bluesmen James Taylor dont ils ont adaptés un partie d’« Angry blues », morceau archi-connu. Producteur d’une musique au groove soyeux et onduleux, Colour Haze fait partie de ce type de groupe dont l’importance se fait déterminante pour qui veut s’assurer de belles fins de soirées.

Space Probe Taurus – Album éponyme

Space Probe Taurus - Album éponyme

Sortez le cuir et le chopper, c’est parti pour un tour à la Easy Rider. Dès les 1ers accords on se voit déjà en train de chevaucher une belle cylindrée aux côtés de Dennis Hopper et Peter Fonda.

Les effluves de fuzz émanent de la concentration de bikers dans votre lecteur et les assauts furieux de la section rythmique vous rappellent – non sans innocence – le métal de Detroit où sévissaient les furieux du MC5 et des Stooges. On retrouve sur cette plaque les meilleurs élans de Monster Magnet et les soli exécutés avec une dextérité remarquable pourront croiser le fer sans rougir avec un certain Ed Mundell.

Ce groupe n’en est pas à ses débuts: formé en 1992 initialement, après plusieurs albums, apparitions sur des compiles entre labels et autoprods, SPT vient de planter la tente sur le terrain des Belges de Buzzville Records qui, à nouveau, nous offrent ici une toute belle signature. On les saluera au passage.

Le fût est en perce et la fuzz coule à flots. On perçoit ça et là des passages en son clair agrémentés de flanger et les atmosphères psychédéliques qui en découlent nous invitent à troquer la fuzz contre le buzz le temps d’un moment de répit. Mais que cela ne dure pas trop longtemps car la machine monte à nouveaux dans les tours pour nous livrer des riffs incisifs et débridés au son du moteur fonctionnant à plein régime.

Chaque fin s’accompagne d’une odeur de gomme et l’on devine les burns en série pour conclure les titres qui s’avèrent de qualité égale tout au long de l’album. Ca vole haut, ça roule vite et ça tient la route à mort. N’oubliez pas votre casque.

Sheavy – The Machine That Won The War

sHEAVY - "The Machine That Won The War"

sHEAVY est un groupe qui force le respect. Bon an, mal an, ils alignent les disques, et en profitent pour se partager, avec des groupes comme Nebula, l’étendard du bon vieux stoner comme on l’aime. Rien que pour ça, on devrait s’estimer heureux. Mais quand ils débarquent avec un skeud comme ce petit bijou, forcément, on remercie le ciel qu’en plus de tout, ils aient gardé le talent et l’inspiration. “The Machine That Won The War” est inspiré du bouquin du même titre, par Isaac Asimov. Je ne jurerai pas qu’il s’agit d’un concept album, mais ça en a tout l’air ! Pourquoi pas après tout ? En tout cas l’exercice de style est payant.

A noter que “The Machine” marque un triple pas de géant dans la carrière du groupe : l’album marque l’arrivée “officielle” de Kevin Dominic derrière les fûts (qui ressemble un peu au Mario de Nintendo), ainsi que le choix du groupe d’ajouter un second guitariste dans leur ex-quatuor. Une excellente initiative, qui se prête tout à fait, notamment en live, à enrichir et alourdir le son du groupe. Bien vu. Le troisième pas de géant, c’est cette décision d’arrêter avec les pochettes de CD foireuses !! Celle de “The Machine” ne casse pas trois pattes à un canard, mais regardez les précédentes, vous noterez l’évolution.

Niveau zique, sHEAVY fait ce qu’il a toujours su faire : accoucher de riffs divins, les compléter de soli somptueux (voir “The Gunfighters” – vraiment, quelle bouffée d’air frais que ce second gratteux !), et entrecouper ça de breaks vicieux qui feraient groover un macchabée (“Humanoid”). Le tout, évidemment, est porté par la voix de Stephen Hennessey (qui s’est fait re-pousser les tifs, tiens, pour de l’info, c’est de l’info coco !), irremplaçable et impeccable. Inutile de vous la faire, Hennessey est né avec un organe cloné sur celui d’Ozzy (je parle de ses cordes vocales, idiots !), il peut pas changer comme ça. Mais la nouveauté, c’est que la musique de sHEAVY, sans révolutionner ce que l’on aime chez eux, se densifie, devient plus lourde, heavy, quoi. Et là, on sent quelques relents Sabbathiens plutôt sympathiques, des petits bouts de chansons, insidieux, qui font plaisir à entendre (le riff d’intro de “Dawn of the black orchid” ou celui de “Here falls the shadow” devraient vous filer la chair de poule).

Au global, sHEAVY vient d’accoucher d’une galette costaude, un album mûr. Là où ils nous avaient habitués à des collections de petites pépites, cet album défile d’une traite et ne débande pas, un vrai bulldozer, qui ne regarde jamais sur les côtés.

A noter : il existe une édition avec DVD de ce skeud, ne la manquez pas : pour quasiment le même prix, vous aurez un DVD live de pas moins de 20 titres : non content d’enquiller en concert tous les morceaux de “The Machine”, sHEAVY y balance au milieu quelques “oldies” bien sentis, piochés ici ou là dans leur irréprochable discographie. Filmé avec plein de caméras, même si c’est pas vraiment une superproduction, ce concert vaut sans hésitation l’achat du CD !
Bref, on va pas vous faire l’article, ce skeud de sHEAVY est excellent.

Hermano – Live at W2

Hermano - Live at W2

2 albums et déjà le live. Et pourtant, des concerts de Hermano,il n’y en a pas eu des centaines, quelques dizaines tout au plus, dont une majorité en Europe (il est donc légitime que ce témoignage ait été capturé en Hollande).

Cet enregistrement se fait donc l’image très fidèle de la tournée européenne de fin 2004 durant laquelle Hermano a sillonné bon nombre de pays et villes dans lesquels peu de groupes de ce “niveau” (entendre “modeste” en terme de ventes de disques) oseraient s’aventurer, des “no man’s land” musicaux parfois, où assurer des concerts “rentables” est plus une gageure qu’une garantie. Fidèle à son attitude de toujours, le groupe a donc arpenté le vieux continent à l’arrière de son petit van, et a donné plus d’une quinzaine de concerts mémorables, petites parcelles de rock intemporel, petits plaisirs stoneriens égoïstes, clins d’oeil complices teintés de hard rock et de digressions musicales toujours fort à propos.

Cette tournée, la plus longue de Hermano, se termina donc au célèbre W2 de Den Bosch, en Hollande, salle dans laquelle ont été placés quelques dizaines de micros, “juste pour voir ce que ça donnera”. Et ce que ça donne, c’est du bon, du très bon. Du très pur, avant tout, du brut, du rock’n’roll comme il devrait toujours être, avec du larsen, du feedback, des doigts qui grattent des cordes entre les morceaux, un batteur qui frémit, des musiciens qui se parlent, tout ça on l’entend en montant un peu le volume, et l’on s’y croit. Tout juste l’enregistrement a-t-il été un peu remixé, pour s’assurer que chaque musicien était assez audible. Le résultat est impeccable (à noter que, comme sur l’ensemble de la tournée, le jeune Olly Smit, guitariste “remplaçant” pour cette série de concerts, est un peu “sous-mixé”), en terme de son. Un vrai bonheur : chaque musicien est parfaitement “audible”, le chant de Garcia est sans faille (et ça c’est pas dû au mixage : pas un pain durant le concert – je peux vous l’assurer pour avoir l’enregistrement original !), la base rythmique (Dandy + Leathers) est inattaquable, et comme de plus en plus avec Hermano (surtout depuis que Hermano est devenu son “groupe n°1”), David Angstrom est le maître des lieux, s’exprimant avec sa gratte comme un second chanteur, glissant dans tous les morceaux des riffs cinglants, des soli blindés d’effets tout à fait bienvenus, des licks “de fond” pour accompagner Garcia (quand ce ne sont pas des choeurs), des “nappes sonores” constantes… Toujours présent, inutile de se demander pourquoi Angstrom est finalement le seul membre du groupe que l’on reconnaît clairement, victorieux, sur la pochette de ce live. C’est clairement “l’homme du match” pour reprendre un champ lexical footballistique…

En terme de set list, pas la peine de tortiller, c’est impeccable. Un regret toutefois : 18 titres ont été joués ce soir-là à Den Bosch, et seulement 12 figurent cette galette. Autre regret de “puriste” : deux titres de Kyuss ont été joués ce soir-là (“One Inch Man” et “Green Machine”), et aucun ne figure sur cette galette. Dommage, d’autant que l’on ne peut pas trop expliquer ce choix par un enregistrement de mauvaise qualité (les bandes d’origine que j’ai avaient “One Inch Man”, et l’enregistrement – tout comme la performance – était excellent). Idem pour “Let’s get it on” en duo avec Aleah X (devenue depuis membre officiel du groupe), “Angry American”, ou autres “Brother Bjork”, ils manquent à l’appel, et c’est bien dommage. Mais trêve de pleurnichages, même si le “témoignage” live n’est pas exhaustif, on ne peut que constater qu’en tant qu’album, il s’agit quand même d’une excellente galette auto-suffisante, parfaitement équilibrée entre titres des deux albums du groupe, entre titres rapides et morceaux plus lents, le tout mené à un bon rythme, sans temps morts.

Bref, on pouvait craindre le pire d’un album live si “précoce” dans la carrière du groupe, il s’agit finalement d’un excellent album, honnête (pas l’ombre d’un overdub à l’horizon), modeste, et sérieusement rock’n’roll. Une vraie bonne surprise.

Om – Pilgrimage

Om - Pilgrimage

Diantre! Déjà 2008 et je ne vous ai toujours pas parlé du dernier de mes 4 albums de l’année qui vient à peine de s’écouler (un roudoudou à celui qui trouve les 3 autres, entre 20 chroniques et le sujet sur le forum, ça ne devrait pas être trop difficile). Pire, on aurait pu parier, mes collègues en premier, que je me ruerais pour en faire la chronique. Et bien non, et pourtant, ce disque est énorme, mais comme eux, je me suis encore plus assagi. Prenons notre temps, savourons.

Cisneros et Hakius me laissent devant le même problème que lors de ma chronique de Conference of the Birds : l’absence d’évolution. On l’a bien compris, ils ne changeront jamais leur formule. Il faut dire qu’elle latte. La boucle musicale est leur exercice favori et ils viennent de frapper un grand coup. Aucun morceau ne commence, aucun n’a de fin. Fade in, fade out, repeat all, à nous de décider quand commencer et terminer le trip. Le duo part sur les chemins du pélerinage, vont à Jerusalem et nous propose de partager son chemin.

Comme si leur musique n’était pas déjà si répétitive, ils s’amusent à enfoncer le clou en réinterprétant encore une fois ‘Set the controls for the heart of the sun’. L’ambiance y est encore plus reposante, sert à la fois d’intro, de corps et d’outro à ce disque à la puissance de feu décuplée. Mais pour noter ce détail, il faudra attendre l’arrivée de ‘Unitive knowledge of the godhead’. Albini – dont le nom derrière le mot ‘producteur’ semble devenu autant synonyme de vente assurée que de qualité – a au moins soigné le boulot pour ces deux génies de la musique lourde. Le son catapulte l’auditeur face contre terre. La ride de Chris Hakius va vous hanter sans cesse, vous condamnant, telle une drogue sournoise, à des écoutes répétées. Om, besoin de guitare ? Foutaises, il faudrait d’abord que Cisneros lui ait laissé de la place dans le spectre sonore. Ce disque est un mastodonte et Billy Anderson doit quelque peu jalouser le savoir-faire du chicagoan qui a permis au groupe de conserver sa densité tout en gagnant en clarté.

Après, on en revient à la même conclusion : les fans adoreront refaire encore une rotation de tourniquet, surtout que celui-ci ne semble pas vouloir s’arrêter, les autres auront peur, ou vite la nausée.

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