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Monster Magnet avait raté le coche des 20 ans de Powertrip en 2018, trop occupés qu’ils étaient à défendre Mindfucker, qui venait d’être publié. Car c’est une grande différence entre Monster Magnet et la plupart des autres groupes se prêtant aux tournées anniversaires : Magnet continue de sortir de très bon albums. Mais Powertrip a une place particulière dans la discographie du groupe. Album pivot (celui de la fin du stoner pur pour aller vers le hard rock racé), il est le point culminant commercial et artistique (dans l’idée de synthèse artistique, car en valeur pure il y a débat) de la formation du New Jersey. Rien de plus évident donc que de voir Windorf et ses camarades prendre la route, des deux côtés de l’atlantique pour passer « des soirées sur le thème de Powertrip » (s’évitant ainsi le « joué en intégralité » qui est rarement réalisé). Le rapport entre Magnet et la France continue par contre à être contrarié. Après leur passage l’année dernière à Magny le Hongre, pas de date en hexagone cette fois ci, pas au Hellfest, pas même à Paris qui continue d’être l’un des endroits où le groupe ne fait pas recette. Qu’à cela ne tienne, une fois n’est pas coutume c’est chez nos voisins belges que nous ferons le déplacement, profitant pour le même tarif de bonnes bières et d’un public plus agréable que dans notre (trop) chère capitale.
L’ouverture de soirée revient à un jeune groupe local qui investit la jolie salle du Trix. Jeune oui, local aussi, mais pas inconnu pour autant car si le nom de RRRags ne parlera qu’à ceux qui ont écouté leur premier album, sorti en 2018, le CV des musiciens qui composent le groupe est plutôt étoffé. Au menu Ron Van Herpen (The Devil’s Blood, Astrosoniq), Rob Zim (Lords Of Altamont) et Rob Martin (Biksem) et leur son très 70’s, convoquant autant les Stooges qu’Hawkwind. Sur scène le rendu sonne plus stoner, la faute à la fuzz et la demi heure de set passe avec plaisir (il me semble avoir saisi une reprise de Grand Funk au moment d’aller remplir ma bière au bar). A suivre de près donc.
Comme lors du concert à Magny Le Hongre, c’est au son de Black Sabbath que les roadies peaufinent les réglages et à 21h pile Dave Wyndorf et son orchestre entrent en scène, sur les accords d’« Atomic Clock ». A peine le temps de constater l’absence de Chris Kosnik à la basse, que le riff implacable de « Tractor » nous retourne comme une vulgaire jachère. Quel plaisir d’entendre ces morceaux si rares en concert au milieu des hits habituels : « Temple Of Your Dreams » est ouvert par un lubrique « Shake Your Moneymaker » d’un Wyndorf visiblement émoustillé par une très belle femme au premier rang, tandis que le génial « See You In Hell » (et son irrésistible riff de basse) sera propice à un peu de théâtralité dans ce show bien huilé. 10 des 13 titres de l’album seront joués et le pit, constitué en majorité de quinquagénaires, donnera tout ce qu’il a sur deux ou trois chansons (oui à 50 ans on a plus le même cardio) en fin de set (quel joyeux bordel sur « Powertrip »).
De notre côté nous nous concentrons sur le jeu toujours impeccable de la paire Caivano/Sweeny, la classe du premier s’accordant à merveille avec la bonne humeur communicative du second, et profiterons des rappels pour faire le plein de bonheur. Avant l’attendu « Negasonic Teenage Warhead », c’est toujours un bonheur d’entendre la reprise de « The Right Stuff » de Robert Calvert et, surprise, de se prendre en pleine poire « Look To Your Orb For The Warning » tiré de Dopes To Infinity et qui a connu son succès en 1999 grâce à la B.O. de Matrix.
Comme d’habitude avec Monster Magnet, le contrat est plus que rempli et il ne nous reste plus qu’à compter les jours nous séparant du retour du groupe en Europe. Perso j’en reprendrais bien tous les deux mois sans soucis. Et la région parisienne ne manque pas de salle difficile d’accès où je me ferais un plaisir de me trainer pour faire de chacun des concerts de Magnet une aventure.
Set List :
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- Atomic Clock
- Tractor
- Crop Circle
- Temple Of Your Dreams
- Third Eye Landslide
- See In You In Hell
- Baby Götterdämerung
- Bummer
- Powertrip
- Spacelord
Rappels :
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- Twin Earth
- The Right Stuff
- Look To Your Orb For The Warning
- Negasonic Teenage Warhead
Retour aux affaires pour les Make It sabbathy sur Bordeaux, avec le lancement sérieux de l’activité pour 2020 à l’occasion de la venue des texans The Well. L’occasion aussi pour votre serviteur de découvrir La Voûte, petite salle qui trouve sa place dans l’offre de lieux de concerts en centre ville de Bordeaux. Comme son nom le laisse penser, il s’agit d’un local en sous-sol d’une petite brasserie, et hormis les lumières (apparemment ils ont embauché le même ingénieur lumières que le Void voisin : 1 spot rouge fixe de chaque côté de la scène et basta ! Désolé pour la qualité des photos, du coup…), les conditions d’accueil des groupes sont plutôt sympa, avec notamment une mise en son très correcte pour une salle de cette configuration.
Mais place aux (presque) locaux de l’étape d’ouvrir les hostilités : les limougeots de Mama’s Gun prennent la scène et leurs premiers accords voient la migration du bar attenant vers la zone de concert s’opérer comme par magie. Le trio marque ses premiers points via une mise en place solide : leur signature chez le qualitatif label Klonosphere n’est pas due au hasard. Atypisme réjouissant, le chanteur du groupe est aussi leur batteur, ses deux compères l’épaulant occasionnellement aux chœurs. Le public rentre bien dans leurs compos riches et variées. Même si l’on est encore un peu loin des contrées sablonneuses et fuzzées du stoner comme on l’entend traditionnellement, le heavy blues (occasionnellement saturé) du groupe capte l’intérêt de l’auditoire. Certaines compos apparaissent un peu contrastées voire alambiquées, et quelques arrangements live peut-être perfectibles (quelques leads de guitare au son vraiment maigrelet par exemple), mais la marge de progrès est modeste et le groupe propose une prestation de bon niveau.
Les texans de The Well proposent sur leur généreuse tournée européenne plusieurs arrêts en francophonie, et la perspective de revoir ce groupe – habitué aux divers festivals de la scène musicale qui nous intéresse en Europe – en configuration club nous enchante, et le public aussi apparemment, qui remplit bien la petite salle, malgré la popularité relative du groupe (espérons que ce type de tournée participe à changer la donne). Le début du set est foncièrement low profile : premiers titres plutôt mid-tempo, l’ambiance s’installe plutôt tranquillement. Les repères sont vite trouvés, et en particulier le binôme Lisa / Ian – ce dernier assurant un rôle de frontman « relatif » (chant et guitare) sans jamais faire ombrage à sa partenaire bassiste, qui accompagne une large part des vocaux de groupe pour ce chant « doublé » qui participe à la marque sonore du trio. La bonne ambiance sur scène est au rendez-vous, les sourires bien installés sur les visages des musiciens, et finalement aussi dans le public, qui headbangue et ondule avec entrain.
Petit à petit le set s’installe et la qualité de la musique du combo devient une évidence : sorte de mix de doom old school chargé de rasades de boogie rock texan et de leads fuzzées, leurs riffs plombés et leurs rythmiques implacables font vite la preuve de leur efficacité. Venus défendre leur dernier excellent LP, Death and Consolation, le groupe n’oublie pas son parcours et tape copieusement dans son répertoire le plus ancien, pour le plus grand plaisir des aficionados. Ainsi, des pépites récentes (un super groovy “Raven” par exemple) alternent avec quelques titres issus des deux premiers albums, pour culminer avec un très nerveux “Black Eyed Gods”, en mode accéléré par rapport à la version vinylique. Interprétés un ton plus bas que sur album, certains vieux titres gagnent en épaisseur et en efficacité, à l’image de “Mortal Bones” et son riff mastoc. Le concert se termine sur le ténébreux, heavy et tortueux “Act II” (avec son intro samplée), mais les hurlements du public au sortir de scène auront raison en quelques secondes seulement des texans qui ne rechignent pas à revenir sur scène pour engager un dernier rutilant “I Bring the Light”…
Une fort bonne soirée, avec un groupe qui gagne vraiment à être vu sur des sets plus longs que les sets de 30-40 minutes en festoches que l’on était habitués à voir (et apprécier !).
Le parking du Rocher de Palmer en cet agréable dimanche soir est bien rempli et l’on peut observer un certain « exotisme » dans les plaques d’immatriculation : beaucoup sont venus de loin pour assister à ce plateau de toute beauté, et la date, sise dans la plus grande salle du complexe du Rocher de Palmer, sur les hauteurs de Bordeaux, affiche complet depuis longtemps.
L’excitation est à son comble quand, quelques instants après l’ouverture des portes, Kamchatka monte sur les planches, devant une assistance déjà plutôt bien garnie. Le trio suédois entame bille en tête par le punchy “Blues Science Pt2” avec Per Wiberg au chant (on sait le multi-instrumentiste très doué derrière un clavier ou une basse, on oublie souvent qu’il sait aussi chanter). Pour la plupart c’est surtout Thomas Andersson qui prend le micro, le frontman étant doté d’une voix chaude et puissante. Mais c’est surtout avec son jeu de guitare qu’il met tout le monde d’accord, à la fois inspiré et enflammé, emmenant le blues sur des terrains plus rock (“TV Blues”, “Sing Along Song”), enrobé d’un groove insolent dressé par une section rythmique au diapason de ses impros et solos (superbe “Son of the Sea”). Avant de finir le set, Tobias Strandvik cède son kit aux baguettes expertes de Jean-Paul Gaster, pour que se retrouve constituée sous nos yeux la formation de base de King Hobo (le projet parallèle du trio) qui interprètent le ronflant “Hobo Ride”, l’un des meilleurs titres de leur dernier album, au shuffle particulièrement emballant – on croise toujours les doigts pour que le groupe trouve enfin la possibilité de monter quelques dates ensemble… Un peu moins de trois quarts d’heure auront permis à Kamchatka de se faire connaître auprès d’un large public : une aubaine, certes, mais qui n’est que justice au regard de la qualité discographique du groupe et de son talent, confirmé aujourd’hui encore en live.
L’organisation impeccable de la soirée continue, avec une courte pause avant le tour de Graveyard. On peut se demander avec le recul si la notoriété du groupe ne lui aurait pas permis d’assurer une tournée de taille presque aussi significative en tête d’affiche… ça n’ajoute que plus de poids à ce plateau décidément impressionnant ! En tous les cas, le set du jour n’est pas un concert au rabais, loin s’en faut, même si on aurait aimé qu’il fut plus long. Pour autant, Graveyard a le temps de dérouler une set list plus qu’honorable, où les brulots de blues rock les plus enflammés alternaient avec les mid-tempo fiévreux (“Hard Times Lovin'”…). La voix de Nillson, mise en défaut sur quelques dates de la tournée (suite à maladie), est ce soir impeccable, redoutable de puissance et de chaleur (voir son interprétation fiévreuse de “Uncomfortably Numb”), accompagnant parfaitement ses leads inspirés, comme sur un très bon “The Siren” (les deux premières parties de la soirée avaient décidément pour point commun un frontman aussi doué en chant qu’en lead guitar). Mais Nillson, incontournable frontman, n’est pas entouré de bras cassés, se reposant sur le très doué Jonathan Ramm à la six-cordes pour des soli impeccables, et sur Truls Mörck pour assurer, en sus de lignes de basse solides, des parties de chant efficaces (voir le nerveux “Walk On” en intro), qui ajoutent un peu de variété à un set qui n’en a même pas besoin. Le tableau ne serait pas terminé sans ce “Hisingen Blues” éruptif, toujours de fort belle tenue. Une leçon de maestria et de classe.
Quand Clutch monte sur scène, traditionnellement tandis que la sono balance leur reprise du « Money » de Chuck Brown, la salle est pleine à craquer. On parle de la grande salle du Rocher, une jauge à 1200 personnes, blindée jusque dans les escaliers du fond, d’un public qui n’attend qu’eux, la bave aux lèvres. Sacré contraste quand on repense à leur dernière date en terres girondines, il y a 6 ans, dans une salle qui n’affichait pas complet (sans que le remplissage soit ridicule non plus), dans une ambiance bien plus coincée… L’heure et demie qui s’ensuivra nous permettra de mesurer l’ampleur du gap franchi par le groupe depuis.
A force de les voir se produire en festivals, avec des sets un peu formatés, où l’efficacité doit primer, sur des créneaux assez courts, on avait un peu oublié quel excitant groupe de scène peut être Clutch, en mode complètement libéré – ils nous l’ont rappelé il y a quelques jours en faisant remarquer qu’après les 4 premiers concerts de cette tournée ils avaient déjà joué rien moins que 62 chansons différentes, ce qui en disait long sur la volatilité de la set list… Ils mettront ce principe en application toute la soirée, pour notre plus grand plaisir, à commencer par le vieux mais pas daté “Pure Rock Fury”, ressorti des placards depuis quelques semaines, pour une intro bien punchy à la soirée, confirmée par une sélection de quelques titres plutôt nerveux issus des deux derniers albums. On refait ensuite un petit flashback sur le lancinant “Profits of Doom” et le groovy “Cypress Grove”. Agréable surprise, on retrouve ensuite un bon vieux “Spacegrass”, porté par l’entêtante ligne de basse de Dan Maines, toujours discret en fond de scène mais redoutablement efficace, et évidemment le chant si emblématique de Fallon, qui trouve sur ce titre très “ouvert” toute sa place. Après une poignée de titres récents, on retrouve avec plaisir l’efficace “Regulator”, suivi de leur ré-interprétation du “Evil (is going on)” de Howlin’ Wolf, blues rock fiévreux qui permet à Tim Sult de se lancer dans quelques soli en totale maîtrise.
Un peu plus loin, surprise, Clutch invite sur scène deux potes pour un superbe “Brazenhead” : Per Wiberg pour quelques nappes de claviers bien groovy, et Laurent (A.K.A. Malcom) de The Inspector Cluzo, groupe voisin (le duo est landais) très pote avec Clutch, qui les a emmenés en tournée à plusieurs reprises en Europe et aux USA. Ce dernier balance quelques leaks de guitare bien funky sur ce morceau interprété du coup à trois guitares, et sur la fin duquel s’enchaînent quelques plans jams vraiment sympas. Le concert reprend son cours naturel, quand vient l’heure d’un rappel court mais vigoureux, avec, évidemment, l’incontournable “Electric Worry”, articulé ce soir avec une bien sympa reprise du standard “Fortunate Son” de Creedence (encore une reprise enregistrée récemment par le groupe pour son “The Weathermaker Vault Series”).
Que dire au final après ce set ? On a beau avoir vu le groupe de très nombreuses fois en une vingtaine d’années, être même un peu blasé parfois, sur disque ou sur scène… ce soir ils ont balayé toutes les réserves que l’on pourrait avoir. Le quatuor est musicalement au top, les musiciens sont solides, le choix des titres est à la fois efficace et aventureux, la place laissée aux impros est réjouissante… Une superbe soirée, un trio de groupes remarquable, et une leçon donnée par Clutch.
Paris- 18/11/2019 (L’Alhambra) par Alex.
C’est avec une saveur particulière que nous nous dirigeons vers l’Alhambra ce soir ; de l’excitation bien sûr, mais aussi un peu de tristesse. La tournée Sound of Libération Sonic Ride, annoncée depuis longtemps, souffre de l’abandon de My Sleeping Karma. Après avoir déjà annulé plusieurs festivals cet été, le groupe se voit également dans l’obligation de renoncer à sa pérégrination d’automne pour raison médicale. Un coup dur pour eux comme pour les fans qui, espérons-le, continueront à montrer leur soutien. Côté hexagone, il revient à Glowsun de remplacer MSK pour les trois dates prévues. Flanqués des trios d’Ukrainiens Somali Yacht Club et Stoned Jesus, les français comptent bien se montrer à la hauteur de nos attentes.
Somali Yacht Club
Devant un contingent plus qu’épars en ce début de soirée, Somali Yacht Club grimpe sur scène. Et premier constat, cette dernière se révèle sacrément large, tout comme le reste de la pièce, d’ailleurs. À tel point qu’elle fait apparaître les Ukrainiens comme trois musiciens solitaires, chacun isolé dans son coin. On se rappelle alors que l’Alhambra est un théâtre avec de quoi accueillir quelque 600 spectateurs, une mezzanine, et que son acoustique ne va pas desservir la cause. Le trio ouvre donc sur « Up in the Sky » pour un petit set de quatre titres.
Somali Yacht Club
Mélange entre calme et bonne humeur, ils déroulent sobrement un rock psyché à tendance shoegazing qui rameute peu à peu les foules à l’intérieur. Une fois cette audience attentive, Mez introduit la fameuse « Sightwaster » en précisant ‘Do not do drugs, but if you have some, do it now’, histoire de mettre tout le monde à l’aise. Ce morceau aux multiples visages commence à remuer les corps et d’une manière générale, en dépit d’une basse un poil trop forte au début, le set s’avère très correct. On enchaîne ensuite sur l’album The Sea avec d’abord « 84 Days », pleine de profondeur, puis la superbe « Vero », qui avec ses quasi douze minutes de balade détient (presque) de quoi rassasier une foule en demande croissante.
Glowsun
Si la première partie de soirée rimait avec introspection et sobriété, la suite que propose Glowsun arbore une facette nettement plus énergique. Très peu de chant ici, mais ce n’est apparemment pas nécessaire. Le propos est inscrit dans la puissance du riff, les idées portées par le galop de la basse, les arguments martelés sur les fûts et criés par les cymbales. La rythmique est incisive et ce sont littéralement des mandales auditives qui sont distribuées par les mecs de Lille. Johan ne reste pas en place plus de temps que le requièrent ses interventions sur pédalier, et il n’est pas rare de le voir poser les deux pieds dessus. Ronan de son côté écarte tant les jambes qu’on croyait qu’il franchit une barre de limbo invisible. Quant à Fabrice, dont le choix du T-shirt Powder For Pigeons mérite d’être salué, il grimace sous la transe dont il fait l’objet. Ce savant cocktail nous hypnotise, à l’image de cette perche micro qui, ayant basculé pour se coincer sur un projecteur en rotation, se retrouve à lentement osciller, prisonnière d’un mouvement dont seul le groupe détient le contrôle. Le set défile trop vite et c’est déjà le temps de la dernière. « Arrow of time » arrive comme notre ultime chance de profiter de l’énergie de Glowsun avant que la magie se dissipe. Une chance qu’aucun des zouaves présents dans la salle n’osera laisser passer.
Stoned Jesus
Pour le final de ce lundi, nous accueillons sur scène Stoned Jesus. Un trio qui, comme toujours, est très bien reçu par le public parisien. À son habitude, le frontman Igor Sidorenko chauffe la salle, balance des petites blagues à droite à gauche, nous parle de sa guitare. Pendant ce temps-là, son bassiste peut tenter de régler ses problèmes d’ampli ou de pédalier qui lui valent de crachoter par intermittence dans le caisson ou de ne carrément rien sortir du tout. Malgré ce léger tracas, les badauds ne perdent rien de leur enthousiasme. Et lorsque les premières notes d’« Electric Mistress » retentissent, le pit jusque là très pondéré explose comme un baril de poudre. Avec « Indian », même tarif, le premier rang se retrouve pris en étaux entre la scène et la bande de dégénérés qui s’animent derrière. Ça se jette de partout. Chaque titre, qu’il provienne d’un vieil album ou bien du récent Pilgrims, reçoit un accueil chaleureux. Pas de doute, on a affaire à un public d’initiés, n’en déplaise aux détracteurs du trio. « Black Woods » déchaîne à son tour les passions, puis un « Bright like the Morning » rendant hommage à My Sleepong Karma vient un peu calmer le jeu. Tendance que vient sans surprise inverser l’incontournable « I’m the Mountain » pour le final. Morceau dont la moitié des lyrics raisonnent dans toutes les bouches de l’Alhambra. Question interaction avec le public, on ne peut nier que Stoned Jesus sait faire le taf. Entre les interventions du frontman, son jeu et ses regards échangés sur « Apathy », les slams à répétition du bassiste durant ce rappel, et le fait qu’Igor me pique ma casquette pour la porter sur l’un de ses solos, on en a pour notre argent. La foule s’avère tellement conquise qu’elle en redemande. Bien que l’on connaisse l’astuce désormais, on est content d’assister à un second rappel. Surtout avec la dévastatrice « Here comes the robot » qui achève pour de bon le set avec, comme de rigueur, Igor et Victor slamant sur les premiers rangs.
Stoned Jesus
On le sait, il ne doit pas exister d’exercice plus difficile pour les organisateurs de tournée que celui de remplacer un groupe phare au dernier moment. Et pourtant, si l’on observe un instant les radieux sourires du public sortant de l’Alhambra, on se dit que SOL a tiré le bon numéro.
Rennes – 19/11/2019 (Antipodes MJC) par Sidney.
Même avec une affiche dégradée par la perte des admirables My Sleeping Karma, je reste motivé pour me rendre à Rennes et voir sur scène Somali Yacht Club et Stoned Jesus. Les premiers parce qu’ils me semblent mériter à plus d’un titre le coup d’oreille et d’œil, quant aux seconds parce que je n’ai jamais eu l’occasion de les voir sur scène (aussi bizarre cela puisse-t-il paraître j’ai toujours réussi à être indisponible lorsqu’ils passaient à portée de moi.). Autant vous dire que lorsque Garmonbozia et SOL ont fait savoir que le plateau serait complété par Glowsun, j’en était tout à ma joie. Donc un coup de boogie van plus loin, nous voilà entrant dans l’Antipode MJC une salle de concert respectable du haut de ses 450 places et de sa configuration sans fantaisie architecturale.
Somali Yacht Club
C’est un grand moment de sobriété auquel il nous est donné d’assister alors que Somali Yacht Club monte sur les planches. Le trio se pose plein de concentration et sans effet de emmanchait sonner les premières notes de son set. Impossible dès lors de passer à côté de la console à gauche de la scène et celle au fond de la salle, côté matériel, ça devrait envoyer et la sentence tombe très vite, les jeux de lumières dans les halos de fumées jettent leur jus. Une belle mise en scène qui vient combler le manque d’excentricité du groupe. Coté balance c’est un pur régal, situé devant la scène ou à l’arrière de la salle le public peut jouir d’un travail de haute volée, rien ne semble corrompu, il est même possible de retirer par instant ses bouchons d’oreille sans souffrir (Restons prudent tout de même sur ce point, la limite haute ce soir flirte avec les 102 décibels réglementaires plus d’une fois et il faut pour les petites natures comme moi remettre rapidement ses protection)
C’est donc nanti de l’arme redoutable qu’est l’ingé son du lieu que Somali Yacht Club déverse ses boucles aguicheuses avant de s’orienter sur l’ envoutant “Sightwaster” où le Dub s’invite dans le monde du Stoner. Le public peut s’envoler happé par les halos de lumières aux milieux de volutes de fumée, porté par les sonorités organiques du trio. On retiendra surtout la subtilité de la basse qui arrive à se faire tenue, fondue dans une nappe de chorus, un batteur assuré qui sort du temps et y revient sans aucun effort et un chant qui aura su être aussi mélodieux qu’hurlé quand il le faut.
Le Set passe malheureusement à la vitesse de l’éclair et c’est déjà l’heure de quitter la scène pour les Ukrainiens. Le public aura eu le temps cependant de venir se masser dans la salle, fort à parier qu’il ne sont pas nombreux ceux qui ont demandé le remboursement suite à l’annulation de My Sleeping Karma.
A peine le temps d’une bière et de débriefer sur le premier set qui semble avoir convaincu tout le monde que c’est l’heure de retourner s’accrocher à la scène de l’Antipode MJC.
Glowsun
Si les apparitions de Glowsun sont moins rares que leurs sorties d’albums (Le dernier remonte à 2015) il faut admettre qu’il ne s’agit pas du groupe qui sillonne l’Hexagone tous les quatre matins. C’est donc un réel plaisir que de venir de nouveau prendre les bonnes vibrations que procurent leur musique.
Les Lillois sont accueillis par quelques cris qui laissent supposer que des supporters de choc se trouvent dans la salle. On aura donc pu dès le début du set fonder un bel espoir sur l’énergie qui se dégage de la fosse.
Le trio livre ce qu’il fait de mieux et les riffs de “Arrow of Time” ou de “Behind the Moon” ont de quoi porter l’assistance. Tantôt oriental, tantôt tribal, Glowsun fait péter les riffs les plus métal et les plus efficaces alors que Johan bouge comme possédé. Le public entre pour une part en transe. Sous les coups de boutoir de Fabrice derrière ses fûts. On assiste ce soir à un set rodé où les mélodies font 80% du show, les 20% restants étant sans doute grandement à chercher du côté de la console une fois de plus dont le travail remarquable permet de maintenir la qualité du set précédent
Une fois de plus Glowsun remporte une victoire et convainc par son professionnalisme autant que par son talent. Et même s’il est évident que la salle aurait pu se montrer plus vivace, le trio va laisser derrière lui une bien belle impression.
Alors que débute le dernier set, avec une tête d’affiche d’opportunité j’admets ne pas être dans un état d’esprit des plus ouverts. En effet, je l’ai dit, j’attends depuis assez longtemps de pouvoir me faire un avis sur Stoned Jesus en concert.
Stoned Jesus
Autant vous dire que tout à très vite dégénéré. L’excellence de la balance du début de soirée a été mise à mort et c’est un son terne par rapport à ses prédécesseurs que livre le trio qui attaque son set. Les compositions me semblent fades aprés ce que j’ai pu ressentir avec les deux groupes précédents et alors que doucement je décroche, je me demande s’il est bien légitime que Stoned Jesus ait eu la vedette même accidentellement. L’humour potache qui entrecoupe les morceaux ne parvient pas non plus à me rendre à la fête ni à me faire plus patient.
Je me tourne donc vers le public et je concède que je dois me tromper quelque part, en effet, les spectateurs amassés ce soir sont galvanisés par le show et on sent bien que les 10 ans d’existence de Stoned Jesus les ont bien servis. Ils ont su s’approprier une fan base conséquente et motivée. Alors je me dis que je suis sans doute un peu dur, que les pastilles bluesy que j’arrive à capter de-ci de-là adjointes à une culture pop presque assumée font que non, Stoned Jesus ne fait pas les choses sans habileté mais je trouve dommage qu’un titre du concert serve à revenir sur les démos des débuts, je n’ai réussi qu’a capter la brutalité de la chose et non la beauté brute de l’acte sans doute. Pour autant les gars connaissent le jeu et vont clôturer la fête avec “I’m The Mountain” et “Here Come The Robots” les titres les plus attendus et qui vont encore faire monter d’un cran la température de la salle. Allez, je suis bon prince, je me désincarne pour que vous sachiez ce qu’il en était vraiment et je vais vous traduire ce que j’ai pu entendre au sortir de la salle: “C’était un super concert, une énergie incroyable et un groupe communiant avec son public, un pur régal.”
Pour ma part, je pense partir en retraite dans un grotte et réfléchir à mon manque de gout évident.
Paris – 14/11/2019 (L’Alhambra)
4 ans presque jour pour jour après ce funeste 13 novembre 2015, c’est à quelques centaines de mètres du Bataclan qu’ont lieu les festivités du soir. Direction l’Alhambra, non loin de la place de la République, pour se délecter d’une affiche qui, sur le papier, a tout pour plaire : Kadavar est en représentation en France (et pour plusieurs dates) et a apporté dans son tour-bus Mars Red Sky et Hällas.
L’Alhambra est un théâtre de 700 places assises environ sauf que, bien évidemment, la fosse est debout ce soir. Dès l’entrée, vous avez le choix : soit vous pouvez rester debout à batailler pour bien vous placer au rez-de-chaussée ou vous pouvez monter à l’étage pour poser votre séant, peinard sur de confortables sièges rouge sang. Mon dos m’ayant honteusement lâché quelques jours plus tôt me supplie de le reposer et c’est donc depuis le balcon que je vivrais cette soirée (vous verrez quand vous aurez mon âge, bande de millenials !). La fosse se remplit doucement, la bière coule à flots, les premiers vinyles apparaissent dans les bras et la fumée qui recouvre la fosse se dissipe peu à peu. Des écrans de part et d’autre de la scène déroulent les concerts à venir… Oh putain ! Y a Chimène Badi le lendemain ! On a eu chaud !!!
19h45 : pile à l’heure prévue, Hällas débarque dans la pénombre sans bruit et sans faire réagir le public qui ne les accueille même pas avec un petit applaudissement. Pas grave, les suédois en ont vu d’autres et ils ont une arme irrésistible pour s’attirer l’attention : un truc qui s’appelle « The Astral Seer »… Sauf que l’ingé-son doit être aux toilettes car on a l’impression que le groupe est en acoustique tellement le son est faiblard ! Heureusement, cela va s’améliorer au fil des 5 titres qui composeront leur set. Premier choc pour le néophyte d’Hällas que je suis : la voix, fulgurante et tétanisante, de Tommy Alexandersson. Pour le coup, il a réussi à me foutre les poils… Par contre, je peux aisément comprendre que ce genre d’organe puisse déranger et en rebuter certains mais pour ma part, j’adore ! 3 titres de l’album Excerpts From a Future Past, paru en 2017, seront de la partie ce soir (« The Astral Seer », « The Golden City Of Semyra » et le superbe « Star Rider » qui secouera l’assistance) ainsi que « Tear Of a Traitor », extrait de leur nouvel album à paraître fin janvier. Une belle découverte, saluée comme il se doit par un public qui a apprécié la prestation.
Depuis la sortie de The Task Eternal, les avis sont partagés sur le dernier opus de Mars Red Sky… Il est donc grand temps de découvrir si ces nouveaux morceaux passent l’épreuve du live. Lumière tamisée, écran en fond de scène, nos trois amis girondins s’installent et balancent en guise d’amuse-bouche « The Light Beyond ». Premier constat : le son est juste fantastique, réglé aux petits oignons et la basse de Jimmy fait vibrer les coursives du balcon. La mise en scène moins sombre que celle d’Hällas permet de profiter du spectacle comme il se doit. Et après avoir entendu les nouveaux morceaux en condition réelle (dont « Collector », « The Proving Grounds » et un fabuleux « Crazy Hearth » magnifié par la voix de Julien), il est évident que The Task Eternal est un album qui se vit plus qu’il ne s’écoute. Comme à son habitude, Jimmy n’est pas avare en remerciements ni en petites blagues bien senties (que serait Mars Red Sky sans les intermèdes de Jimmy !), Julien est en grande forme et c’est peu dire que Matt a lui aussi une sacrée patate vu la façon dont il va maltraiter sa batterie ! « Hovering Satellites » (tiré de Stranded In Arcadia) et « Marble Sky » (extrait du premier opus) sont eux-aussi de la partie. Évidemment, c’est sur un « Strong Reflection » à la sensualité bestiale qui concluera un set parfait à tous points de vue : un son énorme, un public en osmose et de nouvelles compositions taillées pour la scène. Bravo les gars !
Quand le barnum Kadavar se déplace, autant vous dire qu’il ne reste que poussière et gravats derrière lui. Kadavar, c’est une force de la nature qui donne l’impression de ne jamais forcer… Et ceux qui les ont déjà vus sur scène vous le diront : les patrons, ce sont eux ! Dès l’installation du groupe, on n’est pas dépaysés : Christoph « Lupus » Lindemann, sa barbe et sa guitare à gauche, Simon « Dragon » Bouteloup, son chapeau et sa basse à droite et au milieu, Christoph « Tiger » Bartelt, sa nouvelle superbe moustache (bye bye la barbe ZZTopienne) et sa batterie bien au centre, presque collée au nez du premier rang.
Une toile tendue représentant la tronche d’un diable prêt à vous bouffer est disposée derrière le trio, les lumières se tamisent et nos 3 allemands foulent la scène de l’Alhambra. Il est alors 21h45 et les premiers accords de « The End » arrivent à nos oreilles. Puis « The Devil’s Master » est balancé sans sommation. Le son est dantesque, les lumières crachent dans tous les sens et l’auditoire balance ses attributs capillaires en cadence. Le côté cinématographique du nouvel album, For The Dead Travel Fast (un album qui divise également), prend ici tout son sens : les musiciens sont magnifiés comme jamais grâce à l’ingé-son et au responsable lumières. « Evil Forces » suit dans la même veine (avec un Lupus qui monte haut dans les tours…), avant un « Into The Wormhole », tiré du controversé Rough Times paru en 2017. Tiger se démène comme un beau diable sur ses fûts et gratifie le public des mimiques et grimaces habituelles. Lupus est comme toujours concentré sur ses riffs et Dragon, fier comme un paon, harangue la foule avec toute la classe qui le caractérise.
Arrive la bonne surprise : « Living In Your Head » suivi du superbe « Black Sun », 2 titres tirés du premier album qui date de 2012. Retour en 2019 avec « Demons In My Mind » avant un passage par Berlin avec « The Old Man ». C’est alors que déboule « Into The Night » qui va avoir un effet dévastateur sur le public : celui-ci se déchaîne alors et toute la fosse est prise d’une envie soudaine de balancer son voisin ! Un spectateur finira même sur la scène (les bras en croix, tenant un vinyle dans chaque main) avant de se laisser tomber dans la foule qui le portera pendant plusieurs minutes. Et ce n’est rien à côté de la version cataclysmique de « Die Baby Die » qui mettra le public en transe. « Long Forgotten Song », qui conclut le dernier opus, met également un terme à la « première partie » du concert avant un long moment à attendre le rappel (plus de 10 minutes quand même !) composé de « Children Of The Night », « All Our Thoughts » et l’incontournable « Come Back Life » qui voit le public ovationner les teutons comme ils le méritent.
Grand, grand moment que cette soirée du 14 novembre 2019 à l’Alhambra qui restera dans les mémoires de ceux qui ont eu la chance d’y participer. Sono, light show, public réceptif, tout était au top. Hällas laisse augurer du meilleur, Mars Red Sky a confirmé (s’il en était encore besoin) qu’ils sont au top du genre dans l’hexagone et Kadavar, qui n’a plus rien à confirmer, s’est montré en patron. Revenez quand vous voulez !
Bordeaux / Bègles – 15/11/2019 (BT59)
Le lendemain, ce plateau de luxe vient envahir les terres girondines, dans une salle un peu oubliée du public rock bordelais : le BT59, qui s’était focalisé sur les musique électroniques et dansantes depuis plusieurs années avant de fermer, a ré-ouvert ses portes il y a quelques semaines avec des ambitions plus diversifiées.
On y entre malheureusement un peu en retard tandis que Hällas a déjà lancé les hostilités. Première excellente surprise : le public est déjà là, en masse, quelques centaines de rockers souriants garnissant bien le vaste cube. On n’attendait pas d’être conquis par Hällas : on savait que les gars allaient encore nous régaler, ce qu’ils font avec la manière. Dans une ambiance scénique plutôt sombre (contrastant avec les light shows suivants), le flamboyant quintette suédois déroule une set list jouissive, dont les super catchy “The Astral Seer” et surtout le suranné mais délicieux “Star Rider” se taillent la part du lion. La flamboyance 70’s du combo convainc le public, qui pour une large part découvre ce soir les cinq scandinaves (n’est-ce pas là le principal intérêt des premières parties, finalement ?).
Ambiance toute particulière puisque Mars Red Sky est ici chez lui en région bordelaise. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils vont se la jouer relax, bien au contraire : le trio entame son set avant l’heure prévue (ça lui permet de caser un titre supplémentaire, beaucoup de groupes devraient s’inspirer de cette heureuse stratégie), sobrement, par un ronflant “The Light Beyond”. Sur plus de 45 minutes de concert, le groupe à la discographie bien garnie doit être sélectif, laissant de côté, évidemment, des titres qu’on aimerait aussi entendre, mais se concentrant sur un set de “basiques”, leur panoplie de titres clés, à l’efficacité garantie sur facture… dont quelques nouveaux morceaux ! La set list est similaire à celle de la veille, et les points forts se trouvent aux mêmes endroits. On notera en particulier l’efficacité des pourtant très jeunes extraits du dernier album, et en particulier le superbe enchaînement “The Proving Grounds” / “Crazy Hearth”, qui ont déjà gagné leurs galons dans la set list de référence du groupe, avec en particulier des lignes vocales remarquables et entêtantes. Le set se finit par un large segment “old school” pour bien équilibrer un concert qui aura ravi un public de connaisseurs.
Le plateau a beau être de qualité, la plus large part du public est venue pour Kadavar. Il faut dire que depuis plusieurs années, le trio berlinois (et un peu français) n’a pas ménagé ses efforts pour arpenter tous les bouts de scène disponibles en Europe et ailleurs, lui permettant de gagner en maîtrise scénique tout en se constituant une solide fan base. La réputation de machine de guerre live précède donc le groupe, et le public (désormais condensé sur le devant de scène) accueille nos champions avec énergie – une énergie qui trouve son pendant sur scène, où nos trois lascars sont chacun au taquet. C’est même le cas de Lupus, généralement plutôt isolé sur scène, qui est ce soir en grande forme, généreux dans ses soli, impeccable dans ses vocaux, et haranguant copieusement un public qui le lui rend bien. De leur côté, Tiger est moins extraverti qu’à l’habitude mais reste une figure clé du groupe, attirant les regards par son jeu très visuel, tandis que Dragon évolue sur son tronçon de scène comme un animal en cage, la mâchoire serrée, proposant des lignes de basse toujours plus structurantes dans la musique du groupe.
La set list est identique à la veille, naviguant aléatoirement dans une désormais copieuse discographie, mais avec toujours ce soucis d’efficacité qui est désormais la marque de fabrique des (franco-)allemands. On ne détaillera pas les points forts (pleins) / points faibles (pas vraiment) du set tant le bilan global du concert est excellent. On peut aimer ou pas Kadavar, on peut exprimer des réserves sur l’un ou l’autre de ses albums, mais il est difficile de les critiquer sur leurs prestations live.
Le bilan de la soirée relève donc du sans-faute : le plateau était alléchant sur le papier, et dans les faits, comme porté par une saine émulation entre ces trois grands groupes européens, il a répondu à toutes nos attentes.
Letthereberock51 (Paris) / Laurent (Bordeaux)
Quoi de mieux à faire en ce 12 novembre, lendemain d’armistice, que de braver le froid pour aller en découdre outre-Quiévrain, à Bruges qui plus est, ville ayant joué un rôle important durant la première guerre mondiale, avec Gozu. 45 minutes de conduite et un passage de frontière plus loin, nous arrivons donc à la MJC de Bruges et sommes accueillis par le Gaff himself tandis que Grotto entame son set.
Le trio instrumental belge, qui porte le même nom que le bassiste de Gozu, va délivrer une performance d’une quarantaine de minutes axée sur des titres très longs. Déjà repéré pour sa prestation au récent DesertFest d’Anvers, Grotto aligne ici les épiques « The 12th Vigil » et « Lantern Of Gius », ce dernier sonnant comme du Rotor sous acide. C’est solide, c’est carré. Bref, nos trois lascars ont fait le job devant un parterre malheureusement encore clairsemé.
Viennent ensuite les Fire Down Below, eux aussi repérés lors de la dernière édition belge du DesertFest. Autre groupe, autre ambiance : exit l’instrumental psych-(é)-pique et bonjour le stoner-fuzzy-rock ‘in your face’. Là aussi c’est carré, c’est solide et ça donne envie d’opiner du chef, notamment sur le fameux « Through Dust and Smoke ». Malheureusement, l’affluence n’est toujours pas énorme à la fin du set du quatuor.
Seule l’arrivée de 3 autocars remplis de furieux stoners doit permettre à la température de monter dans la Venise du nord. Ils n’arriveront jamais… et Gozu monte donc sur scène devant une petite quarantaine de personnes à tout casser (groupes de première partie, personnels du bar et crew members compris !). Triste constat qui n’empêchera pas le groupe d’assurer comme des pros et de balancer la sauce pendant une heure.
Piochant dans les quatre galettes du gang de Boston, la setlist (construite par Joe Grotto durant le set de Fire Down Below) va permettre à Gozu de montrer l’étendue de son immense talent. Après un démarrage avec les lourds et groovys « Big Casino » et « The People vs. Mr. T », les bostoniens embrayent et appuient sur le champignon en délivrant une version survitaminée de « Meth Cowboy ».
Aidé par un Mark Gaffney particulièrement en voix (qui réussira d’ailleurs à nous filer la chair de poule sur le final a cappella de « By Mennen »), Gozu alterne entre rythmique de plomb et riffs assassins, en maîtrisant son sujet de bout en bout.
La soirée s’achèvera de la plus belle des manières avec « Bald Bull », seul titre de The Fury Of a Patient Man, mais laissera malgré tout un goût amer : il est dommage que, malgré les quelques 220 personnes intéressées par l’événement selon Facebook, nous ne soyons qu’une poignée présents dans la salle à être témoin de tant de classe.
Monté en mode complètement DIY, un petit festoche prometteur se tient sur le dernier week-end de ce surchargé mois d’octobre, proposant à la fois une fenêtre “découverte” et une contre-offre par rapport à tous ces festivals et tournées proposant des groupes étrangers. L’objectif du What’s in the Woods festival est de proposer sur 2 jours une poignée de groupes français, dans toutes les variantes du stoner, une vitrine privilégiée sur l’offre musicale hexagonale…
JOUR 1 :
On rejoint donc avec plaisir la salle choisie pour accueillir ces deux jours de festivités, à Bègles, petite ville qui jouxte Bordeaux… Première illustration d’un choix structurant fort intéressant : la liste des groupes sur les 2 jours est connue, mais l’ordre de passage de chaque groupe est une surprise : ceci permet non seulement de mettre tous les groupes à égalité, mais aussi de s’assurer que les petits malins ne feront pas de calculs stupides pour n’assister qu’à l’un ou l’autre des concerts ! Chaque groupe bénéficie donc de la même visibilité (ce qui se confirmera sur le week-end, l’affluence étant similaire sur chaque concert).
STRONGER THAN ARNOLD
La météo très clémente en ce début de soirée incite quelques dizaines de spectateurs à traînasser sur la très agréable terrasse, où le cuistot s’affaire en plein air, et où les bières (locales et peu chères) coulent à flot… Il faut quelques minutes à l’assemblée pour se rassembler dans la salle, à l’appel des premiers gros accords de Stronger Than Arnold. Les quatre limougeauds ont beau traîner leurs guêtres depuis quelques années, leur existence était passée jusqu’ici sous nos radars. Évoluant dans une sorte de gros stoner assez varié (on ne louera jamais assez ces grosses embardées nerveuses efficaces), avec peu de vocaux et un bon travail de complémentarité sur les guitares, le set se passe sans jamais que le spectateur ne s’ennuie, au contraire. Souffrant de quelques problèmes techniques (avec les retours en particuliers), le quatuor prend sur lui et semble apprécier d’être là.
OROTORO
On enchaîne sur un gros morceau : le trio d’Orotoro a beau être un local de l’étape, il a usé pas mal de scènes ces derniers mois, à Bordeaux et ailleurs, et ses derniers sillons vinyliques nous ont plusieurs fois titillé. Et effectivement, il ne faut pas longtemps pour jauger le niveau des trois gaillards : sur scène, c’est du très-très solide. Il faut un peu de temps au set pour se mettre en place, avec des premiers titres mettant notamment en avant la diversité stylistique du groupe, qui emprunte même par moments des sentiers progs bien maîtrisés. Mais très vite, la puissance du combo prend le dessus et, occasionnellement, on est même soufflé par certains plans particulièrement bien vus. Les musiciens disposent d’un bagage technique robuste qui leur permet de toujours être en contrôle de morceaux audacieux, alliant subtilité, déséquilibres et puissance. Belle bête…
WIZARD MUST DIE
L’un des groupes les plus attendus de la journée prend la suite sur la grande scène mise à disposition des groupes. Il va falloir assurer ! On n’est pas trop inquiets : l’album de Wizard Must Die nous a enthousiasmés il y a quelques mois, et les lointains échos de leurs prestations live qui nous sont parvenus étaient plutôt enthousiastes. Les opportunités de les extraire de leurs terres lyonnaises étant manifestement rares, on félicite le festival pour cette excellente initiative. Les gones s’engagent dans l’interprétation des titres de leur album, avec conviction et talent : la variété stylistique de ce dernier est parfaitement exploitée pour rythmer le concert, jamais monotone, tandis que les plans les plus puissants bénéficient du jeu massif des trois musiciens qui ne manquent pas d’énergie dans leur interprétation. “From their Blood”, “Umibe no Kafuka” ou encore “Empty Shell” passent l’épreuve du live à la perfection. L’ambiance est bonne, Flo ne manque pas une occasion de déconner avec le public (tournant en dérision un cassage de corde de sa gratte – que sa technique guitaristique remarquable rendra imperceptible pour la suite du set…). Pour finir d’ambiancer la salle, le groupe propose une dernière saillie avec le nerveux “Logical Math Carnage” sous les applaudissements nourris. Superbe set.
ETHILI
Dernier concert de la soirée, les locaux d’Ethili prennent les planches devant un public qui leur semble acquis d’avance : il faut dire que les bordelais jouent assez régulièrement sur les scènes girondines, et quelques potes sont aussi là pour les supporter. Ayant changé de bassiste il y a quelques mois, le trio est quand même resté dans le même trip / concept : développant une sorte de mythologie décalée, les musiciens se présentent en kilt et en armures constituées de canettes et étiquettes de bières (on les avait même connus avec des casques, ils ont un peu réduit la voilure). Musicalement, Ethili propose un stoner foisonnant, dynamique, difficile à cerner, mais toujours enthousiaste et jamais prise de tête ou trop sérieux. Le public s’amuse tout autant que les musiciens sur scène, qui tiennent bien la baraque. La communication est plutôt cool, les échanges avec la fosse se font conviviaux, et les riffs sont échangés autour de quelques soli bien sentis et pas trop démonstratifs. Une fin de soirée des plus cools, confirmant un bilan complètement positif pour cette première journée du festival.
JOUR 2 :
SPELL SHELTER
Même lieu, même heure, mêmes conditions et même principe : on repart pour la suite (et fin) de ce What’s in the Woods fest en découvrant l’ordre de passage du jour. C’est donc les Spell Shelter qui ouvrent les hostilités aujourd’hui. Le jeune quatuor bordelais, par ailleurs important activiste dans la mise en place du festival, affiche une franche bonne humeur. Pour un groupe aussi récent, la musique de Spell Shelter est solide et sa mise en place live est franchement pas mal. Quelques compos sont un peu en deça (moins efficaces) et le style du groupe se cherche un peu (un registre très vaste, avec sur certains titres un effet un peu “fourre-tout”) mais le concert est franchement cool et satisfait un public que l’on constate déjà plus nombreux que la veille (samedi vs. vendredi), et qui kiffe bien. Les musiciens sont bons voire excellents, et se font plaisir, à l’image de ce dernier titre, saillie quasi-punkoïde lâchée comme un baroud d’honneur.
DJIIN
Durant la courte pause, la salle bruisse de propos élogieux sur Djiin, groupe rennais qui n’avait pas atteint les sélectives esgourdes de votre serviteur. Alors quand le groupe monte sur scène, l’attention (!) est à son comble. Et il ne faut pas longtemps pour que le constat ne s’impose : Djiin, c’est du solide ! Côté mise en place, on est dans la cour des grands : les musiciens sont impeccables, solides, et le set se déroule dans une grande maîtrise. Mais le fond de jeu est pas mal non plus : musicalement Djiin va construire son stoner en tapant dans des registres variés, blues, soul, jazz… Chloe, frontwoman impeccable, à l’aise dans son rôle, illustre en particulier pas mal de ces variations, par ses lignes vocales puissantes et subtiles d’une part (même si jamais dans la démonstration stérile), piochant des les styles sus-cités, mais aussi par l’usage occasionnel d’une harpe, en son naturel ou distordu, selon l’ambiance du titre ! Subtilement encapsulées dans les chansons, ces séquences ne sont jamais artificiellement mises en avant (on n’est pas sur du gimmick foireux). Les autres zicos ne sont pas moins bons, loin s’en faut. Le tout se déroule avec sérieux mais aussi décontraction et un vrai sens de l’animation scénique : Chloé descend dans le public chanter un titre, Tom pose sa gratte pour aller accompagner Allan à la batterie un peu plus tard, etc… Un vrai bon moment live, par un groupe dont il est probable que l’on entende parler à l’avenir s’ils continuent sur leur lancée.
WORMSAND
On part de l’autre côté de l’hexagone avec les mentonnais de Wormsand, trio “faussement récent” puisque émanant des cendres encore chaudes des excellents Clystone. Dès leur montée sur scène, changement de ton radical. Visuel d’abord : le groupe fera baigner son set dans une ambiance verdâtre particulière tout du long (notons pour l’occasion que hormis sur ce set un peu atypique, le light show de tout le fest a été remarquable – malgré un deuxième jour plus “sombre”). Mais la vraie rupture se situe au niveau musical et énergique : en quelques secondes, le groupe se détache de ses “gentils” prédécesseurs par une véritable furie scénique (Clément renversera même son pied de micro en faisant virevolter sa basse dans les premières minutes). Wormsand évolue dans un genre musical assez audacieux, qu’il est difficile de cataloguer (cette preuve d’originalité en soi le distingue d’une large part de groupes), une sorte de sludge sur-vitaminé, avec un son d’une profondeur abyssale, quasi-doom (on pensera même à Bongripper parfois pour ce son de basse qui fait vrombir les tympans pendant le soundcheck). Clément et Julien se partagent le chant de manière très complémentaire (chacun dans son registre) et les voir défendre leur musique sur les planches concourt à faire passer ce set bien trop rapidement. Un très bon moment, qui aura décoiffé un peu les festivaliers, l’affiche du jour proposant des groupes aux genres largement plus “polissés”… Ça fait du bien par où ça passe !
LITTLE JIMI
Tête d’affiche logique du festival au vu de la notoriété (relative qui leur est acquise, Little Jimi monte sur scène en dernier, devant un public constant par son affluence (pas “d’effet tête d’affiche”, ce qui correspond bien à ce que souhaitait l’orga). Les bordelais, qui ont eu l’opportunité de pas mal jouer ces derniers mois, affichent très vite leur maîtrise musicale et instrumentale. Little Jimi, c’est en premier lieu un trio avec deux guitares (pas de basse… même si on détectera des sonorités pas si éloignées sortir occasionnellement de la 6-cordes de Benjamin) qui évoluent dans un rock très teinté 70s, un peu psyché, un peu blues, parfois hard rock… On les a vus il y a quelques mois déchaînés mettre le feu dans un club, on s’imaginait donc une véritable furie, avec dans leurs bagages désormais une expérience scénique autrement plus significative… Mais sur scène, aujourd’hui, c’est plutôt calme. Chacun fait sa part du taf sérieusement (c’est carré de chez carré, tout roule), mais l’ensemble est plutôt austère. Le contraste avec Wormsand est brutal… Benjamin s’adresse au public pour la première fois sur la fin du set, puis annonce leur dernier titre, le très bon “Goodbye Katus”, propice à quelques soli dont le duo a le secret. Du haut niveau musical, mais pas leur date la plus marquante scéniquement…
Il est temps de dire au revoir aux copains, de repasser par les divers stands qui agrémentent le fest (merch, producteurs d’alcool, artistes, disquaire, etc…) pour des dernières emplettes, et de regagner nos pénates avec le ressenti que cette édition du What’s In the Woods ne devrait pas être la dernière : avec beaucoup d’envie, et une série de concepts audacieux mais porteurs, l’orga a positionné ce petit festoche sur la carte des événements hexagonaux avec une vraie audace et une certaine valeur ajoutée bien distinctive. Rien qu’à ce titre, les voir continuer sur cette lancée serait une bonne chose.
Voilà deux ans que Nightstalker n’avait pas foulé le sol de France et il faut croire que la masse des dates dans l’hexagone n’aura laissé qu’une seule chance au groupe pour se produire là. Heureux hasard pour moi, c’est l’asso West Stoner Session qui a saisi l’occasion au vol ajoutant au plateau Hangman’s Blood et Oaks Crown à Nantes. Retour donc pour la seconde fois de la semaine à la Scène Michelet.
Hangman’s Blood
Les gars de Hangman’s Blood sont venus en charentaise, ils sont Nantais, pas la peine d’enfiler autre chose qu’un slip quand on est voisin. Hangman’s Blood (un mélange de Rhum, Gin, Brandy, Porter) aurait pu s’appeler Swamp Water (Rhum, Orange, Curaçao, Lime) tant leur amour du bayou est invasif. Dès les premières mesures, l’influence de Mudweiser et de la NOLA flotte dans l’air et ce n’est pas un hasard, cela colle pile à l’univers des gars. Et s’il n’y a pas encore grand monde pour en recevoir l’odeur de vase, deux morceaux plus tard la salle est quasi pleine de spectateurs venus pour la tête d’affiche mais aussi de copains de Hangman’s Blood.
Le gratteux accroché à sa Dean From Hell (Guitare inspirée de celle de Dimebag Darell) livre des bûches de 40. Le son est trapu et efficace et plus le set avance plus le premier rang joue l’interaction avec des vannes auxquelles Hangman’s Blood prend un malin plaisir à rétorquer. Ce n’est pas qu’à cause de l’orientation des spots en direction du public que la salle s’échauffe, la tessiture de voix qui agit dans les basses vient s’érailler lorsqu’il s’agit de mettre la gomme et le public s’y complait. Le groupe semble inépuisable, il ne perd rien de son énergie et je serais curieux de les voir sur un long format pour savoir si celle-ci reste entière
Finalement à bout de soli farceurs comme une pastille mentholée pour marin et surtout à court de temps, les gars de Hangman’s Blood finissent leur set, le bassiste se prenant à rêver qu’il est la réincarnation de Lemmy et arrose le public avec la tête de son instrument comme s’il tenait une sulfateuse.
Oaks Crown
Les gars de Vannes (et pas de la Vanne hein!) Oaks Crown sont suffisamment bretons pour avoir eu le droit de jouer au Motocultor. Fort de cette programmation ils ont entamé une mini tournée de cinq dates qui les a amenés jusqu’à nous ce soir. Ils viennent offrir leur musique à l’esprit post métal avec des bouts de pleins de trucs dedans. Si l’attitude scénique semble un peu poseuse cela ne fait qu’enrichir le show et accordons ceci à Oaks Crown, ils semblent unis et cohérents dans la façon dont ils se présentent à nous. Nombre de mélodies sont bien trouvées et laissent rêveur. La basse écrase l’assemblée derrière un équipement qui semble minimaliste et le public en redemande, cédant très vite à l’envoûtement.
La musique évolue tout au long du set, elle vient aux limites du screamo notamment grâce au chant du côté du gratteux rappelant celui de Aaron Turner d’Isis. Le bassiste quand il prend le micro vient compléter la puissance du guitariste chanteur. Le trio possède une force faite d’attraction et submerge le public dans une première partie de set, tout du moins. Une césure se produit à mi set, le batteur swing et entraîne avec lui le bassiste ainsi que le public, la migration s’opère vers un style plus Doom sans qu’on sache trop pourquoi et le chemin va se poursuivre à la lisière de terres Sludges. La musique de Oaks Crown est terriblement efficace, les corps dans la salle se cassent en deux et marquent le rythme d’avant en arrière entraînés par la lourdeur des notes. La musique dense et pas toujours digeste pour tout le monde fait perdre une partie du public au groupe mais le plus grand nombre reste accroché au set. Qui tire vers sa fin pour libérer la place à la tête d’affiche tant attendue ce soir.
Il est temps de vous décrire la configuration des lieux pour ceux qui ne connaissent pas la Scène Michelet. L’endroit est un bar. Un rez-de-chaussée avec une cour intérieure où boire son godet et un espace pour le merch en intérieur. Passons la porte pour entrer, face à vous le zinc, a votre droite un escalier. C’est par là que l’on accède au cœur de l’endroit, la salle de concert. L’heure approche, Nighstalker ne devrait plus tarder à finir ses balances et déjà une file se forme devant l’escalier. Bigre! il semblerait que l’on soit venu de loin et que l’envie d’en prendre plein les cages à miel soit vive!
Les quatre comparses de Nightstalker font leur entrée par un escalier derrière la scène, la salle murmure et se met en branle accueillant comme il se doit les patrons de la soirée qui entament un lancinant “Go Get Some”. Alors que Argy en père noël squelettique vient prendre son tour de chant ça commence à remuer dans les rangs. Impossible de ne pas remarquer que le quidam tel un vieux diesel met toujours un peu de temps à démarrer son chant et à en livrer toute la force.
Mais le show se déroule, implacable avec “Baby God Is Dead” qui résonnera jusqu’à l’église Saint Felix toute proche, puis “Zombie Hour” où le chanteur tel un marionnettiste habité par on ne sait quel génie fait de ses mains des gestes envoûtants. La part belle n’est pas nécessairement laissée au dernier album, les gars piochent allègrement dans leur discographie aussi loin que possible avec entre autre un “Trigger Happy” de l’époque Use; très efficace! Indiscutablement, la machine est lancée et c’est une salle en transe qui se soulève sous les coups de boutoir de la batterie qui ce soir prend une importance évidente.
L’humilité des grecs est prenante, ils remercient le public entre chaque morceau, toujours aussi reconnaissants après toutes ces années que le public vienne les voir et se renouvelle. La fin du set est sublime avec un démoniaque “Dead Rock Commandos” qui entraîne les corps et ne les laisse reposer qu’entre les bras d’un “Children of The Sun” et un rappel sur “Great Hallucinations”. Le show se termine sans que le temps n’ait défilé dans les esprits. Je quitte la salle un rien amer de n’avoir pas entendu jouer “For Ever Stone”, tant pis, il faudra que ces Messieurs reviennent pour nous jouer ça et on espère cette fois avant deux ans.
Fin de la visite, on descend l’escalier, on tourne à droite pour faire emplette au merch et remercier les artistes présents ce soir d’avoir fait un job à la hauteur de l’envie du public. Demi-tour, arrêt au bar, le temps de quelques papotages et d’appréciation du concert et il est l’heure de rentrer. Un peu à reculons, admettons-le.
C’est que pour un peu on n’arrêterait pas de courir en ce mois d’octobre. Up In Smoke, Desertfest Belgium, Keep It Low, Monolord, Low Pan, Sleep, Truckfighters, Sunnata, Bongripper. Comme vous le savez, la rédaction n’a pas chômé et était de toutes les parties fines ce mois-ci (Et il n’est pas fini!). Alors quand les Stoned Orgies ont annoncé un plateau 100% Heavy Psych Sounds avec Crypt Trip, High Reeper et Ecstatic Vision on aurait pu faire la fine bouche, mais c’était sans compter la passion, le sens du devoir et la soif insatiable de lourdeurs sonores qui nous anime! sur ce, direction l’incontournable Scène Michelet !
Crypt Trip
Si j’en crois la chronique de mon confrère Laurent, le groupe qui va se produire, Crypt Trip, est de bonne facture, c’est ce que nous allons voir car prennent d’assaut les planches trois texans sur vitaminés. Ils offrent pour chauffer la salle un heavy bien de chez eux. Un de ces son ou se mêlent le rock et l’âme country de l’oncle Sam. La salle déjà pleine de moitié montre qu’il faut compter sur ces gars-là qui déversent sans relâche leur southern rock 70’s. Le paquet est envoyé comme il faut dans la fosse et donne à entendre des compos des albums Rootstock et Haze County. Indéniablement la qualité d’écriture est bien là toujours vivante en live et sans effet de manche. Avec ça, la voie de Ryan Lee est envoûtante même si écrasée par une trop forte dose de basse qui elle, emporte le public. Ce dernier monte en pression et finit par déverser sa joie comme lors de la rupture d’une digue. Le batteur vole au-dessus de son art yeux fermés avalé par l’énorme kit de batterie ivoire et ne quitte sa transe que pour prendre le micro.
J’avoue sans peine que je n’aime pas la musique country ni ce qui s’en approche de trop, ici Crypt Trip a le mérite d’en extraire le côté sympa et entraînant et je ne peut m’empêcher de penser aux frères Duke en version texane. (D’ici à ce que je tombe sur Général Lee en sortant…) “Natural Child”, le titre le plus pesant est paradoxalement celui qui porte le plus le public avec sa ligne de basse minimaliste en boucle qui noie la gratte. Au final les morceaux qui m’auront le plus marqué sont ceux de Rootstock, ceux qui vénèrent la trinité Deep Purple Black Sabbath et Led Zepplin. Les Texans finissent en laminant la salle avec le solo de batterie de “Gotta Get Away” qui mettra tout le monde d’accord, Crypt Trip est bel et bien un groupe taillé pour la scène.
Le temps passe vite et alors que High Reeper attaque son set, c’est la course au premier rang (Oui la salle est petite, donc rang au singulier.). Je regrette immédiatement la position de Shane Trimble le bassiste qui se fait tout petit dans un coin entre le batteur et le guitariste.
High Reeper
Leur doom old school fait penser aux Black Sab bien entendu mais aussi à Pentagram, on joue sur du classique, le doom le vrai! celui qui swing au ralenti et sait pousser l’excitation à son comble lorsqu’il accélère . Le son rond et enveloppant n’altère pas l’agressivité des riffs de High Reepers. Force est de reconnaître qu’on a là un bel exemple de maitrise du classique. La salle qui avait déjà bien monté la jauge vers la fin du set précédent est à présent quasi comble, les Stoned Orgies ont de la bouteille et savent recevoir, cela se sait!
Alors que la chaleur monte, le chant scandé comme sur Obsidian Peaks et que les riffs coups de poing déchirent le velours doom des premier morceaux High Reeper libère toute son agressivité et se montre plus bestial lorsque les titres s’enchaînent. Zach Thomas, le chanteur fait le show, prends les sub d’assaut et domine son public poings en avant pour le galvaniser. Le jeu tabasse dur Bring The Dead, Soul Taker ou encore Barbarian soulèvent le parquet et donc ceux qui s’y trouvent. Ça sent le cuit le suif la transpiration et la bière, ça sent le live et la bonne musique, voilà une fête qui restera en bonne place dans les souvenirs de l’année!
Ecstatic Vision fini à peine ses balances que la salle se remplit de nouveaux, For The Masses qu’ils disaient! L’affluence a encore augmenté. Si on trouve encore de la place cette fois on ne peut plus être totalement libre au dernier rang et grand mal me prend de céder la place que j’occupais au pied de la scène pour prendre du recul.
Ecstatic Vision
Cette petite peine de me retrouver relégué au fond est effacée par la joie de vivre indéniable du chanteur Doug Sabolick tout sourire alors que Kevin Nickles derrière son saxo et sa gratte est hilare . La Basse hypnotique et batterie concentrée jouent la carte de l’expérimentation tout comme lors de l’utilisation du mégaphone pour chanter ou jouer de l’harmonica. Les riffs de sax ne font qu’ajouter à la communion scénique.
Il faut dire que le groupe sait organiser une sauterie, il a apporté ses propres spots et aveugle les premiers rangs d’effets stroboscopiques colorés . Ça sent l’herbe et le décollage en trombe. “Booster mis à feu mon commandant!”. C’est parti pour l’hyperespace et bordel le voyage est dingue épileptique et sans relâche. Les balances assurent la jonction avec une qualité plus que notable. Le set à la pulsation du groupe de Scat Cat des Aristochats les acides compris.
Les rythmes tribaux de “Sage Wisdom” assurent la montée de trip ultime et provoquent des gestes de transe chez certains spectateurs. Même si la radicalité de la prise de parti sonore fait décrocher une (maigre) partie du public l’autre partie ne sortirait pas même pour aller pisser. Alors que tout le monde pense que la clôture en jam session sonne la fin de la soirée avec son déferlement de forces telluriques, la lumière se rallume avant de s’éteindre de nouveau pour un vrai rappel. Les sons extraterrestres de Ecstatic Vision satellisent la salle désagrégée pour moitié juste avant cet ultime morceau inespéré. Généreux et immersif le quartet fait valoir sa qualité festive et rend à la nuit un public heureux.
Les derniers drilles finissent leurs bières au bar, le merch écoule gentiment son stock. Le bonheur est assez palpable en cette fin de soirée. Le constat est sans appel, un concert réussi sous l’égide d’une orga qui encore une fois aura su animer les nuits nantaise en taillant un plateau à la mesure de sa réputation. Merci les Stoned Orgie ce fut bien bon!
De retour au Trix d’Anvers pour le troisième et dernier jour de cette sixième édition du Desertfest version belge. La mainstage nous promet des merveilles et les autres scènes du tout bon aussi, la journée s’annonce donc au moins aussi heavy que la veille, c’est tout ce qu’on demande!
LUCY IN BLUE
Lucy in Blue a l’honneur et la difficile mission d’entamer ce dernier jour sur la Vulture Stage. Autant Bismut la veille nous avait mis les pieds dans le plat directement, autant les islandais nous ont tranquillement permis de finir notre digestion sans trop nous énerver. Vue la liste des groupes prévus aujourd’hui, Lucy in Blue fait un peu bande à part avec son rock psyché/progressif un tantinet trop propre. C’est agréable à écouter, le groupe a un bon feeling mais voilà, on ne va pas dire que nous avons fait là une découverte inoubliable.
SÂVER
Avec Sâver sur la Canyon Stage, on reste dans le nord avec la Norvège mais on change radicalement de style et c’est peu de le dire. Le trio est ici en plein dans sa toute première vraie tournée européenne et pas difficile de se dire qu’ils ont réussi à intéresser le public avec leur doom post metal – je ne sais même pas comment qualifier ça – de haut vol. Bref, si vos potes ont l’habitude de qualifier votre musique favorite de bruit lourd à la limite de l’écoutable, alors allez tout de suite les découvrir ! Heavy as fuck comme disent certains, le groupe a défendu avec brio son excellent premier album, sans aucune concession.
WOLVENNEST
Décidément les trois premiers groupes de l’après midi n’ont rien à voir les uns avec les autres puisque nous voilà en face des belges de Wolvennest et son décorum un peu kitch à mon gout. J’ai du mal à m’y mettre. Je sors de Sâver qui m’a mis une claque sans le moindre artifice sur scène et un éclairage au strict minimum et j’arrive sur la mainstage avec un hôtel de cérémonie en plein milieu de la scène et pas moins de trois guitaristes. Bref, ça ne prend pas avec moi, je n’accroche pas. Mais en toute objectivité, le groupe donne un set bien pro et rodé. Le public semble y trouver son compte. Ajoutons qu’il y a trois ans le groupe faisait la Canyon Stage (la moyenne), aujourd’hui ils ouvrent sur la Desert Stage (la grande). Il y a donc un nombre d’adeptes grandissant pour voir Shazzula et ses compagnons. Un concert qui a ravi les fans j’en suis certain.
THE PROGERIANS
Allez, direction la Canyon pour rester avec des belges particulièrement bien représentés durant ce DesertFest. The Progerians pour qui ne connait pas, c’est un mélange de pas mal d’influences. Si vous avez envie d’y voir du punk, vous en trouverez, vous voulez du sludge, la petite touche est là aussi, une pincée de rock, de doom etc… bref, encore des inclassables. Un mélange qui d’ailleurs prend très bien et un groupe qui maitrise son sujet. La chose très intéressante dans ce groupe, y compris dans sa prestation, c’est que c’est lourd, parfois très lourd mais toujours accessible. On n’a jamais l’impression d’être devant un groupe qui veut construire un mur du son infranchissable pour les oreilles non exercées. Le genre à plaire aux puristes tout en tentant les newbies. Bref, The Progerians a largement de quoi nous satisfaire et c’est largement ce qu’ils font en occupant le moindre espace sonore disponible pour le remplir avec un son puissant mais pas agressif. De la belle œuvre.
VONNIS
Dans une Vulture qui se remplit peu à peu, les Belges de Vonnis proposent un set dans la plus pure tradition crust/blackened/Sludge (si tant est qu’une telle ode à la crasse puisse avoir une quelconque tradition). La formation de Gand est dans son plus simple appareil (guitare/basse/batterie) pour accompagner un chanteur torse nu, recouvert de tatouages qui passera les 45 minutes de leur set à livrer bataille, sur scène comme dans le pit, haranguant provocant, allant chercher centimètre après centimètre, l’estime d’un public qui ne s’attendait peut-être pas à une telle agression si tôt dans la journée. Résultat c’est le guitariste du groupe qui en fait les frais et qui finit le set sur le dos de ce zébulon maléfique. Une prestation aussi solide que chaotique.
LORD DYING
Dans la famille doom/sludge heavy américaine, après Papa Mastodon, maman Baroness et de nombreux enfants plus ou moins viables, je demande le petit dernier, qui fait la joie de Relapse Records avec des albums aussi mélodiques qu’heavy : Lord Dying. Le quatuor (aujourd’hui deux membres permanents et des portes flingues) a vu sa côte grimper comme le mercure un jour de canicule depuis la publication de Mysterium Tremendum en début d’année. C’est donc avec joie et logique que l’on retrouve les imposants américains (surtout Eric Olson qui est tout aussi américain mais encore plus imposant que ses comparses) sur la mainstage pour un set… XXL forcement. Ils sont accompagnés du batteur de Behold The Monolith (que nous vous recommandons chaudement) et d’Alyssa Mocere, désormais Madame Pike au civil (et à la basse donc pour Lord Dying). Leur set impressionne une salle plutôt bien remplie et « Envy The End », le single de leur dernier album en date fait mouche, malgré des passages complexes (et un petit recours à une bande enregistrée, si si on vous a vu). Un très bon moment.
MONKEY3
C’est peu dire que les Suisses étaient attendus. Dans une mainstage absolument blindée, les plus floydiens (du Pink Floyd sera joué lors des balances) des musiciens de la scène européenne dévoilent une ambiance impressionnante, faites de lumières profondes et de deux points luminescents, reprenant le logo de Sphere, leur dernier album en date, publié en avril dernier. Ils en tireront la plupart des morceaux de leur set, emportant l’ensemble de la salle dans un trip cosmique, dont le point d’orgue sera « Prism » à l’incroyable crescendo. L’un des concerts du fest.
EYEHATEGOD
Pères incontestés du sludge, véritables caïds du metal, EyeHateGod est monté sur scène avec la dérision et le je m’enfoutisme qu’on leur connaît, d’autant plus après avoir été échaudé par quelques « where is Jimmy Bower ? » émanant de la fosse. Le Bower en question s’étant fait lourder après un fâcheux incident à l’aéroport Charles De Gaulle en septembre (incident impliquant la sécurité de l’avion devant amener le groupe à Tel-Aviv), c’est Brian Patton, leur ancien second gratteux, en bon soldat, qui est revenu tenir la 6 cordes dans le gang. Visiblement ravi d’être de retour, il fait preuve d’une vraie complicité avec Mike Williams et lorsque ce dernier demande avec malice quel groupe joue après eux, Patton se fait un plaisir de troller l’assistance en balançant le riff de « Dragonaut ». Le chanteur, en grande forme et en voix, se moque, charrie, provoque (lançant « Sisterfucker part 1 » par un « vous semblez tous avoir baisé votre sœur » ou annonçant 3 chansons d’affilées comme étant les dernières du set) et obtient l’adhésion de la moitié des spectateurs tout en provoquant le départ de l’autre moitié. Côté musique leur son est monstrueux, aussi massif que nécessaire et le concert, dans cette ambiance délétère juste ce qu’il faut, est un moment absolument truculent. EyeHateGod toujours délivre, comme on dit aux states.
SLEEP
Sleep est de toute évidence la plus grosse attente du festival et nous sommes quelques parisiens à attendre avec impatience ce grand rendez-vous, convaincus que la mainstage du Trix et le son qu’elle développe siérait bien plus à la performance du trio que le Bataclan deux semaines auparavant. Et nous ne fûmes en aucun cas déçus. Dès la (longue) intro, reprenant la retranscription radio des premiers pas de l’homme sur la lune, terminée, Matt Pike (que l’on a vu trainer au bord de la mainstage toute la journée), Al Cisneros et Jason Roeder investissent les lieux et balancent « Marijuanaut’s Theme » en pâture à une fosse déjà enfumée. Le son est puissant, implique l’estomac à l’évènement et l’expérience est déjà, en quelques riffs, plus concluante que le concert à Paris. Plus de la moitié du set est alloué au dernier (et parfait) album du groupe, The Sciences et l’on peut regretter que sur la tournée « Dopesmoker » n’a jamais été joué (même pas un riff, un petit quelque chose). Mais les moments forts sont légion, et c’est avec un plaisir total que les spectateurs accueillent les jams de « The Botanist » et bien sur l’énorme « Dragonaut » en fin de set. Un concert dantesque.
BLACK PYRAMID
Drôle d’affaires que celles de Black Pyramid qui se présente en tournée avec un line up dont il ne subsiste plus personne du line up précédent et des derniers albums. C’est un groupe tout neuf (quoi que fait de revenants) qui se présente sur la Canyon, histoire de clore le festival. Bien sûr de nombreux spectateurs ont déjà quitté les lieux mais la salle est tout de même correctement remplie et le groupe déroule son heavy/doom écrasant, foisonnant de riffs, présentant (il me semble) deux nouveaux morceaux et emportant tous les suffrages avec le classique et imparable « Visions of Gehenna ». Un concert très solide avant de baisser le rideau d’une édition qui aura présenté tout de même un certain nombre de groupes de grande qualité.
Et voilà, toutes les bons choses ont une fin comme le dit l’adage. Ce Desertfest 2019 nous a donné beaucoup de bons concerts et quelques bonnes découvertes, exactement ce que l’on demande d’un festival. Il ne reste plus qu’à attendre quelques mois avant de retrouver la franchise Desertfest à Londres, Berlin et bien sur Anvers. La machine est désormais bien rodée et c’est devenu au fil des éditions un incontournable, et c’est largement mérité.
Iro22, Shinkibo
(Photos : Shinkibo)
En 2019, les festivals stoner et affiliés sont légion en Europe, et, si rien ne semble poindre en France, les Desertfest, Red Smoke, Stone From The Underground et autres Up In Smoke continuent à exercer sur nous autres fans du genre une attraction presque cosmique, comme autant de satellites fuzzés en orbite autour d’un hexagone prêt à lâcher ses hordes de français aux portes des salles annonçant du « lent, lourd et psychédélique ». Desert-Rock s’évertue, comme toujours, à vous faire vivre un maximum de ses sensations embuées par le truchement de live report. Voici donc deux des trois jours du Desertfest Anvers.
Impossible pour les deux amateurs de sons gras envoyés sur place de se libérer pour le vendredi et c’est la mort dans l’âme qu’on loupe en particulier l’enchainement Truckfighters/Nebula. Ces derniers ayant, d’après les échos qui nous sont arrivés, clairement sorti leur épingle du jeu.
Comme depuis la première édition, c’est le Trix d’Anvers (Antwerp pour les locaux) qui accueille les festivités. Un lieu qui regroupe deux salles (420 et 1 110 de capacités annoncées) et le bar dans lequel est bricolé une troisième scène (Vulture Stage, 180 de capacité bien serrés…) pour accueillir les plus petits groupes.
Passer d’une scène à l’autre vous prendra deux minutes, c’est vraiment un des points forts du lieu. L’inconvénient c’est une capacité forcément limitée et donc un sold-out toujours assez rapide des tickets, en particulier les pass 3 jours. Toujours sur les lieux, un espace vert à l’extérieur, très convivial, regroupe différentes caravanes proposant de quoi se nourrir et s’hydrater. On ajoute un espace merchandising à l’intérieur du bâtiment et on a la configuration parfaite pour un festival à taille humaine loin des grosses machines de l’été.
BISMUT
Samedi, 15h précise, les hollandais de Bismut entament donc cette deuxième journée et c’est déjà la première bonne grosse claque. Trio instrumental des plus classiques où une section basse/batterie à toute épreuve accompagne un guitariste qui attire les regards. Sauf que ce groupe a un petit truc en plus. Prolongement naturel de ses mains, la guitare du frontman vous sort des sons divins et les compositions sont riches et variées. Pas plus de quelques secondes pour se dire qu’on est en face d’un groupe qui, s’il continue comme cela, ne fera plus l’ouverture du samedi sur la petite scène mais aura une bonne place sur une des deux autres scènes. Le ton est donné, Bismut emballe la foule des curieux venus au plus tôt, ce qui s’avère être une très bonne idée.
ADMIRAL SIR CLOUDESLEY SHOVELL
Les hostilités sont lancées sur la Canyon Stage par l’un des groupes au nom le plus galère à prononcer encore en activité, Admiral Sir Cloudesley Shovell, trio anglais plutôt habitué des lieux puisqu’ils étaient tout simplement déjà présents à l’affiche l’année passée. Il y a deux façons de juger leur musique : soit vous êtes amateurs de musiciens carrés et pro, qui font leur travail avec dévotion et respect, vous passerez alors un moment plus que moyen ; soit vous aimez l’ambiance chaotique, le son brouillon mais le rock’n’roll toutes brides lâchées et alors la bande de trois pocherons vous feront passer un joli après-midi. Nous sommes de la trempe des seconds et nous nous régalons des tubes enfilés comme des nouilles sur un collier de fête des mères (« Do It Now » « Hairy Brain part 2 ») et sautillons joyeusement avec le public (à part ceux qui ont fui, naturellement). Toi qui aimes les musiques qui déclenchent des bastons, sache qu’il est bien possible que le riff de « Robot Colossus » t’habite pendant longtemps (pardon pour cela).
FIREBALL MINISTRY
On enchaine avec le premier groupe foulant la scène principale, la Desert Stage. Piochant majoritairement dans l’album The Second Great Awakening, les américains de Fireball Ministry nous délivrent une solide prestation, très énergique. Sourires sur les visages durant tout le set, les quatre membres sont visiblement bien contents d’être là et même s’ils font l’ouverture de la grande scène, ils ne s’économisent pas et enchainent les titres pour le plus grand bonheur du public. On sent bien qu’une bonne partie est venue pour voir le mythe qu’est Scott Reeder et son côté de la scène regroupe une foule plus dense (et des smartphones sortis plus nombreux). Mais c’est bien le groupe au complet qui mérite les applaudissements nourris qui ponctuent chacun de leurs titres. Une prestation très convaincante pour une de leurs rares dates européennes à se mettre sous la dent.
CHURCH OF MISERY
On reste sur la Mainstage pour l’une des grosses attentes de la journée, les japonais de Church Of Misery qui, à défaut d’avoir un nouvel album à présenter, se font un plaisir d’enchainer les pépites de leur déjà généreuse discographie. En ouvrant leur set par « El Padrino », le groupe déclare la guerre à la fosse et passera 50 minutes à nous assener des banderilles doom aux relents 70’s, avec renfort de thérémine et riffs aussi velus que la sangle de Tatsu Mikami est basse (qu’est-ce Tatsu les genoux ? Ta basse. Ne me remerciez pas). Notons que le chanteur actuel du groupe – Hiroyuki Tagano – a un petit quelque chose d’un Robert Lowe nippon, avec ses yeux révulsés et sa présence un poil chamanique (la police, woup woup). Garanties sur fractures, « Born To Raise Hell », « Brother Bishop », et toutes les joyeusetés attendues sont au rendez et si la set list apparaît finalement sans surprise, elle est idéale en configuration festival (ce qu’on leur pardonnera donc sans sushi).
ELEPHANT TREE
Un rapide tour dans les hauteurs de la Canyon nous permettra de constater que 1/ monter des escaliers c’est chiant et que 2/ Elephant Tree fait un carton devant un public massif et émerveillé, appréciant l’humour anglais des musiciens autant que leur musique, ayant beaucoup de Kyuss en elle mais aussi pas mal de Pink Floyd. Nous dirons pudiquement ici que de tous les copycats stoner des rois du desert nous avons ici affaire à l’un des plus talentueux faussaires de sa génération pour ne pas froisser les amateurs du groupe tout en justifiant que nous ayons décanillé après à peine deux morceaux, l’ennui plein les yeux et les oreilles, pour se placer en première ligne pour la venue d’un groupe original et rare, dont le concert est à venir sur la mainstage.
BONGRIPPER
(Don’t Fear The) Bongripper était l’une des principales raisons de notre venue, la tournée européenne du groupe évitant soigneusement la France cet automne (« Hellfest en juin ? » étant souvent la question qui survient dans ce genre de cas) et il va sans dire que chaque venue de Bongripper doit être célébrée comme l’évènement qu’elle est. C’est que le quatuor de Chicago est un modèle de micro entreprise à succès : un personnel fidèle, un produit maitrisé de la conception à la vente et une qualité renouvelée à chaque nouvelle fournée ; prenez ça les grosses entreprises du doom 40 ! En trois titres, du hit de Terminal « Slow » jusqu’au cultissime « Endless » en passant par l’irrésistible « Satan », Bongripper aura mis la salle à genoux, le public en transe et livré une prestation aussi heavy que la plus heavy de tes copines. Des patrons, tout simplement.
STEAK
Les anglais de Steak ont parcouru bien du chemin depuis leurs débuts et ont le droit maintenant à la Canyon Stage sur un créneau de début de soirée assez porteur. Les curieux d’il y a quelques années sont en partie remplacés par des fans attendant impatiemment leur groupe favori. Le groupe est hyper efficace en live balançant des titres pêchus issus de leur discographie complète. Le public est très réactif et tout le monde s’entend sur l’objectif commun, prendre du plaisir. Impossible malheureusement de rester jusqu’au bout car Pelican s’annonce sur la grande scène et vu la densité de la foule pour Bongripper, mieux vaut prendre un peu d’avance.
PELICAN
Qui ne connait pas Pelican et les découvre lors de ce concert se prend une claque monumentale. Qui connait Pelican et y va en connaissance de cause se prend une claque monumentale. Tout est dit. Pelican s’est carré, c’est pro, c’est impeccablement joué. Puissance et maîtrise, deux qualificatifs indissociables de ce quatuor. Les américains piochent dans leurs deux derniers albums, privilégiant le dernier, et enchainent les titres tous plus puissant les uns que les autres. Quelques mots d’introduction et de remerciements mais pas plus, on n’est pas là pour causer, on est là pour vous en donner plein les oreilles et c’est très exactement ce que fait le groupe. Certains qui ne voulaient pas louper Lo-Pan font la concession de rester jusqu’au bout. On maudira ce chevauchement mais tant pis, Pelican met le feu sur la Desert Stage, ça se savoure jusqu’au bout !
LO-PAN
Vite vite vers la Vulture Stage pour profiter au maximum de Lo-Pan. Voilà ce qui semble être la seule bizarrerie de programmation de ce festival. Lo-Pan, si rare en Europe (2019 fait exception), sur la plus petite scène chevauchant Pelican et Dopelord. La foule est bien présente, ça déborde même sur le côté bar et derrière les portes. Faut dire que le groupe envoie sévère et la machine à riffs régale le public. Les quatre sont tellement dans leur truc qu’au moment de s’arrêter, l’un des gars sur le côté leurs dit « il vous reste dix minutes ». Parfait, « vous en voulez une autre ? » et le public de crier que bien sûr, se prendre une dose de son bien gras, bien rock, ils sont là pour ça ! Lo-Pan aurait peut-être bien mérité une scène plus grande mais d’un autre côté, on ne voudrait pas être à la place des organisateurs et du casse-tête que représente les choix de programmation. Lo-Pan a fait un paquet d’heureux avec un set énergique et authentique. De bon gros rock comme on l’aime.
TY SEGALL AND THE FREEDOM BAND
Ty Segall est donc la tête d’affiche de ce samedi. Un choix qui peut surprendre mais la Desert Stage est copieusement remplie pour accueillir The Freedom Band et son leader. Le groupe n’y va pas par quatre chemins et balance un set énergique dès les premières notes. C’est fort, peut-être trop, et ça cherche à en mettre plein les oreilles. Un peu de mal à accrocher mais le public semble y trouver son compte. Le choix s’avère donc payant pour clôturer cette deuxième journée.
Laissons nos oreilles se reposer quelques heures avant de remettre ça pour un dimanche qui, sur le papier, nous annonce du bon, du très bon, du mythique. Les quelques heures de repos bien méritées pour tout le monde ne seront pas de trop. Cette journée du samedi sous le soleil du désert anversois était au top. Lieu, organisation, public et bien sur les groupes : le big 4 d’un festival réussi.
[A SUIVRE…]
Iro22, Shinkibo
(Photos : Shinkibo)
Non content de nous avoir régalé la semaine précédente dans l’antre du Gibus, Below The Sun remet le couvert ce jeudi 17 octobre avec une programmation pas piquet des hannetons. En premier lieu les Portugais de Vircator armés de leurs space rock psyché, puis de la grosse doomerie avec les Ricains Yatra et les superbes Sunnata venus de Pologne. Tout ce petit monde réuni dans le sous-sol intime de l’International pour quelques heures de balade auditive.
Vircator
Le quatuor portugais Vircator se présente devant un parterre de convives pas beaucoup plus nombreux qu’eux. Mais confiant de la suite des événements, il débute avec « Yarrow » ; titre issu du dernier album Arcano sur lequel se centre le choix du set pour la soirée. Ici, les micros ne servent qu’à l’interaction avec le public, car aucun chant ne perturbe les obscures ambiances lancinantes dans lesquelles nous plonge le groupe. Les quatre gaillards officient avec assurance, envoyant tantôt les gros riffs de « Burdock », tantôt les phrasés éthérés de la céleste « Mandrake », le tout porté par une batterie robuste qui maintient toute la structure du bazar d’une poigne de fer. Attirés par cette sirène ténébreuse, les badauds rappliquent de l’étage pour s’enfoncer dans la caverne. Ainsi, ils sont de plus en plus nombreux à hocher la tête devant les humbles et non moins sympathiques Portugais qui les gratifient en retour de quelques timides sourires. A la fin de leur prestation, le sous-sol s’avère plein.
Yatra
Petit interlude pour profiter de l’happy hour puis on y retourne. Premier constat tandis que les balances de Yatra sont ajustées, le batteur Sean Lafferty n’est pas là pour enfiler des perles. Et tandis qu’il martyrise ses fûts avec des roulements aussi techniques que puissants, je me dis que ça augure de bonnes perspectives. De son côté, avec sa stature de géant et ses tatouages faisant office de T-shirt, monsieur Helmuth en impose tout autant. Quant à la Maria Geisbert dissimulée derrière ses mèches de cheveux, elle n’est discrète que sans sa basse. Devant une foule au rendez-vous et énergisée, le trio from Maryland balance la purée. Une essence heavy métal et doom qui oblige Sean à régulièrement changer de baguette et à replacer sa grosse caisse tant celle-ci tente de s’échapper sous le traitement qu’elle subit. Côté chant, la tessiture d’Helmuth évoque un train en plein freinage sur des rails endommagés ; une patte graveleuse et braillarde qui rappelle sans mal Dopethrone et son aspect démoniaque. Les paroles sont plus parlées que chantées, un peu à la Sleep, là où les riffs évoquent davantage du Electric Wizzard. Un mélange qui ne manque guère de satisfaire un public en demande. Les Américains enchaînent les titres presque sans pause et terminent leur show en sueur par une accolade fraternelle éclaboussée de bière.
Sunnata
Ils se font attendre les patrons de la soirée. Alors qu’un parterre impatient de stonehead trépigne, les quatre Polonais installent encore leur attirail. Et quel attirail pour Sunnata… Rien moins que lumières, fumigènes, ventilateurs, et trois pédaliers n’ayant rien à envier à un transformateur EDF. Ça se baisse, ça branche, ça débranche et enfin ça teste. Puis, surviennent les inévitables soucis techniques : « on ne m’entend pas ! », « j’ai pas de retour », « cette pédale ne donne rien », etc. (bon, je ne touche pas une bille en Polonais, mais j’imagine qu’on navigue dans ces eaux-là). L’attente se prolonge, et même lorsque tout semble au poil, il faut encore patienter que le groupe reviennent en tenue de scène. Toutefois, en dépit des délais, l’humeur se maintient, chacun des zouaves concentré sur la gifle auditive qu’il s’apprête à prendre. Un coup d’envoi qui frappe avec « Lucid dream », morceau d’ouverture du génial album de 2018 intitulé Outland, et dont la majorité des pistes sont piochées ce soir. Maintenant vêtus de leurs robes noires de cérémonie, les quatre officiants nous baignent dans leur doom tribal à l’empreinte caractéristique ; un flot de delay et de reverb aux accents mystiques d’un autre temps qu’il nous ait donné de contempler l’espace d’un instant au travers de mélodies ciselées et d’arrangements judicieux : « Long gone ». Là-dessus se posent les chants monolithiques des deux frontman, mélodieux, aériens et d’une redoutable puissance. « Outland » et « Ascender » se succèdent et on constate que Sunnata c’est avant tout une machine impeccable, un engin bien huilé où le travail du son se révèle le fer de lance des ouvriers en charge de son fonctionnement. On ne peut hélas en apprécier toute la beauté dans une si modeste salle, mais on en appréhende quand même la dimension.
C’est le doublé gagnant pour Below The Sun qui, peu importe les salles, grandes ou petites, assoit encore un peu plus son emprise sur la programmation parisienne dans le style stoner doom, tout en sachant conserver une grande diversité dans ses choix de groupe. Une initiative qui, une fois revenu dans le monde réel, la fraîcheur de l’automne se substituant à l’étuve du sous-sol, mérite d’être saluée.
C’est au tour de Garmonbozia de frapper en ce mois d’octobre. Un coup fort en la personne des illustres Truckfighters accompagnés pour cette tournée survoltée de Swan Valley Heights. Une nouvelle occasion de secouer le Petit Bain qui affiche complet ce mercredi soir aux allures de weekend anticipé. Dès 19 h, le merch est littéralement dévalisé alors que les t-shirts à l’effigie du groupe sont déjà légion parmi les spectateurs. Y’a pas de doute, ce soir ça va envoyer.
Swan Valley Heights
On commence pourtant en douceur avec Swan Valley Heights, le trio originaire de Munich et Berlin qui vient défendre son dernier album signé chez Fuzzorama Record (comme par hasard). Une pièce que nous avons eu plaisir à écouter il y a un mois de cela et qui brille tout autant sur scène. En dépit d’un pédalier de guitare qui refuse d’obtempérer dès le premier morceau, forçant la basse et la batterie à meubler au mieux en attendant, le stoner psyché aux ascendances fuzzées et space rock prends sans difficulté. On se sent de suite baigné dans cet univers sophistiqué mais vaste, sans oppression, libre de hocher la tête en appréciant tant les riffs puissants, la voix claire et spectrale, que les phrasés délicats et mystérieux qui les précédent. Sur « Heavy Seed », le quatrième et dernier morceau du set, les toms sont même frappés avec paumes de mains et non baguettes. Un morceau qui par son écriture et sa longueur évoque assez facilement Colour Haze ou Mother Engine, tout comme « Teeth & Waves ». Pour leur tout premier concert en France, les Allemands reçoivent un accueil chaleureux de la part du Petit Bain. Succès rendu également possible par l’ambiance émanant de la scène ; une brume éthérée qui baigne les musiciens de mystère, puis des jeux de lumière qui, grâce à leur teinte spatiale et leurs mouvements délicats, apportent un vrai plus à la proposition de Swan Valley Heights.
Truckfighters
Nous ne quitterons pas le devant de la scène trop longtemps, sous risque de voir un spot prisé disparaître sous les hordes qui s’amassent pour accueillir Truckfighters. Inutile de répéter à quel point le trio est attendu en cette soirée. Tandis qu’ « Altered State » attise cette convoitise, invitant les plus impatients à scander des appels, c’est le rouge qui occupe la scène. Puis enfin, l’équipe débarque. Dango n’a pas lâché un riff qu’il jette déjà son T-shirt dans la foule. Ensuite, avec un « A. Zapruder » dévastateur, ils font exploser le pit comme une caisse de nitroglycérine. Pour cette tournée axée sur le génialissime Gravity X, les Suédois ont choisi d’en jouer les pistes dans le sens opposé à celui de l’album. Histoire de finir par vous-savez-laquelle. Mais au regard de l’humeur des zouaves dans la salle, ça pourrait tout aussi bien être autre chose. Chaque intro reçoit un accueil où l’excitation la dispute à la joie d’en entendre les premiers accords. Les têtes se secouent sans discontinuité, les pogos animent le centre d’une fosse qui grimpe en température. Toutefois, cette énergie ne semble en rien rivaliser avec celle qui jaillit de sous les projecteurs. Si Ozo maintient son poste devant le micro, envoyant lignes de basse et de chant aussi impeccables les unes que les autres, l’énergumène à sa droite ne tient pas en place. Quand il ne saute pas en l’air, ne s’agite pas devant son ampli ou ne joue pas sa guitare derrière la tête, il vient arroser de sa sueur déperlante les assoiffés du premier rang, ou fait carrément le tour de la salle, ses doigts toujours à décrocher gros riffs fuzzés et soli frénétiques. Le tout provoque une marée d’émoi dont les tremblements qui en résultent nous rappellent qu’on se tient tous dans un bateau, et qu’il a de la chance d’être bien amarré. Avec un brin de naïveté, on pourrait s’imaginer un répit avec « Subfloor » et « Superfunk ». Hélas, même si c’était vrai, les « The Deal » et « Freewhelin’ » qui suivent ramènent tout le monde à l’ordre du jour. Dans cette tornade explosive, on décèle quelques petites erreurs, notamment dans les finish des morceaux qui frôlent par moment l’impro. À un autre niveau, il faut aussi reculer pour entendre décemment la voix ; malédiction qui ne cesse de sévir dans les salles parisiennes. Bémol que Truckfighters contourne en laissant son public chanter à sa place. Lorsque la fameuse « Desert Cruiser » est introduite, c’est tout le Petit Bain qui crie. Et contrairement à ce qu’ils nous hurlent dans les oreilles, on constate que s’il existe bien une équipe qui ne semble jamais à court d’essence, c’est bien le trio suédois.
Truckfighters
À bien des égards, il paraît difficile de quitter le bateau sans sentir son cœur rempli d’allégresse. Le merch ressemble à une Fnac en fin de Black friday, la fosse est moite de bière et de sueur, le bar encore blindé, et tout semble constituer une norme louée proche de la félicité. La tournée de Truckfighters bat son plein, et accompagnés de Swan Valley Heights, ils promettent de faire encore beaucoup d’heureux.
Bongripper est rare sur scène en Europe – et commencer un article par un bon gros euphémisme ne fait jamais de mal, dit-on… 1 date en 2018 (en Finlande), 4 en 2017, 6 en 2016, 1 en 2015… On continue ? Du coup, les voir en live réclame des efforts, notamment celui de traverser quelques frontières pour aller observer la bête dans son véritable biotope : la scène…
Journal de bord “Bongripper on tour” – Jour 1 :
Milan (Slaughter Club, Italie) – 11/10/2019 (avec Satori Junk + Burning Gloom)
On rejoint le Slaughter Club en milieu de soirée, dans un quartier industriel pas vraiment aussi glamour qu’on aurait pu l’espérer (la salle est en fait à quelques kilomètres du centre de Milan). Mais peu nous chaut, on est là pour la musique. Satori Junk entame les hostilités, dans une ambiance plutôt calme… La salle, de belle capacité, est à peine un quart remplie d’un public discret. Le quatuor milanais a pour but de chauffer le public, et ne manque pas d’énergie déployée dans ce but, mais musicalement, c’est difficile : les musiciens sont carrés, ça joue bien, mais le paysage musical est un peu barré. Se revendiquant de l’acid horror doom (!) le combo local propose une musique bariolée, très portée par son clavier, qui se lance parfois dans des plans complètement saugrenus (des passages jazzy smooth limite piano bar), et quelques instants plus tard ils lâchent une embardée de gros stoner doom qui remet le groupe dans les clous… Étonnant à défaut d’emballant.
Vient le tour de Burning Gloom, un nouveau groupe… quoi que ! En fait, il s’agit de la nouvelle incarnation de My Home On Trees, groupe que l’on avait déjà vu en live et entendu sur album ! Même pas de changement amer de musicien ou de deal foireux avec un label, tous les zicos sont toujours là et le groupe est en forme ! Ce qui a changé ? L’intro sur le très Kyussien “Nightmares” (écoutez cette ligne de guitare…) est trompeuse : le stoner classique a cédé la place à un propos plus rude et plus metal, clairement plus sombre. Laura, la chanteuse, représente toujours l’un des atouts qui démarque le groupe, avec des lignes vocales profondes et variées, plus hargneuses désormais. Notons qu’elle sera accompagnée de Celestial Ivy, une chanteuse invitée sur le titre “Modern Prometheus”, sur lequel les deux vocalistes se renvoient les lignes de chant, un passage sympa… parmi d’autres ! Car le set, durant lequel ils jouent 90% du nouvel album, tient bien la route et nous rapproche (un peu) des maîtres de la soirée…
Ils sont là, les maestro du doom, Bongripper… et malheureusement, la salle n’est pas remplie ! Il faut dire que la capacité du complexe est un peu trop grande, signe soit que Milan manque de salles, soit que l’organisateur espérait que cette première date italienne dans la carrière du groupe rameuterait les troupes (dans un pays où le remplissage des salles de concert est aussi problématique qu’en France, par exemple…). Quoi qu’il en soit, les quatre américains montent dans une nappe de fumée, discrets, et lancent le traditionnel feedback introductif de leurs sets… Au bout de quelques minutes de concentration forcée, la montée en régime de “Hail” est engagée, et les premiers riffs nous écrasent littéralement : s’ils le jouent en entier (spoiler : c’est ce qu’ils feront) on va avoir du mal à s’en sortir indemnes. Le son est colossal au 1er rang (les amplis en pleine face) et le mix est perfectible dans la salle (le son de batterie est trop poussé). Mais on chipote : tout le monde prend aussi cher. Ce concert a beau être le premier de cette série d’une dizaine de dates, les gars sont rodés, et la machine de destruction tourne à la perfection : chacun connaît son rôle, les interactions sont toutes précisément établies, les regards sont partagés, mais aucun mot n’est JAMAIS prononcé. Le titre d’intro du nouvel album, “Slow” (bon, OK, la moitié du nouvel album) est alors engagée sur la base d’une boucle sonore lancée ad lib par Nick et avec un plan de batterie de Daniel O’Connor ralenti (un comble), laborieux et malsain. La petite demi-heure du morceau passe, avec ses coups de boutoir alternant avec ses transitions superbes, ses riffs massue et ses plans quasi atmosphériques… Étouffant.
Puis “Endless”, désormais incontournable de leurs set lists, vient prendre le relais pour encore presque 20 minutes de déluge sonore organisé. Clairement moins déboussolés que leur public, victime consentante, les gars concluent le set sur le final cacophonique du titre, synchronisant leurs feedback respectifs pour un arrêt net, dernier acte de brutalité d’un set qui n’en manquait pas. On est soufflés, on repart hébétés et heureux… et on en demande encore !
Journal de bord “Bongripper on tour” – Jour 2 :
12/10/2019 au Keep it Low festival (Munich, Allemagne)
Voir chronique ici.
Journal de bord “Bongripper on tour” – Jour 3 :
13/10/2019 (avec Telepathy) à Leipzig (UT Connewitz, Allemagne)
Après une fin de journée quasi-estivale à Leipzig, on rejoint le quartier très sympa et animé de Connewitz, où se trouve la salle. En rentrant, on est soufflés : le lieu propose des volumes énormes, et une scène impressionnante, avec colonnes et portique emblématiques d’un bâtiment de la Rome antique, carrément ! Le lieu, insoupçonnable de l’extérieur (on y rentre par une vulgaire porte d’immeuble) est en fait un théâtre de plus d’un siècle, l’un des plus anciens de la ville.
La “théâtralité” du lieu est tangible dès les premières notes de Telepathy : le quatuor anglais (et polonais), qui partage quatre dates de cette tournée de Bongripper, évolue dans une ambiance vaguement ténébreuse, dans une atmosphère très fumeuse (on verra assez rarement le pauvre Richard Powley, perdu dans la brume sur son côté droit de la scène), avec un éclairage dramatique très bien étudié pour mettre en valeur le lieu. Musicalement, le groupe complète plutôt bien une affiche bicéphale avec les maîtres du doom : Telepathy propose un post-metal très lourd et nerveux, porté par des plages ambiantes pesantes et des assauts guitaristiques puissants. Complètement instrumental (le groupe n’utilisera son micro que pour balancer deux ou trois phrases à l’attention du public…) le groupe fait montre d’une grosse assurance scénique et d’une set list riche en titres bien plombés. L’énergie déployée finit d’emporter le pompon, et on se dit qu’on devra garder un œil sur ce combo atypique mais qui en a sous la pédale…
Quand arrive Bongripper, la salle est blindée : on peut y circuler, mais il y a du monde partout (ah, le public allemand laisse songeur…). Après trois dates, on n’a plus de surprise sur le comportement scénique du quatuor, même si justement, par nature, on est à l’opposé de toute scénographie : conceptuellement, Bongripper dédie tous ses efforts au son, la présence scénique n’est vraiment pas dans ses priorités, malgré encore une fois une salle qui se prête à un superbe spectacle. Du coup, chaque seconde du set vient remplir le spectre sonore, soit par des délires bruitistes plus ou moins structurés, soit en jouant sur les potards de leurs amplis ou leurs pédales d’effets (pédales qu’ils manipulent parfois comme des instruments à part entière).
Aujourd’hui c’est le heavy (oui, désolé) “Worship” qui introduit les hostilités du jour pour un petit quart d’heure de riffs assénés en pleine face à la vitesse d’un pachyderme apathique. Comme toujours, Dennis à gauche, tourné vers ses collègues, est le moins dynamique, concentré sur son manche et son son (et la puissance de ce qui sort de ce discret guitariste est au delà de l’imaginable). Nick et Ron sont plus énergiques, et leur jeu hypnotise. Il faut voir en particulier Ron faire claquer les cordes clairement sous-accordées de sa basse pour chaque coup de médiator… Quant à Daniel derrière son kit, discret, il emmène ses potes dans des compos complexes, riches et élaborées, sans jamais se perdre en route (le piège est grand d’accélérer le propos, voire l’inverse). Bref, la prestation physique “a minima” cache en réalité une maîtrise musicale et instrumentale de tous les instants. Côté set list, s’ensuivent les dévastateurs “Slow” et “Endless” évidemment, pour finir de constituer plus d’une heure d’un set éprouvant, étouffant, mais libérateur…
On interrompt sur cette date notre petite tournée Bongripper avec le sourire jusqu’aux oreilles, le cou douloureux, et une petite boule au ventre en se demandant quand le groupe reviendra sur nos terres…
Difficile de rater le Keep It Low cette année au vu de l’affiche de haute volée… Malheureusement, impossible d’assister au 1er jour du festival munichois pour des raisons de… priorité. Décidément, après avoir raté le 1er jour du Up in Smoke, on apparaît coutumier du fait… Mais trêve de pleurnicheries, concentrons-nous sur cette seconde journée et sa liste de groupes incroyable. On gagne le complexe Feierwerk de Munich sous un soleil radieux, le temps de se poser un peu dans le beergarten et papoter avec les copains, en contemplant la perspective de la première bière…
DESERT STORM
Mais le devoir nous appelle, sous la forme du set de Desert Storm qui lance les hostilités du jour dans la salle Kranhalle, la seconde en terme de capacité dans ce complexe de trois salles, mais pas beaucoup plus petite que la salle principale. Quoi qu’il en soit le quatuor rentre dans le vif du sujet et s’engage das un set de gros stoner / metal bien nerveux. Plutôt une bonne idée au final que ce choix musical dans la prog du jour : il fallait bien ça pour nous extirper de l’accueillante torpeur quasi-estivale qui baignait le beergarten pour s’engouffrer dans cette salle obscure… Niveau scénique on retrouve le Desert Storm que l’on connaissait sur les planches, avec un peu plus de maturité (ce dont il ne manquait pourtant pas) : l’interprétation est solide, l’énergie est là, les musiciens sont bien dedans et vendent bien leurs morceaux. On n’est pas en face du groupe le plus original du genre ni de la journée, mais on a une entame de qualité.
INSTRUMENT
On retraverse le Beergarten (décidément un point central de la journée au coeur du complexe) pour rejoindre la petite salle Orange, un peu isolée, mais plutôt bien foutue. On y retrouve le trio Instrument, inconnus de votre serviteur jusque là. Bon, on ne va pas vous mentir : on n’est pas restés longtemps. Le psyche-rock (pop ?) du groupe est gentillet et pas désagréable, et devient même plutôt intéressant quand les gars s’emballent un peu. Mais les vocaux trop doux et les rythmiques très soft ont du mal à nous tenir jusqu’à la fin. Notons que la salle est plutôt pas mal remplie en revanche ! On est passés à côté…
STEAK
Les anglais de Steak enchaînent, dans la salle moyenne encore. Même réflexion que le week-end précédent au Up in Smoke : on imaginait les retrouver plus tard sur l’affiche. En effet, sur scène, c’est du solide : section rythmique solide, interprétation au cordeau… Les anglais gratifient même le public d’un titre inédit, un mid-tempo plutôt accrocheur. Après, ça reste Steak, ça ne révolutionne pas le genre, les compos ne sont pas les plus transcendantes… Mais c’est du bon niveau, et il va falloir maintenant qu’ils trouvent les clés pour franchir ce plafond de verre (ça peut passer par plus de présence live). A noter que le groupe commence 5 min plus tard et termine 5 min plus tôt : sur un créneau aussi court, c’est potentiellement une ou deux chansons de plus…
BLACK PYRAMID
Première incursion du jour dans la Hansa39, la plus grande salle du complexe, pour aller voir Black Pyramid. Une expérience un peu irréelle dans l’absolu : les dernières fois que l’on a vu le trio américain, le line-up était différent… COMPLETEMENT différent ! Aucun musicien de l’incarnation précédente ne figure dans la formation actuelle, plus proche du line-up originel (modulo le batteur). Musicalement, Black Pyramid a toujours été un groupe intéressant, toujours passé à côté de son potentiel, largement à cause de ses problèmes de “personnel”. La prestation live est impeccable, les gars sont acérés et les riffs tombent comme des coups de hache par le furieux Beresky, bien en appui sur une rythmique en béton armé. Disposant d’un nombre conséquent de compos de haute volée, que les premiers rangs connaissent par cœur, les 50 minutes de set défilent finalement bien vites. Très bon set !
SWAN VALLEY HEIGHTS
Avec un certain enthousiasme on rejoint la petite salle Orange pour aller retrouver les partenaires de tournée et de label de Truckfighters. Le trio, souriant et dynamique, s’engage dans un début de set cool, mêlant plans psyche, kraut, et stoner plus traditionnel : sur quelques mesures, on passe de passages jazzy ou prog à du psyche rentre-dedans bien charpenté. Des breaks, des structures biscornues, des rythmes variés… Est-ce le contraste avec le set costaud et direct de Black Pyramid juste avant, ou l’appel d’une bière fraîche au soleil ? Toujours est-il que le groupe a du mal à capter sur la longueur l’attention d’une large part du public. Pourtant ils ne déméritent pas : l’interprétation est impeccable et inspirée, les titres sont sympa et variés… mais parfois ça passe pas. C’était un de ces jours.
ELEPHANT TREE
Le quatuor anglais prend place sur la scène de la Kranhalle, dans un salle fort bien remplie. Vus une semaine plus tôt, on n’est pas surpris du spectacle : musiciens talentueux, à l’aise, souriants, compos variées et toujours aussi excitantes, tous les ingrédients sont réunis pour passer un bon moment, et c’est exactement ce qui se passe. Ça commence par “Dawn”, qui propose une bonne part des éléments caractéristiques du combo : soli incisifs ou aériens, nappes de claviers bien senties, basse groovy et ronflante,… Ne manquant jamais une occasion de blaguer ou communiquer avec le public, Peter envoie un bonjour à leurs partenaires de tournée, Lo-Pan et Steak (“good drinkers” apparemment, ce qui semble un bon critère d’affinité…). Le set déroule avec aisance sur scène, et le facteur plaisir dans le public est au top. Un grand groupe de scène décidément.
NEBULA
Le facteur surprise en a pris un coup : on a vu la semaine dernière Nebula au Up in Smoke et on a pu jauger le niveau du groupe, en excellente forme. Confirmation cet après-midi sur la “main stage” du Feierwerk, sans Tom Davies à la basse encore une fois, pour rappel absent sur toute la tournée car retenu à Los Angeles (remplacé par le technicien guitare du groupe). Ce dernier fait parfaitement le job et semble même plutôt à l’aise, et aguerri au jeu de scène. Mais ne nous leurrons pas, c’est Eddie Glass qui mène la barque, et attire tous les regards. Et il a une recette magique pour l’aider, avec une set list impeccable, qui commence par le stellaire classique “To the Center” enchaîné au nerveux “Do it Now”, qui donnent le ton. Plus encore que la semaine dernière, le trio va faire briller sa rutilante discographie, quitte à mettre de côté les meilleurs titres de son récent dernier album (quelques extraits néanmoins) : un gros “Fall of Icarus”, les fiévreux “Aphrodite” et “Freedom”, un punchy “Giant”… le vertige ! Eddie est au taquet, impeccable au chant et, bien sûr, en lead, interagissant avec le public en face et… sur le côté ! Et oui, la scène du Hansa39 a ça de spéciale qu’elle est ouverte sur son côté droit, laissant un pan du public profiter du profil des musiciens ! Le groupe se laisse lui-même emballer dans ce set débridé, déborde de 10 minutes bien tassées, et est prêt à se lancer dans un nouveau titre, quand ils s’aperçoivent qu’ils ont peut-être un peu trop tiré sur la corde… On en aurait bien repris une heure ou deux de plus nous !
RUFF MAJIK
Difficile après ce set un peu fou de rejoindre la plus confidentielle salle Orange pour aller y voir les sud-africains de Ruff Majik. Logiquement rares sur scène, le trio traîne une solide réputation live, et l’on comprend vite pourquoi. Sans artifice (détail anecdotique rigolo : alors que côté effets de guitare les pédaliers de tous les groupes du jour ressemblent à des tableaux de bord d’avions de lignes, celui de Johni Holliday est juste un boîtier avec un bouton type “on/off” au bout d’un fil…), mais droit à l’essentiel, le groupe s’embarque dans un set énergique de psyche assez nerveux. Musicalement, ça virevolte entre des rythmiques plutôt rapides et des tempi plus moyens, le tout étant largement baigné par une rythmique très efficace, et en particulier un groove de basse impeccable. Holliday, en frontman aguerri, assume ses leads au même titre que ses vocaux, sans faillir – même si sa voix un peu stridente peut user un peu sur le long terme. Quoi qu’il en soit, difficile de monopoliser l’attention d’une part du public avec encore des étoiles de Nebula dans les yeux, et d’autre part en attente de Lo-Pan, raison pour laquelle Ruff Majik ne remplit pas la petite salle, même si leur set bien sympa capte un public d’amateurs avertis.
LO-PAN
Troisième fois que l’on voit Lo-Pan sur cette tournée, autant dire qu’on n’est pas trop inquiet, on sait qu’on va prendre notre pied. On ne va pas en faire des tonnes, ce set reprenait peu ou prou les mêmes caractéristiques que les précédents : un groupe qui prend la scène le couteau entre les dents, une rythmique redoutable, un guitariste d’une efficacité désarmante, et un chanteur au feeling incroyable qui fait de Lo-Pan un groupe “différent”. Une part du public semble découvrir les américains, qui viennent finir de remplir une Kranhalle bien remplie ! Bref, le set est encore une fois impeccable d’efficacité et les américains cartonnent, si bien que tout le monde est un peu déçus quand on les voit quitter la scène un peu plus tôt que l’horaire prévu. On aurait pas craché sur un titre de plus…
TRUCKFIGHTERS
Truckfighters est décidément un groupe qui ne rend personne indifférent : ils prêtent le flanc depuis plusieurs années à tout un pan du public stoner qui en disent pis que pendre (en dépit de toute rationalité parfois : Dango saute trop sur scène ? Leur musique est pauvre ? Ils ont trop de succès ?…), tout en voyant les rangs de leurs fans grossir de plus en plus et leur statut monter en fonction. Par ailleurs, cette tournée les voit remettre le couvert en mode « reformation » suite à un split de plusieurs mois, dont on n’était pas sûr qu’ils ressortiraient. On gagne donc la scène principale en se demandant à quelle sauce on va être mangé. Devant le public un grand rideau imprimé dissimule la scène, rideau qui tombe à la seconde du premier riff (10 min en retard sur l’horaire quand même) pour découvrir une paire de musiciens baignant dans une subtile fumée (dissimulant complètement le batteur) et un ensemble de spots puissants posés au sol, générant des flash en mode stroboscopique, le tout apportant une vraie intensité visuelle à la scénographie. Nos deux musiciens sont comme toujours bien excités (et oui, Dango saute dans tous les sens, désolé), mais surtout… le public est en feu ! Chauffé à blanc, la fosse est blindée et surexcitée ! Bien attisée par Dango qui va les haranguer à l’envie, le pit réagit au quart de tour, pogos, headbang, etc… Et donc, voilà, le constat se dessine très vite : Truckfighters peut faire l’objet de moults critiques, mais ce qu’ils ont provoqué aujourd’hui, personne n’a été capable de le faire à moitié, c’est aussi honorable qu’inattaquable. Généreux, solides, honnêtes, professionnels, leur posture désarme le moindre contre-argumentaire. Côté set list, votre serviteur n’aura pas pu assister à tout le concert (Ecstatic Vision oblige) pour le valider, mais le groupe semble s’employer à jouer la totalité de Gravity-X, son classique. A noter qu’il semble que leur ancien batteur (l’un de leurs anciens batteurs pour être correct) Poncho soit en charge des futs, le même Poncho qui les avait quitté pour aller garnir les effectifs de Blues Pills (et donc au chômage technique). Bref, un set qui aura laissé des traces, sans discussion possible.
ECSTATIC VISION
Alors que la foule est massée devant la grande scène en train de se faire baffer par Truckfighters, et qu’une autre part se prépare à encaisser le set de Bongripper, Ecstatic Vision se prépare à faire le meilleur usage de ce créneau horaire « sandwich » un peu ingrat, en particulier sur la petite et isolée scène Orange. Un public d’aficionados se prépare néanmoins à les accueillir dignement, et c’est – encore une fois – avec un professionnalisme, un sérieux et une efficacité bluffantes que le quatuor prend tout le monde par surprise. « Hello, we’re Ecstatic Vision from Philly. Do you like smooth jazz ? » lance Doug en laissant Kevin proposer quelques notes de saxo, hilare. Mais c’est sur du classique Ecstatic Vision qu’ils lancent les hostilités, sous la forme d’un déluge de groove lancinant et dynamique, une base de riffs répété à l’envie pendant presque dix minutes en mode kraut-rock boogie, emballant le public en moins de 10 secondes dans une frénésie irrésistible, sous des salves ininterrompues de stroboscopes entre hystérie et hypnotisme. Les gars passent du sax à la guitare, de la guitare au chant (avec ou sans mégaphone), rajoutent de l’harmonica, des effets… Mais le tout se fond dans une sorte de gigue groovy psychédélique enivrante et joviale. Impossible de discuter set list, les concerts se chevauchant, il était impossible d’assister à l’entièreté du concert, mais autant vous dire que ce fut un crève-cœur que de quitter la salle en milieu de set… Mais quel groupe de scène !
BONGRIPPER
Autant le dire tout de suite, Bongripper fait un peu tâche sur cette affiche qui fait la part belle au psyche/stoner de toutes engeances. Mais cet audacieux choix de programmation s’avère payant à plus d’un titre. D’abord, parce que ça attire du monde : la salle est blindée et se masse 10 minutes avant devant la scène de la Kranhalle. Ensuite, stylistiquement, Bongripper, c’est à la fois la contre-programmation (à cheval avec Colour Haze – qui commence un peu plus tard – c’est un peu la Belle et la Bête du stoner, Dr. Jekyll & Mister Hyde…) et à la fois un gros pavé dans la mare, pour apporter un peu de poil et de gras à cette affiche un peu trop glabre. Dans tous les cas tu gagnes… et nous en premier ! Le quatuor étasunien prend les planches sans artifice, comme d’hab. Sur une base de feedback qui végète quelques minutes tout seul dans son coin, les gars se lancent dans le riff de “Worship” pour la première série de headbangs – première d’une série annonciatrice de pas mal de rendez-vous chez le chiropracteur. Ron toujours au centre vit son truc à fond et fait vrombir sa basse en faisant claquer des cordes si lâches qu’on dirait des fils élastiques. Dennis, la force tranquille, est toujours concentré dans son coin tandis que Nick enchaîne headbangs et leads dévastatrices. Chacun fait sa part du job pour rendre hommage aux compos épiques et massives ; ils évoluent tous de manière complémentaire, et se retrouvent en harmonie à chaque fois qu’un riff de 38 tonnes pointe le bout du nez, pour mieux asséner le coup fatal à vos cervicales. Le son des instruments, bien aidé de cette véritable science du pedalboard, est juste hallucinant de lourdeur, chaque coup de grosse caisse semble accompagné d’un déluge de bitume. S’ensuivent rien moins que “Slow”, la première moitié du dernier album, jouée en entier, et le prophétique autant qu’ironique (au vu du contexte) “Endless” avant de terminer le set dans le même feedback qu’il a commencé. 3 titres, pour plus d’une heure de messe doom, le compte est là. Plus qu’une démonstration, plus qu’une claque, Bongripper a trépané le Keep it Low, et personne n’en ressort tout à fait comme il est venu…
COLOUR HAZE
Du coup, ne nous voilons pas la face, il est assez difficile de traverser le complexe et de rejoindre le set plutôt bon enfant et relax de Colour Haze. Pourtant, la bande à Stefan est redoutablement en place, et accueillante. Désormais en format quatuor de manière stable (avec l’apport de Jan Faszbender en membre à part entière du groupe aux claviers) le groupe joue ce soir dans son statut bien particulier au Keep it Low, quelque part entre groupe invité et hôte ! En effet ils jouent tous les ans sur les mêmes planches, devant “leur” public, étant donné qu’ils sont munichois eux-mêmes… La salle est un peu moins remplie que pour Truckfighters (Bongripper oblige / fin de soirée oblige/ appel du Beergarten oblige…) mais bien tassée néanmoins, d’un public jovial et qui déguste chaque solo de Stefan Koglek, le guitariste aux pieds nus. Niveau jeu de scène, difficile de faire plus rigide et statique, mais ce n’est pas une critique : l’intérêt du groupe est à trouver ailleurs, dans un autre niveau de perception, dans ce stoner très infusé et fuzzé, emballant, rythmé, propice aux jams sous maîtrise d’œuvre guitaristique, servi par un quatuor de musiciens surdoués mais jamais démonstratifs… Clairement, ce sont les champions du genre, le mètre-étalon de la performance jam, le porte étendard du fuzz psyche… La prestation est planifiée pour durer 2h… mais on sait le groupe coutumier des sets sans fin, et on se dit que cet horaire de fin risque d’être emplafonné, or nos petits corps fourbus et notre pauvre cortex cérébral en pièces suite au set de Bongripper ont bien besoin de repos…
On s’éclipse donc du Feierwerk dans la nuit, dans une température presque estivale, et on regagne nos pénates des étoiles plein les yeux… Cette affiche incroyable s’est enchaînée tout l’après-midi sans nous laisser respirer, mais on aura pu goûter à tout… et on en aurait même repris un peu parfois ! Maudits overlaps… On a apprécié ce festival à l’ambiance très sympa, entre amical et familial, où tout le monde se croise et se retrouve, fatalement, dans ce super agréable Beergarten. Quand en plus l’affiche est de ce niveau, on peut être sûr que l’on y reviendra…
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